III. LE RENFORCEMENT DE L'ASSOCIATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À LA PRODUCTION NORMATIVE
En 1976, le rapport de la commission de développement des responsabilités locales présidées par Olivier Guichard soulignait que « l'Etat, les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale ont tous trois pour mission de rendre aux Français des services. Les trois familles de fonctions collectives ont pour trait commun d'être financées par l'argent public, par des prélèvements obligatoires, impôts, cotisations, opérés sur la richesse nationale. Or, on ne peut répartir et redistribuer que ce qui a été produit. La situation financière de chacune des trois fonctions collectives est donc obligatoirement liée à celle des deux autres et au prélèvement total demandé à la nation - contribuable » .
Dans le cadre de son effort de maîtrise des dépenses publiques et de rationalisation des politiques publiques, le gouvernement a souhaité que les collectivités territoriales soient pleinement associées à la conduite des réformes engagées, conformément aux préconisations formulées par le rapport élaboré par M. Michel Pébereau en décembre 2005 8 ( * ) . De nouvelles structures de dialogue ont été mises en place afin d'encourager et d'encadrer la participation des collectivités territoriales aux réformes mises en oeuvre.
A. LE RENFORCEMENT DU DIALOGUE ENTRE L'ETAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
De la simple association à l'évaluation des charges transférées dans le cadre de la décentralisation, le dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales a évolué afin d'accroître la participation de ces dernières au pilotage des réformes engagées.
1. De l'association des collectivités locales à l'évaluation des charges...
a) Le Comité des finances locales
Créé par la loi du 3 janvier 1979, le Comité des finances locales (CFL) a pour mission la défense des intérêts des collectivités locales sur le plan financier et l'harmonisation des points de vue entre collectivités territoriales et Etat. Il est composé de représentants des deux assemblées parlementaires, des collectivités territoriales et de l'Etat.
Le CFL exerce ainsi un triple rôle :
- pouvoir de décision et de contrôle pour la répartition des principaux concours financiers de l'Etat aux collectivités locales ;
- consultation obligatoire pour tous les décrets à caractère financier intéressant les collectivités locales ; en outre, le gouvernement peut recueillir son avis sur tout projet de loi ou d'amendement concernant les finances locales ;
- rôle de concertation et de proposition : le CFL a débattu des grandes réformes en cours en matière d'intercommunalité, de comptabilité ou encore de révision des bases cadastrales.
b) La commission consultative sur l'évaluation des charges
La commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) a été créée par l'article 94 de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat. L'article 118 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a modifié sa composition et son rôle. Celle-ci est aujourd'hui une formation restreinte du CFL.
Désormais, pour chaque transfert de compétences, la CCEC réunit de façon paritaire des représentants de l'Etat et de la catégorie de collectivités territoriales concernée par le transfert. Pour l'examen de questions intéressant l'ensemble des catégories de collectivités, notamment celles relatives aux modalités d'évaluation des accroissements ou diminutions de charges, la commission siège en formation plénière.
La mission principale de la CCEC consiste à contrôler la compensation financière allouée en contrepartie des transferts de compétences . En donnant son avis sur les projets d'arrêtés interministériels fixant le montant de cette compensation pour chacune des collectivités territoriales concernées, la CCEC veille ainsi à l'exacte adéquation entre les charges et les ressources transférées.
En outre, la CCEC participe à la définition des modalités d'évaluation des accroissements et diminutions de charges résultant des transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales. Elle peut également être consultée par le ministre de l'intérieur ou le ministre du budget en cas de contestation des collectivités.
Dans son rapport d'activité 2005-2007, consacré essentiellement à l'évaluation des transferts de compétences opérés dans le cadre de la loi du 13 août 2004, la CCEC, présidée par M. Philippe Auberger, a pu constater le respect par l'Etat de ses obligations légales et l'exact transfert des moyens consacrés par l'Etat, avant la décentralisation, à la compétence transférée . La commission a également constaté qu'à la demande des élus, le gouvernement avait à plusieurs reprises accepté de déroger à la loi du 13 août 2004 dont l'article 119 dispose que « le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées par la présente loi est égal à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences » : le gouvernement a ainsi, dans certains cas, accepté une solution plus favorable adossant le droit à compensation à la dépense de l'Etat au cours de la dernière année précédant le transfert. Au total, par rapport au droit à compensation théorique calculé sur la base de l'article 119 de la loi du 13 août 2004, la commission évalue l'effort supplémentaire réalisé par le gouvernement à 157,727 millions d'euros.
2. ... à la rénovation du dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales
Le constat réalisé par la CCEC du respect par l'Etat de ses obligations légales en matière de compensations de charges contraste avec la persistance des contestations émanant de certains élus locaux.
Pour notre collègue Alain Lambert 9 ( * ) , « il faut en finir avec un débat récurrent qui confine au dialogue de sourds. Il est vérifié que les collectivités ont amélioré le service sur les compétences transférées (remise à niveau des bâtiments scolaires, routes, TER, etc.) et que l'Etat leur a confié des dépenses structurellement en hausse (vieillissement, handicap), sans capacité suffisante de contrôle par les payeurs (allocations de solidarité, formation professionnelle, etc.). Mais il demeure également que, dans la plupart des politiques locales, l'absence de coûts standard, de comparaison systématique entre les modes de gestion (régie ou délégation), des choix techniques parfois onéreux s'ajoutent à des effets d'offre de qualité supplémentaire pour accroître la dépense » .
Dès lors, la nécessité d'améliorer la concertation entre l'Etat et les collectivités territoriales a motivé la création, le 4 octobre 2007, d'une Conférence nationale des exécutifs (CNE).
Cette nouvelle instance, qui réunit le Premier ministre, les ministres principalement concernés par les collectivités territoriales, les présidents des trois grandes associations d'élus locaux (AMF, ADF et ARF) 10 ( * ) , le président du comité des finances locales et le président du conseil supérieur de la fonction publique territoriale, se veut le lieu de concertation au plus haut niveau entre le gouvernement et les exécutifs des collectivités territoriales, dans la perspective des réformes à venir , notamment, dans les domaines des finances publiques, de la fonction publique ou de l'environnement. Dans un contexte de réforme en profondeur des politiques publiques, la CNE répond à la nécessité d'un partenariat étroit entre le gouvernement et les responsables des collectivités locales, dans un esprit de responsabilité partagée.
Ainsi, lors de la réunion de la CNE du 10 juillet 2008, de nombreux points de convergence ont été trouvés entre le gouvernement et les élus locaux sur la question de la réforme de la fiscalité locale :
- accord sur le constat : le système fiscal local est complexe, obsolète et inadapté aux besoins locaux ;
- accord également sur la nécessité de mener une réflexion d'ensemble, en abordant la modernisation des valeurs locatives, la question de la taxe professionnelle et la spécialisation des impôts locaux ;
- accord enfin sur les conditions de la réforme et les objectifs poursuivis : garantir les ressources des collectivités territoriales et leur autonomie financière, sans pour autant augmenter les prélèvements obligatoires, aller vers un système fiscal local plus moderne, plus juste pour les contribuables et moins pénalisant pour l'économie nationale.
* 8 Des finances publiques au service de notre avenir. Rompre avec la facilité de la dette publique pour renforcer notre croissance économique et notre cohésion sociale, 14 décembre 2005.
* 9 « Les relations entre l'Etat et les collectivités locales », rapport du groupe de travail présidé par Alain Lambert, décembre 2007.
* 10 Qui en sont les vice-présidents.