INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Comme l'an passé, votre commission des lois s'est saisie pour avis des crédits affectés au programme « stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat », dont la finalité est d'assurer le pilotage de la modernisation de l'ensemble des services de l'Etat, à travers un appui méthodologique, un accompagnement des ministères et l'animation de travaux interministériels.
Ce thème relève de la compétence de votre commission . Il convient en effet de rappeler qu'elle examine au fond tous les textes de loi ayant pour objet ou pour effet de simplifier le droit et d'améliorer les relations entre l'administration et les citoyens 1 ( * ) .
L'an passé, votre commission avait examiné, dans un même avis, les crédits affectés aux programmes « Fonction publique » et « modernisation de l'Etat ». Il est cependant apparu plus pertinent d'analyser dans deux avis distincts les crédits de ces deux programmes, quand bien même ils relèveraient de la même mission budgétaire, intitulée « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » 2 ( * ) , tant ils procèdent de logiques différentes.
Après une présentation du programme ainsi que des objectifs et indicateurs de performance associés (I), le rapport présentera l'état d'avancement de deux chantiers prioritaires de modernisation de l'Etat : l'accueil téléphonique dans l'administration et le portail personnalisé « mon service public.fr » (II).
I. PRESENTATION DU PROGRAMME « STRATÉGIE DES FINANCES PUBLIQUES ET MODERNISATION DE L'ÉTAT »
A titre liminaire, votre rapporteur souligne que les crédits affectés au programme « modernisation de l'Etat » constituent la traduction budgétaire d'une politique, fondée en particulier sur la révision générale des politiques publiques, qu'elle désapprouve à titre personnel , compte tenu de son impact sur les dépenses publiques et sur l'ensemble des fonctionnaires.
La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » a été créée pour tenir compte des attributions du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Sur les cinq programmes que compte cette mission, deux relèvent de la compétence de votre commission : le programme « Fonction publique », examiné par notre collègue Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis et celui intitulé « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat ».
A. LES MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS AFFECTÉS AU PROGRAMME
Le programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État » est structuré en six actions , numérotées 2, 4, 5, 6, 7 et 8, les actions 1 et 3, respectivement libellées « définition et mise en oeuvre de la politique économique et financière de la France dans le cadre national, international et européen » et « élaboration de la législation fiscale » ayant été supprimées en 2007.
1. Le périmètre des six actions du programme
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L'action n° 2 : Politique des finances
publiques et analyse de la performance des politiques publiques
L'action n° 2, conduite par la direction du budget, correspond à la préparation et au suivi de l'exécution du budget de l'État et à la mise à disposition du Gouvernement de toutes analyses utiles sur les mesures susceptibles d'induire des conséquences sur le budget ou la performance des politiques publiques.
Cette action nécessite des moyens en personnel importants (la moitié des effectifs du programme) mais un budget relativement limité 3 ( * ) .
• L'action n° 4 : Modernisation de
l'Etat
L'action n° 4, pilotée par la Direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME), recouvre essentiellement les moyens mis en oeuvre pour la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Lors de son audition par votre commission le 13 novembre 2008, M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, a soutenu que la RGPP engagée, sous l'impulsion du Président de la République, le 10 juillet 2007, était une ambitieuse réforme de l'Etat, conduite sous l'égide de vingt-six équipes, composées d'auditeurs issus des inspections générales de l'administration et du secteur privé, soit plus de trois cent personnes. Il a précisé que cette démarche, qui repose sur l'implication forte de l'ensemble du Gouvernement, a abouti à l'adoption, par les trois Conseils de modernisation des politiques publiques, de 337 mesures concernant l'ensemble des ministères , mesures qui devraient permettre, selon lui, de réaliser, à horizon 2011, environ 7 milliards d'euros d'économies ainsi réparties :
- sur la masse salariale : environ 3 milliards d'euros du fait du non remplacement d'un départ à la retraite sur deux, rendu possible, a-t-il fait valoir, par les réformes d'organisation identifiées dans le cadre de la RGPP ;
- sur les interventions et l'investissement : environ 2 milliards d'euros ;
- sur le fonctionnement : environ 2,2 milliards d'euros.
M. André Santini a d'ailleurs annoncé la publication, fin novembre 2008, d'un premier bilan, mesure par mesure, de la RGPP, tendant à démontrer que, non seulement celle-ci a amélioré le fonctionnement de l'Etat à moindre coût , mais aussi que ses décisions sont pleinement appliquées par les ministères concernés .
En effet, le Président de la République juge nécessaire d'assurer un suivi très précis du calendrier de mise en oeuvre des réformes, mais également de leur contenu, considérant que « les précédentes étapes de la modernisation de l'État se sont trop souvent heurtées à un suivi insuffisant de leur effectivité ». 4 ( * )
L'objectif est que, d'ici à 2012, chaque ministère ait profondément renouvelé son organisation et ses outils , avec l'ambition, d'une part, de répondre à l'attente des citoyens d'une profonde simplification administrative, d'autre part, de revenir à l'équilibre des finances publiques.
Cet effort sans précédent de modernisation s'appuie sur la DGME , née en 2006 de la fusion de quatre organismes dédiés à la réforme de l'État. 5 ( * )
Comme l'a indiqué M. François-Daniel Migeon, son directeur général, lors de sa rencontre avec votre rapporteur le 13 novembre 2008, la DGME, réorganisée par un arrêté du 22 avril 2008, s'articule principalement autour de trois services :
- le service Innovation , laboratoire prospectif, à l'écoute des usagers et des bonnes pratiques, qui anticipe ce que pourrait être l'administration de demain et définit des priorités d'action ;
- le service Conseil , qui accompagne les ministères dans la mise en oeuvre des décisions prises en conseil de modernisation des politiques publiques ; il veille également au suivi des décisions, à la cohérence d'ensemble et au respect des délais annoncés ;
- enfin, le service Projets , qui pilote de grands chantiers interministériels de modernisation, notamment en matière de simplification des démarches et d'administration électronique, comme la plateforme « Mon service public », dont il sera question plus loin.
Organisation de la Direction générale
de la modernisation de l'État (DGME)
Source : DGME
Cette direction générale présente une double particularité .
En premier lieu , la DGME, composée de seulement 143 agents et dotée d'un budget relativement modeste de 67 millions d'euros , se positionne comme une administration de mission , et non une administration de gestion . Son rôle est de proposer, orienter, accompagner et piloter : elle n'a ni les moyens humains ni les moyens financiers pour conduire, à elle seule, la modernisation de l'Etat. Elle s'appuie donc sur les « correspondants modernisation », présents dans chaque ministère, qui sont les interlocuteurs privilégiés de la DGME pour la mise en oeuvre de la réforme de l'Etat.
En second lieu, la DGME est composée à 43 % de contractuels, majoritairement issus du secteur privé , ce qui élargit, selon M. François Daniel Migeon, l'éventail des compétences disponibles pour piloter les processus de transformation des organisations, nombre de ces agents ayant à leur actif plusieurs expériences en la matière.
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L'action n° 5 : Systèmes
d'information financière de l'Etat
L'action n° 5 comprend les coûts liés aux chantiers en cours en matière de systèmes d'information financière de l'Etat, gérés par un service à compétence nationale, l' Agence pour l'informatique financière de l'Etat .
Les crédits de cette action sont donc, pour l'essentiel, des dépenses d'investissement.
Ils visent, d'une part, à assurer la maintenance de l'application informatique existante, Accord-LOLF, d'autre part, à développer le nouveau système d'information budgétaire et comptable Chorus , qui a vocation à remplacer Accord-LOLF. Il s'agit d'un logiciel budgétaire et comptable interministériel spécialement adapté à la LOLF qui, après une expérimentation dans les services préfectoraux des régions Haute-Normandie et Pays de la Loire 6 ( * ) , devrait être généralisé dès 2010 à l'ensemble de l'administration française.
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L'action n° 6 : Systèmes
d'information et production de la paye
L'action n° 6, créée l'an passé, recouvre les coûts relatifs à l' Opérateur national de paye (ONP) . Institué par un décret du 15 mai 2007, ce dernier a pour objectif de moderniser la fonction de paye des agents de l'État pour la faire gagner en qualité, en efficience et en garantir la sécurité. Il s'agit d'un service à compétence nationale rattaché conjointement à la direction générale des finances publiques (DGFiP) et à la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).
La création de ce service est née du constat qu'en contrepartie d'une responsabilisation accrue des administrations dans la gestion de leur masse salariale et de leurs emplois, la mise en oeuvre de la LOLF a renforcé les exigences de qualité et de fiabilité traditionnellement attachées au processus de liquidation et de règlement des dépenses de personnel.
En conséquence, l'application actuelle de paye des agents de l'État, qui apparaît aujourd'hui dépassée, mérite d'être rénovée afin de mettre en place un système d'information décisionnel interministériel qui favorise le pilotage stratégique de la masse salariale et de ses effectifs . A cet effet, l'ONP a décidé de recourir à un progiciel choisi dans le cadre de la procédure dite du « dialogue compétitif » 7 ( * ) , qui doit être opérationnel à l'horizon 2011.
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L'action n° 7 : Politique de la fonction
publique et modernisation de la gestion des ressources humaines
Il s'agit d'une nouvelle action , conduite par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), correspond à la dotation transférée depuis le programme « Coordination du travail gouvernemental » dont le volet performance ne comportait pas d'éléments relatifs à l'activité de cette direction.
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L'action n° 8 : Régulation des jeux
en ligne
Il s'agit également d'une nouvelle action créée en prévision de la création prochaine d'une autorité administrative indépendante chargée de la régulation des jeux en ligne .
En effet, un marché illégal des jeux en ligne s'est développé sur Internet depuis plusieurs années, en dehors de toute régulation. S'agissant d'une activité aussi sensible que celle des jeux, comportant à la fois des risques de délinquance spécifique (blanchiment d'argent notamment), mais également des menaces pour l'ordre social en favorisant des comportements de type addictif, le Gouvernement estime nécessaire de prendre en compte la réalité économique existante, tout en assurant la mise en place d'un mode de régulation afin d'en limiter les dangers potentiels.
C'est pourquoi M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, devrait présenter au Parlement, au début de l'année 2009, un projet de loi destiné à organiser l' ouverture du marché sous le contrôle d'une autorité administrative indépendante qui aura pour mission :
- de définir le cahier des charges et les règles techniques de fonctionnement du marché ouvert à la concurrence,
- de délivrer les agréments permettant aux opérateurs d'exercer en France et d'assurer le respect de ces dispositions de manière objective, transparente et non discriminatoire,
- de veiller enfin, en liaison avec les autres acteurs compétents, au respect des dispositions d'ordre public et d'ordre social, en particulier dans le domaine de la lutte contre la délinquance et le blanchiment d'argent, de la répression des sites illégaux, de la santé publique et de la régularité des épreuves sportives.
Sceptique sur la justification du rattachement budgétaire de cette action au programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat », votre rapporteur a souhaité interroger plus avant la DGME. Cette dernière a précisé que « les jeux d'argent constituent un enjeu majeur pour les finances publiques. Ils représentent 5 Milliard de recettes par an. Il a donc été décidé de rattacher cette autorité au programme dont la finalité est notamment la stratégie des finances publiques. Par ailleurs, ce rattachement s'inscrit dans une logique de continuité. Il convient de rappeler que la direction du budget, qui conduit elle-même déjà l'une des actions du programme 221, est chargée de rédiger le projet de loi d'ouverture du marché des jeux en ligne. Dans le cadre de la préparation de ce projet de loi, la direction du budget a été amenée à souscrire une assistance à maîtrise d'ouvrage, qui doit logiquement être reprise par la nouvelle autorité. En outre, la direction du budget assure la tutelle de la Française des jeux et du PMU, laquelle a vocation à perdurer. »
2. La ventilation des crédits et des emplois entre les six actions
Les crédits de l'ensemble du programme s'élèvent à 232 millions d'euros (contre 414 l'an passé) en autorisations d'engagements et 298 millions d'euros (contre 282) en crédits de paiement . Les tableaux et illustrations ci-après détaillent la ventilation des crédits entre les quatre actions composant le programme.
La baisse sensible des autorisations d'engagement s'explique par le fait que l'Opérateur national de paye et l'application Chorus ont déjà largement été financés au cours de l'exercice 2008.
Présentation par action des crédits demandés pour 2009
Numéro et intitulé de l'action |
Autorisations
|
Crédits de paiement
|
|
02 |
Politiques des finances publiques et analyse
|
39 |
39 |
04 |
Modernisation de l'Etat |
67 |
61 |
05 |
Systèmes d'information financière de l'Etat |
52 |
153 |
06 |
Systèmes d'information et production de la paye |
49 |
25 |
07 |
Politique de la fonction publique et modernisation
|
11 |
11 |
08 |
Régulation des jeux en ligne (nouveau) |
14 |
9 |
Totaux |
232 |
298 |
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
S'agissant des emplois du programme, ils s'établissent à 1.063 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Le tableau ci-dessous détaille la répartition des emplois entre les différentes actions du programme.
Présentation par action des ETPT demandés pour 2009
Numéro et intitulé de l'action |
ETPT |
|
02 |
Politique des finances publiques et analyse de la performance
|
439 |
04 |
Modernisation de l'Etat |
143 |
05 |
Systèmes d'information financière de l'Etat |
215 |
06 |
Système d'information et production de la paye |
85 |
07 |
Politique de la fonction publique et modernisation de la gestion
|
151 |
08 |
Régulation des jeux en ligne (nouveau) |
30 |
Total |
1.063 |
ETPT demandés pour 2009
* 1 Voir par exemple la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et les différentes lois de simplifications du droit.
* 2 Mission pilotée par M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
* 3 Voir infra : b) ventilation des crédits et emplois par action.
* 4 Voir compte-rendu du Conseil des ministres du 11 juin 2008.
* 5 La délégation aux usagers et aux simplifications administratives (DUSA), la délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l'État (DMGPSE), l'agence pour le développement de l'administration électronique (ADAE) et la direction de la réforme budgétaire (DRB).
* 6 Un programme supplémentaire temporaire, baptisé Expérimentation Chorus, a d'ailleurs été créé au sein de la mission « administration générale et territoriale de l'Etat » pour la mise en oeuvre à titre expérimental de ce logiciel budgétaire et comptable.
* 7 La procédure de dialogue compétitif, prévue dans le code des marchés publics, est une procédure dans laquelle le pouvoir adjudicateur conduit un dialogue avec des candidats présélectionnés en vue de définir ou de développer une ou plusieurs solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base de laquelle ou desquelles les participants au dialogue seront invités à remettre une offre. Le recours à la procédure de dialogue compétitif est possible lorsqu'un marché public est considéré comme complexe, en particulier pour les marchés d'applications informatiques.