C. LA RÉFORME DU 1 % LOGEMENT

Créé en 1953, le système de la participation des employeurs à l'effort de construction constitue aujourd'hui l'une des principales masses de crédits utilisés en faveur de la politique du logement. Sont ainsi assujetties à l'obligation de consacrer 0,45 % de leur masse salariale toutes les entreprises occupant au minimum 20 salariés 98 ( * ) et ne relevant pas du régime agricole.

Les employeurs soumis à la PEEC ont la possibilité de se libérer de leur obligation soit sous forme de subventions, soit sous forme de prêts sans intérêt d'une durée minimum de vingt ans, cette deuxième forme étant néanmoins assez marginale. Leur contribution peut être versée soit à des collecteurs spécialisés dits « financiers », soit à des collecteurs constructeurs, comme des organismes HLM ou des SEM, pour le financement de leurs propres opérations locatives. Les collecteurs financiers, qui doivent être agréés par l'autorité administrative, sont soit des chambres de commerce et d'industrie (CCI) dotées d'un service logement, soit des associations aux statuts réglementés, les comités interprofessionnels du logement (CIL).

L' Union d'économie sociale du logement (UESL), organisme géré paritairement par les partenaires sociaux, est placée à la tête du réseau des collecteurs et a pour mission de représenter les intérêts communs des associés collecteurs et d'assurer la coordination des grandes politiques nationale d'emploi des fonds du 1 % logement.

L'UESL est une société anonyme coopérative à capital variable qui a pour associés :

- les CIL et CCI, dont la participation est obligatoire ;

- les organisations interprofessionnelles et représentatives au plan national de salariés (CFDT, CFTC, CGT, FO, CFE-CGC) et des entreprises assujetties à la PEEC (MEDEF et CGPME).

Elle est administrée par un conseil d'administration (que le projet de loi « MOLLE » propose de transformer en conseil de surveillance) de 15 membres représentant, à parts égales, les associés collecteurs, élus par un comité des collecteurs, les organisations syndicales et les organisations patronales. Le président est élu par le conseil. L'Etat est représenté auprès de l'UESL par l'intermédiaire de deux commissaires du Gouvernement.

Le prélèvement direct auprès des entreprises ne constitue cependant qu'une part des ressources dont disposent les collecteurs pour mener leurs actions en faveur du logement. L'autre partie provient essentiellement des remboursements des prêts à long terme , accordés antérieurement, qui doivent être réinvestis selon les mêmes règles que la collecte. En outre, une partie du résultat de l'exercice précédent est affecté à la ressource disponible. S'y ajoute la dotation versée par l'Etat, depuis 2006, afin de compenser le « manque à gagner » que représente le relèvement du seuil d'assujettissement des entreprises de 10 à 20 salariés. En 2007, la collecte directe auprès des entreprises s'est ainsi élevée à 1,594 milliard d'euros 99 ( * ) . Les retours sur prêts à long terme perçus en 2007 se sont élevés quant à eux à 2,28 milliards d'euros . Ces retours sont constitués à 78 % de retours sur prêts à destination de personnes physiques (1,779 milliard d'euros) et à 22 % à des personnes morales (502 millions d'euros). Il convient enfin d'ajouter à ces sommes l'affectation d'une partie du résultat des collecteurs, soit 96 millions d'euros, ainsi qu'une participation volontaire de 6 millions.

Au total, le 1 % logement bénéficiait, en 2007, d'un budget de 3,892 milliards d'euros consacrés à diverses actions en faveur du logement des salariés, du logement social et de la politique de la ville .

Dans le prolongement de la création de l'UESL en 1996, la politique nationale d'emploi des fonds du 1 % logement s'est organisée autour de la signature de plusieurs grandes conventions entre l'Etat et cet organisme.

A titre d'exemple, la première grande convention a été celle du 3 août 1998, qui avait pour but de moderniser la gestion des fonds du 1 % logement et d'élargir la palette des interventions financées à ce titre. Cette convention a ainsi créé de nouvelles aides (Loca-Pass, Pass-Travaux, Securi-Pass) et prévu la diminution progressive, puis la fin, du financement des PTZ. En outre, l'objectif de financement du logement social par le 1 % logement a été réaffirmé, les collecteurs s'engageant à financer ce secteur à hauteur de 686 millions d'euros par an. Puis, les conventions des 11 octobre et 11 décembre 2001 ont prévu la création de l'association foncière logement (AFL) qui a pour mission la construction de logements économiquement accessibles dans les quartiers en renouvellement urbain et dans les communes en déficit de logements sociaux afin de compléter l'offre des organismes HLM. Par la suite, la convention du 10 septembre 2003 a prévu l'engagement du 1 % logement dans la politique de rénovation urbaine initiée par la loi du 1 er août 2003, l'ANRU étant abondée chaque année à hauteur de 453 millions d'euros par le 1 % logement. Plus récemment, la convention du 20 décembre 2006 a posé les principes de la création du Pass-Foncier, dispositif de soutien à la primo-accession, et de la Garantie des risques locatifs (GRL).

L'article 3 du projet de loi « MOLLE » met un terme à cette politique conventionnelle d'orientation des fonds de la PEEC et la remplace par un système en vertu duquel la loi définirait les grandes catégories d'emplois des fonds du 1 % logement (aides au logement social, prêts à l'accession à la propriété, etc.) et des décrets, pris chaque année, définiraient les enveloppes consacrées à chacun de ces emplois. L'Etat verrait, dans le même temps, ses pouvoirs renforcés au sein du conseil d'administration, transformé en conseil de surveillance, de l'UESL puisqu'il disposerait désormais de trois commissaires du Gouvernement pouvant, sur certaines délibérations engageant notamment les finances de l'UESL, faire usage d'un droit de veto .

En parallèle à la discussion du projet de loi, des négociations réunissant les représentants des partenaires sociaux présents au conseil d'administration de l'UESL et de l'Etat se sont tenus entre les mois de juin et octobre 2008 afin de déterminer les conditions dans lesquelles les fonds de la PEEC pouvaient être réorientés vers des grandes politiques nationales en faveur du logement et de la rénovation urbaine. Ces discussions ont abouti, le 10 octobre 2008, sur l'élaboration d'un document, dénommé « résultat des discussions entre l'Etat et les partenaires sociaux », qui ne peut donc être considéré comme un accord, au sens strict du terme . Entre autres points, ce document met en avant le fait que le 1 % logement portera sa participation au budget de l'ANRU à 770 millions d'euros par an (contre 453 millions actuellement), se substituera à l'Etat pour le financement des interventions de l'ANAH à hauteur de 480 millions d'euros par an et contribuera au financement du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) pour un montant de 50 millions d'euros par an sur les trois prochaines années.

Outre que cette réorientation des fonds de la PEEC se fera au détriment d'actions actuellement financées par le 1 % logement, cette évolution porte en elle un risque majeur, qui pourrait devenir rapidement tangible, d'assèchement des ressources de la PEEC. En effet, les dotations versées à l'ANRU, à l'ANAH et au financement du PNRQAD seront effectuées sous la forme de subventions, au détriment d'actions qui prenaient, jusqu'à présent, la forme de prêts, lesquels occasionnaient des retours pour les collecteurs . Ainsi, parmi les grandes catégories d'emplois de la PEEC, les subventions passeraient ainsi d'environ 1,65 milliard d'euros à 2,5 milliards d'euros par an, soit près de 65 % du budget annuel du 1 % logement. A terme, les retours de prêts risquent donc de diminuer très fortement, au détriment des moyens globaux d'intervention du 1 % logement . En outre, il est clair que cette ponction va amenuiser les moyens d'intervention de l'association Foncière logement, opérateur qui contribue pourtant au développement du parc de logements accessibles, et réduire le montant des prêts accordés aux salariés pour réhabiliter leur logement (Pass-Travaux) ou accéder à la propriété.

Le prêt Pass-Travaux permet de financer les travaux d'aménagement et de rénovation des résidences principale. Destiné aux salariés (locataires ou propriétaires) des entreprises, assujetties ou non à la PEEC, du secteur privé non agricole, il s'élève à 9.600 euros pour les ménages disposant de ressources inférieurs à 60 % des plafonds PTZ et à 8.000 euros pour les autres. Sa durée est de dix ans et son taux de 1,5 % par an. La gamme des travaux finançables est très large (mise aux normes, isolation, etc...). En octobre 2001, un Pass-Travaux renforcé (18.000 euros) a été créé à destination des ménages occupant un logement situé dans une copropriété dégradée.

En outre, ce nouveau mode de financement de l'ANRU et de l'ANAH pose le problème du contrôle parlementaire. En effet, le souci de ne pas altérer les caractéristiques du 1 % logement a conduit le Sénat, lors de l'examen du projet de loi « MOLLE », à rejeter les propositions tendant à transformer la PEEC en ressource dont les utilisations auraient été fixées par la loi de finances. Une telle évolution du droit en vigueur aurait en effet conduit à transformer la PEEC en une ressource budgétaire « classique » qui, dès lors, aurait été affectée au budget général de l'Etat. Outre qu'une telle orientation aurait, de fait, mis en terme au mode de gestion paritaire de cette ressource, elle aurait pu conduire à des réaffectations de ces fonds vers des actions n'ayant que peu de rapports avec la politique du logement. Toutefois, dans le même temps, le remplacement de crédits budgétaires, sur lesquels le Parlement dispose d'un droit de regard, par des ressources prélevées sur la PEEC vient amoindrir la marge de manoeuvre des assemblées parlementaires et leur ôte toute possibilité de se prononcer sur les évolutions qui leur paraîtraient souhaitables.

Fort d'une telle observation, les députés ont introduit dans le projet de loi de finances pour 2009, sur proposition de M. François Scellier, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Ville et logement », un article 83 relatif aux informations fournies au Parlement sur les fonds du 1 % logement.

Le dispositif de l'article 83

Cet article oblige le Gouvernement à présenter, en annexe générale au projet de loi de finances de l'année, un rapport récapitulant, pour l'exercice budgétaire en cours d'exécution et l'exercice suivant, la contribution de la participation des employeurs à l'effort de construction au financement du programme national de rénovation urbaine et de l'Agence nationale de l'habitat, en indiquant la répartition détaillée de ces crédits. Il précise également que cette annexe générale devrait être déposée sur le bureau des assemblées parlementaires et distribuée au moins cinq jours francs avant l'examen, par l'Assemblée nationale, en première lecture, de l'article d'équilibre du projet de loi de finances de l'année.

Votre commission pour avis partage bien entendu le souci exprimé par les députés d'une information sincère et fiable du Parlement sur la contribution du 1 % logement à ces politiques, à défaut de pouvoir contrôler l'utilisation de ces crédits en les votant. Elle relève cependant que le dispositif de cet article est en partie redondant avec celui d'un amendement, adopté par le Sénat lors de la discussion du projet de loi « MOLLE » sur proposition de M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances.

En vertu de cet amendement, la répartition des ressources de la PEEC entre chacune des catégories d'emploi serait fixée par un document de programmation établi pour une durée de trois ans par les ministres chargés du logement et du budget, après consultation de l'UESL. Ce document de programmation ainsi que les prévisions de crédit correspondantes seraient transmis au Parlement lors du dépôt des projets de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Les enveloppes minimales et maximales consacrées annuellement à chaque catégorie d'emploi resteraient fixées par décret mais le Parlement serait saisi des répartitions annuelles lors du dépôt des projets de loi de finances .

Votre commission pour avis fait part de sa préférence pour le dispositif de l'amendement Dallier, qui lui apparaît plus complet et plus satisfaisant sur le plan juridique. Dès lors, elle soutient pleinement l'amendement, présenté par la commission des finances du Sénat, tendant à supprimer l'article 83 du projet de loi de finances pour 2009, au bénéfice du dispositif inséré dans le projet de loi « MOLLE » .

* 98 Le relèvement de 10 à 20 salariés a été effectué, à compter du 1 er janvier 2006, par l'ordonnance n° 2005-895 du 2 août 2005.

* 99 1,541 milliard par les CIL, 32,3 millions d'euros par les CCI, 16 millions d'euros par la Société immobilière des chemins de fer et 5 millions d'euros par les organismes HLM et les SEM.

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