III. L'« AFFAIRE EADS » A RAPPELÉ CERTAINES LACUNES DANS LA GESTION DES PARTICIPATIONS PUBLIQUES
A. LE RÔLE DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS (CDC), UNE AFFAIRE DANS L'AFFAIRE
1. Le contexte lié aux difficultés d'EADS
Les difficultés du groupe EADS ont été concentrées sur l'année 2006, au cours de laquelle sa principale filiale Airbus s'est trouvée confrontée à d'importants retards de livraison de l'A380 liés à des difficultés d'industrialisation, notamment dans le domaine de l'ingénierie électrique. Ces retards se sont traduits par des charges de 2,5 milliards d'euros, du fait de surcoûts directs, de pénalités contractuelles et du financement de compensation à verser aux clients. Une des conséquences directes en a été la chute du résultat de 1.676 millions d'euros en 2005 à 94 millions d'euros pour l'exercice 2006.
La même année a aussi été marquée par une évolution de l'actionnariat de l'avionneur européen, les groupes Lagardère et DaimlerChrysler ayant chacun réduit leur participation à 7,5 % du capital contre respectivement 15 % et 22,5 % auparavant 16 ( * ) .
Il apparaît aujourd'hui que ces évènements découlaient largement de problèmes de gouvernance d'Airbus et d'EADS qui ont été analysés en détail par le rapport réalisé dans le cadre de votre commission des affaires économiques 17 ( * ) .
Or, ces problèmes de gouvernance impliquent l'Etat français, de façon à la fois directe et indirecte.
2. La mise en cause directe et indirecte du rôle de l'Etat
a) Une impossibilité structurelle pour l'Etat français à jouer son rôle au sein d'EADS
La relative inaction de l'Etat face à la détérioration de la situation d'EADS ne peut a priori qu'interroger votre rapporteur pour avis d'autant plus qu'elle est en contradiction totale avec la nouvelle politique de l'Etat actionnaire impulsée avec succès par l'APE depuis trois ans.
En fait, l'analyse fait apparaître que l'Etat est dans l'impossibilité de jouer pleinement son rôle, du fait du pacte d'autonomie conclu en 2000 dont un des objectifs était précisément de prévenir, à la demande insistante de DaimlerChrysler, toute intervention de l'Etat dans la gestion du groupe.
Tout en saluant les progrès introduits dans la gouvernance de l'entreprise par l'accord du 17 juillet dernier 18 ( * ) , votre rapporteur pour avis ne peut que regretter que les participations financières détenues par l'Etat dans EADS ne lui confèrent toujours pas le droit de regard qui devrait théoriquement lui revenir.
Ainsi, il n'est nullement impossible que se reproduise la situation décrite par le rapport de M. Bernard Schneider, inspecteur général des finances, dans laquelle l'Agence des participations financières de l'Etat a pu établir, début 2006, des projets de cession de parts d'EADS sans être aucunement informée de la détérioration des perspectives de l'entreprise.
La question de l'information de l'Etat ne se limite d'ailleurs pas à l'évolution du groupe aéronautique, mais elle s'étend aussi à certaines entités publiques concernées par le dossier.
b) Une implication indirecte des participations françaises publiques
Les difficultés rencontrées par EADS ont aussi concerné le rôle joué par les participations financières publiques au travers de l'affaire du rachat par la Caisse des Dépôts et Consignations de 2,25 % du capital cédés par le groupe Lagardère le 28 mars 2006, soit deux mois et demi avant l'annonce des retards de livraison de l'A380 qui s'est traduite par une forte baisse de plus d'un quart du cours de l'action.
En marge de l'enquête ouverte par l'Autorité des marchés financiers et de ses éventuels développements judiciaires, votre rapporteur pour avis estime que cette affaire met une nouvelle fois en évidence les difficultés de gouvernance de la Caisse des Dépôts et Consignations.
* 16 Conformément au principe de parité franco-allemand, la « part » française était de 23,5 % répartie entre l'Etat (15 %) et Lagardère (15 %) alors que la part allemande était entièrement détenue par DaimlerChrysler. Aujourd'hui, chacune de ces parts s'établit à 22,5 %, la part française se répartissant toujours entre l'Etat (15 %) et Lagardère (7,5 %), tandis que la part allemande est portée par Daimler (7,5 %) et un consortium d'intérêts allemands mis en place pour l'occasion (15 %).
* 17 Rapport d'information n° 351 (2006-2007) rendu le 27 juin 2007 par MM. Jean-François Le Grand et Roland Ries.
* 18 Cet accord simplifie la direction du groupe qui ne dispose plus désormais d'un seul président du conseil d'administration et d'un seul président exécutif.