2. Après la crise : quels besoins de financement pour les monuments historiques ?
La crise traversée par le secteur des monuments historiques, qui a atteint son paroxysme au cours de l'année 2006, a conduit votre commission à créer une mission d'information, présidée par notre collègue Philippe Richert, dont les conclusions 2 ( * ) ont été présentées par votre rapporteur en octobre 2006.
Comme cela a été analysé par la mission, cette crise de paiement a pour origine un « recadrage budgétaire brutal et mal contrôlé » : dans un contexte de sous-consommation chronique des enveloppes budgétaires, la volonté d'apurer les reports de crédits d'un exercice sur l'autre (qui avaient atteint des volumes équivalents aux crédits inscrits en loi de finances), s'est traduite par une réduction de moitié des crédits de paiement entre 2002 et 2005, sans annulation concomitante des autorisations d'engagement.
Cette situation a placé les services du ministère dans une situation proche de la rupture de paiement : cela s'est « matérialisé » par l'interruption de nombreux chantiers - 200 en 2005, 300 au premier semestre 2006 (soit 7,5 % des chantiers en cours) - ou le report de nouvelles opérations pourtant urgentes.
Ces fluctuations budgétaires ont eu les plus fortes répercussions au niveau des crédits déconcentrés , mis à la disposition des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) : la couverture des besoins exprimés par les DRAC a chuté de 88 % en 2004 à 50 % en 2006.
a) Des mesures d'urgence en faveur des monuments de l'Etat
Face à cette situation de crise, des mesures d'urgence ont été engagées par le gouvernement précédent. Elles ont permis de répondre, du moins en partie, au cri d'alarme lancé par votre commission :
• L'affectation, en 2006, de
100 millions
d'euros
issus des
recettes de privatisation
d'autoroutes
. Ces ressources extrabudgétaires ont
bénéficié pour l'essentiel à l'établissement
public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC), pour le
financement de « grands travaux » (par exemple :
9 millions pour la restauration des façades du Grand Palais,
près de 20 millions d'euros pour la Cité de l'architecture
et du patrimoine...).
• Le
« dégel » de
24 millions d'euros
, dont 12 millions par redéploiements au
sein du budget en faveur du patrimoine monumental.
• Enfin, l'affectation directe au Centre des
monuments nationaux, par la loi de finances initiale pour 2007, d'une
recette fiscale
qui a permis de compléter les dotations
budgétaires inscrites en faveur des monuments historiques (soit 220
millions d'euros pour 2007) par
140 millions d'euros
supplémentaires
. Ce montant global incluait 70 millions d'euros
de crédits de paiement versés, de façon
rétroactive, au titre de 2006, afin de couvrir les autorisations
d'engagement existantes.
De fait, le montant global de l'enveloppe allouée aux monuments historiques en 2007 a atteint un niveau satisfaisant, conforme à la fourchette de 350 à 400 millions d'euros recommandée par la mission d'information de votre commission. Tel n'est plus le cas pour 2008 .
Selon les informations apportées par la ministre de la culture lors de son audition devant la commission, le produit de cette taxe affectée a été réparti comme suit :
- 85 millions d'euros ont été affectés aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) , permettant, d'une part, de payer les factures non acquittées sur un certain nombre de monuments et, d'autre part, de relancer les chantiers qui avaient dû être interrompus ou différés faute de crédits de paiement disponibles ;
- 40 millions d'euros ont permis l'achèvement d'opérations conduites par le Service national des travaux (SNT) ou l'EMOC : 8 millions d'euros ont notamment été alloués à la restauration des façades du Grand Palais et 13 millions à la Cité de l'architecture et du patrimoine ;
- enfin, la mobilisation des 70 millions d'euros en AE et du solde des CP, soit 15 millions d'euros , ont permis de financer des opérations nouvelles programmées en 2007 sur des monuments nationaux ou de l'Etat (concernant par exemple les cathédrales de Chartres, Quimper ou Clermont-Ferrand, les abbayes de Cluny et de Clervaux...).
Le taux de consommation de ces crédits serait de 82 % . Les crédits non consommés en 2007 seront reportés sur 2008.
Les 70 millions d'euros réintégrés dans le projet de budget pour 2008 permettront de poursuivre les opérations engagées en 2007 et d'engager de nouveaux chantiers : 27 millions d'euros seront dédiés aux monuments nationaux et 43 millions d'euros aux autres monuments appartenant à l'Etat.
Notons, enfin, que sur le total des crédits supplémentaires ainsi mobilisés en 2006 et 2007, environ 60 millions d'euros ont bénéficié à des travaux sur les cathédrales, représentant une centaine d'opérations.
Votre rapporteur avait salué la réaction salutaire du précédent gouvernement, tout en déplorant, néanmoins, l' « improvisation perpétuelle à laquelle la pénurie budgétaire contraint les services de l'Etat pour tenter de remédier aux urgences les plus criantes. »
Ces mesures exceptionnelles ont permis, en effet, de lever une partie des inquiétudes présentes et d'engager l'année 2007 sous de meilleurs auspices. Toutefois, elles n'ont pas dissipé toutes les incertitudes pesant sur la situation du patrimoine monumental.
Elles n'ont ainsi bénéficié qu'aux monuments de l'Etat , alors même que les crédits d'intervention pour l'entretien et la restauration du patrimoine monumental appartenant aux collectivités territoriales ou aux propriétaires privés diminuaient, dans le même temps, de 18,5 % pour 2007 (soit 101 millions d'euros, contre 124 millions en 2006).
Alors que le Président de la République a évoqué un effort de 4 milliards d'euros sur 10 ans pour remettre en état notre patrimoine monumental, votre rapporteur insiste une nouvelle fois sur la nécessité de trouver des modes de financement stables en faveur des monuments historiques.
* 2 « Monuments historiques : une urgence pour aujourd'hui, un atout pour demain », rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat par la mission d'information chargée d'étudier l'entretien et la sauvegarde du patrimoine architectural, Rapport n° 38 (2006-2007).