C. LE FINANCEMENT FUTUR ET LA GESTION DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT SOCIAL OUTRE-MER

Les indications données à l'Assemblée nationale par le ministre de l'outre-mer sur le financement futur de la politique du logement social outre-mer soulèvent quelques interrogations. Il apparaît en outre nécessaire que soient apportées, lors du débat au Sénat, des précisions sur l'organisation, au niveau gouvernemental, de la conduite de la politique du logement outre-mer, qui a été évoquée par le Premier ministre lors de son déplacement en Guadeloupe.

1. La recherche de financements complémentaires

Pour « desserrer la pression sur la ligne budgétaire unique », c'est-à-dire pour dégager des moyens de financement complémentaires du logement social outre-mer, le ministre a envisagé, d'une part, une réorientation vers le secteur social de la défiscalisation des investissements dans le logement et, d'autre part, un réexamen des conditions d'intervention outre-mer de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) et du « 1 % logement ».

Elles s'inscrivent dans la ligne des préconisations de la mission d'audit de modernisation, qui apparaissent malheureusement moins convaincantes que le diagnostic qu'elle a établi.

a) L'orientation de la défiscalisation vers le logement social

Le ministre de l'outre-mer a indiqué qu'il attendait de la commission nationale d'évaluation qu'elle fasse des propositions d'orientation de la défiscalisation vers le logement social, notant que « la contribution budgétaire (devait) être complétée grâce à un apport de l'épargne des ménages par le biais de l'aide fiscale redéployée ».

La tâche ainsi confiée à la commission nationale d'évaluation n'est pas aisée, car si l'idée d'un « basculement » de la défiscalisation vers le logement social, avancée par la mission d'audit de modernisation, est en elle-même intéressante, on peut s'interroger sur le financement que l'on peut en attendre.

Une idée intéressante

La mission d'audit propose de « recentrer la défiscalisation comme un moyen de financement privilégié des politiques publiques du logement ».

Les mesures qu'elle recommande à cet effet tendraient principalement :

- à réserver le taux le plus élevé (50 %) de défiscalisation à l'impôt sur le revenu aux investissements dans le secteur locatif social et très social ;

- à réduire « significativement » le taux de défiscalisation accordé aux programmes intermédiaires, à supprimer la défiscalisation des opérations de locatif libre non intégrées à un programme mixte et celle de l'accession à la propriété ;

- à généraliser l'exigence d'un agrément ;

- à encadrer la répartition de « l'aide fiscale » de manière à ce que le dispositif bénéficie essentiellement à l'opérateur : la mission estime à cet égard souhaitable que l'avantage fiscal puisse être rétrocédé à hauteur de 70 à 75 % à l'opérateur qui exploitera le bien au terme de la période légale de détention par les investisseurs.

Par ailleurs, la mission suggère que soient étudiées :

- la suppression des avantages de taux consentis aux opérations réalisées en zone urbaine sensible et aux équipements d'économies d'énergie, générateurs de surcoûts importants ;

- la question de l'exclusion du coût du foncier du prix de revient défiscalisable ;

- la durée des engagements de location, actuellement inférieure à celle prévue par les dispositifs « Robien ».

Un résultat incertain

Selon le « plan de financement » simulé par la mission d'audit, la défiscalisation de l'investissement dans le logement social pourrait assurer dès la première année une « aide fiscale » de 60 millions d'euros aux opérateurs, aide qui atteindrait, à dépense fiscale supposée constante (200 millions d'euros dont 90 % pour la défiscalisation à l'impôt sur le revenu), 143 millions d'euros la cinquième année.

Votre rapporteur pour avis ne peut que souscrire aux modifications proposées de la « défiscalisation logement », coûteuse pour les finances publiques et qui, en dehors même de ses effets négatifs, n'apporte qu'une contribution très marginale à la solution des problèmes de logement outre-mer.

En eux-mêmes, un recentrage et un encadrement plus rigoureux de la défiscalisation sont donc certainement souhaitables.

En revanche, il s'interroge sur le réalisme des projections présentées :

- même défiscalisé, l'investissement dans le logement social, par définition peu rentable, demeurera peu attractif pour les investisseurs privés ;

- la volonté, tout à fait légitime, d'orienter le bénéfice de la défiscalisation vers les opérateurs sociaux plutôt que vers « le monteur, le banquier et l'investisseur » ne favorisera pas non plus le succès du nouveau « produit », non seulement auprès des investisseurs potentiels mais aussi et peut-être surtout auprès des intermédiaires qui, précisément parce qu'ils y trouvaient leur compte, ont largement contribué à attirer les capitaux métropolitains vers la « défiscalisation logement » ;

- enfin, on peut surtout penser que le changement de régime de l'investissement logement conduira les investisseurs à se reporter vers d'autres formules.

Le principal résultat du recentrage de la défiscalisation de l'investissement logement pourrait donc être une baisse sensible de cet investissement, ce qui peut certainement avoir un intérêt pour les finances publiques mais n'en aurait aucun pour le financement du logement social outre-mer.

b) L'intervention de l'ANAH et du 1 % logement

L'ANAH

La mission a également intégré dans son plan de financement une implication accrue de l'ANAH, dont elle propose d'étendre les interventions à la réhabilitation des logements des propriétaires occupants, qui représente une charge annuelle importante pour la LBU (33,6 millions d'euros pour 2007), moyennant une réduction du montant individuel des aides.

On peut s'interroger, compte tenu de la capacité financière des bénéficiaires de ces aides, sur la possibilité de les réduire sensiblement, sauf à compromettre l'effort de réhabilitation des propriétaires occupants.

Mais il paraît de toute façon irréaliste d'estimer que la participation de l'ANAH à la politique du logement outre-mer, chiffrée par la mission d'audit à 6,8 millions d'euros en 2005, puisse être portée dès la première année du plan de financement proposé à 30 millions d'euros et maintenue à ce niveau.

Au demeurant, l'ANAH étant pour l'essentiel financée par le budget général de l'Etat, le développement de son intervention ne résoudrait pas le problème de la contrainte budgétaire.

Le 1 % logement

Le plan de financement de la mission d'audit table sur un apport annuel du 1 % logement de 60 millions d'euros, sous forme de subventions : le concours du 1 % logement, qui intervient généralement sous forme de prêts à conditions privilégiées, se situe actuellement dans les DOM entre 9 et 10 millions d'euros par an.

On relèvera que ces estimations ont suscité, de la part de l'Agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction (ANPEEC) une réponse exprimant de fermes réserves tant en ce qui concerne le montant que les modalités de la contribution attendue du 1 % logement.

2. Les modalités du pilotage de la politique du logement dans les DOM

En même temps que les décisions du gouvernement en matière d'apurement de la dette de l'Etat et d'extension à l'outre-mer du volet logement du plan de cohésion sociale, le Premier ministre a annoncé à la Guadeloupe une révision des conditions de gestion de la politique du logement outre-mer, qui doit être « plus visible, plus mesurable et plus partenariale » et assurer la participation du ministère du logement à la gestion des crédits du logement social outre-mer.

A cette fin, il a notamment fait part de son intention de prévoir la réunion annuelle -pour la première fois en janvier 2007- d'une Conférence nationale du logement outre-mer et il a exprimé le souhait qu'à l'avenir « la ligne budgétaire unique soit présentée et votée au Parlement en même temps que les crédits du logement social en métropole », ce qui laisse présager une réintégration de la LBU dans les crédits gérés par le ministère du logement.

La « Conférence nationale du logement outre-mer », co-présidée par les deux ministres compétents, réunirait les élus ultramarins et les représentants des opérateurs du logement social. Elle contribuerait à la définition des orientations de la politique du logement outre-mer, en particulier dans les domaines des actions à conduire à des partenariats à développer, et pourrait à ce titre se prononcer :

- sur les modalités de la gestion de la LBU par le ministère du logement et le développement de l'action dans les DOM de l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et de l'ANAH ;

- sur la répartition des crédits entre les DOM et entre les opérations de construction et de réhabilitation de logements.

On ne peut voir que des avantages à la constitution d'une telle instance de concertation entre les acteurs de la politique du logement outre-mer.

En revanche, la réintégration de la LBU dans le budget du logement et donc la remise en cause du choix opéré en 1997/1998 pose la question de la définition des compétences du ministère de l'outre-mer.

Certes, comme l'a souligné le présent rapport, la gestion par le ministère de l'outre-mer des crédits de la LBU n'est pas exempte de tout reproche, même si les responsabilités en la matière sont partagées entre le ministère chargé de l'outre-mer et celui chargé du budget.

Mais au-delà des difficultés imputables à la mauvaise gestion de la contrainte budgétaire, le transfert de la LBU au ministère de l'outre-mer a incontestablement permis de progresser dans la définition d'outils adaptés à la situation du logement outre-mer.

C'est pourquoi, rejoignant l'opinion exprimée par le rapporteur spécial de la commission des finances, votre rapporteur pour avis incline à penser que, s'il doit y avoir un ministère de l'outre-mer, il est logique que relèvent de sa compétence les secteurs de l'action publique, comme l'emploi ou le logement, dans lesquels la spécificité des problèmes posés nécessite l'intervention d'une administration spécialisée.

Ainsi, s'il convient certes d'éviter que, comme cela a été le cas en 2005 avec le plan de cohésion sociale, l'outre-mer demeure à l'écart des efforts consentis en faveur de la politique nationale du logement, on peut aussi estimer que le problème du logement ne se pose pas dans les mêmes termes en outre-mer et en métropole et que cela justifie qu'il soit géré par le ministère de l'outre-mer.

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Lors d'une réunion tenue le 29 novembre 2006, la commission des affaires économiques, après avoir adopté à l'unanimité l'amendement proposé par son rapporteur pour avis, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007, les commissaires du groupe socialiste votant contre.

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