B. MISE EN PERSPECTIVE DES CRÉDITS GÉRÉS PAR LA MISSION « ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE »
La mobilisation des pouvoirs publics et des fonds publics pour la mise en oeuvre des politiques environnementales et du développement durable dépasse très largement le strict cadre du ministère de l'écologie et du développement durable.
Cette mise en perspective peut être appréhendée sous plusieurs angles. Au-delà du concept de service public de l'environnement, il faut prendre en compte l'ensemble des taxes affectées à des politiques environnementales ou de développement durable ainsi que les mesures adoptées en matière de fiscalité écologique.
Comme le souligne le dossier de presse accompagnant la présentation des crédits de la mission, le ministère de l'écologie et du développement durable se situe au coeur du service public de l'environnement mais il ne représente qu'une part minoritaire des moyens humains et financiers mis en oeuvre par l'Etat pour la protection de l'environnement, évalués à 13.903 ETP et à plus de 3 milliards d'euros ainsi répartis :
1. Le recours accrû aux taxes affectées pour les opérateurs relevant du ministère de l'écologie et du développement durable
Le mouvement d'affectation de taxes pour le financement de certains opérateurs sous tutelle du ministère de l'écologie et du développement durable amorcé en 2006 se poursuit en 2007 :
En loi de finances pour 2006, il avait été décidé d'affecter :
- à l'ADEME, le produit de la taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel (produit réalisé : 183 millions d'euros) ainsi que celui de la taxe sur les voitures particulières les plus polluantes (produit réalisé : 6,25 millions d'euros 3 ( * ) ) ;
- au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (CELRL), une fraction de 80 % du droit de francisation et de navigation (produit réalisé : 24 millions d'euros 4 ( * ) ) ;
- à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), le produit du droit de timbre perçu pour la validation du permis de chasser (produit estimé : 6,5 millions d'euros) 5 ( * ) ;
- à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), une fraction de la taxe sur les installations nucléaires de base (INB) (produit estimé : 4 millions d'euros) ;
Globalement, en 2006, le montant des recettes fiscales nouvellement attribuées au financement de ces opérateurs s'est élevé à 223,75 millions d'euros , ce qui représente 36 % des crédits inscrits dans la mission « Ecologie et développement durable ».
Dans le projet de loi de finances pour 2007, le mouvement se poursuit avec l'affectation :
- au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, de la totalité du droit de francisation et de navigation conformément à l'engagement du Président de la République en juillet 2005 (produit attendu : 35 millions d'euros 6 ( * ) ) ;
Votre commission pour avis se félicite, à cet égard, de l'adoption par le Sénat de l'amendement qu'elle avait déposé à l'article 25 du projet de loi de finances pour 2007 relatif au financement du Conservatoire par le produit de cette taxe, afin d'en rétablir le caractère pérenne.
- au Conseil supérieur de la pêche, d'une partie du prélèvement de solidarité pour l'eau (23 millions d'euros) ;
- à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) d'une fraction du produit de la taxe sur les installations nucléaires de base (10 millions d'euros) ;
En outre, le produit estimé des deux taxes affectées à l'ADEME s'élève à 212 millions d'euros.
Ainsi, le montant estimé pour 2007 s'élèverait à 280 millions d'euros, représentant 43,95 % des crédits inscrits dans la mission « Ecologie et développement durable ».
Enfin le projet de loi de finances rectificative pour 2006 propose :
- l'instauration en 2007 d'une taxe sur la consommation de charbon, dont le taux serait celui de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), soit1,19 euro/MWh, et dont le produit estimé à 5 millions d'euros serait affecté à l'ADEME ;
- une augmentation de 10 % de la taxe générale sur les activités polluantes, une partie de cette augmentation étant affectée à l'ADEME, à hauteur de 25 millions d'euros.
Au total, en 2007, ce mouvement d'affectation de taxes pourrait représenter 310 millions d'euros , soit l'équivalent de 48 % des crédits de la mission « Ecologie et développement durable » 7 ( * ) .
2. Le renforcement de la fiscalité écologique en 2007
La stratégie nationale du développement durable élaborée en 2003 affirme très clairement l'objectif de « mettre en place un dispositif fiscal incitatif aux bonnes pratiques des entreprises, des consommateurs et des collectivités locales ».
L'Agence européenne pour l'environnement recommande également le développement des « taxes vertes » en soulignant leur efficacité, même si, en 2005, celles-ci ne représentent que 1,5 % de l'ensemble des taxes existant au sein de l'Union européenne. L'Agence insiste notamment également sur les « effets annexes » de ces taxes vertes, s'agissant de l'innovation technologique et de la compétitivité des entreprises et en matière de création d'emplois.
Selon l'Agence, on peut distinguer trois types de taxes vertes, celles qui couvrent les coûts des mesures environnementales, notamment la dépollution de l'eau, les taxes incitatives qui tendent à modifier les comportements des producteurs et des consommateurs et enfin les taxes fiscales, qui, en application du principe de double dividende, permettent d'alléger les charges sociales.
En 2006, et selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, on peut estimer à 1 milliard d'euros l'ensemble des dépenses fiscales en faveur de l'environnement, dont les principales sont :
- au titre du programme 181 : le crédit d'impôt pour l'achat d'un véhicule fonctionnant au GNV ( ( * ) |
1)
ou au GPL (1) ou qui combine l'énergie électrique avec une autre source d'énergie, l'exonération de TIPP (1) ou de TICGN (1) pour le gaz de raffinerie à basse teneur en souffre utilisé dans les installations de cogénération ; - au titre du programme 153 : les déductions du revenu net des travaux de restauration et de gros entretiens effectués dans certains espaces naturels (Natura 2000, coeurs de parcs nationaux, réserves naturelles, sites classés) en vue de leur maintien en bon état écologique et paysager, la transmission à titre gratuit des propriétés non bâties incluses dans les sites précités, sous réserve d'un engagement de gestion durable pendant dix-huit ans, l'exonération de TFNB (1) -compensée par l'Etat- pour les parcelles Natura 2000 sur lesquelles un engagement de gestion est souscrit à travers un contrat ou une charte Natura 2000 ; - au titre du programme 211 : l'application du taux réduit de la TVA à la fourniture par réseau d'énergie d'origine renouvelable, le taux réduit de TIPP applicable aux émulsions d'eau dans du gazole, le crédit d'impôt pour dépenses d'équipements et travaux favorisant les économies d'énergie et la rénovation énergétique dans les habitations principales 8 ( * ) . |
En 2007, le volet fiscalité écologique est fortement relancé à travers plusieurs mesures phares. On peut tout d'abord rappeler l'entrée en vigueur, le 15 novembre 2006, de la contribution acquittée par le consommateur final pour financer la filière spécifique d'élimination des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE).
En outre, le comité interministériel pour le développement durable, présidé par le Premier ministre, qui s'est tenu le 13 novembre 2006, a adopté plusieurs dispositions importantes en matière de fiscalité écologique assorties d'objectifs ciblés. Il s'agit de :
- l'instauration d'une taxe sur la consommation de charbon dont le taux est fixé à 1,19 euro/MWh ; - la majoration de 10 % de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et de son indexation sur le coût de la vie. Le produit de la taxe sur la consommation de charbon et de la majoration de TGAP sera affecté à la lutte contre le changement climatique ; - l'augmentation de 10 % de la taxe sur les nuisances sonores aériennes pour renforcer la politique d'insonorisation des logements situés à proximité des aéroports ; - l'autorisation pour les collectivités territoriales, d'exonérer de la taxe sur le foncier non bâti les agriculteurs biologiques et de la taxe sur le foncier bâti les logements économes en énergie ; - la défiscalisation des dépenses d'entretien et de restauration des sites paysagers labellisés par la Fondation du patrimoine. |
Votre rapporteur pour avis prend acte avec intérêt de ces inflexions fortes en matière de fiscalité écologique. A côté de la réglementation environnementale, elles constituent un outil important pour inciter l'ensemble des acteurs économiques à adopter des comportements qui s'inscrivent dans une démarche de développement durable .
Mais il lui semble essentiel que cette inflexion s'inscrive dans une démarche coordonnée et concertée ainsi que dans une réflexion globale sur la fiscalité, afin de veiller à l'acceptabilité des dispositifs proposés, arrêter les rééquilibrages possibles et évaluer les impacts en termes de compétitivité pour les acteurs économiques.
Comme le soulignait M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget, lors d'un débat au Sénat sur les prélèvements obligatoires le 6 novembre dernier, il importe de renforcer notre fiscalité environnementale en créant les conditions d'un consensus sur les réformes à mener. La suggestion de créer une commission placée auprès du Premier ministre, sur le modèle anglo-saxon de la Green Tax commission est, à ce titre, tout à fait pertinente. Cette structure, composée d'experts, d'hommes politiques, de représentants d'entreprises et de membres de la société civile, serait chargée de faire des propositions pour combler le retard français en matière de fiscalité environnementale.
Il conviendra également d'étudier attentivement, début 2007, les conclusions et propositions du groupe de travail sur l'utilisation des instruments économiques au service du développement durable mis en place en février 2006 et dont les notes d'étape inspirent déjà largement les propositions récentes du Gouvernement.
* 3 Le produit attendu de cette taxe était évalué à 15 millions mais sa perception n'est intervenue qu'à la mi-2006.
* 4 Le produit attendu était évalué à 28 millions d'euros mais le nouveau mode de calcul de cette taxe -assiette fondée sur la longueur et non plus sur la jauge en tonneaux des navires- a entraîné une diminution de son rendement (30 millions au lieu de 35 millions d'euros). En 2006, le ministère de l'écologie et du développement durable a pu attribuer 2,3 millions d'euros supplémentaires grâce à un dégel des crédits et la loi de finances rectificative pour 2006 devrait présenter les modifications permettant de rétablir le produit initial attendu pour 2007.
* 5 Par ailleurs, l'article 48 du projet de loi de finances rattaché aux crédits de la mission « Ecologie et développement durable » propose une revalorisation du montant des redevances synégétiques versées par les chasseurs ainsi qu'un mécanisme d'indexation automatique.
* 6 Sous réserve des modifications de calcul de la taxe à venir dans le projet de loi de finances rectificative pour 2006.
* 7 Ce chiffrage ne prend pas en compte le montant des redevances finançant depuis l'origine l'ONCFS (73,84 millions d'euros en 2006 assorti d'une revalorisation de 1,2 million en 2007) ou encore les agences de l'eau (1,68 milliard d'euros estimé en 2006).
* (1) GNV : gaz naturel véhicule : GPL : gaz de pétrole liquéfié, TIPP : taxe intérieure sur les produits pétroliers, TICGN : taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel, TFNB : taxe sur le foncier non bâti.
* 8 Depuis 2005, le crédit d'impôt a été porté à 40 % du prix d'achat d'un matériel de chauffage fonctionnant avec une énergie renouvelable. Les moindres recettes fiscales représentaient 400 millions d'euros en 2005, étaient estimées à 900 millions d'euros en 2006 et un milliard d'euros en 2007.