ARTICLE 6 - Création de nouvelles zones franches urbaines (ZFU)

Commentaire : le présent article propose d'autoriser le gouvernement à créer de nouvelles zones franches urbaines à compter du 1 er août 2006.

I. LE DROIT EXISTANT

A. Les ZFU, quartiers prioritaires de la politique de la ville

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville et leur procédure de création sont définis par l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire modifiée par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.

Ces quartiers sont classés en trois catégories en fonction de l'importance des handicaps économiques et sociaux : les zones urbaines sensible s (ZUS), caractérisées par « la présence de grands ensembles ou de quartiers d'habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi », comprenant elles-mêmes les zones de redynamisation urbaine (ZRU) « qui sont confrontées à des difficultés particulières » et les zones franches urbaines (ZFU) qui sont « créées dans des quartiers particulièrement défavorisés ».

Les 85 zones franches urbaines existantes, instaurées pour les 44 premières par la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville et pour les 41 suivantes par la loi du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, représentent donc une partie des 416 zones de redynamisation urbaine (ZRU) elles-mêmes incluses dans l'ensemble, plus vaste, des 751 zones urbaines sensibles (ZUS).

B. Les critères du classement

Les textes en vigueur déterminent les critères selon lesquels les quartiers sont susceptibles d'être classés en ZRU ou en ZFU.

Au-delà de la prise en compte de la situation des quartiers dans l'agglomération, et de leurs caractéristiques économiques et commerciales, le classement fait intervenir un indice synthétique établi en tenant compte :

- du nombre d'habitants du quartier,

- du taux de chômage,

- de la proportion de jeunes de moins de vingt-cinq ans,

- de la proportion des personnes sorties du système scolaire sans diplôme ;

- du potentiel fiscal des communes intéressées.

L'indice synthétique est défini par le décret n° 96-1159 du 26 décembre 1996. Il est obtenu en multipliant la population de chaque ZUS par le taux de chômage, la proportion de jeunes de moins de vingt-cinq ans et la proportion de personnes sans diplôme déclaré, et en divisant ce produit par le potentiel fiscal par habitant de la commune concernée.

Comme notre collègue Eric Doligé le soulignait dans son avis sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine 6 ( * ) , « cet indice présente l'inconvénient d'être évalué, comme le prévoit ce décret, à partir du recensement général de la population de 1990 et des valeurs utilisées pour la répartition de la dotation globale de fonctionnement de 1996 , qui sont aujourd'hui anciens ».

L'ancienneté des critères retenus pour la définition des ZRU, et donc des ZFU, a également été critiquée par la Cour des comptes, dans son rapport public particulier précité relatif à la politique de la ville.

Les ZFU présentent, enfin, la particularité de concerner exclusivement des quartiers de plus de 10.000 habitants .

C. La procédure de création utilisée pour les deux premières générations de ZFU

L'article 42 de la loi du 4 février 1995 précise également la procédure de création des quartiers prioritaires . Il distingue une procédure de classement par voie réglementaire (ZUS et ZRU), la liste de ces zones étant fixée par décret, et une procédure de classement spécifique aux ZFU qui fait intervenir une combinaison de textes.

Aux termes de la loi précitée, la liste de ces zones est, en effet, annexée à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. » Seule leur délimitation est opérée par décret en Conseil d'Etat , en tenant compte des éléments de nature à faciliter l'implantation d'entreprises ou le développement d'activités économiques. Elle peut prendre en compte des espaces situés à proximité du quartier, si « ceux-ci sont de nature à servir le projet de développement d'ensemble dudit quartier. Ces espaces pourront appartenir, le cas échéant, à une ou plusieurs communes voisines qui ne seraient pas mentionnées dans ladite annexe ».

Cette procédure a été utilisée pour la création des listes des deux premières générations de ZFU. Elle a donné lieu à l'établissement des annexes I et I bis de la loi précitée.

En application de ces annexes, deux décrets de délimitation ont été pris, le 26 décembre 1996 (décret n°96-1154 pour la France métropolitaine et décret n°96-1155 pour les départements d'outre-mer) pour les ZFU de première génération et le 12 mars 2004 (décret n° 2004-219) pour les ZFU de seconde génération.

Le caractère complexe de la procédure de création des ZFU et la distinction entre liste des quartiers et délimitation des quartiers a trouvé une illustration dans plusieurs procédures visant à modifier à la marge les périmètres de zones franches et nécessitant une modification par voie législative de la liste des quartiers.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Dans la déclaration qu'il prononçait à l'Assemblée nationale le 8 novembre 2005 sur la mise en place de l'état d'urgence, le Premier ministre avait annoncé sa décision de « créer 15 zones franches urbaines supplémentaires en plus des 85 existantes ». Le présent article met en oeuvre cette décision.

A. Des critères identiques à l'exception du nombre d'habitants

Les ZFU de la troisième génération seront créées, comme les précédentes générations, selon les critères fixés par l'article 42 de la loi n°95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire : un taux de chômage important ; une proportion de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme supérieure à la moyenne nationale ; une proportion de jeunes de moins de vingt-cinq ans importante ; un potentiel fiscal par habitant faible.

La nouvelle génération de ZFU s'adresse toutefois à des quartiers moins peuplés : le présent article précise en effet que ces nouvelles ZFU seront créées dans des quartiers de plus de 8.500 habitants, au lieu de quartiers de plus de 10.000 habitants pour les deux premières générations de ZFU.

L'exposé des motifs du projet de loi donne pour justification à cet élargissement qu'il « permettra de cibler les zones dont les besoins sont les plus importants ».

B. Une procédure différente

Les listes des première et deuxième générations de ZFU avaient été présentées au Parlement et annexées aux projets de loi dès leur première lecture. Le présent projet de loi, bien qu'il énonce dans son article 6 que de « nouvelles ZFU sont créées », ce qui attribue à la création de ces ZFU une nature législative, renvoie par ailleurs à un simple décret le soin d'établir la liste des communes et des quartiers concernés .

Le nombre de nouvelles ZFU (une quinzaine) n'est évoqué que par l'exposé des motifs du projet de loi et confirmé par les déclarations du Premier ministre. Votre rapporteur considère que la liste des zones aurait dû, comme les précédentes, être annexée au présent projet de loi. Le Parlement aurait ainsi été en mesure de se prononcer en connaissance de cause et la lecture de la loi en aurait été facilitée.

En ce qui concerne une éventuelle extension des ZFU existantes, qui n'est pas prévue par le texte de l'article 6, l'exposé des motifs du projet de loi renvoie à la voie réglementaire, « le périmètre des zones s'effectuant par la rédaction d'un décret en Conseil d'Etat ». Votre rapporteur s'étonne de cette affirmation car les textes applicables précisent très explicitement que seule la délimitation des ZFU est établie par décret en Conseil d'Etat. Or, celle-ci ne saurait être assimilée à une extension, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat lui-même lors de « l'affaire » de la ZFU de Grigny .

En outre, il conviendrait que le gouvernement prenne position sur la possibilité de créer, grâce à des extensions de ZFU existantes, des ZFU intercommunales .

C. Une création subordonnée à l'accord des instances communautaires

Comme pour les précédentes générations de ZFU, les nouvelles créations envisagées (et la prorogation des précédentes) ne pourront intervenir qu'après approbation des autorités européennes compétentes en vertu des dispositions applicables aux aides d'Etat. La seule exception à l'autorisation concernerait les aides soumises à la règle du de minimis .

L'exception dite « de minimis »

La Commission européenne interprète généralement les dispositions des articles 87 et 88 du traité CE de manière relativement stricte, en présumant que toutes les aides d'Etat sont a priori susceptibles de fausser ou de menacer la concurrence au sein du marché commun.

Dans un souci de simplification administrative, aussi bien pour les Etats membres que pour les services chargés du contrôle des aides d'Etat, la Commission européenne a toutefois introduit en 1992 une règle dite « de minimis », formalisée dans la recommandation de 1996 (JOCE n° C 68 du 6 mars 1996), puis dans le règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission du 12 janvier 2001, selon laquelle les aides d'un faible montant bénéficient d'une présomption inverse.

Le règlement du 12 janvier 2001 autorise ainsi les aides ou les combinaisons d'aides dont le montant total octroyé à une même entreprise « n'excède pas 100.000 euros sur une période de trois ans ». Corollairement, ce règlement dispense les Etats membres de notifier à la Commission européenne les régimes d'aides aux entreprises plafonnés à 100.000 euros par période glissante de trois années consécutives.

Il convient toutefois de souligner que ce montant « de minimis » de 100.000 euros par entreprise sur trois années consécutives ne s'apprécie pas régime d'aide par régime d'aide, mais en cumulant l'ensemble des aides relevant du régime « de minimis » apportées à une même entreprise quel que soit leur forme ou leur objectif.

Selon les informations fournies à votre rapporteur pour avis, le dossier de demande d'autorisation n'a été adressé que le 7 février 2006 à la commission européenne. Compte tenu des délais d'instruction habituels et des informations manquantes à cette date (y compris la liste des nouvelles ZFU envisagées), la réponse de la commission pourrait ne pas intervenir avant la fin du premier semestre de l'année 2006.

C'est ce qui explique que le projet de loi ne propose d'autoriser la création de ZFU qu'à compter du 1 er août 2006.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le gouvernement a retenu sur cet article un amendement rédactionnel proposé par notre collègue député Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

S'il en approuve le principe, votre rapporteur pour avis ne peut qu'exprimer sa perplexité quant aux motivations qui ont conduit le gouvernement à proposer la création de nouvelles zones franches urbaines selon une procédure dérogatoire et sans fournir au Parlement les informations lui permettant de se prononcer en connaissance de cause .

A deux reprises, au cours d'auditions des ministres chargés de porter le présent projet de loi ou de leurs collaborateurs, le même refus lui a été opposé non seulement d'annexer à la loi la liste des nouvelles ZFU envisagées, en vertu de la procédure habituelle, mais aussi de fournir, à seule fin d'information, cette liste aux rapporteurs des commissions.

A. Les inconvénients certains d'une procédure dérogatoire pour la troisième génération de ZFU

Le choix d'une procédure différente pour la troisième génération de ZFU renforce pourtant inutilement la complexité du dispositif législatif.

La nouvelle procédure coexiste, en effet, avec l'ancienne procédure de l'article 42 de la loi de 1995. Elle crée de l'insécurité juridique. Elle oblige à toiletter l'ensemble des textes pour rectifier l'ensemble des références aux ZFU.

En conséquence, en accord avec les rapporteurs des commissions saisies de cet article au fond et pour avis, votre rapporteur pour avis vous propose un amendement visant à réintégrer dans le texte de l'article 42 de la loi du 4 février 1995 et à titre de dérogation, la nouvelle procédure choisie par le gouvernement qui l'autorise à procéder à la création de ZFU par décret.

B. L'absence d'autorisation européenne fait peser une incertitude majeure

Le gouvernement a justifié son refus de fournir la liste des ZFU envisagées au motif de la procédure de demande d'autorisation qui a débuté en février auprès de la Commission européenne.

Il est exact que la négociation engagée peut s'avérer très difficile compte tenu des exigences posées par la Commission quant aux limitations et aux motivations des aides d'Etat aux entreprises.

En particulier, la Commission européenne avait subordonné l'acceptation du dispositif actuel de deuxième génération de ZFU et de prolongation de la première génération à la condition que ce dispositif ne couvre que 1 % de la population française au maximum.

Selon les rares éléments d'appréciation transmis à votre rapporteur pour avis, le nouveau périmètre incluant les nouvelles ZFU et les extensions des zones actuelles représenterait 2 % de la population.

Compte tenu de l'absence d'information précise, il n'est cependant pas possible à votre commission d'apprécier justement la réalité de l'extension du périmètre de ZFU qui sera proposée par le gouvernement et donc des risques de refus d'autorisation par la Commission européenne.

On conviendra seulement du caractère particulier d'un article qui crée des zones inconnues dont l'existence, sitôt consacrée, risque d'être remise en question par une décision communautaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'émettre un avis favorable sur cet article ainsi modifié.

* 6 Devenu loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page