N° 212
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 février 2006 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi pour l' égalité des chances , CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE AUX TERMES DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE,
Par M. Pierre ANDRÉ,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Herisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Christian Gaudin, Jean Pépin, Bruno Sido, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Yves Coquelle, Roland Courteau, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, M. Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, André Ferrand, Alain Fouché, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Adrien Giraud, Mme Adeline Gousseau, MM. Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Mmes Sandrine Hurel, Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (12ème législ.) : 2787, 2825 et T.A . 534
Sénat : 203, 210, 211, 213 et 214 (2005-2006)
Solidarité nationale. |
Mesdames, Messieurs,
Depuis le rapport d'information établi, en 1990, par Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, alors sénateur, sur la politique de la ville, votre commission pour avis a toujours suivi avec attention les questions posées par les quartiers en difficulté. Récemment encore, elle s'est penchée successivement sur le volet économique de cette politique, en appelant, en 2002, à la relance des zones franches urbaines, et sur son volet humain, en préconisant, lors de la dernière session parlementaire, la poursuite d'une politique contractualisée et territorialisée entre l'Etat et les villes en faveur des quartiers en difficulté. Entre ces deux rapports, elle s'est attachée au volet urbain de cette politique, à l'occasion de l'examen de la loi du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, qui a créé l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Dans le droit fil de ces travaux, elle a jugé naturel de se saisir pour avis de dispositions du projet de loi relatif à l'égalité des chances intéressant directement le renouveau économique des quartiers en difficulté avec la relance des zones franches urbaines , et les modalités de la prochaine contractualisation entre l'Etat et les villes, à travers la création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale .
Le présent projet de loi concerne bien d'autres aspects de la politique de cohésion sociale, sur lesquels votre commission des affaires économiques ne s'est pas penchée, mais qui forment un ensemble cohérent, en agissant sur tous les leviers de l'exclusion : chômage, école, discriminations. Il ne constitue en outre que la partie législative d'un ensemble de mesures annoncées par le Premier ministre : mesures budgétaires , avec la hausse des crédits affectés aux associations dans le budget pour 2006, et administratives , avec l'institution des préfets délégués à l'égalité des chances.
Même si les dispositions examinées par votre commission des affaires économiques trouvent leur origine dans l'urgence née de la situation explosive qu'ont connue, cet automne, un certain nombre de quartiers, elles s'inscrivent en même temps, profondément, dans la continuité des politiques menées depuis 2002 en faveur de ces derniers, sous l'impulsion du ministre de la cohésion sociale Jean-Louis Borloo . Votre commission pour avis, pour qui la politique de la ville doit nécessairement s'inscrire dans la durée, ne peut que s'en féliciter.
En effet, l'achèvement de la carte des ZFU et la prorogation des zones existantes jusqu'au 31 décembre 2011 reposent sur la même idée que celle qui avait présidé à l'ouverture de 41 nouvelles zones en 2004 : la nécessité de combattre l'exclusion économique pour combattre l'exclusion sociale . Comme votre commission des affaires économiques l'avait établi en son temps, le bilan de ces zones, qui ont contribué à transformer des cités-dortoir en pôles de redynamisation économique, est incontestablement positif.
Pour sa part, la création d'une Agence pour la cohésion sociale repose notamment sur la volonté, exprimée par un certain nombre d'acteurs, que la politique ambitieuse de rénovation urbaine menée depuis 2003 soit soutenue par des actions d'accompagnement social des populations . Or, comme l'a montré l'expérience de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, la mise en place d'une agence permet de mobiliser efficacement les énergies et les financements au service d'un même objectif . La nouvelle agence aura essentiellement deux vocations : d'une part, mener des politiques, au niveau national, en faveur de l'intégration des populations immigrées et de lutte contre les discriminations et, d'autre part, mettre en oeuvre des actions en faveur des quartiers de la politique de la ville. C'est essentiellement ce dernier aspect qui intéresse directement votre commission pour avis.
S'il est vrai que les contours exacts et les financements dont bénéficieront cette Agence n'apparaissent pas encore totalement clairs, et que la rapidité des annonces qui ont présidé à sa création n'a pas toujours permis d'apaiser les inquiétudes qui se sont faites jour auprès des acteurs concernés, il est clair que, pour que cette Agence fonctionne à la satisfaction de tous, le travail de concertation avec les acteurs devra être poursuivi , qu'il s'agisse du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations ou de la Délégation interministérielle à la ville.
Votre rapporteur pour avis relève néanmoins que cette création, s'agissant de son volet « politique de la ville », résulte en réalité d'une réflexion menée depuis plusieurs mois pour trouver les moyens de simplifier les procédures et de mutualiser les financements, à la demande du monde associatif lui-même. De ce point de vue, elle constitue une avancée positive pour les associations mais aussi les collectivités territoriales, qui pourront bénéficier d'engagements pluri-annualisés.
Avant d'aborder l'examen des dispositions du projet de loi, ainsi que les modifications et les compléments qu'elle vous propose d'y apporter, votre commission pour avis souhaite rappeler brièvement la situation des quartiers en difficulté telle qu'elle vient d'être dressée par l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, et retracer les grandes orientations suivies depuis 2003 en matière de politique de la ville.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. DEPUIS 2002, UNE POLITIQUE AMBITIEUSE POUR LES QUARTIERS EN DIFFICULTÉ
Les dispositions du projet de loi examinées par votre commission pour avis poursuivent l'élan insufflé par la loi du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, puisqu'elles tendent à achever la carte des zones franches urbaines, et à compléter son volet urbain à travers la création de l'Agence pour la cohésion sociale.
A. DES QUARTIERS EN CRISE, MAIS DES TRAJECTOIRES ASCENDANTES POSSIBLES POUR LES POPULATIONS
Sans entrer dans le détail du constat dressé dans son dernier rapport par l'Observatoire national des zones urbaines sensibles 1 ( * ) , dont il convient de saluer la qualité, il apparaît utile d'en retracer ici les grandes lignes.
1. Des handicaps concentrés de longue date sur les mêmes zones
La situation des quartiers prioritaires de la politique de la ville se caractérise aujourd'hui par l'existence d'un fort taux de chômage, qui atteint, selon l'Observatoire des zones urbaines sensibles, 20,6 %, soit le double de la moyenne nationale. L'évolution récente apparaît plus encourageante, puisque entre le 31 décembre 2003 et le 31 décembre 2004, on estime que le nombre de demandeurs d'emploi résidant en ZUS 2 ( * ) a baissé de 1,6 % alors qu'il progressait de 0,5 % dans l'ensemble des agglomérations comportant une ZUS.
Chez les 15-26 ans, le chômage touche même 36 % des hommes et 40 % des femmes et, chez les travailleurs immigrés, 26 % des hommes et 38 % des femmes. Or, le faible niveau de qualification des habitants des zones urbaines sensibles constitue un handicap certain pour l'accès à l'emploi. En 1999, un habitant sur trois de plus de 15 ans déclarait n'avoir aucun diplôme, soit 1,8 fois plus que la moyenne nationale. L'écart de réussite au diplôme national du brevet est quant à lui de 10 points en défaveur des élèves scolarisés en ZUS. Cette situation explique sans doute que les jeunes des ZUS quittent plus tardivement et moins fréquemment le domicile parental que ceux qui habitent dans le reste de l'agglomération, en raison de leur faible niveau de diplôme et de leurs difficultés d'insertion professionnelle.
De là découle largement le niveau de pauvreté observé dans les ZUS, dans lesquelles le revenu fiscal moyen par unité de consommation représentait, en 2001, 58 % du niveau moyen de leurs unités urbaines et 61 % du niveau national.
* 1 La loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a défini deux catégories de quartiers prioritaires : les zones urbaines sensibles (ZUS), caractérisées par « la présence de grands ensembles ou de quartiers d'habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi », également classées en zones de redynamisation urbaine (ZRU) lorsqu'elles sont situées dans des communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine.
* 2 Cherchant un CDI.