B. LA PROMOTION DE LA DIVERSITÉ DANS LE DOMAINE DE L'AUDIOVISUEL
Dans un courrier daté d'octobre 1999 adressé aux responsables des principales chaînes de télévision hertziennes, M. Hervé Bourges, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, dressait le constat suivant : « Il est vrai que les médias audiovisuels sont aujourd'hui les principaux outils de la représentation qu'une société construit d'elle-même. Une représentation médiatique trop conventionnelle et qui ne prendrait pas en compte la diversité réelle de notre pays risquerait à terme de faire l'objet d'un rejet de la part de tous ceux qui ne pourraient pas s'y reconnaître. » Et de favoriser le rejet de cette même société serait on tenté d'ajouter .
En dépit de cette prise de conscience, force est de constater, qu'encore aujourd'hui, les écrans restent relativement « pâles ». En dépit des efforts accomplis dans ce domaine par les éditeurs sous l'impulsion de l'autorité de régulation, notre audiovisuel peine en effet à refléter dans ses programmes la diversité de notre communauté nationale. C'est pour remédier à cette situation que le Gouvernement propose d'instituer un dispositif juridique incitatif visant à lutter efficacement contre les discriminations dans le secteur de l'audiovisuel.
1. D'importants efforts déjà accomplis sous l'impulsion du Conseil supérieur de l'audiovisuel
Suite à l'audition du Collectif Égalité 8 ( * ) le 5 octobre 1999, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a pris l'initiative d'approfondir le dialogue avec les diffuseurs concernant la représentation à l'antenne de la diversité des origines et des cultures.
Considérant à juste titre que les médias audiovisuels jouaient un rôle de tout premier plan en matière de cohésion sociale et d'intégration, l'autorité de régulation a en premier lieu négocié dès 2001 avec les chaînes de télévision hertziennes analogiques privées une modification de leur convention afin d'y introduire deux dispositions nouvelles relatives à la promotion « des valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République » et à la prise en compte « dans la représentation à l'antenne [de] la diversité des origines et des cultures de la communauté nationale ». Ces dispositions ont depuis lors été insérées dans toutes les conventions signées avec les services de la TNT, du câble et du satellite.
Plus récemment et afin de disposer d'éléments objectifs, le CSA a demandé aux chaînes hertziennes analogiques qu'elles s'engagent à lui présenter, dans le cadre de leur bilan annuel, un rapport décrivant comment celles-ci s'acquittent de leurs obligations conventionnelles en la matière. L'analyse de ces bilans, publiée dans La Lettre du CSA de décembre 2005 et dont de larges extraits sont présentés ci-dessous, indique que les diffuseurs, notamment les chaînes publiques, ont largement pris conscience de la responsabilité qui leur incombe en ce domaine.
LA REPRÉSENTATION DE
LA DIVERSITÉ DES ORIGINES
À la demande du CSA, les chaînes, dans le rapport d'activité qu'elles lui communiquent chaque année, détaillent les programmes et les initiatives qui contribuent, sur leur antenne, à améliorer la représentation de la diversité des origines et des cultures de la communauté nationale. Dans leur bilan 2004, les chaînes hertziennes ont déclaré être conscientes du rôle qui leur incombait dans ce domaine. [...] L'analyse de ces bilans dressés par les diffuseurs hertziens analogiques en 2004, au-delà de leurs différences dans la forme, le style ou le niveau de précision des informations données, permet de dégager plusieurs constats. - Des chaînes conscientes de leur responsabilité [...] TF1 déclare qu'elle « reste consciente qu'elle a un rôle à jouer dans la recréation d'une partie du lien social en voie de désagrégation dans la France d'aujourd'hui, notamment dans les banlieues ». M6 insiste sur la double fonction des médias : « exemplaire : car ils présentent une image sociale et culturelle à laquelle la société tend à vouloir ressembler ; spéculaire : car elle est un miroir de la société dont elle est censée refléter la diversité des moeurs, des besoins et des préoccupations ». - Un constat d'insuffisante diversité sur les antennes Tout en revendiquant, dès 1999, un rôle pionnier parmi les diffuseurs sur ces questions, TF1, dans sa contribution pour l'année 2004, résume ainsi le constat : « les Français issus des minorités visibles souffrent autant de difficultés d'accès aux médias (qu'ils soient de presse écrite, de radio ou de télévision), que d'insuffisance de visibilité sur les antennes des diffuseurs hertziens ». - Le refus de toute communautarisation, voire de la mise en place de quotas Si les diffuseurs souhaitent refléter la dimension pluriculturelle de la France, ils refusent cependant le principe de la discrimination positive ou l'instauration de quotas. M6 considère que cette dernière « serait contraire à l'égalité des chances et aurait l'effet pervers, en légalisant la différence, de la stigmatiser davantage ». La création de médias communautaires « va à l'encontre du credo républicain du vivre ensemble ». - Les moyens dont se sont dotées les chaînes Dans ce domaine, ce sont les chaînes publiques qui sont allées le plus loin avec le lancement, en janvier 2004, d'un « plan d'action positive pour l'intégration », suivi et coordonné par un délégué à l'intégration et à la diversité au sein de la holding France Télévisions. Ce plan comporte deux volets : l'un concerne les contenus éditoriaux et vise à offrir une meilleure visibilité de la diversité ; l'autre concerne les ressources humaines, afin d'ouvrir davantage aux populations d'origine extra-européenne l'accès à la formation, aux métiers de la télévision comme à la promotion des talents. Chacun de ces volets est suivi par deux cellules créées au sein de chaque chaîne du groupe, qui se réunissent chaque mois et rendent compte au président de France Télévisions des avancées de leurs travaux. Par ailleurs, France Télévisions a décidé de consacrer, sur chacune de ses antennes, une semaine à l'intégration (du 26 au 31 janvier 2004), sous forme de documentaires, fictions et magazines. Dans le cas de TF1, la chaîne évoque « plusieurs rencontres au cours de l'année 2004 entre la direction de la fiction et les représentants des associations issues des minorités visibles afin d'aborder les thématiques suivantes : détection de nouveaux talents parmi les comédiens issus des minorités visibles ; attentes de TF1 en termes de sujets ; formation d'auteurs issus des minorités visibles à l'écriture de scénarios de fiction ». Elle explique également que « l'année 2004 s'est close par la mise en place de rencontres au plus haut niveau de TF1 avec l'ensemble des personnes intéressées par ces questions afin de dégager des priorités pour 2005 et de mettre en relief les difficultés rencontrées d'une manière générale dans la société française ». Quant à M6, elle évoque le fait que « les relations régulières instaurées avec l'association Convergences qui oeuvre pour l'émergence et la participation visible dans les domaines économiques et politiques des nouveaux talents issus de l'immigration se sont intensifiées en 2004 et des contacts ont été pris avec des associations, avec le Club Averroès ou encore l'AFIJ qui développe un programme d'équité à l'emploi à compétences et talents égaux pour favoriser l'insertion professionnelle des publics en difficulté, afin de favoriser et d'accélérer l'émergence d'un personnel qualifié issu de l'immigration ». - L'analyse par programme (extraits ndlr) L'information Les chaînes publiques insistent particulièrement sur l'information. Elles soulignent le rôle des magazines d'information et d'actualité qui « ont informé, confronté les différents points de vue et contribué à dépassionner le débat sur des sujets souvent douloureux, dans le refus du repli communautaire ». Parmi les sujets évoqués figurent la place de la religion dans la société, la situation réservée aux étrangers, la confrontation des cultures. Le bilan fourni par France Télévisions énumère pour les émissions Mots croisés (France 2), C dans l'air et Ripostes (France 5), les numéros qui ont porté sur ces sujets. TF1 est la seule chaîne privée à noter que « en termes d'information, la rédaction de TF1 compte désormais un nombre non négligeable de journalistes-reporters issus des minorités visibles ». La fiction TF1 indique « qu'un travail de fond a été lancé avec des producteurs et les agences de casting afin de mettre en avant des acteurs issus des minorités visibles dans les rôles de personnages occupant des professions honorables et identitaires : médecins, juges, policiers, avocats ». M6 cite à la fois des coproductions de fictions françaises (Léa Parker, Sami le Pion) et des fictions américaines comme Ma famille d'abord et Missing : disparus sans laisser de trace. Dans le cas des chaînes publiques, il s'agit plutôt de fictions unitaires qui abordent ces questions sous un angle historique (L'homme qui venait d'ailleurs sur France 2, Le Pays des enfants perdus sur France 3) ou social (L'un contre l'autre, La Fonte des neiges sur France 3). France Télévisions considère en outre que des séries comme Fabien Cosma, Famille d'accueil, Le Camarguais, SOS 18 ou Plus belle la vie évoquent de « façon récurrente la question de l'intégration ». Le cinéma Canal+ détaille son rôle particulier avec une programmation qui a permis au public de voir des films comme Fureur, Travail d'Arabe, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, qui illustrent cette diversité des origines. M6 met en avant sa politique de coproduction de films tels que La Squale, Fish et chips, Le Neveu, Marrakech express. Les émissions de télé-réalité Seules TF1 et M6 en diffusent. Elles insistent sur le rôle que joue ce type d'émission. TF1 explique que « les émissions de télé-réalité, quel que soit leur genre (musical, aventure, rencontres), comportent systématiquement des candidats qui reflètent la diversité de la population française ». M6 cite ses principales émissions de télé-réalité. [...] Les magazines culturels Seules les chaînes publiques mettent en avant l'importance de ce type d'émission aux multiples apports : « travail de mémoire, retour sur l'Histoire, découverte des cultures, analyse de l'image et du sens des mots ». Sont cités Double je sur France 2, émission faisant le portrait de personnalités qui, tout en conservant leur identité et leurs racines, ont adopté la langue et la culture françaises, certains numéros des émissions Campus, Envoyé spécial (France 2), Cultures et dépendances (France 3), Que dit la loi, Les Maternelles (France 5). Le bilan indique également des documentaires diffusés dans Contre-courant sur France 2, Chez moi la France sur France 3 ou sur France 5. Le bilan fourni par France Télévisions donne une liste exhaustive de sujets de magazines culturels en précisant que « valoriser les cultures et les peuples venant d'ailleurs, c'est vouloir sortir d'une image trop souvent univoque et dévalorisante, et présenter de la personne immigrée autre chose que la figure d'un homme déraciné : le montrer riche d'une histoire et d'une culture ancestrales, inscrit dans une structure familiale et sociale ». À ce titre sont énumérés un certain nombre de reportages dans Des racines et des ailes, Faut pas rêver, Thalassa. Les programmes jeunesse M6 est la seule chaîne à avoir présenté ses actions dans ce type de programme. Elle indique dans son rapport : « Tous les dessins animés proposés dans le cadre des programmes jeunesse de la chaîne ont à coeur de mettre en scène des personnages d'origine ethnique et sociale diverses ». [...] Les émissions de divertissement TF1 considère avoir poursuivi en 2004 les efforts menés dans ces émissions en renforçant « dans le public et parmi les candidats des émissions de jeux (Attention à la marche, À prendre ou à laisser notamment) la présence des participants issus des minorités visibles. Des thématiques favorables à l'intégration ont également été abordées. Attention à la marche a ainsi consacré une semaine de programmation à des émissions spéciales couples mixtes ». M6 énumère, pour sa part, les émissions de divertissement dont les animateurs sont issus de minorités visibles (Charly Nestor pour Hit Machine, Magloire pour C'est pas trop tôt, Karine Lima pour M6 Kid). Canal+ met davantage en avant sa politique d'invitation dans des émissions de divertissement ou des magazines comme Le Grand Journal, En aparté, 20 h 10 pétantes, Nous ne sommes pas des anges, + clair. La Lettre du CSA n°190 |
* 8 Collectif créé dans le but d'attirer l'attention du public sur les problèmes rencontrés quotidiennement par la communauté noire francophone et représenté par Mme Calixthe Beyala, MM. Manu Di Bango, Dieudonné et Luc Saint Éloi.