C. LA DIFFÉRENCIATION DES CONDITIONS DE DÉTENTION
Les établissements pénitentiaires accueillent des détenus au profil très divers au regard notamment de leur dangerosité. Tel est le cas en particulier des maisons d'arrêt. Cette situation apparaît préoccupante à un double titre.
En premier lieu, malgré les efforts déployés par les chefs d'établissement, le taux de suroccupation de beaucoup d'établissements rend difficile une sélection fine des détenus appelés à partager la même cellule.
Ainsi, un primo-délinquant peut cohabiter avec un multirécidiviste au risque de créer des tensions ou, au contraire, des effets d'entraînement néfastes.
Ensuite, l'uniformité des conditions de détention (en particulier le niveau des exigences de sécurité qui ne se justifie pas tous les détenus) ne permet pas de prendre toutes les mesures encourageant la réinsertion des personnes pour lesquelles les perspectives paraissent les plus favorables.
Ce double constat conduit à faire de la différenciation des conditions de détention une priorité de la politique pénitentiaire. L'effort engagé dans cette voie doit se poursuivre.
Les centres pour peines aménagées
Crées par un décret du 30 avril 2002, les centres pour peines aménagées (CPA) constituent un nouveau mode de prise en charge de la petite et moyenne délinquance axé sur la réinsertion et la prévention de la récidive. Ils sont actuellement au nombre de deux -Marseille et Metz-, un troisième CPA étant prévu à Villejuif.
Votre rapporteur pour avis s'est rendu au CPA du centre pénitentiaire de Marseille doté de 39 places.
Les détenus sont affectés par une commission de sélection selon des critères tenant plus particulièrement compte des démarches engagées durant la détention afin de préparer la réinsertion. Au terme d'une phase d'accueil (de l'ordre de six semaines), une commission pluridisciplinaire valide ou non le projet de sortie du détenu. Les stagiaires sont alors placés sous le régime du placement à l'extérieur sans surveillance continue mais avec maintien au CPA (ils peuvent bénéficier de sorties très fréquentes pour se rendre auprès des différents services ou associations susceptibles de les aider dans leur démarche avec lesquels ils prennent rendez-vous eux-mêmes).
Une évaluation du CPA a permis de souligner en particulier l'intérêt d'un encadrement interdisciplinaire et la responsabilisation des détenus, devenus acteurs de leur sortie.
Au cours de la première phase, les détenus bénéficient de formations ou d'actions de sensibilisation. Le CPA de Marseille présente l'originalité d'organiser des rencontres avec les associations d'aide aux victimes. Néanmoins, ces échanges présenteraient sans doute un plus grand impact sur les détenus s'ils étaient organisés dans un cadre individuel et non, comme actuellement, collectif.
Certaines difficultés ont été signalées à votre rapporteur pour avis telles que l'insuffisance du dispositif de l'ANPE dont un agent, seulement, intervient sur le site. Surtout, la deuxième phase des activités au CPA se concentre sur la recherche d'un emploi, ce qui est loin, selon les détenus eux-mêmes, de remplir leur emploi du temps. L'absence de toute activité en détention, justifiée par l'administration pénitentiaire par le souci de mobiliser l'intéressé sur un projet extérieur apparaît paradoxal alors que cette phase correspond à une période cruciale pour la réinsertion de la personne détenue. Aussi serait-il judicieux de renforcer le contenu des emplois du temps -le cas échéant par le recours à des intervenants extérieurs.
Le CPA mobilise 34 personnes (dont 24 surveillants et 3 travailleurs sociaux). Il s'agit sans doute d'un dispositif coûteux mais intéressant dans la perspective de la réinsertion professionnelle des personnes détenues. Une évaluation de l'efficacité de cette structure au regard de l'objectif de réalisation des projets professionnels des détenus apparaît cependant indispensable avant d'envisager la généralisation de ce type de structure.
Les centres de semi-liberté
Au 1 er juillet 2005, 13 centres de semi-liberté autonomes accueillaient 564 personnes. La livraison de quatre structures nouvelles (290 places au total) pourrait intervenir au quatrième trimestre 2007 (Aix-Luynes, Bordeaux-Gradignan, Loos et Avignon-le Pontet).
Le taux d'occupation des centres de semi-liberté s'établissait au 1 er juillet 2005 à 89,2 %. Il n'a jusqu'à présent jamais dépassé 100 %.
La création de quartiers pénitentiaires pour courtes peines
Les peines d'emprisonnement inférieures à un an représentent près de 90 % des peines d'emprisonnement ferme prononcées.
Si le taux d'inexécution des peines s'est réduit entre 2002 et 2004 (32 % et 27 %), il reste élevé et concerne principalement ces courtes peines.
Par ailleurs, lorsqu'elles sont effectivement appliquées, elles s'exécutent en maison d'arrêt. Or, comme l'avait souligné M. Jean-Luc Warsmann dans son rapport d'avril 2003, si la « maison d'arrêt est la bonne réponse pour les individus dangereux, car elle remplit sa fonction de mise à l'écart », en revanche, « pour les autres, elle n'est pas la solution adaptée ».
En effet, les établissements les plus surpeuplés, sont aussi les moins bien dotés au regard de l'accès au travail, à la formation et aux soins psychologiques.
Il convient dès lors de permettre une meilleure exécution de la sanction tout en prenant mieux en compte les exigences de l'individualisation de la peine.
La création de quartiers réservés aux courtes peines d'emprisonnement associés aux maisons d'arrêt -dont le principe avait été arrêté par la loi d'orientation et de programmation pour la justice- répond à cette double préoccupation. 2.000 places sont prévues dans ce cadre.
A proximité des maisons d'arrêt mais loin de leur enceinte, des bâtiments de 120, 60 ou 30 places seront exclusivement dédiés à des courts séjours de 1 à 6 semaines pour des détenus sélectionnés par le chef d'établissement. La sécurité sera assurée par des surveillants et un système d'alarme et de caméras. La journée du détenu alternera encellulement individuel et vie collective, l'intéressé s'engageant à suivre un ou plusieurs programmes éducatifs, axés sur l'apprentissage de la citoyenneté. En cas d'échec du séjour, le chef d'établissement pourra renvoyer le détenu dans la maison d'arrêt classique ; en cas de réussite, au contraire, le juge de l'application des peines pourra décider un aménagement de la peine.
Trois sites pilotes ont, à ce stade, été retenus (Fleury-Merogis -120 places-, Toulouse-Seysses et Strasbourg dotés de 60 places chacun). Les structures devraient être livrées dès avril 2007 28 ( * ) .
Les établissements pour mineurs (EPM)
La loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu la réalisation d'établissements pénitentiaires pour mineurs caractérisés d'une part, par des conditions carcérales assouplies (enceinte unique de 6 mètres de hauteur mais sans mirador et dépourvue de chemin de ronde, allègement des dispositifs passifs de sécurité dans les espaces collectifs compte tenu de l'accompagnement permanent des détenus) et, d'autre part, par une forte dimension éducative (les activités seront conduites avec des groupes limités à 6 mineurs, encadrés en permanence par des équipes complètes de surveillants et d'éducateurs). Il s'agit, comme l'a indiqué le ministre à plusieurs reprises, de « faire tourner la détention autour de la salle de classe ».
Le programme prévoit la réalisation de 420 places réparties dans 7 établissements (Chauconin, Lyon-Mézieux, Mauville, Nantes, Toulouse, Valenciennes et Porcheville).
Les travaux ont débuté à la fin de cette année dans la perspective d'une livraison des premiers EPM à la fin de l'année prochaine et au début de l'année suivante.
Il sera sans doute opportun de s'interroger à cette échéance sur l'adaptation des capacités de détention des mineurs aux évolutions de la délinquance juvénile. Votre rapporteur a pu constater, à l'occasion de ses déplacements dans les établissements pénitentiaires, que le taux d'occupation de certains quartiers mineurs restait bien en deçà des capacités.
* 28 Coût estimé de 16,9 millions d'euros.