II. L'ADMINISTRATION TERRITORIALE EN QUÊTE DE MODERNISATION
Dans le projet de loi de finances pour 2006, le programme « Administration territoriale » se voit attribuer 1,74 milliards d'euros en autorisations d'engagements et un peu moins de 1,6 milliards d'euros en crédits de paiement.
Le budget bénéficie d'une hausse de 2,9 % en crédits de fonctionnement et d'investissements. Toutefois, lors de son audition par la commission des Lois, M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, qui remplaçait M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, excusé, a indiqué que l'essentiel du financement des nouveaux projets portés par les services déconcentrés serait assuré par le redéploiement d'économies réalisées sur d'autres postes budgétaires .
Depuis plusieurs années, d'importants efforts fournis pour la modernisation de l'administration centrale et préfectorale peuvent être constatés .
A. UNE NOUVELLE ORGANISATION TERRITORIALE DISPOSANT D'OUTILS POUR STRUCTURER LA MISE EN oeUVRE DES POLITIQUES NATIONALES
1. Une organisation des services déconcentrés renouvelée
La décentralisation , relancée par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, doit s'accompagner, pour être efficace, d'une déconcentration des services de l'Etat . Ces derniers doivent ainsi pouvoir offrir un soutien aux collectivités territoriales détentrices de nouvelles compétences. En outre, comme l'indique l'article 1 er de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, « l'administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés de l'Etat ».
Rappelons également qu'une réforme de la déconcentration est apparue d'autant plus nécessaire ces dernières années que certains observateurs, en particulier la Cour des comptes, avaient dressé un bilan mitigé de la politique de déconcentration jusqu'ici menée 21 ( * ) .
La recherche d'une nouvelle organisation territoriale de l'Etat a donc été engagée. En mars 2003, le Premier ministre a décidé la mise en place d'un groupe de travail chargé de définir les grandes lignes de cette réforme qui vise à permettre « une modernisation en profondeur de l'organisation et du fonctionnement de l'administration territoriale , dans une double perspective d'accompagnement de la décentralisation et la mutualisation des outils de gestion / loi organique relative aux lois de finances et la déconcentration de la gestion des personnels . » 22 ( * ) Il est ainsi apparu nécessaire que la réforme de l'administration territoriale aboutisse à un meilleur pilotage stratégique de l'action territoriale de l'Etat par les préfets, un renforcement des outils dont ils disposent devant leur donner la capacité de mener de véritables actions interministérielles.
Le rôle du préfet a été réaffirmé et renforcé par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République et la loi précitée du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
En effet, l'article 72 de la Constitution, tel qu'issu de la réforme constitutionnelle précitée, dispose que le préfet est le représentant de chacun des membres du Gouvernement . Il a la charge « des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». En dirigeant l'action de l'Etat au sein d'une région ou d'un département, il a toute autorité sur l'ensemble des services déconcentrés. Ainsi, en vertu de l'article premier de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, le préfet est compétent pour diriger l'action de la police et de la gendarmerie nationales.
S'agissant de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, elle a redéfini, tout en les approfondissant, les missions des préfets de région et de département (articles 131 à 137) 23 ( * ) . Elle a ainsi conduit le gouvernement à adopter le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 24 ( * ) qui constitue un véritable « code de la déconcentration » 25 ( * ) , en spécifiant le rôle de chacun des organes déconcentrés de l'Etat et en proposant une articulation de leurs actions à l'échelon local . Une circulaire du 19 octobre 2004 est venue préciser la nouvelle organisation territoriale de l'Etat.
L'un des objectifs poursuivis par cette réforme était de renforcer l'échelon régional . En conséquence, les compétences du préfet de région ont été élargies.
Garant de la cohérence de l'action des services de l'Etat dans la région, le préfet de région détermine les orientations nécessaires à la mise en oeuvre, sur son territoire, des politiques nationales et communautaires de sa compétence. Il est en particulier en charge des domaines du développement économique, de l'aménagement du territoire, de l'environnement et du développement durable, de l'emploi, de la culture, du logement, du développement rural, de la rénovation urbaine ainsi que, sous réserve des compétences des agences régionales d'hospitalisation, de la santé publique. Il met également en oeuvre les politiques communautaires relevant de la compétence de l'Etat 26 ( * ) .
Le rôle de coordination et d'animation des préfets se manifeste notamment au sein des projets d'action stratégique de l'Etat dans les régions (PASER) 27 ( * ) .
En vertu de l'article 135 de la loi précitée du 13 août 2004, qui a modifié l'article L. 3113-1 du code général des collectivités territoriales, le préfet de région est également compétent pour modifier les limites territoriales des arrondissements, après consultation du conseil général.
Le préfet de région anime et coordonne l'action des préfets de départements , en particulier en matière de développement économique et d'aménagement du territoire. Ainsi, sans qu'existe de lien hiérarchique entre le préfet de département et le préfet de région , le premier doit toutefois se conformer aux décisions du second et définir des orientations pour son département en conformité avec celles fixées par le préfet de région pour l'échelon régional.
Dans sa fonction d'animation et de coordination, le préfet de région est assisté d'un secrétaire général aux affaires régionales (SGAR) et du Comité d'administration régionale (CAR), organe collégial qu'il préside et qui, remplaçant l'ancienne Conférence d'administration régionale, se prononce sur les orientations stratégiques de l'Etat dans la région.
Afin d'optimiser l'action de l'Etat à l'échelon régional, les services déconcentrés de l'Etat ont également fait l'objet d'une restructuration par la création de huit pôles régionaux . Ainsi, le décret n° 2004-1053 du 5 octobre 2004 28 ( * ) détermine les huit pôles régionaux pour chacun desquels, bien qu'ils soient sous l'autorité du préfet de région, un chef de pôle est désigné :
Pôles régionaux de l'Etat |
Responsables de pôles |
Education et formation |
Recteur d'académie |
Gestion publique et développement économique |
Trésorier-payeur général de région |
Transport, logement, aménagement |
Directeur régional de l'équipement |
Santé publique et cohésion sociale |
Directeur régional des affaires sanitaires et sociales |
Economie agricole et monde rural |
Directeur régional de l'agriculture et de la forêt |
Environnement et développement durable |
Directeur régional de l'environnement ou directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement |
Développement de l'emploi et insertion professionnelle |
Directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle |
Culture |
Directeur régional des affaires culturelles |
Chaque pôle comprend à la fois les services déconcentrés de l'Etat compétents dans le domaine couvert, ainsi que les établissements et organismes publics susceptibles d'être concernés par ses actions. Par exemple, le pôle « éducation et formation » non seulement comprend les services des rectorats et les inspections académiques, mais invite également à participer à ses travaux les universités et autres établissements d'enseignement supérieur, le centre hospitalier universitaire (CHU), l'institut universitaire de formation des maîtres (IUFM), le centre régional de documentation pédagogique (CRDP), les délégations régionales de l'Office national d'informations sur les enseignements et les professions (ONISEP) et le Centre régional des oeuvres universitaires (CROUS) 29 ( * ) .
S'agissant du préfet de département , en tant que représentant de chacun des membres du gouvernement, il a « la charge des intérêts nationaux, du respect des lois, de l'ordre public et, dans les conditions fixées par la loi, assure le contrôle administratif du département, des communes et de leurs établissements publics » (article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 tel que modifié par l'article 132 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales). Il met en oeuvre les politiques de l'Etat dans le département, en respectant les orientations fixées par le préfet de région. Les principales orientations de son action sont définies au sein d'un projet d'action stratégique de l'Etat dans le département (PASED) 30 ( * ) .
Afin de faire pleinement jouer le caractère interministériel de certaines des actions menées par les services déconcentrés, les préfets peuvent créer des délégations interservices . Instituées par le décret n° 99-895 du 20 octobre 1999, elles permettent au préfet de mutualiser les compétences utiles et les crédits. Il désigne un responsable de cette délégation qui reçoit autorité fonctionnelle sur l'ensemble des chefs de services concernés, dans la limite des attributions de la délégation. Disposant d'une délégation de signature, le responsable de la délégation peut également être désigné ordonnateur secondaire délégué.
* 21 Voir le rapport de la Cour des Comptes « La déconcentration des administrations et la réforme de l'Etat », novembre 2003.
* 22 Voir la circulaire du Premier ministre du 12 mars 2003.
* 23 Voir le rapport n° 31 (Sénat, 2003-2004) de M. Jean-Pierre Schosteck, au nom de la commission des Lois, sur le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales.
* 24 Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements.
* 25 « Les nouveaux pouvoirs préfectoraux », Michel Verpeaux, in Regards sur l'actualité n° 313, août-septembre 2005, pp. 15-23.
* 26 Voir l'article 131 de la loi précitée du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
* 27 Voir le 2 du présent A du II.
* 28 Décret n° 2004-1053 du 5 octobre 2004 relatif aux pôles régionaux de l'Etat et à l'organisation de l'administration territoriale dans les régions.
* 29 Pour le détail de chacun des pôles régionaux, voir l'annexe à la circulaire du 19 octobre 2004 relative à la réforme de l'administration territoriale de l'Etat (création de pôles régionaux - organisation des préfectures de région).
* 30 Voir le 2 du présent A du II.