2. Le préfet, pivot dans la gestion déconcentrée des actions ministérielles : les conséquences de la LOLF
Outre l'élaboration de la loi de finances et le débat parlementaire budgétaire, la LOLF transforme également la gestion concrète de l'ensemble des administrations. Elle confère davantage de libertés à l'ensemble des gestionnaires, tout en les responsabilisant plus, en orientant la gestion publique vers la performance.
Pour chaque programme, le responsable en délègue la gestion au plus près du terrain, par la création de budgets opérationnels de programme (BOP) placés sous l'autorité de responsables clairement identifiés. Ces BOP se définissent, d'après le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, comme la « déclinaison opérationnelle d'un programme », sur un périmètre d'activité ou sur un territoire. Comme les programmes, ils constituent chacun un « ensemble globalisé de moyens associés à des objectifs mesurés par des indicateurs de résultat ». Environ 2.300 BOP ont ainsi été créés.
S'agissant du programme « Administration territoriale », les préfets sont gestionnaires des crédits de leurs préfectures. La LOLF rejoint en ce sens le dispositif de globalisation des crédits déjà mis en place pour toutes les préfectures. Ont en conséquence été créés :
- cent deux budgets opérationnels de programme (BOP) déconcentrés, correspondant aux cent départements, à la préfecture d'Ile-de-France et à Saint-Pierre-et-Miquelon ;
- et deux BOP centraux, l'un regroupant les crédits des applications informatiques nationales, les crédits mutualisés, les crédits d'investissement immobilier ainsi que les crédits de personnel et de fonctionnement de la sous-direction de l'administration territoriale en charge de l'animation du réseau des préfectures, l'autre recueillant la réserve, à savoir les crédits susceptibles de financer les éventuelles mesures de régulation ou d'annulation budgétaire.
En outre, en vertu de l'article 23 du décret du 29 avril 2004, « les projets de budget des services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat sont soumis pour avis au préfet ». Lui sont donc soumis les projets de BOP établis au niveau central par les unités opérationnelles pour l'ensemble des services déconcentrés placés sous son autorité.
En effet, en assurant au niveau local la direction de l'action de l'Etat, en tant que représentant de l'ensemble des ministres du gouvernement, le préfet est garant de la coordination des politiques menées sur son territoire, dans de nombreux domaines. Il doit en conséquence s'assurer de la cohérence des budgets alloués pour chaque programme, sans pour autant être le responsable de chacun des BOP concernés . Plus de 2.000 BOP ont été créés au niveau déconcentré.
La réforme budgétaire en cours de mise en oeuvre confère également au préfet un rôle essentiel du fait qu'il est désormais « l'ordonnateur secondaire des services déconcentrés des administrations civiles et de l'Etat » (article 20 du décret du 29 avril 2004). En conséquence, il veille à l'engagement comptable de la dépense et assure le mandatement du trésorier pour le paiement de la prestation. Il pourra toutefois, par délégation de signature, désigner des ordonnateurs secondaires délégués. En outre, en tant qu'ordonnateur secondaire, le préfet doit donner son accord sur le schéma d'organisation financière 48 ( * ) des BOP déconcentrés, correspondant à des services placés sous son autorité.
Comme l'indique la circulaire du 16 juin 2004 relative à l'application du décret du 29 avril 2004, la qualité d'ordonnateur secondaire devrait permettre au préfet « d'avoir une vue globale sur l'ensemble des dépenses de l'Etat et de surveiller les conditions d'exécution du budget de la Nation . »
Du fait de ses nouvelles compétences en matière financière, le préfet devrait donc veiller au respect de la démarche de performance sur le territoire et s'assurer de la cohérence du BOP avec les documents stratégiques établis au niveau local , en particulier les projets d'action stratégiques de l'Etat (PASE) 49 ( * ) .
En revanche, il convient de noter qu' à compter du 1 er janvier 2006 , après deux années d'expérimentation dans un nombre croissant de juridictions, les préfets ne seront plus chargés de l'ordonnancement secondaire des dépenses et recettes des juridictions de leur ressort, à l'exception de celles consacrés à l'investissement . Cette compétence serait désormais transférée aux premiers présidents et procureurs généraux des cours d'appel 50 ( * ) .
Aucun transfert d'emplois n'accompagne par ailleurs ce transfert de compétences, le gouvernement n'ayant en effet rien prévu à ce sujet. 200 à 300 ETPT seraient ainsi concernés 51 ( * ) . Comme le détaille notre collègue M. Henri de Raincourt, dans son rapport consacré à la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », le ministre de l'intérieur n'a pas prévu non plus la suppression des emplois concernés au sein des services déconcentrés, dans la mesure où l'importance des nouvelles attributions conférées aux préfets justifierait leur maintien 52 ( * ) .
* 48 Schéma d'organisation financière : il s'agit d'un document qui reprend les unités opérationnelles chargées de mettre en oeuvre la programmation des activités fixées pour un BOP, en répartissant pour chacune d'entre elles la part de programmation et la part du budget prévisionnel qui leur sont confiées.
* 49 Voir le 2 du A du présent I.
* 50 Voir l'avis n° 104 - tome III (Sénat, 2005-2006) de MM. Yves Detraigne et Simon Sutour, au nom de la commission des Lois, sur les crédits consacrés à la Justice et à l'accès au droit.
* 51 200 ETPT d'après la Chancellerie et 300 ETPT d'après le ministère de l'intérieur.
* 52 Voir le rapport précité de M. Henri de Raincourt, au nom de la commission des Finances, sur la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».