C. UN CONTRÔLE DE LÉGALITÉ RENOVÉ
En vertu de l'article 72 de la Constitution, le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics constitue une mission dévolue aux représentants de l'Etat . Exerçant un contrôle a posteriori sur ces actes, les préfets peuvent ensuite déférer au juge administratif ceux qu'ils jugent contraires aux lois et règlements.
L'accroissement du nombre des actes des collectivités locales ainsi que la complexité des procédures applicables et des règles législatives et réglementaires devant être respectées sont les principales raisons pour lesquelles une réforme du contrôle de légalité est apparue nécessaire. Les articles 138 à 141 de la loi précitée du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales y ont ainsi apporté plusieurs modifications substantielles.
Le législateur a principalement réduit le nombre d'actes des collectivités territoriales soumis à obligation de transmission au représentant de l'Etat (« actes transmissibles »). En sont ainsi désormais exclus :
- les décisions relatives à la circulation et au stationnement ;
- certaines décisions individuelles concernant les fonctionnaires et agents des collectivités territoriales. Il s'agit des avancements d'échelon et de grade, des sanctions les moins graves prononcées après avis du conseil de discipline et des décisions de recrutement d'agents non-titulaires répondant à un besoin saisonnier ou occasionnel 42 ( * ) ;
- dans le domaine de l'urbanisme, les certificats d'urbanisme, les certificats de conformité et les récépissés de demandes de permis de construire.
Rappelons que l'article 11 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 43 ( * ) avait déjà exclu de la liste des actes transmissibles aux préfets les marchés passés sans formalités préalables en raison de leur montant -à savoir les marchés d'un montant inférieur à 90.000 euros hors taxes.
Une réduction des actes à transmettre devrait ainsi permettre au représentant de l'Etat de mieux contrôler la légalité de ceux qui continuent à lui être soumis. En effet, avec plus de 8,7 millions d'actes reçus en 2004 par les préfets, il est difficile de concevoir que le contrôle exercé par ces derniers garantisse pleinement la légalité des actes transmis , alors qu'au contraire les élus locaux attendent de ce contrôle une plus grande sécurité juridique.
Actes des collectivités territoriales et de
leurs établissements publics
transmis aux préfets en
2004
Nombre total d'actes reçus par les préfets en 2004 |
8 702 846 |
Nombre de délibérations reçues des collectivités locales et des établissements publics |
2 791 467 |
Nombre d'actes de FPT reçus des collectivités locales et des établissements publics |
2 867 991 |
Nombre d'actes divers d'urbanisme et permis de construire reçus des communes |
935 353 |
Nombre de décisions de police reçues des communes |
862 290 |
Nombre d'autres actes reçus des collectivités locales et des établissements publics |
767 571 |
Nombre de marchés publics reçus des collectivités locales et des établissements publics |
351 246 |
Nombre d'actes divers de commande publique (hors marchés publics) reçus des collectivités locales et des établissements publics |
126 928 |
Source : réponses au questionnaire budgétaire.
En 2004, les préfets ont émis un peu plus de 100.000 lettres d'observations, soit 1,15 % du total des actes reçus, et porté 1.422 recours devant le juge administratif.
Parmi les objectifs attribués au programme « Administration territoriale », le projet de loi de finances pour 2006 prévoit la réduction du nombre d'actes non conformes des collectivités territoriales et établissements publics . Pour juger des résultats obtenus par les préfectures au regard de cet objectif, trois indicateurs ont été retenus :
- le taux de contrôle des actes prioritaires reçus par la préfecture et les sous-préfectures. Chaque préfet devra en amont définir une stratégie de contrôle et déterminer le nombre d'actes à contrôler en priorité. Pour la construction de cet indicateur, il sera fait un rapport entre les actes contrôlés sur le fond par les services des préfectures et sous-préfectures et le nombre total d'actes à contrôler ;
- le taux de déférés préfectoraux gagnés par les préfets ;
- le taux de saisines de la chambre régionale des comptes jugées recevables.
Ces deux derniers indicateurs devraient essentiellement permettre d'apprécier la qualité du contrôle de légalité effectué par les services des préfectures, en mettant en évidence le bien-fondé des recours devant le juge administratif et des saisines de la chambre régionale des comptes.
Votre commission regrette que deux de ces trois indicateurs n'aient pu être renseignés dans le projet de loi de finances pour 2006.
Pour faciliter l'exercice d'un recours gracieux par les préfets, la loi relative aux libertés et responsabilités locales a par ailleurs institué un délai de quinze jours pendant lequel les actes individuels des collectivités territoriales devraient faire l'objet d'une transmission au représentant de l'Etat 44 ( * ) .
Le contrôle de légalité a également été rénové par le développement de la transmission par voie électronique des actes des collectivités territoriales . Autorisé par la loi précitée relative aux libertés et responsabilités locales, ce mode de transmission, ayant une valeur juridique identique à la transmission « papier », devrait réduire les délais de traitement des actes ainsi que les coûts de fonctionnement induits par ce contrôle. Les modalités techniques de la transmission par voie électronique ont été fixées par le décret n° 2005-324 du 7 avril 2005 45 ( * ) .
Ainsi, l'application ACTES a été mise en service en avril 2005. Une expérimentation avait préalablement été menée dans les Yvelines depuis décembre 2003. Au premier trimestre 2005, quatre préfectures étaient raccordables à l'application : les Yvelines, le Val d'Oise, les Alpes maritimes et le Rhône. L'application devrait faire l'objet d'un déploiement progressif sur l'ensemble du territoire. D'après le fascicule budgétaire, la dématérialisation des actes devrait conduire à « une suppression des tâches les plus répétitives de manipulation, d'enregistrement, de classement des actes pour recentrer le contrôle de légalité sur l'expertise des actes, le conseil aux collectivités territoriales, le tout pour offrir une plus grande sécurité juridique de leurs décisions. »
Le développement du recours à la télétransmission des actes des collectivités territoriales figure ainsi parmi les indicateurs de performance fixés par le projet de loi de finances pour 2006 (taux d'actes télétransmis par l'application ACTES). Votre commission regrette qu'alors que la mise en oeuvre de l'application ACTES a débuté, l'indicateur ne dispose pas de données renseignées. Comme elle l'a déjà précédemment indiqué, elle se demande s'il n'aurait pas été plus pertinent, pour les premières années de mise en oeuvre de cette application, que soit simplement indiqué le taux de collectivités territoriales l'utilisant 46 ( * ) .
* 42 En application de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
* 43 Loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier.
* 44 Voir le rapport précité de M. Jean-Pierre Schosteck, au nom de la commission des Lois, sur le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales.
* 45 Décret n° 2005-324 du 7 avril 2005 relatif à la transmission par voie électronique des actes des collectivités territoriales soumis au contrôle de légalité et modifiant la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales.
* 46 Voir le B du I du présent avis.