C. RÉPARER LES CONSÉQUENCES DES CATASTROPHES NATURELLES : DES INCERTITUDES JURIDIQUES PRÉJUDICIABLES AUX ÉLUS LOCAUX
1. Le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles
La loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes des catastrophes naturelles 20 ( * ) permet d'indemniser les « dommages matériels directs ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir les dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises », à condition que l'état de catastrophe naturelle ait été constaté par un arrêté ministériel et que les biens sinistrés soient couverts par un contrat d'assurance .
Le déroulement de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est le suivant :
- le maire de la commune constitue le dossier de demande communale ;
- le préfet centralise les demandes communales et les rapports techniques joints à celles-ci (rapports météorologique, géotechnique, hydrologique, etc.) ;
- le ministère de l'intérieur (direction de la défense et de la sécurité civiles) reçoit, instruit et présente les dossiers ;
- une commission interministérielle est chargée de l'examen des dossiers ; elle est constituée de représentants des ministères de l'économie, des finances et de l'industrie, de l'intérieur, de l'aménagement du territoire et de l'environnement, du secrétariat d'Etat au budget et, en tant que de besoin, du secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Elle rend un avis sur les dossiers soumis à son examen ;
- enfin, un arrêté interministériel est publié au Journal Officiel et ouvre droit à l'indemnisation des dommages causés par les catastrophes naturelles pour les personnes sinistrées assurées.
a) L'étendue de la garantie catastrophe naturelle
Les propriétaires de biens immobiliers (particuliers, entreprises, collectivités publiques) n'étant astreints à aucune obligation d'assurance sur ces biens, une personne non assurée ne sera donc pas couverte (et a fortiori pas indemnisée) en cas de catastrophe naturelle.
A l'inverse, dès lors qu'un contrat d'assurance dommage a été souscrit, le principe de solidarité nationale trouve à s'appliquer et se traduit :
- par le caractère obligatoire de la garantie (qui permet de mutualiser le risque et donc d'indemniser des sinistrés pour des évènements dont la couverture par l'assurance, si elle existait, présenterait un coût exorbitant) ;
- par l'unicité tarifaire (une prime est fixée par arrêté ministériel en pourcentage de la prime du contrat principal). Cette prime « catastrophes naturelles » (dont le taux est passé de 9 à 12 % en application d'un arrêté du 3 août 1999) est encaissée par les assureurs. Ceux-ci reversent 2 % du montant total de ces primes au Fonds de prévention des risques naturels majeurs, créé par la loi du 2 février 1995 et conservent le reste pour faire face aux demandes d'indemnisation.
Le régime des catastrophes naturelles est également caractérisé par l'existence de franchises . Ces franchises sont d'ordre public et s'imposent donc au contrat : c'est pourquoi, même si le contrat sous-jacent ne prévoyait aucune franchise ou une franchise d'un faible montant, la franchise spécifique « catastrophes naturelles » est applicable.
Ces franchises ont été réévaluées par un arrêté du 5 septembre 2000. Elles s'élèvent à 380 euros pour les biens à usage non professionnel et à 10 % des dommages matériels directs ou l'équivalent de 3 jours ouvrés de pertes d'exploitation (sans pouvoir être inférieures à 1.145 euros) pour les biens à usage professionnel.
b) Une incitation à la prévention insuffisante ?
Le régime des catastrophes naturelles a fait l'objet de nombreuses critiques, notamment en raison de son caractère non incitatif.
C'est pourquoi l'arrêté du 5 septembre 2000 du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a introduit le principe d'une modulation des franchises spécifiques « catastrophes naturelles ». Ces franchises sont désormais modulées en fonction du nombre d'arrêtés de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dont la commune a fait l'objet depuis la loi du 2 janvier 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement : dans une commune non dotée d'un plan de prévention des risques pour le risque faisant l'objet d'un arrêté portant constatation de l'état de catastrophe naturelle, cette franchise est doublée à partir du troisième arrêté pris pour ce risque, triplée au quatrième arrêté puis quadruplée pour tous les autres arrêtés suivants.
Ces dispositions de modulation cessent de s'appliquer à compter de la prescription d'un plan de prévention des risques dans la commune et reprennent leurs effets en l'absence de plan de prévention des risques approuvé dans un délai de cinq ans à compter de la date de prescription du plan.
Ce mécanisme vise à encourager les élus locaux à se doter d'un PPR sur le territoire de la commune. Il risque cependant -et cela se vérifie- d'entraîner une multiplication des PPR prescrits ( voir le tableau ci-après ), dans le seul but d'échapper aux effets de la modulation des franchises. C'est ce qui s'est effectivement produit en 2000 et 2001.
ÉVOLUTION PAR ANNÉE DU NOMBRE DE PLANS DE
PRÉVENTION
DES RISQUES NATURELS
APPROUVÉS
(situations aux 31 décembre)
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Source : MEDD
Comme le montre le graphique, au 31 décembre 2004, 4 444 communes étaient dotées d'un plan de prévention des risques naturels approuvé.
Pratiquement, sur le terrain, il est intéressant de voir que, jusqu'à ces dernières années, les approbations ont concerné principalement le risque « inondation » : la Loire sur plusieurs secteurs dont la confluence avec la Maine (Angers), la Seine (Evry, Melun et Paris), l'Yonne (Auxerre), la Vilaine (Redon), la Dordogne (Libourne), la Gironde dans le Médoc, la Meuse (à Sedan), l'Eure (à Louviers), la Mayenne (à Laval), le Loir (à Vendôme), l'Ouvèze (à Privas), le Clain (à Poitiers) ou encore la Charente.
En 2004, le risque « inondation » est ainsi intégré dans près de 90 % des PPR approuvés. A lui seul, il représente les trois quarts des risques analysés dans les PPR (certains PPR étant multirisques).
La carte ci-après montre le maillage territorial des PPRN.
c) Le glissement de responsabilités des assurés vers les élus locaux
Globalement, on peut considérer que le volet prévention de la loi du 13 juillet 1982 qui mentionnait les « mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages » n'a jamais été réellement appliqué :
- les « mesures habituelles », qui doivent normalement être mises en oeuvre par les assurés, ne sont pas définies ;
- il n'est jamais procédé à une quelconque vérification des mesures de prévention prises par ces derniers ;
- le contenu des plans de prévention des risques naturels ne comporte quasiment pas de volet concernant le bâti existant.
Votre rapporteur considère que cette situation constitue une grave lacune du dispositif et conduit, parallèlement, à alourdir la responsabilité des élus locaux, compétents en matière de délivrance des permis de construire.
* 20 Codifiée aux articles L. 125-1 à L. 125-6 du code des assurances.