N° 78
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 2004
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2005 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME I
SOLIDARITÉ
Par M. Paul BLANC,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Claude Bertaud, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Christiane Kammermann, M. André Lardeux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1800 , 1863 à 1868 et T.A. 345
Sénat : 73 et 74 (annexe n° 35 ) (2004-2005)
Lois de finances . |
SOMMAIRE
Pages
AVANT-PROPOS 6
I. UN NOUVEAU SOUFFLE POUR LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS EN 2005 9
A. DES DÉPENSES DE MINIMA SOCIAUX DE MOINS EN MOINS LIÉES À LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE 10
1. L'allocation parent isolé : une progression des dépenses toujours croissante 10
a) Une allocation traditionnellement déconnectée des évolutions de la conjoncture économique 10
b) L'insuffisance des crédits constatée en gestion 2004 11
c) Des prévisions de dépenses pour 2005 plus réalistes 12
2. L'allocation aux adultes handicapés : des dépenses suspendues à la réforme de la loi d'orientation de 1975 12
a) Une dotation qui tient en partie compte des erreurs d'appréciation intervenues en 2004 12
b) La nécessité d'agir sur les facteur structurels d'évolution de l'AAH 14
c) L'absence de prise en compte de l'impact budgétaire du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées 15
3. L'aide médicale de l'État : l'urgence de la maîtrise des dépenses 17
a) Un dispositif initial mal calibré compte tenu de l'explosion de la demande d'asile 17
b) Des réformes indispensables en attente de mesures d'application 18
B. LA COHÉSION SOCIALE AU CoeUR DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE DU GOUVERNEMENT POUR 2005 20
1. La création d'un nouveau programme « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » pour mettre en oeuvre le plan de cohésion sociale 21
a) Un effort important en faveur de l'hébergement d'urgence et d'insertion 22
b) La relance des actions en faveur des rapatriés 25
2. Le renforcement de l'action sociale en faveur des migrants 27
a) Un soutien non démenti au développement de l'hébergement des demandeurs d'asile 27
b) La mise en place d'un véritable service public de l'accueil des migrants 28
3. Des outils renouvelés et de nouveaux partenariats à construire 30
a) La création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité 30
b) Le transfert aux régions des formations en travail social 31
c) La compétence des départements sur les fonds d'aide aux jeunes 34
II. LA POLITIQUE EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES SUSPENDUE À L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA NOUVELLE LOI POUR L'ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES 36
A. 2005, ANNÉE DE TRANSITION : UN EFFORT PARTAGÉ ENTRE L'ÉTAT ET LA CAISSE NATIONALE DE SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE 36
1. Les créations de places en établissements : un transfert de charges vers la CNSA 36
a) L'année 2004 se situe dans le prolongement des plans de création de places mis en oeuvre depuis 1999 36
b) Les créations de places en 2005 : des mesures nouvelles presque intégralement financées par la CNSA 39
2. Le soutien à la vie à domicile : une timide préfiguration de la prestation de compensation 42
a) Un soutien renouvelé au dispositif des auxiliaires de vie, dans l'attente du volet « aides humaines » de la prestation de compensation 42
b) Le dispositif des sites pour la vie autonome, préfiguration des maisons départementales des personnes handicapées 44
c) L'entrée en vigueur de la prestation de compensation : des modalités transitoires à prévoir 46
3. La scolarisation des enfants handicapés : des progrès à confirmer 47
a) Le nécessaire développement des dispositifs d'accompagnement des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire 47
b) La scolarisation dans les établissements d'éducation spéciale : le maillon faible du dispositif 52
c) La fin de l'imbroglio juridique lié au financement de l'amendement Creton 53
4. L'emploi des personnes handicapées : des instruments rénovés 54
a) Une obligation d'emploi renforcée par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées 54
b) La nécessité de réorienter les actions de l'AGEFIPH 57
c) Le travail protégé, un secteur en mutation 58
d) La garantie de ressources à la croisée des chemins 61
B. UNE NÉCESSITÉ : MAÎTRISER L'ENTRÉE EN VIGUEUR DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI POUR L'ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES DES PERSONNES HANDICAPÉES 62
1. Clarifier les conditions d'entrée en vigueur de la prestation de compensation et l'affectation des ressources de la CNSA pour 2005 62
2. Améliorer la lisibilité et l'efficacité des financements de la politique en faveur des personnes handicapées 63
a) Le choix d'un programme portant sur l'ensemble de la dépense publique en faveur des personnes handicapées 63
b) Des objectifs et indicateurs de performance pertinents mais perfectibles 67
III. LE RENFORCEMENT DE L'ACTION SOCIALE DÉCENTRALISÉE 70
A. DES DÉPENSES D'ACTION SOCIALE DÉCENTRALISÉE EN VOIE DE RECOMPOSITION 70
1. Les budgets sociaux départementaux en 2003 : une croissance toujours forte 70
2. L'analyse des différentes composantes de la dépense d'action sociale 71
a) L'aide sociale à l'enfance 71
b) L'aide sociale en direction des personnes handicapées 72
c) L'aide sociale en faveur des personnes âgées 73
d) Les dépenses d'insertion et d'accompagnement social 74
3. Les budgets primitifs des départements pour 2004 77
B. MAÎTRISER LE FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS MÉDICO-SOCIAUX : UN IMPÉRATIF À L'HEURE DE LA DÉCENTRALISATION 78
1. Un essor inquiétant des dépenses de personnel des établissements médico-sociaux 79
a) L'impact des accords collectifs agréés jusqu'en 2003 79
b) Les incertitudes liées à la sortie des aides à la réduction du temps de travail 80
c) La nécessité de repenser les relations entre gestionnaires et financeurs 82
2. Trois ans après la loi du 2 janvier 2002, faut-il remettre en chantier la tarification des établissements médico-sociaux ? 83
a) Un nouveau cadre budgétaire et comptable qui peine à trouver son rythme de croisière 83
b) Une réflexion renouvelée sur le financement des établissements médico-sociaux 84
TRAVAUX DE LA COMMISSION 86
I. AUDITION DES MINISTRES 86
II. EXAMEN DE L'AVIS 92
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Les crédits consacrés à la solidarité en 2005 s'élèvent à 8,7 milliards d'euros. Si l'on tient compte des conséquences de la décentralisation et des transferts de compétences entre ministères, ils progressent encore de 5,2 % par rapport à l'année dernière.
A ces crédits, il convient d'ajouter les financements apportés par la nouvelle Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui se montent à 550 millions d'euros en 2005, dont 390 millions pour abonder des dispositifs jusqu'ici à la charge de l'État.
Ces quelques chiffres mettent en lumière l'effort important produit par le Gouvernement, malgré les contraintes budgétaires que chacun connaît, pour financer deux priorités : la cohésion sociale et l'intégration des personnes handicapées.
Conformément au plan de cohésion sociale annoncé 30 juin dernier, le dispositif de lutte contre les exclusions reçoit cette année un soutien décisif du Gouvernement. Ainsi, dans le domaine de l'hébergement d'urgence et d'insertion, la création de places nouvelles est favorisée et le dispositif existant consolidé. L'assainissement budgétaire des structures est entrepris, qu'il s'agisse des CHRS ou des maisons relais.
L'action sociale en faveur des migrants est également développée, grâce à une augmentation continue des capacités d'hébergement destinées aux demandeurs d'asile et, surtout, à travers la constitution d'un véritable service public de l'accueil des migrants, chargé de la mise en oeuvre du nouveau contrat d'accueil et d'intégration.
*
* *
En ce qui concerne les personnes handicapées, la priorité constante accordée par le Gouvernement à ce public est manifeste, même si les contours définitifs des responsabilités respectives de l'État, de l'assurance maladie et de la CNSA restent suspendus à l'adoption prochaine du projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances, à la participation et à la citoyenneté des personnes handicapées.
En matière d'accueil en établissements, l'effort de création de places est poursuivi, conformément au nouveau programme pluriannuel 2005-2007 présenté le 28 janvier 2004, parallèlement au dépôt du projet de loi réformant la loi du 30 juin 1975. L'innovation de l'année 2005 réside dans le fait que les créations de places prévues seront, en grande partie, financées par la CNSA.
Votre commission s'interroge sur l'ampleur de ce report de charge vers la CNSA car les ressources que la Caisse destine au financement des moyens collectifs de compensation du handicap que sont ces établissements restent inférieures au coût total du plan de création de places 2005-2007. Plus fondamentalement, votre commission estime indispensable d'engager une réflexion sur les modalités d'intervention de la CNSA en matière de financement des établissements pour personnes handicapées.
Il convient en revanche de souligner que le soutien à la vie à domicile est enfin devenu une composante à part entière de la politique en faveur des personnes handicapées, grâce au développement des services d'auxiliaires de vie et à l'achèvement du dispositif des sites pour la vie autonome.
Votre commission se réjouit d'ailleurs de constater que le Gouvernement n'attendra pas la mise en place définitive et intégrale de la prestation de compensation, qui pourrait finalement n'intervenir qu'en 2006, pour améliorer concrètement la situation des personnes handicapées souhaitant vivre à domicile, et notamment de celles qui requièrent la présence constante d'une tierce personne.
S'agissant enfin de la mise en place des guichets uniques que constitueront les maisons départementales des personnes handicapées, l'année 2005 devrait être une année de transition. Les actuels sites pour la vie autonome, qui seront, à terme, intégrés aux maisons, continueront leur action avec des moyens renforcés par un apport de la CNSA.
Ce budget permet donc des avancées incontestables et l'effort en faveur des personnes handicapées doit être apprécié à sa juste valeur, dans un contexte budgétaire contraint. La grande inconnue de l'année 2005 réside toutefois dans la mise en oeuvre du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées et il importe de s'assurer des bonnes conditions de son entrée en vigueur.
Malgré les assurances données lors de son dépôt en janvier dernier, le projet de loi ne pourra pas être appliqué dès le 1 er janvier 2005. Dans ces conditions, une incertitude fondamentale demeure quant à l'entrée en vigueur de la prestation de compensation car celle-ci semble se heurter à deux obstacles : les délais incompressibles de parution des décrets d'application et le temps nécessaire à la mise en place, dans chaque département, des différentes instances chargées de l'instruction des demandes.
Même si elle le déplore, votre commission reconnaît qu'un report au 1 er janvier 2006 est inévitable pour le versement des premières prestations de compensation. En contrepartie de ce report, elle s'engage à insister pour que le Gouvernement définisse explicitement le montant des ressources de la CNSA mobilisé en 2005 et les actions auxquelles elles seront affectées.
*
* *
Enfin, comme tous les ans, votre commission a souhaité consacrer une partie de cet avis à l'évolution des dépenses d'action sociale décentralisées. Cette présentation prend d'ailleurs un tour particulier, alors que la deuxième vague de décentralisation en matière d'action sociale commence à entrer en vigueur.
Ces dépenses connaissent une progression sans précédent, du fait de la décentralisation du RMI, de la poursuite de l'accroissement des dépenses d'APA, de l'augmentation des dépenses en faveur des personnes handicapées et, de façon plus préoccupante, de l'inflation du coût des prestations en établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Cette hausse met en relief la nécessité de mieux maîtriser les dépenses de personnel qui représentent les deux tiers des dépenses de fonctionnement des établissements. Or, l'année 2003 marque la fin de la période de modération salariale forcée qui avait accompagné la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail : le coût de l'application des accords collectifs a presque été multiplié par trois en un an, et ce alors que les établissements doivent également faire face à la fin des aides Aubry en compensation de la réduction du temps de travail.
Comme en témoignent les difficultés de financement des accords agréés en 2003 et 2004, une amélioration des dispositifs de maîtrise de la négociation collective dans ce secteur doit être recherchée. Plus fondamentalement, une réflexion doit sans doute être engagée sur les relations entre financeurs et établissements médico-sociaux.
*
* *
Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2005.
I. UN NOUVEAU SOUFFLE POUR LA POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS EN 2005
Les crédits consacrés à la solidarité 1 ( * ) s'élèvent à 8,7 milliards d'euros dans le projet de budget pour 2005, ce qui représente une augmentation de 3,3 % par rapport à la loi de finances initiales pour 2004.
L'évolution est plus favorable encore lorsque l'on prend en compte :
- les conséquences de la décentralisation : les dépenses relatives à la formations des travailleurs sociaux seront transférées aux régions à compter du 1 er janvier 2005 (soit 140 millions d'euros) et celles relatives aux fonds d'aide aux jeunes et aux fonds d'impayés énergie seront confiées aux départements à compter de la même date (pour un montant de 25,5 millions d'euros) ;
- les transferts de compétences entre ministères : les dépenses relatives à la délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie solidaire sont désormais à la charge de la section « Jeunesse, sports et vie associative » (ce qui représente une économie de 4 millions d'euros). A l'inverse, la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité se traduit par une dépense supplémentaire de 7 millions d'euros.
Au total, à périmètre constant, le budget de la solidarité pour 2004 progresse de 5,2 % . Cette évolution résulte essentiellement de deux paramètres :
- le fort dynamisme des minima sociaux , qui représentent encore, malgré la décentralisation du RMI, 65 % des crédits : les crédits consacrés à l'AAH augmentent de 4 % et ceux affectés à l'API de 12 % ;
- la mise en oeuvre de la première annuité du plan de cohésion sociale : 62 millions d'euros sont destinés à assurer les ouvertures de places d'hébergement d'urgence, de centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et de centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) autorisées en 2004. En outre, 44 millions d'euros de mesures nouvelles sont prévus, pour la création de places en 2005 et pour la mise en oeuvre des contrats d'intégration pour les migrants.
Il convient enfin de tenir compte du volume des dépenses débudgétisées en 2005, du fait de la création de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie : en effet, le financement de l'ensemble des mesures nouvelles en faveur des personnes handicapées, qu'il s'agisse de la création de places en établissements ou de l'abondement des dispositifs d'aide à domicile et d'aide à la vie autonome, est mis à la charge de la caisse, pour un montant prévisionnel de 550 millions d'euros, dont 390 millions pour financer des dispositifs jusqu'ici assumés sous la responsabilité de l'État .
A. DES DÉPENSES DE MINIMA SOCIAUX DE MOINS EN MOINS LIÉES À LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE
1. L'allocation parent isolé : une progression des dépenses toujours croissante
a) Une allocation traditionnellement déconnectée des évolutions de la conjoncture économique
L'allocation parent isolé (API) est une allocation différentielle versée, sous conditions de ressources, aux personnes assumant seules la charge d'un ou plusieurs enfants et aux femmes enceintes. A la fois prestation familiale et minimum social, elle a un caractère différentiel, les sommes versées complétant les revenus de l'intéressé à hauteur de 530,39 euros par mois pour une femme enceinte et de 707,19 euros pour une personne avec un seul enfant à charge, majorés de 176,80 euros par enfant supplémentaire.
La croissance du nombre de bénéficiaires de l'API ne dépend pas seulement de la situation économique et découle surtout de l'augmentation du nombre de familles monoparentales en termes de ressources financières.
Évolution de l'API
Année |
Nombre de bénéficiaires |
Évolution (en %) |
Dépense
|
Évolution
|
1997 |
164.000 |
+ 0,6 |
708,6 |
+ 1,1 |
1998 |
165.000 |
+ 0,6 |
700,0 |
- 1,2 |
1999 |
168.000 |
+ 1,8 |
707,4 |
+ 1,1 |
2000 |
170.000 |
+ 1,2 |
721,2 |
+ 2,0 |
2001 |
175.000 |
+ 3,0 |
752,7 |
+ 4,4 |
2002 |
181.000 |
+ 3,4 |
794,8 |
+ 5,6 |
2003 |
189.000 |
+ 4,4 |
832,2 |
+ 4,7 |
Toutefois, l'augmentation du nombre de familles monoparentales couvertes par l'API est liée à la hausse de la pauvreté au sein de cette catégorie de population. Ainsi, 17 % des familles monoparentales se situaient, en 1995, sous le seuil de pauvreté, contre 11,8 % en 1985. Les femmes chefs de famille monoparentales, traditionnellement plus souvent en activité que les femmes en couple à nombre d'enfants identique, ont subi les effets de la dégradation du marché du travail.
Le retour de la croissance sur la période 1997-2000 et l'amélioration de la situation générale de l'emploi qui s'en est suivie auraient dû mécaniquement entraîner une baisse d'environ 25.000 allocataires. Tel n'a pas été le cas. Les études montrent en réalité que la situation du marché de l'emploi n'a de réel impact que sur un quart des bénéficiaires, essentiellement les femmes séparées. Or, la catégorie des allocataires qui a augmenté le plus fortement ces dernières années est celle des célibataires (+ 53 % entre 1997 et 2002) et il s'agit également de la catégorie la moins sensible aux évolutions de la conjoncture économique.
b) L'insuffisance des crédits constatée en gestion 2004
Pour la deuxième année consécutive, les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2004 s'avèrent insuffisants . Deux facteurs expliquent cette sous-évaluation :
- une croissance du nombre de bénéficiaires systématiquement sous-estimée : la loi de finances initiale pour 2004 retenait une hypothèse de croissance de 0,74 %, alors que, dès le mois de mars 2004, la DREES anticipait une hausse des effectifs de 3,4 %. De la même manière, en 2003, le projet de budget avait été construit à partir d'une hypothèse de croissance de 0,7 %, bien que la DREES ait averti les pouvoirs publics que la hausse dépasserait 1,4 % : finalement la progression constatée a été largement supérieure, s'établissant à environ 4,4 %.
- une réévaluation du montant de l'API plus importante que prévu : sa revalorisation a été de 1,7 %, alors que seule une augmentation de 1,5 % avait été initialement budgétée.
En réalité, le Gouvernement escomptait en 2004 une diminution du rythme de croissance des bénéficiaires de l'API compte tenu de l'entrée en vigueur de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), et ce pour deux raisons : la nouvelle prestation devait d'abord permettre un meilleur accès à l'emploi des parents isolés, en facilitant leur accès à un mode de garde ; ensuite, la PAJE, contrairement à l'allocation pour jeune enfant (APJE) qui la précédait, devait être incluse dans la base ressources de l'API : alors que l'APJE s'ajoutait à l'API, la nouvelle PAJE devait venir en déduction, réduisant d'autant les sommes versées au titre de l'API différentielle.
Or, cette nouvelle règle de non-cumul des allocations a abouti à une situation inéquitable pour les mères isolées touchant l'API, suivant la date de naissance de leur enfant : les mères d'enfants nés après le 1 er janvier 2004, date d'entrée en vigueur de la PAJE, auraient perçu jusqu'à 1.300 euros de moins que celles d'enfants nés avant cette date. Au total, près de 40.000 jeunes mères auraient été victimes de cette iniquité.
C'est la raison pour laquelle un second décret, n° 2004-189 du 27 février 2004, est venu rectifier les règles relatives à la base ressource de l'API : la prime à la naissance, l'allocation de base versée jusqu'aux trois mois de l'enfant et le complément de libre choix du mode de garde de la PAJE sont désormais cumulables avec l'API, avec effet rétractif au 1 er janvier 2004.
c) Des prévisions de dépenses pour 2005 plus réalistes
Les crédits ouverts en projet de loi finances pour 2005 au titre de l'API s'élèvent à 863 millions d'euros, en hausse de 12 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004 . La dotation prévue tient compte à la fois du nécessaire rattrapage en volume et en prix constaté en gestion 2004 et d'une prévision de croissance du nombre de bénéficiaires en 2005 plus réaliste.
Votre commission ne peut que louer l'effort de sincérité budgétaire qui a présidé à l'établissement de la dotation budgétaire pour 2005. Elle observe toutefois que, d'après les prévisions établies par la commission des comptes de la sécurité sociale en septembre 2004, la dotation prévue resterait inférieure de près de 60 millions d'euros aux estimations de dépenses .
Elle constate également que les crédits prévus ne tiennent pas compte du règlement des dettes de l'État à l'égard de la branche famille au titre de l'exercice 2004 et du solde des exercices antérieurs. En l'état actuel des crédits ouverts à l'article 30 du chapitre 46-34 et si aucune ouverture de crédits supplémentaires n'intervient en loi de finances rectificative pour 2004, l'État restera redevable à la CNAF de 112 millions d'euros. Elle engage donc le Gouvernement à inscrire les crédits nécessaires à l'apurement de cette dette en loi de finances rectificative.
Dette de l'État à l'égard de la CNAF au titre de l'API
|
2002 |
2003 |
2004 |
2005 ** |
Dépenses constatées * |
796 |
833 |
880 |
922 |
Dotations budgétaires |
740 |
805 |
770 |
863 |
Solde annuel |
- 56 |
- 28 |
- 110 |
- 59 |
Ouvertures LFR |
46 |
36 |
n.c |
n.c |
Dette CNAF cumulée |
- 10 |
- 2 |
n.c |
n.c |
*
Source : commission des comptes
de la sécurité sociale, septembre 2004
**
Prévisions : idem
2. L'allocation aux adultes handicapés : des dépenses suspendues à la réforme de la loi d'orientation de 1975
a) Une dotation qui tient en partie compte des erreurs d'appréciation intervenues en 2004
Les crédits consacrés au financement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de son complément s'élèvent à 4,8 milliards d'euros, soit une progression de 4 % par rapport aux crédits ouverts à ce titre en loi de finances initiale pour 2004.
Votre commission estime, contrairement au sentiment généralement affiché par le monde associatif, qu' une progression continue des dépenses d'AAH ne peut pas être en soi un motif de satisfaction : elle signifie en effet qu'une proportion de plus en plus importante des personnes handicapées se trouve dans l'incapacité, conjoncturelle ou définitive, de se procurer un emploi.
Il reste que, dans un souci de sincérité budgétaire, votre commission est attachée au fait que les dépenses ne soient pas systématiquement sous-estimées. C'est la raison pour laquelle le taux de progression des crédits d'AAH pour 2005 lui apparaît plus réaliste que celui retenu l'an passé .
La dotation pour 2005 répare en effet plusieurs erreurs d'appréciation intervenues lors de la préparation du budget pour 2004 : le taux de revalorisation du minimum vieillesse - et donc de l'AAH - a été corrigé conformément à la revalorisation réellement intervenue en janvier 2004, soit 1,7 % et non 1,5 %, comme initialement prévu ; par ailleurs, l'hypothèse d'évolution des effectifs pour 2004 a été révisée, passant de 1,26 % à 1,9 %. A également été intégré dans les services votés pour 2005 le coût entraîné par la revalorisation du forfait hospitalier en 2004, soit 15 millions d'euros.
Votre commission observe toutefois que le Gouvernement n'est pas allé jusqu'au bout de son effort de sincérité budgétaire :
- aucun remboursement des dettes contractées à l'égard de la branche famille n'est prévu à ce stade : la sous-estimation de la dotation au titre de l'AAH pour 2004 conduit à elle seule à la constitution d'une dette de l'ordre de 112 millions d'euros envers la CNAF. La dette cumulée se monterait quant à elle à 54 millions d'euros au 31 décembre 2003 et si aucune mesure n'intervient d'ici la fin de l'exercice 2004, elle s'élèvera à 166 millions d'euros ;
Dette de l'État à l'égard de la CNAF au titre de l'AAH
|
2002 |
2003 |
2004 |
2005 ** |
Dépenses constatées * |
4.430 |
4.577 |
4.773 |
4.974 |
Dotations budgétaires |
4.277 |
4.526 |
4.661 |
4.847 |
Solde |
- 153 |
- 51 |
- 112 |
- 127 |
Ouvertures LRF |
150 |
0 |
n.c |
n.c |
Dette CNAF cumulée |
- 3 |
-54 |
n.c |
n.c |
*
Source : commission des comptes
de la sécurité sociale, septembre 2004
**
Prévisions : idem
- les hypothèses retenues pour l'évolution des dépenses en 2005 sont fragiles : ainsi, l'hypothèse de revalorisation du minimum vieillesse qui sert de base à l'AAH est encore une fois fixée 1,5 %, alors que celle-ci s'avère depuis deux ans supérieure de 0,2 point à cette prévision. Par ailleurs, les hypothèses envisagées pour la progression du nombre de bénéficiaires (2,2 % pour le régime général et - 5 % pour le régime des exploitants agricoles) n'intègrent pas les conséquences des mesures en cours d'adoption dans le cadre du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
C'est la raison pour laquelle votre commission reste réservée quant à l'adéquation des crédits prévus au titre de l'AAH avec les dépenses qui seront réellement constatées en cours d'exercice. Un abondement de crédits en loi de finances rectificative pour 2004 et pour 2005 lui paraît inévitable.
b) La nécessité d'agir sur les facteur structurels d'évolution de l'AAH
L'observation sur une longue période de l'évolution de la dépense d'AAH montre que celle-ci résulte essentiellement de l'accroissement des effectifs des bénéficiaires, et non d'une variation des montants versés aux allocataires. Telle est d'ailleurs l'analyse de la commission des comptes de la sécurité sociale en septembre 2004.
La progression des dépenses d'AAH serait tout d'abord due à un facteur purement démographique : parmi les bénéficiaires de l'AAH, on constate en effet une surreprésentation des classes d'âge de 35 à 59 ans (62 % contre 51 % en population générale). Par conséquent, le nombre des bénéficiaires de l'AAH est particulièrement sensible à l'avancée en âge des générations du baby boom. On observe également une augmentation de la prévalence du handicap, due notamment à l'augmentation de l'espérance de vie des personnes handicapées.
Il convient ensuite de souligner la très nette progression des reconnaissances administratives du handicap : on constate en effet une tendance marquée des COTOREP à accorder un plus grand nombre d'AAH pour des personnes présentant un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 % 2 ( * ) .
Attribution de l'AAH selon le taux d'incapacité
de 1990 à 2002
(source : CNAF, métropole et DOM)
Comme votre commission le soulignait déjà l'an passé, il est évident qu'une modération des dépenses d'AAH ne peut avoir que deux origines : une amélioration de la situation de l'emploi des personnes handicapées et une profonde réforme des COTOREP .
C'est la raison pour laquelle l'article 3 du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées met en place un mécanisme d'incitation à l'accès ou au retour à l'emploi des personnes handicapées qui le peuvent, grâce à un mécanisme d'« intéressement » à l'emploi consistant à ne prendre en compte, au titre des ressources retenues pour l'examen du droit, qu'une partie des revenus d'activité professionnelle de la personne handicapée.
Votre commission ne reviendra pas sur les raisons qui l'ont incité à soutenir cette mesure. Elle s'en est déjà largement expliquée dans ses rapports de première et de deuxième lectures sur ce texte. Le coût brut de cette mesure s'élève à 43,5 millions d'euros, mais aucune estimation de l'économie réalisée au titre du retour à l'emploi de bénéficiaires de l'AAH aujourd'hui exclus du monde du travail n'est à l'heure actuelle disponible. Rien, en l'état des informations disponibles, ne permet de savoir si l'impact de cette mesure a été pris en compte dans la construction du projet de budget pour 2005.
c) L'absence de prise en compte de l'impact budgétaire du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées
D'une manière générale, le projet de budget pour 2005 ne fait à aucun moment état de la prise en compte des mesures prévues par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées , dont l'adoption définitive devrait pourtant intervenir avant la fin de l'année 2004 ou, au plus tard, au cours du premier trimestre 2005. En tout état de cause, aucune disposition de ce projet de loi ne prévoit, pour l'heure, de reporter à 2006 l'entrée en vigueur des articles portant réforme de l'AAH. Ceux-ci devraient donc avoir un impact budgétaire dès 2005, notamment la mesure portant suppression du complément d'AAH et création d'une dotation « aménagement du logement » au sein de la prestation de compensation.
Le complément d'AAH
Créé en 1994, le complément d'AAH est attribué aux personnes handicapées présentant un taux d'invalidité supérieur à 80 %, afin de leur permettre de couvrir les dépenses supplémentaires liées à une vie autonome à domicile. Il est donc versé aux personnes qui disposent d'un logement indépendant pour lequel elles perçoivent une aide personnelle au logement.
Son montant mensuel est fixé à 16 % du montant mensuel de l'AAH et évolue dans les mêmes conditions que celui-ci. Depuis le 1 er janvier 2004, revalorisé comme l'AAH, il s'élève à 94,04 euros. A la même date, 155.500 allocataires en ont bénéficié, pour un coût total de 178 millions d'euros.
Le rythme d'augmentation du nombre de
bénéficiaires de ce complément (+ 10 % de 1998
à 1999, + 4 % de 1999 à 2000, + 4 % de 2000
à 2001, + 2,6 % entre 2001 et 2002 et + 2,5 % de
2002 à 2003) montre une montée en charge qui s'infléchit
légèrement ces dernières années.
Dans la mesure où le complément sera maintenu pour les bénéficiaires actuels jusqu'au renouvellement ou à la fin de leurs droits à l'AAH, la montée en charge de cette réforme s'effectuera progressivement sur dix ans, durée maximum d'attribution de l'AAH : les dernières dépenses de complément s'éteindront donc en 2015.
D'après les éléments d'informations disponibles, le gel des nouveaux accords de complément d'AAH devrait se traduire par une économie budgétaire de l'ordre de 19 millions d'euros . Rien n'indique, à ce stade, que cette économie ait été prise en compte dans la construction du projet de budget pour 2005, à moins qu'elle ne soit incluse dans la mesure d'économie de 44 millions d'euros annoncée par le Gouvernement.
Enfin, votre commission rappelle que le Gouvernement s'est engagé, à la demande des associations de personnes handicapées et des parlementaires, à créer un complément de ressources pour les personnes handicapées qui sont dans l'incapacité totale de travailler, ainsi qu'à améliorer le « reste à vivre » perçu par les bénéficiaires de l'AAH accueillis en établissement de santé, en établissement social ou médico-social ou détenus dans un établissement pénitentiaire.
Ces mesures devraient avoir un effet budgétaire important, qui ne semble pas pris en compte à ce stade. Votre commission reconnaît qu'il était difficile, pour le Gouvernement, d'anticiper sur cette demande qui n'est apparue qu'à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi au Sénat. Au demeurant, elle estime que le nouveau complément pour incapacité de travail relève davantage d'une logique de compensation du handicap : il pourrait donc être financé, comme l'ensemble de la prestation de compensation, par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
En revanche, un relèvement du reste à vivre en établissement majorerait incontestablement les dépenses budgétaires. Un dérapage des dépenses d'AAH en 2005 semble donc probable .
3. L'aide médicale de l'État : l'urgence de la maîtrise des dépenses
a) Un dispositif initial mal calibré compte tenu de l'explosion de la demande d'asile
L'aide médicale de l'État (AME) a été créée en 2000, parallèlement à l'entrée en vigueur de la couverture maladie universelle (CMU), afin de donner une couverture médicale aux personnes non éligibles à cette dernière, c'est-à-dire en grande majorité aux personnes étrangères en situation irrégulière et à leurs ayants droit.
La gestion de l'AME a été confiée, par convention, à la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). C'est la raison pour laquelle l'admission à l'AME et le service des prestations qui en découlent reposent sur les caisses primaires d'assurance maladie. Les dépenses engagées sont arrêtées trimestriellement par la CNAM et remboursées par l'État.
Ce dispositif, qui était censé être résiduel, est en réalité devenu un dispositif de masse , compte tenu du dynamisme des flux migratoires : les bénéficiaires sont ainsi passés de 75.000 en 2000 à 156.000 selon la dernière estimation au 30 juin 2004, après un pic à 170.000 enregistré l'année précédente.
Nombre de bénéficiaires de l'AME
|
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
Nombre de bénéficiaires |
73.300 |
125.400 |
153.600 |
170.300 |
156.000 |
Évolution (en %) |
- |
+ 71,1 |
+ 22,5 |
+ 10,9 |
- 8,4 |
La montée en charge des dépenses liées à ce nouveau dispositif n'a pas été correctement anticipée, d'autant plus que les délais de traitements des demandes d'admission par les CPAM ont entraîné des reports de charge importants, de l'ordre de 50 % des dépenses rattachées aux exercices 2000 et 2001, de sorte que l'insuffisance des crédits a longtemps été masquée.
Le décalage dans la facturation à l'État des dépenses d'AME s'est traduit par l' apparition d'une dette importante à l'égard de la CNAM, d'environ 311 millions d'euros au 31 décembre 2002 .
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la loi de finances rectificative du 6 août 2002 avait auparavant ouvert une dotation complémentaire de 445 millions d'euros , afin de permettre le remboursement à l'assurance maladie de l'ensemble des dettes contractées à son égard au titre de l'AME.
Semblant tirer les leçons de la sous-dotation chronique du chapitre budgétaire consacré à l'AME, la loi de finances initiale pour 2003 avait prévu une dotation de 233 millions d'euros, multipliant ainsi par trois les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2002. Mais cet effort s'est encore une fois révélé insuffisant, puisqu'un abondement supplémentaire de 208 millions d'euros a du être à nouveau décidé en loi de finances rectificative pour 2003.
Malgré cet effort supplémentaire, les crédits ouverts pour 2003 (441 millions d'euros au total) ne suffiront pas pour rembourser à la CNAM l'ensemble des dépenses engagées au titre de l'AME , soit 489 millions d'euros, sans compter les 90 millions d'euros restant à charge au titre de l'exercice 2002 et les 26 millions d'euros nécessaires au remboursement des évacuations sanitaires de l'hôpital de Mayotte, de la prise en charge des soins des personnes placées en centres ou locaux de rétention administrative et des dettes résiduelles antérieures à 2002.
L'an dernier, votre commission estimait donc déjà que la dotation prévue pour 2004, qui constituait une simple reconduction des crédits prévus en loi de finances initiale pour 2003, serait insuffisante et requérrait un nouvel ajustement en loi de finances rectificative.
En effet, les sommes à verser à la CNAM en 2004, correspondant au dernier trimestre 2003 et au premier semestre 2004 atteignent déjà 345 millions d'euros, contre 335 millions d'euros à la même époque l'année précédente. En outre, l'État reste également débiteur envers la CNAM au titre de l'exercice 2003. Au total, et comme chaque année, la dépense totale devrait s'établir entre 490 et 500 millions d'euros.
Or, en 2005, les crédits relatifs à l'AME et au nouveau dispositif de prise en charge des soins urgents s'élèvent une fois de plus à 233 millions d'euros. Il serait singulier que, cette année, elle suffise à financer l'ensemble du dispositif d'aide médicale .
b) Des réformes indispensables en attente de mesures d'application
Deux variables affectent plus particulièrement le coût du dispositif de l'aide médicale d'État :
- l'augmentation du nombre de bénéficiaires : si cette augmentation est en grande partie liée aux évolutions des flux migratoires, sur lesquels les gestionnaires de l'AME n'ont pas de prise, elle vient également des conditions extrêmement favorable d'accès à cette aide. Ainsi, contrairement au dispositif prévu pour la CMU, la pratique des déclarations d'identité et de résidence sur l'honneur a été initialement encouragée par les CPAM, ce qui a considérablement affaibli les contrôles possibles du respect des conditions d'accès à l'AME ;
- la hausse régulière du coût moyen du panier de soins par bénéficiaire de l'AME : ce coût est passé de 2.148 euros en 2002 à 2.871 euros en 2003, soit une augmentation de 33 %.
Afin de limiter les dérapages du dispositif de l'AME et conformément aux conclusions du rapport de mars 2003 consacré, par l'IGAS, à la prise en charge sanitaire des migrants, le législateur a pourtant pris plusieurs mesures :
- la loi de finances rectificative pour 2002 a instauré, dans son article 57, le principe d'une participation financière des bénéficiaires de l'AME, cette participation étant toutefois plafonnée et des exonérations étant prévues pour les mineurs, les pathologies graves ou coûteuses, les femmes enceintes, les nouveaux-nés et les frais d'examens de dépistage effectués dans le cadre des programmes de prévention ;
- la loi de finances rectificative pour 2003 a créé une condition de résidence préalable de trois mois pour accéder à l'AME. En contrepartie, une prise en charge réduite aux soins urgents et vitaux a été mise en place durant cette période de trois mois, financée par une dotation forfaitaire versée par l'État à la CNAM.
Cette réforme de 2003 relative à la condition de résidence et aux soins urgents était d'application immédiate ; elle est donc entrée en vigueur le 1 er janvier 2004. Mais celle de 2002 instituant à la participation financière des usagers reste en attente du décret d'application définissant le montant du forfait hospitalier et du ticket modérateur exigé des bénéficiaires, ainsi que leur plafond et les conditions précises d'exonération.
Deux autres décrets indispensables au renforcement des contrôles de base à l'accès à l'AME sont également en suspens : il s'agit des décrets chargés de donner une base réglementaire à l'exigence de pièces justificatives pour l'instruction des demandes d'AME et de préciser la nature de ces pièces justificatives. Ils doivent en outre être complétés par des arrêtés fixant respectivement les modèles de formulaires de demande, de titre d'admission et les modalités de suivi statistique du dispositif par la CNAM.
Votre commission s'étonne du retard pris dans la publication de ces décrets d'application et regrette que les mesures votées par le législateur soient, en conséquence, restées lettre morte depuis deux ans . Les économies attendues sont effet loin d'être négligeables :
- le renforcement du contrôle lors de l'accès à l'AME devrait permettre une économie égale à 10 % de la dépense actuelle, soit environ 50 millions d'euros et d'une entrée en vigueur à l'automne 2004en année pleine ;
- l'effet de la participation financière des bénéficiaires est évalué à 50 millions d'euros, soit 10 millions d'euros d'économie directe et 40 millions d'économie indirecte, par dissuasion des usagers d'engager des soins médicalement inutiles ;et d'une entré en vigueur au 1 er juillet 2004.
Votre commission approuve l'ensemble de ces mesures qui, conjuguées aux mesures plus générales prises par le Gouvernement en matière de politique d'asile et d'immigration, devraient permettre de limiter les dérapages budgétaires liés à l'AME, ce dont témoigne la baisse du nombre de bénéficiaires amorcée au dernier trimestre 2004. Mais elle estime tout aussi indispensable un rebasage de la dotation pour son financement, afin de ne pas provoquer, année après année, une dette à l'égard de l'assurance maladie dont la situation financière ne permet plus d'assurer la trésorerie de l'État.
* 1 Ces crédits regroupent les agrégats « Développement social » (23), « Intégration et lutte contre les exclusions » (24) et « Famille et personnes handicapées » (25).
* 2 L'AAH peut en effet être attribuée à deux catégories de bénéficiaires : les personnes handicapées présentant un taux d'invalidité supérieur à 80 % (article L. 821-1 du code de la sécurité sociale) et les personnes handicapées titulaires d'un taux d'invalidité compris entre 50 et 79 %, lorsqu'elles sont dans l'impossibilité, reconnue par la COTOREP, de se procurer un emploi (article L. 821-2 du code de la sécurité sociale).