C. L'APPLICATION DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES (LOLF)
Rappelons que la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) institue de nouvelles règles d'élaboration et d'exécution du budget de l'Etat. Celles-ci ont pour ambition de faire passer l'Etat d'une logique de moyens à une logique de résultats, l'objectif étant de « dépenser mieux ».
Désormais, le pilotage et la gestion par les administrations devront se faire par objectifs. Ces objectifs, sur lesquels s'engagera le Gouvernement, devront se fonder sur une réflexion stratégique approfondie, s'inscrivant dans une perspective pluriannuelle. Les résultats et le rapport coût/efficacité des politiques publiques seront mesurés à l'aide d'indicateurs précis.
1. Présentation de la mission « Recherche et enseignement supérieur »
A compter de 2006, les crédits seront regroupés dans la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ».
Cette mission est composée de treize programmes, dont six relèvent du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (pour un total d'environ 17 milliards d'euros) : « Formations supérieures et recherche universitaire », « Vie étudiante », « Recherches scientifiques et technologies pluridisciplinaires », « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources », « Recherche spatiale » et « Orientation et pilotage de la recherche ».
Les deux premiers de ces programmes concernent directement l'enseignement supérieur au sens de la section budgétaire actuelle. Le directeur de l'enseignement supérieur en assume la responsabilité.
2. Présentation des deux programmes relevant de l'enseignement supérieur
a) Le programme « Formations supérieures et recherche universitaire »
Trois missions complémentaires et interactives sont dévolues aux établissements d'enseignement supérieur : la transmission et la production des connaissances ainsi que la diffusion de la culture scientifique.
Le programme est structuré en quinze actions , qui s'inscrivent dans ces missions et dont certaines se déclinent en sous-actions :
Action 1 : Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence
Action 2 : Formation initiale et continue de niveau master
Action 3 : Formation initiale et continue de niveau doctorat
Action 4 : Etablissements d'enseignement privés et consulaires
Action 5 : Bibliothèques
Action 6 : Recherche universitaire en sciences de la vie, biotechnologies et santé
Action 7 : Recherche universitaire en mathématiques, sciences et techniques de l'information et de la communication, micro et nanotechnologie
Action 8 : Recherche universitaire en physique, chimie et sciences pour l'ingénieur
Action 9 : Recherche universitaire en physique nucléaire et des hautes énergies
Action 10 : Recherche universitaire en sciences de la terre, de l'univers et de l'environnement
Action 11 : Recherche universitaire en sciences de l'homme et de la société
Action 12 : Recherche universitaire interdisciplinaire et transversale
Action 13 : Diffusion des savoirs
Sous-actions :
- musées et activités de muséologie
- autres actions de diffusion des savoirs
Action 14 : Immobilier
Sous-actions :
- Construction et équipements
- maintenance et sécurisation
- logistique immobilière
Action 15 : Pilotage et animation du programme.
Sous-actions :
- pilotage du système universitaire
- pilotage opérationnel des établissements
- action internationale
- formation et (pré-)recrutement des personnels
- technologies de l'information et de la communication (TIC).
b) Le programme « Vie étudiante »
Ce programme est structuré en quatre actions :
Action 1: Aides directes
Action 2 : Aides indirectes
Action 3: Aides médicales et socio-éducatives
Sous-actions :
- santé
- étudiants handicapés
- activités socio-culturelles
Action 4: Pilotage et animation du programme.
c) La ventilation des crédits relevant de ces deux programmes
• Le programme « Formations supérieures et recherche universitaire » intègre des crédits du titre III, dépenses de personnel (chapitres 31 et 33 pour la quasi- totalité), de fonctionnement (34-98 et 36-11), d'examens et concours (37-82) et du comité national d'évaluation (37-94). De plus, il comprend des crédits du titre IV, le 43-11 (à l'exception des subventions aux associations étudiantes) et les bourses spéciales pour l'étranger du chapitre 43-71. La totalité des titres V et VI est comprise dans ce programme.
• Le programme « Vie étudiante » recouvre le chapitre 36-14 finançant essentiellement l'action « Aides indirectes » et le chapitre 43-71 (sauf les bourses spéciales pour l'étranger) affecté principalement à l'action « Aides directes ». Il intègre également une partie des chapitres 31 et 33 et du chapitre 36-11 dans le cadre de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et de la dotation contractuelle destinées à la vie étudiante.
• Dans chacun des deux programmes, une action support a été créée. Elle regroupe tous les moyens en crédits et en emplois nécessaires au pilotage et à l'animation du programme. Ces moyens spécifiques ne pouvaient être répartis sur les autres actions de chacun des programmes sans risquer de perdre en pertinence et en lisibilité.
Cette année, le budget fait l'objet d'une double présentation, avant basculement dans le nouveau système à l'occasion du projet de loi de finances pour 2006.
3. La mesure des résultats et de la performance
Afin d'être à même de mesurer les résultats des politiques menées, le Parlement disposera, à compter de l'an prochain, de deux documents :
- en annexe au projet de loi de finances, un projet annuel de performances comprendra une description des engagements du ministre concerné, orientée vers une évaluation pluriannuelle et réalisée à partir des éléments constitutifs du programme ;
- en annexe au projet de loi de règlement, un rapport annuel de performances donnera un compte rendu de la performance du programme.
Dans cette perspective, les ministères ont dû adopter une démarche en trois temps : explication des objectifs, recherche des indicateurs et définition des cibles de résultats à atteindre. La lecture de la performance devra se faire à partir de trois types de critères :
- l'efficacité socioéconomique , qui évalue l'impact final des actions sur l'environnement économique ou social ;
- la qualité du service rendu à l'usager ;
- l'efficacité de la gestion des ressources , qui rapporte les produits des activités de l'État aux moyens consommés.
Les objectifs et indicateurs retenus par le ministère pour les programmes concernant l'enseignement supérieur figurent en annexe au présent rapport.
Ils ne sont pas encore tous établis ni arrêtés définitivement par le Gouvernement et les commissions parlementaires pourront , d'ici février 2005 , demander certaines évolutions afin de s'assurer de leur pertinence.
Les objectifs devront correspondre -de façon équilibrée- aux trois types de critères mentionnés ci-dessus, être réalistes -c'est-à-dire atteignables-, résulter d'une réelle réflexion stratégique préalable et être mesurables.
Il faudra, par ailleurs, veiller à ce que les indicateurs soient immédiatement interprétables et permettent de formuler un jugement sur l'utilisation des moyens, et éviter au maximum les possibles effets pervers.
En l'état actuel, tous les objectifs et indicateurs d'ores et déjà proposés pour le budget de l'enseignement supérieur ne satisfont pas en totalité à ces exigences .
Votre commission ne procédera pas à leur examen dans le présent rapport, mais elle souhaite fermement que les administrations concernées fassent preuve du courage et des efforts nécessaires au succès de cette réforme essentielle.
La performance sera en outre évaluée dans le cadre du dialogue de gestion institué entre les services de l'administration centrale et les établissements publics d'enseignement supérieur. Le pilotage des programmes reposera sur les contrats passés entre l'Etat et les « opérateurs » que sont les établissements d'enseignement supérieur et le réseau des oeuvres universitaires et scolaires.
La mise en oeuvre de cette réforme constitue un chantier ambitieux qui exige la rigueur et l'implication de chacun. Certaines difficultés ont été identifiées. Elles concernent notamment :
• La place et la structure du budget de gestion des établissements.
Ce dernier constitue l'instrument de pilotage et il doit décliner en objectifs opérationnels dans l'établissement les objectifs stratégiques définis dans les programmes de la mission recherche et enseignement supérieur. Sa structure doit donc pouvoir s'articuler avec l'architecture en programmes et actions de la mission, alors même que c'est au niveau des unités opérationnelles des établissements (UFR, composantes, etc.) que se trouvent les centres de décision.
Par ailleurs, le budget de l'établissement n'est pas uniquement constitué des crédits de l'Etat, puisqu'il dispose également de ressources propres. En revanche, il n'intègre pas le coût des rémunérations des personnels de l'Etat. Or, le calcul des coûts doit intégrer l'ensemble des crédits consacrés à une action. Cette question souligne la difficulté d'un budget qui n'est pas global avec la nécessité d'obtenir des coûts complets. Votre rapporteur reviendra plus loin sur cette nécessaire globalisation du budget.
L'imputation directe des crédits sur les actions de la LOLF n'est pas possible pour tous les crédits. Un retraitement des crédits par l'utilisation de clefs de répartition est parfois nécessaire et requiert une certaine normalisation.
• La gestion des ressources humaines
Il conviendra d'apporter les réponses à plusieurs questions d'importance. Par exemple, comment articuler les dispositions statutaires prévues dans les textes réglementaires et la gestion des emplois par la masse salariale et le plafond d'emplois ? Quelle sera l'autonomie des établissements sur la gestion de leur personnel, et particulièrement les prérogatives dévolues au chef d'établissement et au recteur dans le cadre du mouvement national ? Comment concilier le système de gestion des emplois à la direction de l'enseignement supérieur, qui repose sur la notion d'emploi, et la nouvelle gestion des emplois par la masse salariale et le plafond d'emplois ?
Enfin, la culture et les connaissances de la comptabilité analytique et du contrôle de gestion ne sont pas partagées de manière homogène par tous les personnels dans les établissements. D'importantes actions de formation devront par conséquent être menées et, dans certains cas, des recrutements ad hoc effectués.
4. L'expérimentation menée en 2005
Les implications de la LOLF sont largement déterminées au niveau de l'Etat, mais elles restent encore à étudier et à mettre en place au niveau des opérateurs. La réforme accroîtra leur liberté et leur responsabilité en augmentant fortement leurs marges de manoeuvre dans l'affectation de leurs moyens, mais elle exigera en contrepartie un compte rendu des résultats obtenus au regard des objectifs fixés et une grande transparence sur l'utilisation de leurs moyens.
Dans cette perspective, il a été décidé de lancer, en 2005, une expérimentation mobilisant, d'une part, des établissements d'enseignement supérieur et, d'autre part, le réseau des établissements en charge des oeuvres universitaires et scolaires.
Cette expérimentation sera engagée, outre le réseau , avec quatre établissements : les universités Aix-Marseille III, Orléans, Rennes I et l'Institut National Polytechnique de Grenoble (INPG). Elle a donc pour objectif d'étudier comment les principes de la LOLF s'appliquent aux établissements publics chargés de mettre en oeuvre les objectifs des politiques publiques et de repérer quelles sont les adaptations nécessaires de leurs outils de gestion et systèmes d'informations. Elle portera globalement sur près de 6,5 % des crédits de l'enseignement supérieur.
Cette préfiguration de la LOLF sera particulièrement utile, dans la mesure où elle intervient dans un domaine de l'action du ministère où la contribution des opérateurs à la mise en oeuvre des futurs programmes est prépondérante.
Elle permettra de tester de nouvelles modalités de gestion . Ainsi, toutes les implications d'une gestion soumise aux règles du double plafond (masse salariale et emplois) et de fongibilité asymétrique (qui ouvre la possibilité d'utiliser des crédits de personnel du titre II pour financer du fonctionnement en titre III, mais interdit l'inverse) devront être listées et étudiées au cours de cette expérimentation.
Certaines des implications sont d'ores et déjà identifiées :
• Dans le cadre de son dialogue de gestion avec l'Etat, l'établissement pourra demander :
- des adaptations de son schéma d'emplois, sous réserve du respect de son double plafond et des règles relatives à la gestion et aux statuts des personnels ;
- des crédits de fonctionnement en contrepartie d'emplois non consommés.
• Les établissements devront se doter très rapidement d'outils de gestion prévisionnelle des emplois et de la masse salariale (en particulier, mesure du GVT (Glissement-Vieillesse-Technicité) afin, d'une part, de connaître les impacts à moyen terme de leurs décisions sur leur budget, et, d'autre part, de mieux dialoguer avec l'Etat.