INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des Lois, comme chaque année, analyse dans le cadre d'un avis les crédits affectés par le projet de loi de finances pour 2004 aux services généraux de la justice , ceux alloués à l'administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse étant traités dans deux avis distincts respectivement présentés par nos collègues MM. Georges Othily et Patrice Gélard.

Malgré un contexte budgétaire tendu caractérisé par des gels de crédits et la recherche d'une meilleure maîtrise des dépenses publiques, la progression du budget de la justice prévue en 2004 -près de 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003 - traduit cette année encore le choix du Gouvernement de privilégier ce ministère régalien. Autre signe de la priorité qui lui est accordée, celui-ci enregistre la plus forte augmentation des effectifs budgétaires de tous les ministères (+3,1 %), grâce à la création nette de 2.175 emplois.

L'an passé, votre commission se félicitait de l'adoption de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice annonçant la mise à disposition de moyens humains et matériels indispensables au bon fonctionnement des juridictions judiciaires et administratives. En réalisant la deuxième tranche du programme quinquennal , le projet de budget pour 2004 témoigne de la volonté du Gouvernement d'inscrire dans la durée l'action en faveur de la justice.

Une autre ambition relative à la modernisation de la gestion et des méthodes de travail du ministère de la justice mérite d'être saluée. En effet, dans la perspective de l'application de la loi organique relative aux lois de finances, le projet de budget propose la mise en place d'outils nouveaux destinés à améliorer la performance des acteurs de l'institution judiciaire en les responsabilisant davantage et à mieux évaluer les actions engagées, autant d'avancées susceptibles d'accroître la qualité du service rendu aux justiciables. Votre rapporteur se réjouit de la démarche novatrice du Gouvernement qui, loin de s'en tenir à une logique quantitative, tente de parvenir à une meilleure utilisation de ses ressources.

Après avoir retracé les grandes lignes de l'effort financier consenti par l'État notamment en vue d'exécuter le programme quinquennal et de permettre aux réformes nouvelles, telle la mise en place des juridictions de proximité, d'entrer en vigueur dans de bonnes conditions (I), le présent avis présentera les nouveaux outils proposés pour optimiser l'emploi des crédits votés (II) et évoquera les premières avancées en faveur d'une réforme de l'aide juridictionnelle, souhaitée depuis plusieurs années par votre commission des Lois et très attendue des avocats (III).

I. LA JUSTICE : UN POSTE BUDGÉTAIRE PRIVILÉGIÉ

En hausse de 4,9 % , les crédits alloués à la justice atteignent un montant encore jamais égalé de 5,28 milliards d'euros dont 4,96 milliards d'euros de dépenses ordinaires et 321 millions d'euros de dépenses en capital. Cette année encore, l'enveloppe des autorisations de programme -plus d'un milliard d'euros- croît fortement (près de 50 % par rapport à la loi de finances initiale 2003), ce qui confirme la volonté de faire avancer l'ambitieux programme immobilier annoncé l'année dernière.

Moindre qu'en 2003 (7,4 %), l'évolution du budget de la justice affiche néanmoins une des meilleures progressions nominales , qui situe ce ministère en troisième position , juste après ceux de la culture et de l'intérieur (respectivement en hausse de + 5,4 % et + 5 %) et devant ceux de la défense et de l'éducation nationale (respectivement en progression de + 3,7 % et + 2,7 %).

Cet effort budgétaire largement supérieur à l'évolution moyenne des budgets civils (+ 1,1 %) mérite donc d'être salué et concrétise les engagements pris par le garde des Sceaux lors de l'adoption de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice de remédier aux difficultés matérielles de l'institution judiciaire.

Ce constat encourageant ne doit toutefois pas faire oublier la part modeste du budget de la justice dans le budget de l'Etat, encore inférieure à 2 % .

A. LA JUSTICE : UNE PRIORITÉ NATIONALE AFFIRMÉE

L'évolution des trois principales actions conduites par le ministère de la justice composant les services généraux -administration centrale, services judiciaires et juridictions administratives- est plus contrastée que l'année dernière comme le montre le tableau reproduit ci-après.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
(2003-2004)

 

Dotations 2003

Crédits demandés
pour 2004

Évolution

 

Montant

% du total

Montant

% du total

2003-2004 en %

(2002-2003 en % )

Ensemble du ministère de la justice

5.037

(100 %)

5.284

(100 %)

+ 4,9 %
( + 7,4 % )

- Services judiciaires

2.123

42 %

2.222

42 %

+ 4,7 %
( + 6 % )

- Juridictions administratives

153

3 %

170

3 %

+ 11,1 %
( + 6,8 % )

- Administration générale

703

14 %

696

13 %

- 1 %
( + 13,8 % )

En millions d'euros
Source : projet de loi de finances pour 2004 (bleu budgétaire)

Les crédits alloués aux juridictions administratives enregistrent la plus forte croissance - plus de 11 % - (contre 6,8 % l'année dernière) afin d'étoffer les effectifs (magistrats, fonctionnaires, assistants de justice), de revaloriser les rémunérations versées aux personnels et de réaliser des travaux d'extension et de réhabilitation de bâtiments accueillant les juridictions.

En hausse de 4,7 % , le budget des services judiciaires bénéficie d'un abondement significatif . Les dépenses ordinaires (2.103 millions d'euros) augmentent de 4,3 % en vue de financer des créations d'emplois (709 au total), des mesures indemnitaires en faveur de plusieurs catégories de personnels, de compenser la progression des frais de justice (+18,7 % entre 2002 et 2003) et d'encourager l'aide aux victimes. Les dépenses en capital d'un montant de 118,7 millions d'euros (contre 105 millions inscrits en loi de finances pour 2003) affichent une progression aussi forte que l'année dernière -près de 13 %- en vue de poursuivre l'effort de construction et de rénovation des palais de justice.

En revanche, l'administration générale , poste budgétaire privilégié l'année dernière (+ 13,8 %) devrait connaître un léger recul de ses crédits (- 1 %), imputable à la baisse conjuguée des dépenses ordinaires et des dépenses en capital.

B. LA DEUXIÈME ANNÉE DE MISE EN oeUVRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION : DES ENGAGEMENTS HONORÉS PAR LE PROJET DE BUDGET POUR 2004

Le budget 2004 met l'accent sur la poursuite de la mise en oeuvre de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice en en finançant la deuxième tranche .

1. La concrétisation des objectifs fixés en termes de créations d'emplois

A l'issue de deux exercices budgétaires (loi de finances 2003 et projet de loi de finances 2004), le bilan des créations d'emplois semble satisfaisant comme le montre le tableau ci-après, le projet de budget réalisant plus d'un cinquième des prévisions inscrites dans le programme pluriannuel, ce qui correspond à un rythme raisonnable .

BILAN DE L'EXÉCUTION DE LA LOI DE PROGRAMMATION
(CRÉATIONS D'EMPLOIS)

 

Loi de finances 2003

Projet
de loi de finances 2004

Créations d'emplois réalisées

Créations d'emplois prévues par la loi
de programmation

Ministère de la justice
Taux de réalisation

2.024
20 %

2.197
22 %

4.221
42 %

10.100

Services judiciaires
Taux de réalisation
- Magistrats
Taux de réalisation
- Fonctionnaires
Taux de réalisation

700
16 %
180
19 %
520
15 %

709
16 %
150
16 %
559
16 %

1.409
32 %
330
35 %
1.079
31 %

4.450

950

3.500

Juridictions administratives
Taux de réalisation

100

21 %

97

20 %

197

41 %

480

Administration générale
Taux de réalisation

40
22 %

46
25,5 %

86
47,5 %

180

Source : ministère de la justice

Le taux de réalisation constaté affiche toutefois de légères variations selon les agrégats.

a) Une mise en oeuvre progressive des objectifs affichés pour les juridictions judiciaires

La délicate articulation entre la loi de finances de l'année et la loi de programmation impose de laisser une certaine marge de manoeuvre au Gouvernement quant aux modalités de mise en oeuvre de la programmation quinquennale .

Plutôt que de retenir une exécution linéaire de ses engagements, le ministère de la justice a préféré privilégier certains domaines prioritaires (administration pénitentiaire 1 ( * ) , administration centrale) en anticipant sur les créations de postes prévues, au détriment d'autres secteurs comme les juridictions judiciaires.

Le rythme des créations de postes pour 2004 dans les services judiciaires (qui enregistrent un taux de réalisation de 16 %) reste encore inférieur au cinquième de l'objectif affiché par la programmation quinquennale -tant s'agissant des postes de fonctionnaires (559) que de magistrats (150). Ces mesures représentent une dépense nouvelle de 26,5 millions d'euros. L'année prochaine, les effectifs budgétaires des 1.157 juridictions de métropole et d'outre-mer devraient donc s'élever à 7.434 magistrats et 21.455 fonctionnaires des greffes 2 ( * ) .

Le retard constaté pour les services judiciaires ne paraît pas choquant, à condition qu'une accélération du rythme des créations de postes intervienne au cours des prochains exercices budgétaires. Interrogé sur ce point par votre rapporteur pour avis au cours de son audition conjointe devant la commission des Finances et votre commission des Lois le 19 novembre dernier, le garde des Sceaux a d'ailleurs donné des assurances en ce sens.

Votre rapporteur pour avis veillera à ce que les prochains budgets concrétisent cet engagement d'autant plus indispensable compte tenu des évolutions démographiques des dix prochaines années . Comme l'indique le ministère de la justice dans une note présentant sa stratégie ministérielle de réforme publiée en octobre 2003, un vieillissement du corps des magistrats avec « l'apparition d'une brèche dans la pyramide des âges vers 2015 » semble prévisible tandis que des remplacements massifs de fonctionnaires des greffes seront nécessaires à l'horizon 2015-2020 pour compenser les départs à la retraite . Un lissage des recrutements devra donc intervenir le plus tôt possible afin de préserver la qualité de la sélection et d'éviter des vacances de postes trop nombreuses.

ÉTAT PRÉVISIONNEL DES DÉPARTS À LA RETRAITE
DANS LES SERVICES JUDICIAIRES (2004-2013)

Source : ministère de la justice

? Les créations de postes de magistrats

Comme l'ont fait observer certaines organisations professionnelles représentatives de magistrats entendues par votre rapporteur, l'arrivée dans les juridictions des nouvelles recrues programmée l'année dernière commence juste à produire ses effets . Cette situation s'explique par un inévitable décalage entre l'annonce des créations de postes et la réalisation concrète des entrées en fonction des magistrats, du fait des délais de recrutement et de formation incompressibles 3 ( * ) . Ainsi que l'a constaté la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002 publié en juin 2003, « les effectifs réels ne correspondaient au 31 décembre 2002 qu'aux effectifs autorisés par la loi de finances pour 2000 » ! Au 1 er septembre 2003 4 ( * ) , on dénombrait en effet 450 emplois budgétaires encore non localisés dans les juridictions, qui devraient toutefois l'être au fur et à mesure de la nomination des nouveaux magistrats dans leurs fonctions.

L'effort de sincérité du ministère de la justice en matière de gestion des effectifs budgétaires mérite cependant d'être relevé. Soucieux d'éviter des vacances de postes artificielles liées aux créations budgétaires qui perturbent le fonctionnement des juridictions, ce dernier a en effet modifié sa politique de localisation des emplois, désormais échelonnée dans le temps pour la faire coïncider avec la prise de fonction effective du poste. En réponse à une question écrite de notre collègue M. Hubert Haenel, rapporteur spécial des crédits de la justice au nom de la commission des Finances, il a été indiqué que cette gestion prévisionnelle permettrait de « prévoir en 2007 un taux de vacance proche de zéro, ou contenu dans la zone d'un minimum incompressible » 5 ( * ) .

En 2003, le flux des recrutements de magistrats s'est élevé à 339. En 2004, il devrait atteindre 387 . Comme le montre le graphique ci-après, les concours d'entrée classiques à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) devraient demeurer le principal mode d'accès à la magistrature (70 % du total). L'augmentation du nombre de postes offerts par l'ENM (145 en 1995 contre 190 en 2000 et 250 depuis) est d'ailleurs significative.

L' Ecole nationale de la magistrature (ENM) continuera donc d'être fortement sollicitée . La subvention allouée à cet établissement public -42,14 millions d'euros en 2004- bénéficie d'un abondement supplémentaire de 3,2 millions d'euros (+ 8,2 %), ce qui constitue fort logiquement la contrepartie de l'effort qui lui est demandé .

Ces crédits supplémentaires sont notamment destinés à revaloriser la rémunération des auditeurs de justice (plus d'1 million d'euros) et le régime indemnitaire des personnels de direction et d'enseignement (86.000 euros) 6 ( * ) , à financer les vacations versées aux juges de proximité et aux juges consulaires en formation (67.000 euros) et à augmenter ses moyens de fonctionnement (547.000 euros). Est également prévue la création de six emplois (qui représente un coût de 296.400 euros), dont un de maître de conférences, destinés au renforcement de l'équipe pédagogique et des fonctions d'administration et de gestion.

Confrontée au double défi d'assurer la formation d'un public de plus en plus nombreux et diversifié tout en prenant en compte les attentes croissantes relatives à la qualité de la justice exprimées tant par l'institution judiciaire et ses partenaires que par les justiciables, l'ENM a décidé de moderniser son mode de fonctionnement et ses programmes pédagogiques. A l'instar de plusieurs juridictions, cet établissement public envisage de conclure prochainement un contrat d'objectifs pluriannuel avec le garde des Sceaux .

Avant même la formalisation de ce document, cinq axes prioritaires ont d'ores et déjà été identifiés par un groupe de travail mis en place au sein de l'ENM :

- valoriser la dimension européenne de l'enseignement en vue de permettre aux auditeurs de justice de suivre une partie de leur formation dans un autre pays de l'Union européenne et réciproquement ;

- ouvrir la magistrature sur son environnement extérieur ; sur la base de conventions de partenariat conclues avec l'Ecole de formation du barreau de Paris et le centre régional de formation professionnelle du barreau de Bordeaux, l'ENM a organisé des échanges entre les auditeurs de justice et les élèves avocats. Cette initiative concrétise une des recommandations (n° 25) de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, ce dont votre rapporteur se félicite . Elle devrait d'ailleurs trouver prochainement un prolongement, le ministre de la justice s'étant engagé au cours de son audition à instituer une formation croisée entre les magistrats et les personnels des greffes formés à l'Ecole nationale des greffes (ENG) 7 ( * ) ;

- devenir un centre de ressources pour l'institution judiciaire en vue de mettre à la disposition des magistrats un outil performant de recherche, de mise à niveau de leurs connaissances et d' « auto-formation ». Il est prévu de développer l'enseignement informatique dispensé aux auditeurs de justice et de numériser les documents édités par l'ENM ;

- moderniser la gestion notamment grâce à la mise en place d'un système de comptabilité analytique et d'un schéma directeur informatique. Au cours de son audition, M. Gilbert Azibert, directeur de l'ENM, s'est félicité des récents progrès qui avaient pu être accomplis en ce domaine, notamment grâce à la nomination au poste de secrétaire général  d'un sous-préfet, plus qualifié qu'un magistrat pour exercer des compétences de gestion ;

- adapter les structures de l'ENM aux exigences d'une grande école.

UNE DIVERSIFICATION DES PROFILS DE MAGISTRATS FORMÉS PAR L'ENM

Outre la formation des auditeurs de justice et des magistrats judiciaires recrutés par les autres voies parallèles, l'ENM assure désormais la formation des juges de proximité et des juges consulaires :

- la loi organique du 26 février 2003 relative aux juges de proximité a confié à l'ENM la responsabilité de leur formation qui comprend un volet théorique sur cinq jours consécutifs en vue de l'apprentissage de la technique de rédaction des jugements et de la tenue d'une audience  et un volet pratique accompli sous la forme d'un stage obligatoire en juridiction qui varie selon le profil des candidats (seize jours pour les candidats nommés directement par le Conseil supérieur de la magistrature et vingt-quatre jours pour ceux soumis à un stage probatoire). L'ENM joue un rôle particulièrement important s'agissant des candidats soumis au stage probatoire, son directeur ayant la charge d'établir un bilan du stage en juridiction sous la forme d'un rapport remis au Conseil supérieur de la magistrature et au garde des Sceaux dans lequel il joint un avis motivé sur l'aptitude du candidat à remplir ses fonctions juridictionnelles. Le CSM ne rend son avis qu'après cette évaluation ;

- le rapport du groupe de travail sur la formation des juges consulaires , présidé par M. Serge Guinchard remis au garde des Sceaux le 4 avril dernier a conclu à la nécessité de reconnaître aux juges nouvellement élus un droit à la formation et d'organiser des formations complémentaires spécialisées au profit des juges exerçant certaines responsabilités particulièrement importantes (juge-commissaire, président d'un tribunal de commerce). S'appuyant sur ces réflexions, le ministre de la justice en accord avec la Conférence générale des tribunaux de commerce a décidé de mettre en place une réforme de la formation et d'en confier le pilotage à l'ENM chargée d'élaborer un programme abordant notamment les principes du droit, l'organisation judiciaire et animé par des « binômes » de formateurs (magistrats judiciaires professionnels et juges consulaires). 8 sites déconcentrés (Bordeaux, Paris, Aix-en- provence, Amiens, Rennes, Nancy, Lyon et Orléans) pourraient être retenus comme centres de formation. Cette réforme devrait être mise en oeuvre rapidement pour s'appliquer aux juges élus en octobre dernier.

Les autres voies de recrutement (intégration directe, concours complémentaire ...) devraient, comme les années précédentes, permettre de sélectionner environ 30 % des futurs magistrats.

RECRUTEMENT DES MAGISTRATS JUDICIAIRES
(2003-2004)

Pour 2004, il s'agit de prévisions.
Source : ministère de la justice

? Les fonctionnaires des greffes

Les créations de postes de fonctionnaires des greffes -30 emplois de greffiers en chef, 350 emplois de greffiers, 60 emplois de secrétaires administratifs et 97 emplois de catégorie C- concernent toutes les catégories de fonctionnaires, ce qui devrait favoriser une légère hausse du ratio fonctionnaires des greffes par magistrat qui s'établit en 2003 à 2,62. L'ensemble des représentants syndicaux entendus par votre rapporteur pour avis a estimé que les recrutements supplémentaires inscrits cette année étaient loin de correspondre aux besoins réels sur le terrain, compte tenu des retards accumulés par la mise en place de nombreuses réformes qui n'avaient pas été gagées par des emplois nouveaux. L'Union syndicale autonome justice a en particulier jugé nettement insuffisant l'effort consenti pour les fonctionnaires de catégorie C.

L'Ecole nationale des greffes (ENG) chargée d'assurer la formation initiale des greffiers en chef, des greffiers et depuis 2001 des personnels de bureau de catégorie C, continuera donc d'être fortement mobilisée . Elle a en effet ces dernières années subi un alourdissement de ses charges du fait d'une augmentation continue du nombre de stagiaires accueillis (489 en 1992 contre 1.837 en 2002 -dont 173 greffiers en chef, 1.286 greffiers et 378 agents et adjoints administratifs-).

L'année 2004 s'annonce chargée, l'ENG devant accueillir 75 greffiers en chef dont la formation devrait débuter en décembre prochain, 15 autres greffiers en chef recrutés au choix en 2004, 170 greffiers issus du concours exceptionnel ouvert en 2003 et réservé aux personnels de bureau des services judiciaires « faisant-fonction » de greffiers dans le cadre du plan de transformations d'emplois de catégorie C en catégorie B 8 ( * ) .

Conscient des impératifs liés à l'absorption d'un nombre croissant de stagiaires sur une durée de plus en plus longue (voir encadré ci-après), le ministère de la justice a ces dernières années engagé un ambitieux plan de modernisation de l'ENG :

- depuis 2001, une plus grande autonomie lui a été conférée. Dotée d'instances de concertation en 1999, l'ENG a été érigée en service à compétence nationale (arrêté du 5 mars 2001). Son directeur a été désigné ordonnateur secondaire pour les recettes et les dépenses liées à l'activité du service par un arrêté de décembre 2001. Cette dernière avancée, source d'un gain de temps, a d'ailleurs été saluée par l'actuel directeur M. Claude Engelhard au cours de son audition ;

- ses effectifs qui s'élèvent actuellement à 106, devraient être étoffés, la création de 17 emplois supplémentaires sur quatre ans étant envisagée, notamment afin de renforcer le nombre de maître de conférences. 5 postes de greffiers en chef sont créés par le projet de budget pour 2004 au profit de l'ENG ;

- souffrant d'un déficit croissant de locaux depuis quelques années, l'ENG loue 1.100 mètres carrés supplémentaires répartis sur deux sites. Un projet d'extension et de restructuration a été élaboré en mars dernier par l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOTJ) dont le coût prévisionnel a été évalué à 36 millions d'euros. Un concours de maîtrise d'oeuvre a été organisé et l'architecte choisi en septembre dernier. Les surfaces d'une superficie nette à créer d'environ 12.000 mètres carrés seront réparties en cinq pôles distincts -accueil, administration et logistique, direction et secrétariat général, hébergement et restauration. Le calendrier prévisionnel de cette opération comporte deux phases  comprenant des travaux de construction neuve entre 2004 et 2006 et une restructuration de l'existant entre 2006 et 2007.

LES GRANDES LIGNES DE LA RÉFORME DE LA FORMATION INITIALE
DES GREFFIERS EN CHEF ET DES GREFFIERS

? Un allongement de la scolarité à compter de janvier 2004
La durée de la formation initiale des greffiers en chef et des greffiers recrutés par concours sera portée de 12 à 18 mois . Celle des greffiers en chef recrutés au choix, des fonctionnaires détachés dans ce corps et dans celui des greffiers, d'une durée de 4 mois actuellement, devrait passer à 12 mois . En outre, une élévation de BAC à BAC+2 du niveau de recrutement des greffiers est prévue.
Votre rapporteur se réjouit que ces orientations soient conformes aux recommandations de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, laquelle avait jugé la formation initiale de ces fonctionnaires trop courte, compte tenu de « la diversification et de l'alourdissement de leurs tâches ».

? Une redéfinition du contenu des programmes pédagogiques
Une réflexion sur la refonte des programmes est en cours, laquelle devrait s'achever à la fin de l'année. Le nouveau programme de formation initiale s'appliquera aux promotions qui entreront en 2004 à l'ENG.

Le budget de fonctionnement alloué à l'ENG a cru de près de 20 % entre 2002 et 2003 9 ( * ) . D'un montant prévisionnel de 7,45 millions d'euros en 2004, il devrait s'élever à un niveau sensiblement similaire à celui de l'année dernière. Ainsi que l'ont souligné son directeur et la responsable de la gestion budgétaire entendus par votre rapporteur pour avis, les années 2003 et 2004 constituent « des années de transition » appelées à supporter le poids des recrutements des années précédentes, tandis que le véritable impact financier de la réforme de la formation ne sera perceptible qu'en 2005, au cours de laquelle un effort financier substantiel de la part du Gouvernement devra être fourni. Votre rapporteur pour avis veillera donc à ce que le prochain budget prenne en compte cette montée en charge.

b) Les juridictions administratives et l'administration centrale : des renforts humains strictement proportionnés aux engagements

Le rythme des créations de postes destinées aux juridictions administratives et à l'administration générale du ministère de la justice résultant du projet de budget pour 2004 qui, dans la lignée du précédent, réalise un cinquième des créations programmées sur cinq ans , se caractérise par une plus grande régularité . Il paraît donc en parfaite adéquation avec la programmation quinquennale.

Sur les 97 nouveaux postes créés par le projet de budget pour 2004, on dénombre 42 magistrats et 43 agents de greffe affectés dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel , ainsi que 12 agents du Conseil d'Etat (attachés d'administration centrale, secrétaires administratifs...).

L'année prochaine, l' administration générale bénéficiera de 46 emplois nouveaux pour renforcer ses capacités d'expertise et d'administration des services compte tenu de la prochaine mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Votre rapporteur pour avis se réjouit de l'effort consenti en faveur de ce service du ministère, qui sera le premier à subir les effets de départs à la retraite significatifs, qui devraient notamment concerner au premier chef les agents de catégorie C dès 2005.

2. La mise à disposition de moyens d'investissement sans précédent, un défi pour un ministère qui parvient difficilement à consommer ses crédits

a) Des moyens d'investissement sans précédent

La loi quinquennale a prévu l'inscription de 1,75 milliard d'euros d'autorisations de programme 10 ( * ) -soit une progression de 42 % par rapport au montant prévu par la loi de programme de 1995- et de 875 millions d'euros de crédits de paiement.

BILAN DE L'EXÉCUTION DE LA LOI DE PROGRAMMATION
(DÉPENSES D'INVESTISSEMENT)
(loi de finances 2003 - projet de loi de finances 2004)

 

Loi de finances 2003

Projet de loi de finances 2004

Taux de réalisation 2003-2004

Loi d'orientation et de programmation pour la justice
2003-2007

Dépenses en capital
du ministère de la justice

- Services judiciaires
- Administration générale
- Juridictions administratives

55

4,5
35
3,3

67

13
2
11,3

14 %

13 %
161%
51 %

875

139
23
29

Autorisations
de programme

- Services judiciaires
- Administration générale
- Juridictions administratives

385

55
37
12

543

78
3,5
15,5

53 %

48 %
90 %
46 %

1.750

277
45
60

En millions d'euros
Source : ministère de la justice

Le bilan des ouvertures d'autorisations de programme cumulées en 2003 et en 2004 fait apparaître un taux d'exécution budgétaire satisfaisant pour les trois agrégats (services judiciaires, administration générale et juridictions administratives), ce qui témoigne du louable souci du Gouvernement de provisionner le financement des premières tranches de réalisation des opérations immobilières .

Cette enveloppe est destinée en particulier à la résorption des déficits de surfaces affectant les juridictions judiciaires, à la rénovation du bâtiment Vendôme Cambon abritant l'administration centrale, à la restauration du Conseil d'Etat (salle des conflits, ailes Napoléon et Valois...) et, outre la création de trois nouvelles juridictions administratives 11 ( * ) , à des travaux de restructuration et d'extension de diverses juridictions administratives (cours administratives d'appel de Bordeaux, Nantes...).

En revanche, s'agissant des crédits de paiement , la couverture de la loi de programmation -14 %- s'avère plus décevante , particulièrement en ce qui concerne les services judiciaires. Cette situation s'explique néanmoins par le souci de tenir compte du fait que les premières années de mise en oeuvre d'un programme d'équipement se caractérisent par une assez faible consommation de crédits liée aux délais nécessaires aux études préparatoires et au lancement des appels d'offres préalables à la réalisation des travaux. Comme l'avait en effet souligné notre collègue M. Hubert Haenel, rapporteur spécial des crédits de la justice dans son avis sur la loi d'orientation et de programmation pour la justice « une opération d'équipement dans le domaine de la justice ne met pas moins de cinq ou six ans avant de se dénouer (...), le plus gros des dépenses (environ 80 %) intervient dans les deux dernières années de l'opération... » 12 ( * ) .

Si votre rapporteur pour avis se félicite de l'effort de sincérité du projet de budget pour 2004 qui permettra sans doute d'éviter des reports de crédits trop importants d'une année sur l'autre, il n'en demeure pas moins que la difficulté actuelle du ministère de la justice à consommer ses ressources pourrait laisser craindre que la programmation quinquennale ne se révèle un peu trop optimiste .

b ) Des inquiétudes liées à la sous-consommation chronique des moyens d'investissement consacrés à l'équipement judiciaire

L'exercice 2002 se caractérise par une faible utilisation du volume des autorisations de programme ouvertes par rapport à 2001 qui s'élève à 32 % (contre 42 % en 2001) seulement pour le ministère de la justice. Cette situation résulte largement des effets des gestions antérieures qui ont donné lieu à un stock d'enveloppes non consommées (496 millions d'euros de reliquats).

S'agissant des seules juridictions judiciaires, le taux d'utilisation des autorisations de programme atteint seulement 37 % 13 ( * ) laissant donc de substantielles dotations provisionnées inemployées. 159,3 millions d'euros ouverts en lois de finances rectificatives pour 1999 et 2001 pour l'acquisition d'une emprise foncière d'un terrain susceptible d'accueillir le tribunal de grande instance (TGI) de Paris ont été immobilisés. Toutefois comme le souligne le ministère de la justice, « hors cette enveloppe spécifique, la consommation s'établit à 97 % [...] », ce qui « atteste de l'importance des besoins d'équipement des juridictions ainsi que de l'urgence qui s'attache à leur réalisation ». Il est donc permis d'espérer une amélioration de la consommation des enveloppes d'autorisations de programme une fois démarré le chantier du TGI de Paris.

Exceptée cette opération particulière 14 ( * ) , la consommation des crédits de paiement affiche en revanche un taux beaucoup plus satisfaisant de 92 % pour les services judiciaires -soit 135,2 sur 147,3 millions d'euros- et de 90 % pour l'ensemble du ministère de la justice (contre 61 % à l'issue de la gestion 2001). Ainsi, à la fin 2002, le montant des reports des crédits d'équipement alloués aux services judiciaires (près de 17 millions d'euros) diminue fortement par rapport à celui constaté à l'issue de la gestion 2001 (72,2 millions d'euros). Votre rapporteur pour avis se félicite de cette évolution qui reflète l'aboutissement de nombreux projets de construction de palais de justice et les efforts du ministère de la justice pour améliorer le pilotage des dépenses d'équipement déconcentrées.

On peut toutefois craindre que ce taux artificiellement gonflé ne reflète pas véritablement la réalité des crédits consommés. Comme l'a précisé la Cour de comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2002, « le recours à un maître d'ouvrage délégué, destinataire des crédits de paiement, conduit à considérer ceux-ci comme dépensés, qu'ils aient ou non été utilisés », après avoir constaté que « l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOTJ) n'a[vait] consommé en fait que 76 % des crédits délégués ». Le ministère de la justice dans ses réponses au questionnaire parlementaire a d'ailleurs reconnu que l'Agence avait bénéficié de « la mise en place « préventive » d'une ressource conséquente » justifiant cette pratique par le souci d'éviter toute rupture dans la chaîne des ordonnancements à la suite de l'introduction du nouveau système comptable ACCORD 15 ( * ) .

S'agissant de la gestion 2003, diverses mesures de régulation budgétaire tels la constitution d'une réserve gouvernementale de précaution 16 ( * ) ou le gel des reports de crédits, sont d'ores et déjà venues réduire les dotations disponibles allouées aux services judiciaires (crédits votés en loi de finances 2003 et reports issus de la gestion 2002). S'il semble parfaitement légitime que le ministère de la justice, à l'instar des autres ministères, participe à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, votre rapporteur pour avis tient néanmoins à déplorer que le montant des crédits votés dans le cadre de la loi de finances initiale de l'année soit souvent éloigné des sommes réellement affectées sans même que le Parlement se prononce par une loi de finances rectificative . Une telle pratique nuit à la lisibilité et à la portée de l'autorisation budgétaire parlementaire.

A la date du 19 septembre 2003, le taux de consommation des crédits alloués aux équipements judiciaires s'élevait seulement à 62 %. Ainsi, quelques inquiétudes demeurent quant à « la capacité du ministère de la justice et à son agence de maîtrise d'ouvrages à utiliser ses moyens » selon les propres termes de la Cour des comptes dans son rapport précité, laquelle impute cette situation à « l'organisation propre du ministère de la justice ».

En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances qui lui demandait d'étayer son analyse, la Cour des comptes a expliqué que le ministère de la justice n'était pas « parvenu à choisir entre un mode de gestion transversal des fonctions budgétaires et financières, dans lequel la direction de l'administration générale (DAGE) aurait un rôle prééminent, et un mode de gestion « intégré » aux directions verticales (direction des services judiciaires, direction de l'administration pénitentiaire et direction de la protection judiciaire de la jeunesse) qui gèrent de manière quasi autonome les crédits de leurs services. [...]. Les directions verticales n'ont pas développé la capacité d'établir des prévisions de dépenses réalistes ni d'assurer un suivi en cours d'année de leurs réalisations. [...] De son côté, la DAGE, étant plus éloignée de l'exécution de l'essentiel des dépenses et n'ayant pas acquis au sein du ministère l'autorité suffisante, n'est pas en mesure d'assurer un pilotage efficace des moyens », pour conclure à la nécessité d'une clarification des rôles , y compris s'agissant de l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice 17 ( * ) .

Il n'est donc pas certain que le ministère de la justice parvienne à utiliser dans sa totalité l'enveloppe en augmentation allouée par le projet de budget pour 2004 aux services judiciaires (+ 21 % pour les autorisations de programme et + 7 % pour les crédits de paiement), destinée en particulier au financement d'opérations nouvelles concernant les tribunaux de Bobigny, Châlon-sur-Saône, Douai, Laon, Longjumeau, Le Havre, Lisieux, au lancement de chantiers destinés à la résorption des déficits de surfaces engendrés par l'augmentation des effectifs programmée par la loi d'orientation quinquennale de septembre 2002, ainsi qu'à la rénovation du palais de justice de Paris (mise aux normes, renforcement de la sûreté).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT
ALLOUÉS AUX SERVICES JUDICIAIRES
(2001-2004)

Loi de finances initiale

2001

2002

2003

2004

Autorisations de programme*

116,3

83,8

242

292,7 (+ 21%)

Crédits de paiement*

127,4

79,2

104,5

111,7 (+ 7 %)

* Hors subventions d'investissement allouées aux collectivités locales dans le cadre d'opérations de rénovation de juridictions (16 millions d'autorisations de programmes et 7 millions en crédits de paiement pour 2004)
En millions d'euros
Source : ministère de la justice

c) Les actions entreprises par le ministère de la justice pour remédier à cette situation

M. Dominique Perben, garde des Sceaux, a initié plusieurs mesures pour remédier à ces critiques récurrentes.

Le ministère de la justice a annoncé sa ferme intention de trouver une solution rapide à l'épineuse question du déménagement du tribunal de grande instance de Paris . Au cours de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation en janvier dernier, le Président de la République a insisté sur la nécessité de donner à ce tribunal « des locaux dignes de la très grande juridiction qu'il est ». Cette volonté a été réaffirmée le 26 février dernier par un communiqué de presse de M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Une expertise des services judiciaires destinée à actualiser les besoins en surface 18 ( * ) est en cours.

Un comité consultatif associant acteurs de l'institution judiciaire et utilisateurs du palais de justice chargé de suivre le projet et la restructuration des espaces libérés dans le palais historique devrait être mis en place. Un établissement public chargé de piloter ce programme immobilier disposant de prérogatives dévolues aux maîtres d'ouvrage et placé sous la tutelle du garde des Sceaux devrait être créé d'ici la fin de l'année 19 ( * ) .

En outre, s'il est encore trop tôt pour tirer des enseignements significatifs de l'action engagée par l'Agence de maîtrise d'ouvrage , en état de marche seulement depuis le 1 er janvier 2002, quelques avancées telle l'amélioration du suivi des dépenses d'investissement méritent d'être soulignées. La montée en puissance de cet établissement public qui a déjà lancé de nombreuses opérations, participé à la conception et à la définition de programmes et même réalisé l'essentiel des recherches foncières liées aux nouveaux chantiers est déjà perceptible. Afin d'accroître l'efficacité de son action, le ministère de la justice envisage quelques pistes de réforme : améliorer le fonctionnement interne de l'Agence en engageant une démarche qualité relative à la gestion des opérations et à la sécurisation juridique de la gestion des marchés, alléger les formalités entre cette dernière et l'administration centrale et clarifier les rôles de chacun.

Soucieux de conforter le rôle de l'AMOTJ, le projet de budget pour 2004 finance la création de 7 emplois nouveaux (qui représentent un coût de 641.000 euros), portant ses effectifs de 62 à 66 agents et augmente légèrement son budget (d'un montant de 7,78 millions d'euros).

En outre, le ministère de la justice envisage de se doter à l'échelon national d'un outil de programmation dans le domaine judiciaire . Un recensement des projets immobiliers a été réalisé par la DAGE conjointement avec la direction des services judiciaires et l'AMOTJ. D'ici la fin du premier semestre 2004, trois schémas directeurs concernant les cours d'appel de Toulouse, Aix-en-provence et Douai devraient être élaborés. Un appel d'offres portant sur l'ensemble des bâtiments judiciaires du ressort de chacune d'entre elles a été lancé à cette fin. Toutes les cours d'appel devaient être couvertes par un schéma directeur global à l'horizon 2005.

Votre rapporteur pour avis se félicite des initiatives prises pour rechercher des solutions concrètes à la sous-consommation trop importante des crédits affectés à l'équipement. A moyen terme, ces efforts devraient être récompensés.

C. DES RÉFORMES NOUVELLES GAGÉES PAR DES MOYENS SUBSTANTIELS

Le projet de budget pour 2004 traduit le souci du Gouvernement de garantir l'entrée en vigueur des réformes de modernisation récemment engagées dans les meilleures conditions et les plus brefs délais, en leur octroyant les moyens nécessaires à leur mise en oeuvre . Par le passé, tel n'a pas toujours été le cas.

1. La mise en place de la justice de proximité, un chantier privilégié par le Gouvernement

a) Le cadre de la réforme

L'institution des juridictions de proximité constitue une des innovations les plus notables proposées par la loi quinquennale de septembre 2002, laquelle a été complétée par la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 ayant fixé les conditions de recrutement ainsi que le statut des juges de proximité (voir encadré ci-après).

COMPÉTENCES ET STATUT DES JUGES DE PROXIMITÉ

L'article 7 de la loi du 9 septembre 2002 entré en vigueur le 15 septembre a créé des juridictions de proximité auxquelles ont été transférées certaines des compétences dévolues aux tribunaux d'instance (affaires civiles personnelles et mobilières d'un montant inférieur à 1.500 euros, injonctions de payer) et aux tribunaux de police (jugement des infractions pénales susceptibles de donner lieu à des contraventions de la première à la cinquième classe prévues par le code pénal -atteintes aux personnes, aux biens, à l'intégrité d'un animal- le code de la route, le code de la santé publique). En outre, les juges de proximité peuvent, par délégation du président du tribunal de grande instance, valider les mesures de composition pénale applicables à certaines contraventions et certains délits (articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale). M. Michel Lernout, président de la mission chargée du recrutement des juges de proximité, a indiqué à votre rapporteur pour avis qu'une extension de leurs compétences -notamment en matière pénale- pourrait intervenir prochainement.

Le nombre de juridictions de proximité, leur siège et leur ressort sont identiques à ceux des tribunaux d'instance. La loi du 9 septembre 2002 a d'ailleurs prévu une mutualisation des personnels des greffes et du secrétariat-greffe entre ces deux juridictions, ce qui démontre les liens étroits entre la justice d'instance et la nouvelle juridiction mise en place .

La rémunération des juges de proximité est versée sous la forme d'une indemnité de vacation définie par référence à un taux unitaire de vacation s'élevant à 70,20 euros 20 ( * ) , la tenue d'une audience correspondant à trois taux unitaires rémunérant forfaitairement outre son déroulement proprement dit, le temps de préparation et de rédaction des décisions. Ils peuvent également recevoir une indemnité de vacation rémunérée au taux unitaire versée par demi-journée de présence dans leurs juridictions pour l'accomplissement des fonctions judiciaires. Le nombre de taux unitaire susceptible d'être alloué est plafonné à 15 par mois (soit l'équivalent de 1.053 euros) et 132 par an (soit l'équivalent de 9.267 euros).

Nommés pour une durée de sept ans non renouvelable , les juges de proximité qui exercent leur activité judiciaire à titre temporaire sont soumis au statut de la magistrature . Ils peuvent être recrutés parmi les anciens magistrats de l'ordre judiciaire ou administratif, les anciens fonctionnaires de catégorie A et B des services judiciaires, les conciliateurs de justice ayant exercé leurs fonctions pendant au moins cinq ans, les auxiliaires de justice soumis à un statut réglementé, honoraires ou en activité, à condition d'exercer dans un autre ressort que celui dans lequel ils exercent leurs fonctions judiciaires et les personnes justifiant d'une expérience juridique suffisante (soit 25 ans d'activité dans des fonctions d'encadrement ou de responsabilité, soit 4 ans d'activité moyennant être titulaire d'un diplôme d'études supérieures d'un niveau Bac + 4).

Cette réforme a suscité et suscite toujours des inquiétudes dans le milieu judiciaire. Fin octobre 2002, toutes les organisations professionnelles représentant les magistrats (Force ouvrière, Syndicat de la magistrature, Union syndicale de la magistrature, Association nationale des juges d'instance) et certains représentants des fonctionnaires des greffes (CGT des services judiciaires) et des avocats (Syndicat des avocats de France) se sont réunis pour dénoncer la création d'une nouvelle juridiction juxtaposée à la justice d'instance.

Si ces craintes peuvent être comprises, il paraît toutefois important de donner toutes ses chances à une réforme dont les modalités peuvent certes prêter à interrogations 21 ( * ) mais qui se justifie par le louable souci de rapprocher la justice du citoyen et de décharger les tribunaux d'instance d'un contentieux de masse essentiellement relatif aux litiges de la vie quotidienne.

b) Les moyens d'accompagnement prévus par le projet de budget

Le projet de budget pour 2004 marque la volonté du Gouvernement de dégager des moyens à la hauteur des promesses figurant dans la loi de programmation en finançant de nouveaux recrutements des juges de proximité (600 en 2004) à hauteur de 4 millions d'euros destinés à couvrir le paiement des vacations et des cotisations patronales, des moyens d'accompagnement imputés sur les crédits de fonctionnement des services judiciaires (700.000 euros destinés à couvrir les frais de déplacement des juges de proximité, les équipements informatiques et mobiliers). Une part de l'effort substantiel de recrutement de fonctionnaires des greffes prévu est affectée à cette réforme, 20 postes de greffiers et 17 de fonctionnaires de catégorie C nouveaux étant destinés à étoffer les juridictions de proximité, qui s'ajoutent aux 60 emplois de greffiers créés par la loi de finances pour 2003 dont la localisation devrait intervenir sans tarder. Il n'est pas prévu de dotation immobilière spécifique dans la mesure où les dépenses en capital allouées aux services judiciaires, en hausse, prennent déjà en compte les besoins en superficie induits par cette réforme 22 ( * ) .

Prenant acte de la future montée en puissance des juridictions de proximité, les crédits alloués à la mise en oeuvre de cette réforme d'un montant global de 7 millions d'euros progressent par rapport à la provision d'un montant de 2,6 millions d'euros inscrite en loi de finances pour 2003.

c) Une réforme déjà bien engagée

S'il est difficile de dresser un bilan de l'activité des juridictions de proximité, en place depuis le mois d'octobre seulement, votre rapporteur pour avis se félicite de la rapidité avec laquelle le Gouvernement a, d'une part, publié les décrets précisant les modalités d'application de la réforme 23 ( * ) et d'autre part, procédé aux premiers recrutements . On rappellera que conformément à la loi de programmation quinquennale est prévue la création sur cinq ans de 3.300 postes de juge de proximité (représentant 330 emplois équivalent temps plein).

Afin de garantir un traitement rapide des candidatures, le garde des Sceaux a dès le mois de janvier 2003 institué une mission spécialement chargée du recrutement des juges de proximité , présidée par M. Michel Lernout, magistrat, rattaché au directeur des services judiciaires. En relation permanente avec les cours d'appel qui assurent l'instruction des dossiers, elle effectue le contrôle de la recevabilité des candidatures, puis sélectionne celles qui seront soumises par le garde des Sceaux au Conseil Supérieur de la Magistrature. Outre l'accueil téléphonique de toutes les personnes qui souhaitent se porter candidates, elle assure par ailleurs une fonction de coordination entre tous les services du ministère concernés par la mise en oeuvre de ce dispositif.

Jusqu'à présent, l'activité de cette mission, destinataire de 4.718 demandes de dossiers ou de renseignements sur les fonctions de juges de proximité, a été dense . Près d'un millier de nouveaux dossiers devraient lui être adressés par les cours d'appel d'ici la fin de l'année. Après instruction de 62 dossiers 24 ( * ) , cette mission a proposé 35 candidatures au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Une première vague de recrutements a eu lieu en juillet dernier , le CSM ayant retenu 32 candidatures . 19 juges de proximité ont été nommés directement 25 ( * ) et 13 autres soumis à un stage probatoire.

Bien que les premières statistiques portent sur un nombre relativement limité de candidats, on peut d'ores et déjà ébaucher le profil type du juge de proximité : un juriste sexagénaire retraité . L'âge moyen de ces juges, majoritairement des hommes (deux tiers), s'élève à 58 ans . Les candidats non soumis à un stage probatoire exercent ou ont tous exercé une profession juridique ou judiciaire. Outre d'anciens magistrats, il s'agit principalement d'avocats, de magistrats des juridictions administratives, de maîtres de conférences des universités, d'anciens hauts fonctionnaires ou fonctionnaires de catégorie A, d'un général de gendarmerie retraité, d'un commissaire de police retraité actuellement délégué du procureur de la République à Bordeaux. Parmi les candidats soumis à un stage probatoire, on compte notamment plusieurs anciens notaires et trois conciliateurs de justice.

Une deuxième vague de recrutements devrait intervenir prochainement. Le 31 octobre, le garde des Sceaux a saisi le CSM de 165 nouveaux dossiers. Le choix des candidats a été guidé par le souci d'élargir le recrutement des juges de proximité à des profils plus diversifiés tout en maintenant une certaine sélectivité. Ainsi, 36 % du nombre total des candidats sont des cadres ou d'anciens cadres juridiques d'entreprises, d'associations ou encore d'organisations syndicales. Cette orientation paraît tout à fait conforme à la position du Sénat qui, à l'initiative de votre commission des Lois et tout particulièrement du rapporteur de la loi statutaire, notre collègue M. Pierre Fauchon, avait fait valoir la nécessité d'ouvrir le vivier de recrutement à des personnes issues de la société civile disposant d'une solide maturité professionnelle dans des fonctions de responsabilité ou d'encadrement sans imposer de conditions de diplôme 26 ( * ) . Dans le même esprit, M. Michel Lernout a d'ailleurs estimé que l'exigence d'une durée de 25 ans d'expérience professionnelle dans un domaine juridique, difficile à justifier en pratique, lui paraissait trop rigide et mériterait d'être assouplie.

150 nouvelles candidatures devraient être présentées d'ici la fin de l'année. Le ministère de la justice prévoit de recruter 750 nouveaux juges au total entre septembre 2003 et décembre 2004. Toutefois, l'insuffisance du vivier disponible pourrait ralentir leur arrivée. Au cours des mois prochains, le ministère de la justice devra donc accentuer ses efforts de communication pour assurer le succès de cette réforme 27 ( * ) .

M. Michel Lernout a indiqué à votre rapporteur pour avis que compte tenu du faible nombre de candidats dans les collectivités d'outre-mer, il serait sans doute nécessaire de réfléchir à une campagne adaptée au terrain. En outre, il a fait valoir la nécessité de renforcer les effectifs des secrétariats généraux des cours d'appel auxquels incombe désormais la charge nouvelle d'instruire les dossiers de candidatures.

Les conditions de mise en place des juridictions de proximité ont suscité de vives inquiétudes parmi les juges d'instance et tout particulièrement au sein de l'Association nationale des juges d'instance 28 ( * ) . En effet, la plupart d'entre eux assurent encore à titre transitoire la plus grande partie du contentieux relevant désormais de la justice de proximité dans l'attente de la nomination des juges de proximité. Outre un manque de lisibilité pour le justiciable, cette situation conduit à alourdir leurs tâches ainsi que celles des personnels des greffes, les juges d'instance devant multiplier les audiences pour une même affaire selon qu'elle relève de la juridiction de proximité ou du tribunal d'instance 29 ( * ) .

Afin de remédier à ces difficultés conjoncturelles, un amendement proposé par M. Emile Blessig, député, visant à simplifier le dispositif applicable aux juges d'instance qui assurent l'intérim, a été adopté par l'Assemblée nationale avec les avis favorables de sa commission des Lois et du Gouvernement lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité le 27 novembre dernier.

2. Des avancées statutaires et indemnitaires en faveur des personnels de greffes

A l'initiative de la direction des services judiciaires, l'ensemble des fonctionnaires des greffes a ces dernières années bénéficié d'avancées statutaires et indemnitaires. Le projet de budget pour 2004 poursuit ce mouvement en finançant de nouvelles mesures en ce sens.

a) Une revalorisation du régime indemnitaire des fonctionnaires des greffes

Le régime indemnitaire des personnels des greffes a été sensiblement revalorisé depuis 1997, comme le montre le tableau ci-après. Financées par les précédentes lois de finances, le coût total de ces augmentations s'élève à 12,92 millions d'euros .

ÉVOLUTION DU TAUX INDEMNITAIRE MOYEN PAR CATÉGORIE

 

1995

2003

GREFFIERS EN CHEF

18 %

21 % (+17 %)

GREFFIERS

17,5 %

21 % (+20 %)

FONCTIONNAIRES DE CATÉGORIE C

15,21 %

21 % (+38 %)

Source : ministère de la justice

Un arrêté du 16 octobre 2001 a fixé à 21 % le taux moyen de l'indemnité forfaitaire versée aux greffiers en chef et aux greffiers. L'achèvement des réformes statutaires de ces deux corps en 2003 a entraîné une réévaluation des indices moyens servant de base de calcul après la fusion des grades. Apportées à enveloppe indemnitaire constante, ces modifications n'engendrent pas de dépenses nouvelles pour 2004. Le Syndicat des greffiers de France, l'Union syndicale autonome justice et la CGT des chancelleries et des services judiciaires entendus par votre rapporteur pour avis ont vivement protesté contre l'absence de revalorisation du taux indemnitaire applicable aux greffiers et aux greffiers en chef.

Les fonctionnaires de catégorie C bénéficieront d'un point d' augmentation du taux indemnitaire l'année prochaine (désormais porté à 22 %) grâce à une enveloppe d'1,87 million d'euros inscrite au projet de budget. La CGT des chancelleries et des services judiciaires a jugé cette revalorisation « méprisante », notamment au regard des revalorisations accordées aux magistrats.

Jusqu'en 2000, ces derniers bénéficiaient d'un régime moins favorable et plus complexe que les autres fonctionnaires de catégories A et B, se composant d'une indemnité spéciale et d'une indemnité horaire pour travaux supplémentaires. Ce dispositif a été simplifié, une indemnité unique calquée sur les modalités du régime indemnitaire des greffiers et greffiers en chef ayant été instaurée. Porté à 20 % en 2001, le taux moyen de cette indemnité a été augmenté d'un point en 2003 (arrêté du 30 mai 2003) opérant ainsi un rattrapage avec le taux moyen applicable aux fonctionnaires de catégories A et B 30 ( * ) .

b) La poursuite des réformes statutaires en faveur des personnels des greffes

? Les réformes statutaires des greffiers en chef et des greffiers désormais achevées

Entrée en vigueur le 1 er janvier 2003 (en application d'un décret n° 2002-1557 du 24 décembre 2002), la réforme statutaire des greffiers en chef destinée à leur offrir un déroulement de carrière plus favorable et des responsabilités accrues est désormais achevée : un greffier en chef entré à 23 ans pourra espérer être promu au premier grade dès 30 ans et accéder à des postes de responsabilités plus nombreux.  Les reclassements sont achevés depuis février dernier. Une nouvelle grille indiciaire divisée en deux grades (contre trois précédemment) a été définie. Ces modifications ont permis une restructuration plus avantageuse du corps , 417 emplois du grade de base ayant été élevés au premier grade, lequel représente désormais 40 % des effectifs budgétaires du corps (soit 695 emplois), auxquels s'ajoute la création de 26 emplois hors hiérarchie (5 % du corps).

Le financement de cette réforme d'un coût global de près de 3 millions d'euros (qui couvre les reclassements et les repyramidages) a été anticipé par des provisions inscrites dans les précédentes lois de finances. Aucune mesure nouvelle n'est donc prévue dans le projet de budget pour 2004.

Entrée en vigueur depuis le 1 er juin 2003 (en application du décret n° 2003-466 du 30 mai 2003), la réforme du statut des greffiers a permis une revalorisation de leur carrière, désormais organisée en deux grades (au lieu de trois). Achevées en juillet dernier, les opérations de reclassement ont abouti à un repyramidage de ce corps , désormais composé de 60 % d'emplois du grade de base contre 40 % du grade d'avancement.

Cette réforme permet aux greffiers, désormais reconnus en tant que « techniciens de la procédure » , de ne plus être assimilés à des agents de catégorie « B-type administratif » et donc de relever du classement indiciaire intermédiaire (CII). Elle consacre ainsi le recentrage des missions du greffier sur ses fonctions d'assistance au magistrat et opère une nette distinction entre les fonctions administratives et les fonctions juridictionnelles, ce qui constitue une novation tout à fait opportune.

Financées par anticipation par des provisions inscrites dans les lois de finances précédentes, à l'instar des greffiers en chef, ces mesures représentent un coût budgétaire global de 18 millions d'euros , le coût en gestion s'élevant à 9,4 millions d'euros.

c) De nouvelles perspectives de carrière pour les agents de catégorie C

Le projet de budget prévoit une série de mesures en faveur de la promotion interne des agents de catégorie C en finançant :

- la quatrième tranche d'un plan de transformations d'emplois d'agents administratifs en adjoints administratifs mis en place depuis 2001. Comme en 2002 et 2003, 950 agents seront concernés par ce dispositif. Au total, 3.783 agents auront profité de cette promotion interne. En 2004, les agents administratifs ne devraient plus représenter que 17 % des corps de catégorie C administratifs. La poursuite de ce mouvement est à l'étude ;

- la régularisation de la situation individuelle de 132 agents des services techniques exerçant des fonctions de bureau, détachés en 2003 dans le corps des agents administratifs, lesquels pourront bénéficier d'une transformation d'emplois au sein de ce corps.

En outre, selon les informations communiquées à votre rapporteur, 80 agents de catégorie C exerçant des fonctions de greffiers pourront, après examen professionnel , accéder à ce corps dans le cadre de la modernisation du statut des greffiers en application du décret précité du 30 mai 2003 portant nouveau statut particulier des greffiers. Ce nouveau dispositif prévoit la possibilité pour les agents de catégorie C « faisant-fonction de greffier » d'accéder à ce corps par voie d'examen professionnel moyennant exercer ou avoir exercé les fonctions de greffiers pendant au moins deux ans sur une période de trois ans au premier janvier de l'année d'ouverture de l'examen professionnel. Se substituant aux dispositions du décret du 12 février 2002, il pérennise ainsi les concours exceptionnels organisés régulièrement (tous les dix ans) sur une période limitée.

Votre rapporteur pour avis approuve pleinement ces initiatives qui contribueront utilement à mettre un terme à « la confusion des rôles »  entre fonctionnaires et à la « crise d'identité » suscitées par les situations de « faisant-fonction » préjudiciables au bon fonctionnement des juridictions comme l'avait d'ailleurs mis en lumière la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice.

Conséquence directe de la mise en oeuvre de la réforme statutaire des greffiers, le projet de loi de finances concrétise le projet de création d'un corps de secrétaire administratif chargé d'exercer des fonctions de gestion (corps de catégorie B administratif) envisagé depuis plusieurs années par le ministre de la justice et vivement souhaité par les syndicats de fonctionnaires 31 ( * ) .

60 secrétaires administratifs devraient entrer en fonction dès 2004. Ils pourront par exemple exercer les fonctions de régisseur titulaire, responsable de la gestion budgétaire, secrétaire de chef de juridiction et de chef de greffe ou encore agent chargé de la gestion budgétaire dans les cellules d'arrondissement des tribunaux de grande instance. Le ministère de la justice envisage d'en recruter 979 sur cinq ans. Un décret statutaire est en cours d'élaboration. La CGT des chancelleries et des services judiciaires a évalué les besoins sur le terrain à 2000, soit un seuil bien supérieur au chiffre annoncé par le ministère de la justice.

Sans contester le bien-fondé d'une spécialisation des agents de greffes en deux filières séparées, il paraît important que le futur décret préserve une certaine polyvalence au sein des corps des personnels des greffes , au besoin en prévoyant des passerelles entre les différentes fonctions (recommandation n° 8 de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice) 32 ( * ) . En effet, comme elle l'avait souligné « la polyvalence favorise [...] une mobilité professionnelle entre juridictions et services et un enrichissement des tâches ». Le garde des Sceaux au cours de son audition a assuré que, par la voie du détachement, les greffiers auraient la faculté d'exercer ces nouvelles fonctions et réciproquement.

La nouvelle architecture des métiers de greffe constitue une avancée à saluer. Outre une clarification des tâches de chacun, elle présente l'avantage de mettre à la disposition des tribunaux des équipes complémentaires alliant compétences administratives et juridictionnelles, deux spécialisations indispensables dans le contexte actuel de souci de bonne gestion des deniers publics.

* 1 Dont le taux de réalisation des créations d'emplois prévues par la programmation quinquennale s'élève à 53 % (cumul loi de finances 2003- projet de budget 2004). Ce choix se justifie par l'urgente nécessité de renforcer les effectifs de l'administration pénitentiaire, compte tenu de la surpopulation carcérale.

* 2 Ce chiffre tient compte des transferts d'emplois et ne comptabilise que les créations nettes d'emplois prévues en 2004. Au 1 er octobre 2003, les effectifs budgétaires des services judiciaires s'élevaient à 7.293 magistrats et 20.933 fonctionnaires.

* 3 L'organisation des concours nécessite un délai incompressible d'au moins six mois auquel s'ajoutent des délais de formation variant entre 31 mois s'agissant des concours d'entrée classiques par la voie de l'ENM (chaque promotion entre en février et sort de l'école deux ans plus tard en septembre) et six mois s'agissant des concours complémentaires (créés par la loi organique n° 2001-538 du 25 juin 2001).

* 4 En prenant en compte la localisation des emplois aux termes des décrets du 8 mars 2002 et du 2 septembre 2003, le nombre de magistrats en poste dans les juridictions équivaut actuellement à 6.834. Les emplois encore non localisés résultent du reliquat des créations budgétaires prévues par les lois de finances antérieures.

* 5 Questions écrites - Sénat - Journal officiel du 20 mars 2003 - p. 961.

* 6 Arrêté du 22 octobre publié au Journal Officiel - Lois et décrets- du 26 octobre 2003.

* 7 Conformément à la recommandation n° 11 de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice constituée au sein de la commission des Lois, présidée par M. Jean-Jacques Hyest - Voir rapport « Quels métiers pour quelle justice ? » n° 345 (Sénat, 2001-2002) de M. Christian Cointat, rapporteur.

* 8 Ces greffiers ont été recrutés au titre du plan de transformations d'emplois de catégorie C en emplois de greffiers des services judiciaires par le biais d'un concours exceptionnel destiné à régulariser progressivement les situations individuelles des agents de catégorie C ayant fait fonction de greffiers pendant un an entre avril 1992 et décembre 2000 (décret n° 2002-197 du 12 février 2002). 283 lauréats ont été précédemment recrutés par concours exceptionnel au titre des transformations d'emplois obtenues en 2001 et 2002.

* 9 Cette augmentation s'explique en partie par les charges croissantes liées aux indemnités de stage et aux frais de costumes d'audience (+ 38,2 %).

* 10 Ce qui devrait aboutir à doubler le niveau moyen annuel des investissements du ministère de la justice.

* 11 La nouvelle cour administrative d'appel devrait être installée à Versailles et ouvrir en septembre 2004, la localisation des nouveaux tribunaux administratifs, dont la création est programmée en 2005 et en 2007 en France métropolitaine, n'a pas encore été décidée.

* 12 Avis n° 374 (2001-2002) de M. Hubert Haenel au nom de la commission des Finances - p. 22.

* 13 Soit 96,6 sur 259,2 millions d'euros globalement utilisables.

* 14 Au 31 juillet 2003, sur les 19,8 millions d'euros de crédits de paiement provisionnés en 1999 et 2000 seulement 116.357 euros ont été consommés soit moins de 1 %.

* 15 ACCORD (application coordonnée de comptabilisation d'ordonnancement et de règlement de la dépense de l'Etat) désigne une nouvelle application informatique comptable et de gestion.

* 16 La constitution d'une réserve de précaution a été demandée par le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire (courrier en date du 3 février 2003). Pour le ministère de la justice, elle s'élève à 53,8 millions d'euros en autorisations de programme et 74,64 millions d'euros en crédits de paiement.

* 17 Rapport n° 35 (Sénat, 2003-2004) de M. Philipe Marini au nom de la commission des finances sur la loi de règlement définitif du budget de 2002.

* 18 Le schéma directeur établi en 1997 avait estimé à 100.000 mètres carrés (hors oeuvre) les besoins en surfaces.

* 19 L'AMOTJ devrait assurer la gestion des moyens de cet établissement, une subvention est d'ailleurs inscrite à cet effet pour financer notamment la création de trois emplois supplémentaires.

* 20 Par référence au traitement brut annuel moyen d'un magistrat du second grade se situant à l'indice majoré 535.

* 21 En juillet 2002, la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice avait préconisé de créer des « juges de paix délégués placés sous la houlette des juges d'instance ». Dans le même esprit, notre collègue M. Pierre Fauchon, rapporteur de la mission d'information sur les moyens de la justice en 1996 et de la loi statutaire du 26 février 2003 relative aux juges de proximité avait marqué sa préférence pour un dispositif assez similaire mais plus radical consistant à transformer en profondeur la justice d'instance et à la renforcer par des équipes de magistrats non professionnels (voir rapport n° 404 (Sénat, 2001-2002)).

* 22 Des crédits supplémentaires sont en outre alloués par le projet de budget 2004 à l'ENM au titre de la formation des juges de proximité (voir supra).

* 23 Voir le décret en Conseil d'Etat n° 2003-438 du 15 mai 2003 relatif à la formation initiale préalable à l'entrée en fonction des futurs juges de proximité, aux modalités de leur rémunération, complété par un arrêté du même jour et le décret en Conseil d'Etat n° 2003-542 du 23 juin 2003 relatif à l'organisation et au fonctionnement des juridictions de proximité.

* 24 Sur 1.200 dossiers transmis par les cours d'appel.

* 25 Parmi lesquels 6 ont été soumis à la formation théorique uniquement.

* 26 Voir le 3° de l'article 41-17 de l'ordonnance statutaire n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature issu d'un amendement de M. Pierre Fauchon (au nom de la commission des Lois).

* 27 Les cours d'appel de Paris et Versailles ont fourni le plus grand nombre de candidats.

* 28 Fin octobre dernier, l'Association nationale des juges d'instance a adressé au garde des sceaux une motion signée par près de 180 magistrats pour protester contre cette situation.

* 29 Par exemple, dans le cas d'un accident de la route avec refus de priorité, le juge d'instance statue sur la contravention principale, mais doit se déclarer incompétent pour la contravention connexe sur laquelle il doit statuer en qualité de juge de proximité.

* 30 Ce taux varie toutefois selon le grade de l'agent entre 18,6 % et 21,45 %.

* 31 Les greffiers exerçant actuellement des fonctions de gestion susceptibles d'être transférées aux secrétaires administratifs demeureront dans leurs postes jusqu'à la date d'entrée en vigueur du futur décret. Ils seront remplacés au fur et à mesure par les nouvelles recrues.

* 32 Rapport précité p. 80.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page