TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE M. FRANÇOIS FILLON, MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITÉ, SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2004 (CRÉDITS DU TRAVAIL, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DE LA SOLIDARITÉ)
Réunie le mercredi 12 novembre 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de loi de finances pour 2004 (crédits du travail, de la formation professionnelle et de la solidarité).
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité , a présenté les deux lignes de force du projet de budget de son ministère pour 2004 :
- d'une part, la rebudgétisation du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). Elle permettrait de clarifier les relations entre l'État et la sécurité sociale et d'afficher, entre 2003 et 2004, un relèvement de plus d'1,2 milliard d'euros de l'effort global en faveur de l'emploi, sachant que, depuis 2003, les allégements de charges sociales représentaient plus de la moitié des dépenses ;
- d'autre part, la réorientation des aides à l'emploi marchand. La part des aides au secteur marchand et à la formation passerait de la moitié en 2002 aux deux tiers en 2004.
Puis il a attiré l'attention de la commission sur les deux dispositifs prioritaires de son projet de budget : les contrats-jeunes en entreprise et les contrats initiative-emploi. S'agissant des contrats-jeunes en entreprise, il a estimé à 90.000 les entrées en 2003, ce qui était conforme aux prévisions initiales. Annonçant sur la base de ces performances 110.000 contrats pour 2004, il a déclaré que le Gouvernement était en passe de réussir son pari en permettant à des jeunes, avec ou sans qualifications, d'accéder directement à des emplois en contrat à durée indéterminée. S'agissant des contrats initiative-emploi (CIE), il a annoncé la réalisation de 70.000 entrées en 2003, prévoyant, à la suite de la relance du dispositif lors de la table ronde du mois de mars dernier, 110.000 entrées pour 2004. Les prévisions ont pu, de ce fait, être revues à la hausse grâce à un amendement adopté par l'Assemblée nationale. Il a démontré, sur la base d'une étude récente de la DARES, que le dispositif rencontrait un vif succès. Ainsi, 40 % des anciens titulaires d'un CIE restaient dans l'entreprise où ils avaient effectué leur CIE et, lorsqu'ils n'avaient pu être maintenus dans l'entreprise, ils trouvaient généralement un emploi un mois seulement après le terme de leur contrat.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a ensuite annoncé la création de deux nouveaux dispositifs, le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) et le revenu minimum d'activité (RMA). Sur le premier point, après avoir déclaré que le CIVIS « associations », créé par décret du 13 juillet 2003, accueillerait 11.000 entrées d'ici la fin de l'année 2004 et 25.000 à terme, il a expliqué que le CIVIS avait été enrichi par deux nouveaux volets, « accompagnement vers l'emploi » et « création d'entreprise », proposés par l'Assemblée nationale, lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2004. Il a ajouté que ces nouvelles mesures seraient gérées par les régions dès leur entrée en vigueur, à partir du 1 er janvier 2004. Sur le second point, estimant qu'il était préférable, chaque fois que cela était possible, de financer le retour à l'emploi plutôt que le maintien dans la dépendance, il a précisé que, dans le cadre du RMA, l'employeur embauchant un bénéficiaire du revenu minimum d'insertion (RMI) recevrait une aide à l'emploi d'un montant équivalent à celui du RMI.
Enfin, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité , a conclu que le Gouvernement s'efforçait de réhabiliter le travail, de favoriser l'emploi-marchand et de conduire des réformes structurelles, afin qu'au moment de la reprise économique, la France soit en situation de gagner la bataille de l'emploi.
S'exprimant sur le volet du projet de loi de finances relatif à la formation professionnelle, Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis , a soulevé trois interrogations. Concernant la formation en alternance, elle a souhaité savoir comment le Gouvernement comptait financer des contrats en alternance, dont le nombre progressera de 10 % en 2004, si, parallèlement, les crédits baissaient de 3 %, hors transferts liés à la décentralisation. Concernant la formation des demandeurs d'emploi, elle a demandé des précisions supplémentaires sur la réforme annoncée de l'allocation de fin de formation (AFF) et ses conséquences budgétaires. Enfin, après s'être félicitée sur la conclusion unanime d'un accord interprofessionnel sur la formation tout au long de la vie le 20 septembre dernier, elle a rappelé qu'un contrat de professionnalisation, ayant vocation à remplacer tous les contrats en alternance existants, serait institué en juillet 2004. Toutefois, elle s'est interrogée sur la pertinence de ce calendrier, se demandant si toutes les étapes seraient franchies - vote du projet de loi, publication des décrets et conclusion des accords éventuels - pour permettre une entrée en vigueur, dès l'été prochain, du contrat de professionnalisation.
Concernant les contrats en alternance, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité , a concédé que les flux d'entrées en 2003 avaient été décevants par rapport aux prévisions initiales du Gouvernement, en raison de la dégradation de la conjoncture économique et de la faiblesse du nombre de créations d'emploi. Il a ensuite démontré que le paradoxe soulevé par Mme Annick Bocandé n'était qu'apparent. En effet, si la loi de finances initiale pour 2003 prévoyait 389.000 contrats, seuls 340.000 avaient été exécutés en cours d'année. Par conséquent, avec une estimation de 373.000 contrats dans le projet de loi de finances, les prévisions pour 2004 étaient, certes inférieures de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003, mais, en fait, supérieures de 10 % par rapport à l'exécution 2003. Il a ensuite annoncé que ces prévisions seraient éventuellement revues à la hausse si les besoins exprimés en cours d'année le nécessitaient.
Concernant la formation des chômeurs, après avoir rappelé que l'allocation de fin de formation (AFF) permettait aux chômeurs indemnisés de continuer à percevoir leurs indemnisations jusqu'au terme de la formation entamée et ce, malgré l'échéance de leurs droits, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a précisé que les dotations budgétaires qui lui étaient consacrées passeraient de 73 à 100 millions d'euros entre 2003 et 2004. Il a indiqué qu'en fait, les dépenses enregistrées en 2003 devraient être proches de 125 millions d'euros, et que sans la réforme attendue, les dotations pour 2004 auraient certainement atteint 147 millions d'euros. Cette progression s'expliquerait à la fois par le succès de la mesure et par la réforme des filières décidées par l'Unédic qui accroissait mécaniquement la demande. Pour autant, il a observé que la pérennité de ce dispositif, auquel il était attaché, serait menacée sans la réforme attendue en 2004. Celle-ci devrait permettre d'une part, par souci d'équité, d'aligner le montant de l'allocation sur la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, d'autre part, de limiter à un an la durée pendant laquelle il était possible de s'engager en AFF, afin d'inciter à une entrée plus rapide dans une formation. Sur ce point, il a cependant affirmé que le Gouvernement n'avait pas arrêté de position définitive, comptant sur les recommandations du service public local de l'emploi pour adapter la mesure aux parcours individuels.
Concernant le contrat de professionnalisation, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a signalé qu'il constituait un volet important de l'accord interprofessionnel du 20 septembre. Ayant vocation à se substituer à tous les dispositifs en alternance existants, ce contrat visait à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes de moins de 26 ans par l'obtention d'une première qualification et la réinsertion des demandeurs d'emploi par l'obtention d'une qualification nouvelle en lien avec le marché du travail. Il a considéré que les signataires de l'accord avaient eu le souci d'adapter le contrat aux besoins de chaque individu, en fonction de sa formation initiale et de la qualification qu'il recherche. Cet objectif s'était traduit par la diminution de la durée pivot des contrats (6 à 12 mois) et de la formation (15 % de la durée du contrat au lieu de 25 % actuellement), compensée par une meilleure utilisation de la validation des acquis de l'expérience (VAE) et des contenus de formation mieux adaptés. Ces durées planchers avaient vocation à être augmentées pour les jeunes sortis du système éducatif sans qualification professionnelle reconnue ou pour ceux visant des certifications particulières. Rappelant que le Gouvernement transposerait ces dispositions dans le projet de loi sur la formation tout au long de la vie (dont il espérait l'examen, par le Sénat, au tout début de l'année prochaine), il a, par ailleurs, annoncé que, dès la promulgation de la loi, les décrets d'application nécessaires seraient pris, ce qui permettrait une entrée en vigueur du contrat de professionnalisation dès juillet 2004.
M. Roland Muzeau a estimé que, de l'avis même des acteurs de terrain de la politique de l'emploi et de l'insertion, le projet de budget du travail pour 2004 était encore moins satisfaisant que celui de l'année passée. Il a notamment regretté l'absence de mesures susceptibles de freiner l'augmentation des plans sociaux, la réforme de l'ASS, les conditions de décentralisation de la formation professionnelle et ses conséquences pour l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), ainsi que la disparition programmée des crédits départementaux d'insertion du RMI.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le nombre de plans sociaux et de licenciements collectifs restait stable, au niveau atteint les deux années précédentes. S'agissant de la réforme de l'ASS, il a considéré qu'un allocataire de l'ASS, au chômage depuis quatre ou cinq ans, coupé du marché du travail, devait à ce titre pouvoir bénéficier de solutions d'insertion adaptées, comme le RMA ou le CIE, et que son maintien dans l'ASS ne permettait pas de favoriser son retour à l'emploi. S'agissant de la décentralisation de la formation professionnelle, il a observé que la logique même de la décentralisation aurait dû conduire à revoir le statut de l'AFPA, mais que le Gouvernement avait souhaité le maintenir dans la mesure où l'AFPA était appelée à continuer à jouer un rôle prépondérant tant pour certaines formations très spécialisées que pour l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi.