CHAPITRE
I -
LA POLITIQUE ENERGÉTIQUE DE LA FRANCE :
VOIES ET
MOYENS
Les indicateurs globaux relatifs à l'évolution de la consommation et de la production d'énergie en France restent , pour l'essentiel, en 2003, dans le prolongement des mouvements enregistrés en 2002 . Ainsi la production nationale d'énergie primaire poursuit sa progression modérée , atteignant 135 Mtep , ( + 1,5% , contre + 1,1% en 2001), tandis que la production totale brute d'électricité croît (+ 1,8%) et représente 559 TWh dont 78 % pour le nucléaire, 12 % pour l'hydraulique (- 16 %) et l'éolien (- 2,6 %), et 10 % pour le thermique classique (+ 14 %).
De son côté, la consommation totale d'énergie primaire corrigée du climat et des erreurs statistiques dues au retraitement statistique appliqué en 2002 serait stable , à 267 Mtep (+ 0,1%), tandis que l 'intensité énergétique finale de l'économie française croît de 0,4 point de plus que le PIB, elle qui connaissait une baisse tendancielle de - 0,8% par an depuis 1982. Ce mouvement préoccupant résulte de la hausse de la consommation finale, énergétique due à la combinaison d'une quasi-stabilité de la consommation de l' industrie ( - 0,3 % ) , et d'une double hausse du résidentiel-tertiaire ( + 3 % ), et des transports , ( + 0,9 % contre + 2 % en 2001 ).
La facture énergétique de la France s'élève à 21,76 milliards d'euros (- 5,5 %) en 2002 , chiffre qui résulte de la combinaison d'une baisse du prix des énergies importées et exportées (- 1,8 %), d'une faible hausse du solde importateur en quantité et d'une hausse de la consommation finale. Le taux d'indépendance énergétique de la France (différence de la production nationale primaire et de la consommation totale, non corrigée du climat) s'établit à 50,7 % , en ligne avec l'amélioration obtenue depuis deux ans.
Parallèlement à la poursuite de ces « tendances lourdes », l'année 2003 a été marquée au plan politique par le débat national sur l'énergie , occasion d'évoquer les moyens dont dispose le ministère de l'industrie pour mettre en oeuvre la politique de la nation dans ce domaine stratégique, aussi bien pour l'économie que dans la vie quotidienne des Français.
I. LE DÉBAT NATIONAL SUR L'ÉNERGIE : UNE ÉTAPE VERS UN PROCESSUS RÉGULIER D'INFORMATION ET DE DISCUSSION ?
Le Gouvernement a pris l'initiative de lancer, le 8 janvier 2003, un débat national sur l'énergie pour faire le point sur cinq grands thèmes : l'énergie et la vie quotidienne ; les entreprises, le transport et la compétitivité ; le charbon, le gaz et le pétrole ; les énergies renouvelables ; le nucléaire et enfin la définition d'une politique énergétique durable. Il a donné lieu, outre un colloque le 18 mars dernier à Paris, à cinq rencontres régionales dans quatre villes (à Strasbourg, Nice, Bordeaux et Rennes), suivies d'une nouvelle rencontre à Paris. Comme l'a rappelé Mme la ministre déléguée à l'industrie dans une communication présentée au Conseil des Ministres du 18 juin dernier, des moyens importants ont été mis en oeuvre à cette occasion avec la création d'un site Internet, la diffusion d'une brochure à trois millions d'exemplaires et le relais constitué par 250 initiatives partenaires dans toute la France.
Ce débat national a, selon la même source, « permis de dégager plusieurs points de consensus quant à notre future politique énergétique », laquelle « devra s'appuyer sur la relance d'une véritable politique de maîtrise et d'efficacité énergétique et, ainsi, concourir à la division par quatre de nos émissions à effet de serre d'ici 2050 ». Outre la diversité du « bouquet énergétique », recherchée notamment par le renouvellement des énergies renouvelables et thermiques et celui de la recherche, le débat a également permis de mettre en lumière la nécessité « pour la production d'électricité qui ne pourra pas être couverte par les énergies renouvelables [...] de choisir de fait entre le renouvellement du parc de centrales nucléaires ou son remplacement par des centrales à gaz », de sorte qu'il reviendra au Gouvernement de « se prononcer après avoir évalué des inconvénients respectifs des risques liés à la filière nucléaire (y compris le stockage des déchets à vie longue) et des émissions de gaz carbonique renforçant l'effet de serre » 1 ( * ) .
Dans la conclusion du rapport présenté par MM. Pierre Castillon et Mac Lesggy, deux des membres du comité des sages associés au débat, (le troisième M. Edgar Morin ayant rédigé un rapport distinct), on notera que ceux-ci ont souligné la « réelle volonté de débattre, de laisser s'exprimer tous les points de vue » et le fait « qu'il y a bien eu pluralisme et équilibre des expressions, ce qui est un bon début dans un pays où la culture du débat reste à créer et à substituer à une culture de confrontation ». Le même rapport a également souligné « les progrès qui sont à réaliser dans la compréhension par le grand public d'un problème aussi complexe que celui de l'énergie qui ne fait guère partie de ces préoccupations immédiates ».
Quant au fond, les deux auteurs précités soulignent la nécessité d'une « tempérance » de la consommation d'énergie qu'il convient de stabiliser puis de réduire. Ces mesures sont l'occasion d'une interrogation sur les modes de vie et l'organisation de la société engagée dans un consumérisme non durable. Il s'agit de penser en termes de besoins de chaleur, de froid, de transport, d'éclairage, de production et de vie des produits, avec la fixation d'objectifs rigoureux et le suivi des réalisations.
Ils considèrent, en outre, comme le Sénat l'a constaté à plusieurs reprises, que « toutes les sources d'énergie seront nécessaires pour faire face aux besoins croissants de la planète : les renouvelables ne pourront faire face à elles seules à cette croissance et la France doit préserver ses positions reconnues de leader technologique, ce qui est le cas dans le nucléaire ».
Votre Commission des Affaires économiques se félicite de l'initiative prise par le Gouvernement et des conditions dans lesquelles s'est déroulé le débat national qui a fait évoluer les esprits et sensibilisé l'opinion publique à l'acuité de la question énergétique. Votre rapporteur considère, cependant, à titre personnel, que le débat est loin d'être clos, puisqu'un « livre blanc » est paru et qu'un débat parlementaire doit avoir lieu prochainement. Dans ces conditions, il lui paraît opportun que les pouvoirs publics se gardent de procéder à des annonces forcément prématurées à l'exemple du dossier EPR... De même, et à l'instar du Comité des Sages, votre rapporteur souhaite que le débat « soit considéré comme une étape vers un processus permanent, accompagné d'une évaluation par des indicateurs qui poursuivra régulièrement l'information et la discussion ».
Le Gouvernement a également publié, courant novembre, un livre blanc qui constituera la trame sur laquelle sera élaboré le projet de loi de programmation sur l'énergie.
C'est à l'aune de ces premières conclusions, que votre rapporteur pour avis vous proposera d'examiner, après une présentation des grandes évolutions survenues au cours de l'année énergétique 2003, l'état de la libéralisation des marchés énergétiques en Europe, puis la situation des différents segments du marché de l'énergie français : l'industrie nucléaire et la production d'électricité, ceux du gaz et du charbon, des produits pétroliers et, enfin, les progrès réalisés en matière d'énergies renouvelables. Il s'intéressera, auparavant, aux moyens dévolus au ministre de l'industrie pour animer cette politique.
* 1 Communication de Mme la ministre déléguée à l'industrie devant le Conseil des ministres du mercredi 18 juin 2003.