III. UNE EXIGENCE : POURSUIVRE LA MAÎTRISE MÉDICALISÉE DES DÉPENSES DE SOINS DE VILLE
Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2003, la Cour des comptes a souligné la responsabilité de l'échec des mécanismes de régulation dans la croissance soutenue des dépenses d'assurance maladie.
En outre, le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de mai 2002 sur l'encadrement et le contrôle de la médecine ambulatoire 18 ( * ) souligne l'importance des mécanismes d'accompagnement, de partenariat et de conseil alors que les mécanismes purement quantitatifs ou les sanctions collectives se heurtent à des limites et sont progressivement abandonnés, comme en Allemagne.
L'accord national de bon usage de soins signé le 26 août 2002 est un exemple de cette logique. Il a en effet permis la mise en place d'un nouveau système de tarif pour les visites : depuis le 1 er octobre 2002, le tarif de la visite dépend de sa justification médicale. Une visite médicalement justifiée est facturée 30 euros, tandis qu'en l'absence de justification médicale elle sera facturée 20 euros. Dans ce cas, le médecin peut facturer un dépassement exceptionnel qui ne sera pas remboursé. Les visites des médecins généralistes libéraux ont connu une diminution relative jusqu'en septembre 2002. Dès la mise en application de la majoration de déplacement pour visite médicalement justifiée depuis le 1 er octobre 2002, ces dépenses ont chuté de 19 % au cours du dernier trimestre 2003.
Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit un ensemble de dispositions qui permettent de dynamiser la maîtrise médicalisée des dépenses de santé .
A. LA POURSUITE D'UNE POLITIQUE DU MÉDICAMENT VOLONTARISTE
1. Le bien fondé de l'accord passé en juin 2002 avec les médecins généralistes : le recours croissant aux médicaments génériques
En contrepartie d'une revalorisation de leurs honoraires, les médecins généralistes libéraux se sont engagés, dans l'accord passé avec la CNAMTS le 5 juin 2002, à faire un important effort en faveur de la prescription en dénomination commune : 25 % des lignes d'ordonnances devront être libellées en dénomination commune, dont 12,5 % dans des groupes génériques.
De fait, on constate que les ventes de médicaments génériques ont connu une forte accélération depuis la signature de l'avenant du 5 juin 2002.
En nombre de boîtes vendues, la part des génériques dans le répertoire des médicaments pour lesquels il existe au moins un générique est passée de 35 % en janvier 2002 à près de 50 % en janvier 2003. Cette croissance du marché des génériques a induit une économie évaluée à 70 millions d'euros en année pleine.
Si l'objectif de 12,5 % de prescriptions de médicaments génériques devait être respecté, alors les économies pour la sécurité sociale pourraient s'établir entre 230 et 280 millions d'euros en année pleine.
La prescription en dénomination commune
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a modifié les règles applicables en matière de prescription et de dispensation de médicaments de façon à introduire la possibilité de prescrire en dénomination commune, c'est-à-dire en indiquant la dénomination des substances actives et non le nom de marque d'un médicament.
Les modalités de prescription en dénomination commune ont été précisées dans un décret d'application, de façon notamment à garantir une bonne compréhension par les pharmaciens des ordonnances ainsi libellées. L'arrêté fixant l'écart de prix maximal, lorsque la prescription en dénomination commune porte sur un principe actif du répertoire des génériques, entre la spécialité délivrée et la spécialité la moins chère du groupe générique concerné, est en cours de finalisation.
Parallèlement, des outils sont progressivement mis à la disposition des prescripteurs afin de favoriser la rédaction d'ordonnances libellées en dénomination commune. Ainsi la base de données administratives et scientifiques sur les médicaments et les dispositifs médicaux, instituée par l'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, est accessible depuis juin 2002 sur le site Internet de l'AFSSAPS : cette base permet notamment de trouver pour chaque médicament la dénomination commune de son principe actif.
La prescription en dénomination commune permet aux prescripteurs de jouer un rôle actif dans le développement des médicaments génériques en France. Ce rôle a été confirmé par l'avenant à la convention nationale des médecins généralistes, signé le 5 juin 2002, qui prévoit que les médecins s'engagent à rédiger leurs prescriptions médicamenteuses en dénomination commune ou à prescrire des médicaments génériques. L'objectif fixé dans cet avenant est de parvenir à ce que la moyenne nationale des lignes de prescriptions médicamenteuses établies par les médecins adhérant à la convention soit rédigée à hauteur de 25 % en dénomination commune (dont au moins 12,5 % dans des groupes génériques).
Les caisses d'assurance maladie et les syndicats de médecins signataires de l'accord du 5 juin 2002 ont prévu la mise en place d'un comité de suivi ayant pour mission de vérifier l'application de l'accord. Ce comité permettra de suivre l'évolution de la prescription en dénomination commune et de son impact sur les dépenses d'assurance maladie.
Votre rapporteur pour avis se félicite également que cet accord ait permis de réduire significativement le nombre d'antibiotiques prescrits : de juin 2002 à mai 2003, le nombre de boîtes vendues de pénicillines à large spectre a diminué de 17 % par rapport aux douze mois précédents, tandis que la classe des antibiotiques appartenant aux macrolides a vu ses ventes diminuer de 14 %. Ces évolutions attestent de la réussite d'une politique fondée sur la confiance mutuelle.
2. Les mesures nouvelles prévues par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale
L'article 15 du présent projet de loi prévoit une procédure accélérée d'autorisation de mise sur le marché des nouveaux génériques, en exonérant l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) de l'obligation de s'assurer de l'expiration des droits de propriété intellectuelle attachés à la spécialité de référence ou « princeps ». L'article précise que la commercialisation de cette spécialité générique ne peut intervenir qu'après l'expiration des droits de propriété intellectuelle, sauf accord du titulaire de ces droits. L'économie attendue de la mise en place de ce dispositif est évaluée à 22 millions d'euros. A cette économie devraient s'ajouter les effets de l'entrée dans le domaine public, dans les mois à venir, de médicaments générant un chiffre d'affaires important.
Votre rapporteur pour avis, s'il approuve la volonté d'accélérer la mise sur le marché de médicaments génériques, souhaite toutefois s'assurer de la protection effective de la propriété intellectuelle.
L'article 16 du présent projet de loi propose de valider, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les arrêtés de baisse du taux de remboursement de certains médicaments pris avant le 1 er juillet 2003, que des laboratoires pourraient attaquer pour défaut de motivation. Cet article vise ainsi à préserver la validité de ces arrêtés, qui ont permis de réaliser 500 millions d'euros d'économies.
En outre, le gouvernement a annoncé qu'une deuxième vague de médicaments à service médical rendu insuffisant serait déremboursée, que le remboursement de l'homéopathie serait aligné sur celui des médicaments à SMR faible ou modéré (soit 35 %), que le nombre de groupes génériques sous tarif forfaitaire de responsabilité serait accru et que les conditions de vente et de remboursement de certains médicaments ou dispositifs médicaux dont le SMR paraît aujourd'hui moindre qu'au moment où ils ont été mis sur le marché seraient reconsidérées.
Le service médical rendu
Le service médical rendu (SMR) est apprécié en tenant compte :
- de l'efficacité et des effets indésirables du médicament ;
- de sa place dans la stratégie thérapeutique au regard notamment des autres thérapies possibles ;
- de la gravité de la pathologie à laquelle il est destiné ;
- du caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux ;
- de son intérêt pour la santé publique.
C'est la commission de la transparence qui juge du caractère éventuellement insuffisant du SMR.
Au total, selon une étude de la CNAMTS d'avril 2003, les médicaments à SMR insuffisant représentaient au premier semestre 2002, en montants remboursables, 9,2 % de l'ensemble des médicaments présentés pour remboursement au régime général.
L'article 17 traite du prix de vente aux établissements de santé des médicaments rétrocédés disposant d'une autorisation de mise sur le marché.
La rétrocession se définit comme la vente de médicaments qui ne sont pas disponibles en ville, par des pharmacies hospitalières, à des patients non hospitalisés. Certains établissements de santé disposant d'une pharmacie à usage intérieur sont en effet autorisés à vendre au public des médicaments figurant sur une liste arrêtée par le ministre de la santé, dite « liste rétrocession ». L'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 prévoit également que, préalablement à la publication de cette liste, les médicaments vendus au public à la date de la publication de la loi et ceux qui pourraient l'être par la suite sont pris en charge par l'assurance maladie.
La dépense relative aux médicaments rétrocédés n'est pas imputable au budget global de l'hôpital : elle fait partie de l'enveloppe de dépenses de soins de ville.
Ces médicaments, en général fort coûteux, bénéficient d'une liberté des prix, qui a pu pousser les laboratoires pharmaceutiques à choisir ce marché plutôt qu'à demander leur inscription en médecine de ville. La Cour des comptes avait indiqué, dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2002, que « le développement de la rétrocession s'explique par l'intérêt des laboratoires pharmaceutiques qui bénéficient de ce fait à la fois de la liberté des prix et du remboursement par l'assurance maladie. Par ailleurs, les hôpitaux peuvent ainsi transférer une partie de la charge de financement des médicaments à l'assurance maladie ».
La Cour estimait qu'il était nécessaire de maîtriser ce type de dépenses et de modifier la procédure de distribution de ces produits. La CNAMTS constate en effet, dans une étude d'avril 2003, que la dépense imputable à la rétrocession hospitalière progresse à un rythme très soutenu. Cette étude précise en effet que « en 2002, le régime général de l'assurance maladie a remboursé un peu plus de 1 milliard d'euros au titre de la rétrocession hospitalière, soit 7 % de la dépense totale annuelle de pharmacie. En outre, alors que la dépense relative aux médicaments rétrocédés a augmenté de 16,7 % entre 2000 et 2001, elle a crû de 30,7 % entre 2001 et 2002. Ainsi, la rétrocession hospitalière a progressé quatre fois plus vite que la dépense relative au marché du médicament remboursable (+ 7,4 % entre 2001 et 2002) et deux fois plus vite que l'année précédente ».
L'article 17 revient sur le système actuel et prévoit que le prix de cession au public des spécialités rétrocédées est égal au prix de vente aux établissements de santé déclaré par l'entreprise au comité économique des produits de santé et publié par ce dernier, auquel s'ajoute une marge dont la valeur, fixée par arrêté, prend en compte les frais inhérents à la gestion et à la dispensation de ces spécialités. Ce n'est qu'à défaut de déclaration ou en cas d'opposition définitive du comité économique des produits de santé que le prix de cession au public est fixé par arrêté. La logique de partenariat avec les industriels est donc privilégiée, mais elle est encadrée. Un accès rapide au médicament est en outre garanti dans la mesure où la procédure est contrainte par un délai de 75 jours et où la prise en charge des spécialités pharmaceutiques est assurée par l'assurance maladie pendant la négociation. Ce mécanisme devrait donc permettre de maîtriser les coûts induits par cette procédure, ce dont votre rapporteur pour avis se félicite.
* 18 Etude d'administration comparée : Allemagne, Angleterre, Etats-Unis, Pays-Bas.