ANNEXE
I -
ETUDE D'IMPACT7
(
*
)
- Etat du droit et situation de fait existant et leurs insuffisances.
Le droit d'asile en France trouve sa source essentielle dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. En raison du silence de la convention sur les procédures de détermination de la qualité de réfugié, la France a mis en place sa propre procédure d'asile. La loi n°52-893 du 25 juillet 1952 a confié à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et à la Commission des recours des réfugiés (CRR) compétence pour statuer sur l'éligibilité à la qualité de réfugié et a défini les grandes lignes de la procédure devant chacune de ces instances.
La loi du 25 juillet 1952 a été modifiée à trois reprises:
- la loi n° 90-550 du 2 juillet 1990 a élargi le recrutement de la CRR;
- les lois n°93-1027 du 24 août 1993 et n°93-1417 du 30 décembre 1993 ont principalement mis en place un traitement prioritaire des demandes d'asile;
- la loi n°98-349 du 11 mai 1998 a regroupé en une loi unique -la loi du 25 juillet 1952 désormais dénommée « loi relative au droit d'asile »- les diverses dispositions sur l'asile qui figuraient depuis 1993 dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Le principal apport de la loi de 1998 est la création de deux nouvelles formes d'asile: l'asile dit « constitutionnel », géré par l'OFPRA parallèlement à l'asile conventionnel, permet l'accès au statut de réfugié à « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté »; et l'asile « territorial », relevant du ministère de l'Intérieur (après avis du ministère des Affaires étrangères), est accordé « à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
La France a connu ces dernières années une forte augmentation de la demande d'asile. Si cette augmentation est sensible dans le domaine traditionnel de l'asile conventionnel (traité par l'OFPRA), elle est encore plus forte en matière d'asile territorial. La demande globale se situe désormais à des niveaux comparables à ceux de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne :
ANNÉE |
ASILE CONVENTIONNEL (OFPRA) |
ASILE TERRITORIAL (ministère de l'Intérieur) |
2002 |
50.521 |
45.000 (estimation) |
2001 |
48.595 |
31.206 |
2000 |
38.750 |
13.858 |
1999 |
30.900 |
8.164 |
La forte croissance de la demande d'asile n'est pas seulement le fruit d'évolutions géopolitiques défavorables aux droits de l'homme, elle résulte également d'un usage abusif des procédures d'asile par des personnes davantage motivées par l'immigration économique que par la recherche d'un refuge politique. L'allongement inévitable des délais de traitement des dossiers, accentué par le cumul des procédures (asile conventionnel et territorial), ne fait que renforcer la tendance à la hausse. Il rend en effet notre territoire encore plus attractif pour les personnes avant tout intéressées par le droit au séjour octroyé pendant toute la durée de la procédure.
Compte tenu de l'ampleur de la demande, les services des préfectures, de l'OFPRA, du ministère de l'Intérieur et du ministère des Affaires étrangères ne disposent plus aujourd'hui des capacités suffisantes en termes d'organisation et de moyens pour instruire les dossiers dans des délais raisonnables.
Cette situation a par ailleurs un coût social croissant. Les demandeurs d'asile conventionnel relèvent en effet du droit commun de l'aide sociale applicable à l'ensemble des étrangers se trouvant sur le territoire national. Ils peuvent être hébergés dans des centres financés par l'aide sociale de l'Etat, comme le prévoit le code de l'action sociale et des familles. Ils bénéficient par ailleurs de plusieurs prestations en espèce: allocation d'attente; allocation d'insertion (versement interrompu en cas d'admission en centre d'accueil pour demandeur d'asile -CADA-) ou allocation sociale globale pour les demandeurs hébergés en CADA. L'ensemble des demandeurs d'asile, conventionnel et territorial, bénéficient par ailleurs de la couverture maladie universelle (loi du 27 janvier 1999) ou, en l'attente de la remise de leur titre de séjour, de l'aide médicale d'Etat.
En supprimant l'asile territorial et en instaurant une procédure d'asile unique autour de l'OFPRA; la réforme engagée vise à rationaliser le système de l'asile en France et à réduire de manière significative les délais d'instruction des demandes. Elle adapte par ailleurs d'ores et déjà la législation française aux évolutions imposées par le droit communautaire.
- Bénéfices escomptés en matière :
* d'emploi
L'OFPRA traitera au fond l'ensemble des demandes d'asile. Les personnels des préfectures actuellement affectés au traitement des demandes d'asile territorial seront donc déchargés de l'audition des demandeurs et de la rédaction des comptes-rendus d'entretien. Les préfectures resteront toutefois compétentes en matière d'accueil des demandeurs d'asile, de mise en oeuvre éventuelle du règlement "Dublin II" (qui a succédé à la convention de Dublin), de remise des documents provisoires de séjour pendant le temps nécessaire à l'instruction de la demande d'asile, de délivrance du titre de séjour en cas d'octroi d'une protection internationale ou du refus de séjour et de la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement dans le cas contraire. Le raccourcissement attendu des délais d'instruction des dossiers d'asile conduira à renforcer la partie en aval du dispositif, c'est-à-dire à redéployer au sein des services préfectoraux les personnels précédemment affectés à l'asile territorial.
Par ailleurs, afin de fluidifier l'accès à la procédure d'asile, des plates-formes d'accueil des demandeurs d'asile seront créées dans les zones géographiques qui concentrent la majorité du flux des demandeurs. Ces structures permettront de regrouper sur un même site les services du ministère de l'Intérieur, de l'OFPRA et du ministère des affaires sociales. L'organisation et le fonctionnement de ces plates-formes impliqueront donc des transferts de personnel et l'implication des préfectures dans le domaine de la coordination.
S'agissant de l'OFPRA, le dispositif mis en place en 2003 pour anticiper la réforme de l'asile et réduire de manière drastique les délais de traitement des demandes s'est traduit par un renforcement substantiel des effectifs, faisant lui-même suite à une augmentation importante des recrutements pendant la période 2000-2002.
Dans le cadre du budget 2003, le recrutement de 81 agents supplémentaires de catégorie A a été prévu pour le seul OFPRA, auxquels s'ajoutent 4 agents de catégorie B et 15 de catégorie C. Ces effectifs ont pour mission de contribuer à réduire le « stock » des dossiers anciens et à ramener par là même le délai de traitement à deux mois d'ici la fin de l'année. Le nombre global de dossiers à traiter par mois, au cours de cette période de "normalisation" est estimé à environ 6 500 (flux courant + « déstockage »).
A partir de 2004 la concentration au sein de l'OFPRA du traitement de toutes les demandes d'asile laisse augurer d'une demande d'asile mensuelle d'environ 7 500 (base de calcul: 4 500 dossiers d'asile conventionnel + 3 000 dossiers d'asile territorial). Sur cette base , et en considérant que l'OFPRA sera capable avec ses effectifs actuels (224 agents de catégorie A dont 176 en divisions géographiques) de traiter les 6 500 dossiers mensuels précités, le millier de dossiers supplémentaires à traiter à partir du 1 er janvier 2004 nécessitera, pour ne pas stocker à nouveau, les moyens supplémentaires suivants :
- personnel traitant: 23 officiers de protection; 3 chefs de section et 6 agents C ;
- personnel d'accompagnement : 3 agents C pour l'accueil, 3 agents C pour la division de la protection et 2 agents B pour le service administratif et financier ;
- augmentation du budget de l'interprétariat du fait de l'augmentation de la demande (et de la systématisation prévue des entretiens): 80 000 €.
Pour ce qui concerne la commission des recours des réfugiés, on peut estimer, en partant des hypothèses formulées pour l'OFPRA, qu'environ 50 000 décisions en formation collégiale devront être prises par an, tout au moins en 2004. Pour juger ces 50.000 affaires (à raison de 15 par séance) il faut tenir 3.333 séances par an. Sachant que les rapporteurs effectuent 30 séances par an et les présidents 33, il faudrait passer à 110 rapporteurs contre 67 aujourd'hui et 100 présidents contre 63. Il faudrait ajouter l'encadrement (chefs des 6 nouvelles sections), le soutien en agents de greffe, de sécurité et de services documentaires et le secrétariat. Il en résulte un besoin de recrutement d'au moins 110 personnes dont 53 catégories A, 7 B et 50 C.
Il faut, pour tenir les séances, prévoir d'augmenter d'un tiers la capacité actuelle qui, avec 5 salles ne permet de tenir que 50 x 45 = 2 250 séances ( en supposant que les salles soient utilisées 5 jours sur 5, matin et après-midi).Les frais d'interprétariat devraient également augmenter dans des proportions importantes.
Ces évaluations concernant la CRR sont fondées sur l'hypothèse d'un maintien du régime actuel de l'aide juridictionnelle. Il faudrait naturellement les revoir à la hausse si l'exigence d'une entrée régulière sur le territoire pour l'octroi de l'aide juridictionnelle était abandonnée.
* d'intérêt général
L'unification des procédures et la réduction significative des délais d'instruction permettront à la fois d'accueillir et de protéger plus rapidement les personnes ayant réellement besoin d'une protection internationale tout en assurant plus efficacement l'éloignement de celles qui ne peuvent prétendre à une telle protection.
* financière
S'agissant de la prise en charge sociale des demandeurs d'asile, la réforme devrait se traduire par la conjonction de mesures d'économies et de dépenses supplémentaires. Il devrait toutefois en résulter une économie nette globale pour le budget de l'Etat de l'ordre de 90 M€ à terme (lorsque la réduction des délais de traitement des demandes à une moyenne de 4 mois pour l'ensemble de la procédure sera effective en année pleine).
a) Estimation des mesures d'économies attendues résultant du raccourcissement des délais de traitement des demandes d'asile conventionnel (hypothèse : délai de prise en charge sociale ramené à 4 mois, correspondant à la durée globale annoncée de traitement des demandes d'asile par l'OFPRA et la CRR).
Impact sur l'allocation d'insertion (AI) :
Montant : 290,48 € par mois, soit 3 485,75 € pour 4 mois. Flux estimé de DA : 50 000 (avec une hypothèse de résorption préalable en 2003 de l'ensemble des stocks de dossiers en attente de traitement à l'OFPRA). Estimation du coût du versement de l'AI à 70 % des demandeurs (soit 35.000 bénéficiaires) pendant 4 mois : 40,67 M€, soit 3 fois moins que pour une durée de versement d'un an (coût estimé : 122 M€), ainsi que c'est le cas pour nombre de dossiers aujourd'hui (dépense constatée 2001 : 91 M€ pour 26 000 bénéficiaires en moyenne).
Economie estimée: 81 M€.
Impact sur les dépenses consacrées à l'hébergement des demandeurs d'asile .
Cet impact est plus difficile à mesurer, compte tenu du fait que la demande d'hébergement dans le dispositif spécialisé est mal connue. Elle ne fait pas actuellement l'objet d'un recensement exhaustif. Cependant on estime aujourd'hui à 30 % le taux de la demande d'hébergement formulée par les demandeurs d'asile conventionnels (soit 15 000 personnes). Le traitement accéléré des demandes d'asile devrait contribuer à restaurer la fluidité de ce dispositif, qui devrait offrir près de 12.000 places de CADA fin 2003, en raccourcissant la durée moyenne d'hébergement, laquelle devrait idéalement être ramenée à 6 mois (compte tenu des délais de mise en oeuvre des sorties de CADA). Dans ces conditions, la capacité restaurée d'hébergement pérenne devrait permettre de limiter progressivement le recours à des formules d'hébergement précaire peu satisfaisantes mais qui ont jusqu'ici permis d'assurer une mise à l'abri de personnes le plus souvent vulnérables. Dès 2005, une grande partie des crédits actuellement consacrés au paiement de nuitées d'hôtels ne devraient plus être utilisés pour assurer l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile.
Economie estimée : 50 M€ (soit le besoin estimé par les services en 2003 pour financer cet hébergement précaire, faute de capacité disponible dans le dispositif spécialisé).
Impact sur l'allocation d'attente .
Cette allocation, qui fait l'objet d'un versement unique (soit 304 € par adulte et 106,7 € par enfant) est destinée à couvrir les premières dépenses des demandeurs d'asile, dans l'attente des prestations auxquelles ils peuvent légalement prétendre. Les effets attendus de la réforme sur les délais de l'admission au séjour et de l'instruction des demandes d'asile devraient permettre aux demandeurs d'accéder très rapidement au bénéfice de l'allocation d'insertion. Dans ces conditions le versement de l'allocation d'attente, qui actuellement intervient de fait en même temps que celui de l'allocation d'insertion (puisque lié aux mêmes conditions : certificat de dépôt de dossier à l'OFPRA, titre de séjour de 3 mois) ne se justifiera plus.
Economie estimée : 13,2 M€ (soit la dépense constatée 2002).
Total des économies estimées : 144,2 M€
b) Estimation du coût de la généralisation à l'ensemble des demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil aujourd'hui applicables aux seuls demandeurs d'asile conventionnel. Cette généralisation des prestations sociales est en effet inévitable dans un système de procédure unique qui n'opère plus de distinction entre demandeurs d'asile . (hypothèse de travail : faute de données actualisées pour l'année 2002, le nombre de demandeurs d'asile territorial en 2001 sera repris pour les simulations financière: 31 200, soit 35 300 personnes en incluant 4 100 mineurs accompagnant )
Impact sur l'allocation d'insertion .
Hypothèse : 70 % des demandeurs adultes (soit 21 840 personnes) percevront cette allocation pendant 4 mois.
Coût supplémentaire estimé : 25,37 M€
Impact sur l'hébergement en CADA :
Hypothèse : hébergement en CADA pendant 4 mois (soit un coût à la place de 2 909 €) de 30 % des demandeurs (soit 10 590 personnes)
Coût supplémentaire estimé : 30,8 M€
Total coût supplémentaire estimé : 56,17 M€
Gain net global estimé : 144,2 - 56,17 = 88,03 M€
L'estimation de ces économies potentielles doit cependant être considérée avec prudence. Le traitement accéléré des demandes d'asile va en effet se traduire mécaniquement par un nombre très élevé de décisions de refus. Les déboutés du droit d'asile restant à la charge du budget de l'Etat, au titre de l'aide sociale, le gain net réel constaté s'agissant de la prise en charge sociale des demandeurs d'asile risque d'être moindre pour le budget de l'Etat, sauf à ce que l'hébergement d'urgence inconditionnel soit remis en cause. Par ailleurs, le demandeur d'asile dispose actuellement d'une liberté de choix entre un hébergement dans un dispositif national ou le versement régulier d'une allocation. L'application de ce principe pourrait toutefois être réexaminée si le gouvernement choisissait de proposer plus systématiquement aux demandeurs d'asile une offre d'hébergement en CADA, dès que les capacités du dispositif national d'accueil spécialisé le permettront (soit une offre de 17 000 places en 2005, au terme du plan de renforcement des capacités). La ventilation des coûts entre hébergement et allocation d'insertion serait alors très sensiblement modifiée.
* de simplification des formalités administratives
L'ensemble des demandes d'asile seront désormais traitées par un organisme unique, l'OFPRA, qui qualifiera lui-même la nature de la protection octroyée. Les recours juridictionnels seront également unifiés puisque seule la CRR aura à connaître des recours éventuels contre les décisions de l'Office.
* de complexité de l'ordonnancement juridique
en matière d'octroi d'une protection internationale, seule la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 et son décret d'application du 2 mai 1953 seront désormais applicables, le décret n°98-503 du 23 juin 1998 relatif à l'asile territorial étant abrogé.
* 7 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.