II. LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES QUARTIERS : UN VOLET INDISPENSABLE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

A. LE DISPOSITIF DES ZFU MÉRITE D'ÊTRE RECONDUIT POUR PERMETTRE UNE RÉELLE RELANCE ÉCONOMIQUE DES ZONES CONCERNÉES

1. Des dispositifs alternatifs peu efficaces

a) La faible attractivité des zones de redynamisation urbaines

Au 1 er janvier 2002, le gouvernement précédent a mis en place un régime unique d'exonérations fiscales et sociales applicables aux zones de redynamisation économique (ZRU) et aux entreprises installées en zone franche urbaine (ZFU) postérieurement à cette date.

ZRU et régime unique prévu par la LFSS 2002

Nature de la mesure

Dispositif existant en ZRU

Régime unique proposé

Impôt sur les bénéfices

5 ans d'exonération

- réservée aux entreprises nouvelles sous réserves d'effectif

- dégressif sur 5 ans : 100 %, 100 %, 75 %, 25 %

- bénéfice exonéré est plafonné à 225.000 € par période de 36 mois

Ouverture des droits limités à fin 2004

Taxe professionnelle

5 ans d'exonération

- réservée aux entreprises de moins de 150 salariés

- limité à une base nette révisée annuellement (150.920 € pour 2002)

- la limite de la base nette s'applique aux créations et extensions d'établissements ; elle est réduite de moitié pour les établissements existants

Ouverture des droits limités à fin 2004

Prime à l'embauche

Prime maximum afférente aux CIE Pour tout demandeur d'emploi résidant en ZUS qui a cumulé 12 mois de chômage dans les 18 mois précédant son recrutement

Cotisations sociales

1 an d'exonération pour les créations d'emplois dans la limite de 50 salariés et de 1,5 fois le SMIC

Pour les entreprises appliquant les 35 heures :

- majoration annuelle de l'allégement de charges sociales de 213,43 € par salarié jusqu'à 1,85 SMIC

- pas de limite de durée

Cotisations sociales personnelles maladie maternité des artisans et commerçants

-

- 5 ans d'exonération dans la limite 1,5 SMIC

- ouverture des droits limités à fin 2004

Source : commission des Affaires sociales

Ce nouveau dispositif est proche de celui proposé en ZRU. Le constat d'échec des politiques de relance menées dans ces dernières n'est pourtant guère contesté.

Ainsi, l'impact de l'exonération de charges sociales de 12 mois applicable aux embauches réalisées en ZRU est resté limité en 2000 et 2001, avec en moyenne 4.200 embauches exonérées environ par an.

Une forte baisse se dessine déjà pour 2002 : le nombre d'entrées nouvelles cumulées dans le dispositif fin mai 2002 est nettement inférieur aux données à fin mai 2001 (1.990 embauches). Cette baisse semble corrélative au passage aux 35 heures des entreprises en ZRU, l'exonération n'étant pas cumulable avec les allégements de charges liés à la réduction du temps de travail.

Cette tendance devrait encore s'accentuer avec la majoration de cet allégement pour les entreprises en ZRU, applicable en ZRU depuis 2000 et instituée en ZFU par l'article 7 la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

ZRU : exonération durant 12 mois pour les embauches réalisées

2000

2001

2002

Nombre d'établissements déclarants

1.389

ND

ND

Nombre d'embauches exonérées

4.145

4.283

1.405

Sources: ACOSS, France entière, effectif reconstitué en équivalents temps-plein au 31 décembre de chaque année. DARES - tableau de bord des politiques d'emploi, mai 2002 : nombre d'entrées cumulées dans le dispositif fin mai 2002.

Sans présumer des résultats de ce nouveau régime unique, non disponibles à l'heure actuelle, votre rapporteur souhaite souligner que les mécanismes de discrimination positive sont d'autant plus efficaces que les publics visés sont ciblés et les moyens importants.

Les résultats médiocres obtenus dans les ZRU traduisent les risques d'une dilution des moyens sur des territoires trop étendus.

b) L'échec de la section investissement du fonds de revitalisation économique

La loi du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), a créé un Fonds de revitalisation économique (FRE) ayant pour objet de pérenniser et de développer un tissu industriel et commercial dans les quartiers.

Une circulaire du ministère du budget, en date du 13 décembre 2000, a précisé les modalités d'application de ces crédits, dont 85 % doivent être déconcentrés.

Il intervient sur les territoires de la politique de la ville classés en zone urbaine sensible (ZUS) et peut être étendu à concurrence de 15 % de son budget départemental aux territoires en contrats de ville.

L'aide à l'investissement du FRE, lorsqu'elle a été mise en oeuvre, a le plus souvent été utilisée pour soutenir des projets de modernisation et de développement, sélectionnés dans le cadre d'opérations de restructuration urbaine et commerciale et qui bénéficient d'un accompagnement spécifique.

Mais, comme l'a souligné votre rapporteur précédemment, les crédits d'investissement du FRE sont peu utilisés donc souvent annulés, ce qui justifie leur intégration au FIV aujourd'hui.

c) Les résultats incertains du FISAC et l'EPARECA

L'un des financeurs du commerce et de l'artisanat est le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC). Jusqu'en 2003, date à laquelle il va recevoir une dotation directe de l'Etat de 71 millions d'euros, le FISAC était financé par un prélèvement sur le produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) (67,08 millions d'euros en 2002).

Le FISAC, de mieux en mieux doté, en attribuant des subventions à des projets permettant la sauvegarde du commerce et de l'artisanat, mène une action complémentaire de la politique d'aménagement du territoire.

Comme le souligne la commission des finances, « il aurait donc été imaginable de doter ce fonds de nouvelles compétences, liées à la réhabilitation des centres commerciaux dans les quartiers difficiles, puisqu'il mène déjà des actions dans les centres villes 3 ( * ) . »

Toutefois, votre rapporteur souscrit totalement aux critiques de l'Observatoire national du commerce (ONC) dans le compte rendu de sa réunion du 2 octobre 2001 consacrée au FISAC.

L'ONC fait en particulier état de problèmes de délais, fortement ressentis au plan local, et propose que les procédures d'action du FISAC soient déconcentrées au plus près du terrain et privilégient l'intercommunalité.


Les faiblesses du FISAC

- dénué de personnalité juridique, il aurait été en peine de réaliser des opérations de restructuration nécessitant des acquisitions et des cessions ;

- habitué à la pratique de la subvention, il aurait eu des difficultés à se muer en investisseur ;

- dédié à des subventions de centaines de milliers d'euros, il n'aurait pas su mener des opérations de plusieurs millions d'euros.

Source :Auguste Cazalet et Eric Doligé, « Peut-on sauver le commerce dans les banlieues ? », commission des Finances, juillet 2002.

En outre, le FISAC reste peu incitatif, car plafonné à hauteur de 50 % en fonctionnement et de 20 % en investissement, laissant respectivement 50 et 80 % à la charge du privé, ce qui reste important puisque la politique de la ville ne pouvant financer des investissements privés, elle ne peut non plus y contribuer aux côtés des subventions du FISAC.

Le CIV du 14 décembre 1999 avait décidé d'augmenter le plafond d'investissement du FISAC à 80 % en fonctionnement et à 40 % en investissement dans les quartiers prioritaires des contrats de ville.

Votre rapporteur souligne que les décrets d'entrée en vigueur de cette décision du CIV n'ont toujours pas été pris, alors qu'il y va de la faisabilité de multiples opérations dans les quartiers mais aussi plus largement de la crédibilité de l'action publique dans le domaine de la ville.

L'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) a été créé par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, dans ses articles 25 à 28. Son organisation a été précisée par le décret n° 97-130 du 12 février 1997.

La principale mission de cet établissement public national à caractère industriel et commercial est de faciliter les opérations de remembrement des espaces commerciaux et artisanaux implantés dans les quartiers urbains en difficulté.

Pour pallier les différentes difficultés que rencontrent ces établissements, l'EPARECA a la faculté légale d'y réaliser les opérations suivantes : création, extension, transformation ou reconversion de surfaces commerciales et artisanales situées dans un quartier prioritaire des contrats de ville.

Mais, c'est seulement en 2002, après trois années de fonctionnement opérationnel, que l'EPARECA a pu engager un budget conséquent (16,8 millions d'euros), consacré à 90 % à l'investissement.

Votre rapporteur regrette le retard pris dans l'utilisation de cet instrument, dont les résultats, s'ils semblent tangibles, sont encore trop récents pour être synonymes de succès.

Toutefois, la multiplication des opérations et des demandes des collectivités locales nécessite de réabonder financièrement l'EPARECA courant 2003 par une nouvelle dotation. Une première dotation de 19,8 millions d'euros, imputée sur TACA, lui avait été versée le 30 décembre 1998.

La question d'une nouvelle dotation en 2003, à hauteur de 3 millions d'euros, est d'actualité. A cet effet, une ligne budgétaire a été créée sur le compte d'affectation spécial n° 902-24, qui enregistre le produit des privatisations, mais aucune décision n'a été prise à ce jour.

Votre rapporteur insiste également sur la nécessaire simplification administrative des conditions d'intervention de l'EPARECA, notamment l'allégement des procédures administratives liées à la multiplicité des partenaires (cabinets d'études, architectes, investisseurs, gestionnaires d'espaces commerciaux) et des dispositifs.


Le bilan de l'action de l'EPARECA au 16 juillet 2002

Globalement, depuis sa création, l'EPARECA a été saisi de 162 demandes d'interventions par 127 villes.

L'EPARECA est aujourd'hui engagé dans la restructuration de plus de 70 centres. Parmi eux on dénombre :

- 6 dossiers réalisés : Créteil, Châlons-en-Champagne, Floirac, Hérouville Saint-Clair, Eleu dit Lauwette (mission d'expertise) et Clichy-sous-Bois ;

- 11 dossiers sont en cours d'investissement dont 6 seront livrés en 2002 : Argenteuil (première tranche), Cognac, Mulhouse, Pantin, Reims et Tourcoing ;

- 14 dossiers sont en phase opérationnelle : Bourges, Bron, Cenon, Chambéry, Chenôve, La Courneuve, Garges-les-Gonesse, Poitiers, Rennes, Roubaix et Saint-Fons, Saint-Ouen-l'Aumône, Vénissieux et Wattrelos ;

- 29 dossiers sont en étude : Amiens, Bonneuil-sur-Marne, Blois, Champigny-sur-Marne, Charleville-Mézières, Choisy-le-Roi, Creil, Dunkerque, Epinay-sur-Seine, Gennevilliers, Givors, Grande-Synthe, Grigny, Hem, Joué-les-Tours, Le Havre, Les Abymes, Lyon, Meaux, Montpellier, Montreuil, Perpignan, Rezé, Rillieux-la-Pape, Saint-Dizier, Saint-Nicolas-les-Arras, Sarcelles, Trappes et Vandoeuvre-les-Nancy ;

- 5 demandes d'expertises : Cergy-Pontoise, Rennes (Maurepas), Blanc-Mesnil, Noisy-le-Grand et Mons-en-Bareuil ;

- 54 dossiers sont en attente de prise en compte, dont 38 en attente d'intervention ;

- 16 dossiers présentent des demandes imprécises ;

- 49 demandes ne sont pas prises en compte par abandon de la ville ou parce qu'elles n'avaient aucun espoir de connaître une revitalisation économique ou, enfin, car elles n'étaient pas éligibles.

L'élargissement de la géographie d'intervention de l'EPARECA à l'ensemble des territoires prioritaires des contrats de ville par la loi SRU s'est effectivement traduit par une forte croissance du nombre des demandes formulées par les collectivités.

* 3 Auguste Cazalet et Eric Doligé - Rapport d'information n° 377 (2001-2002) -« Peut-on sauver le commerce dans les banlieues ? Contrôle budgétaire de l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EAPRECA) - Commission des finances.

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