B. LA NATURE JURIDIQUE DE LA CHARTE DE L'ENVIRONNEMENT

La procédure d'élaboration et d'adoption de la charte dépendra très largement de la traduction juridique que l'on donnera à l'expression utilisée par le Président de la République, de charte « adossée » à la Constitution. Cette expression laisse la marge à de nombreuses interprétations, comme en conviennent le professeur Yves Coppens, que votre rapporteur a auditionné, ainsi que la ministre de l'écologie et du développement durable, que la commission a entendue.

D'après le professeur Coppens, les conseillers juridiques travailleraient actuellement sur trois grandes options :

- une première option, maximaliste, consisterait à intégrer l'ensemble de la charte dans l'ordre constitutionnel, à la façon, précisément, de la déclaration des droits de l'homme, ou du préambule de la Constitution de 1946 ;

- une solution intermédiaire consisterait à insérer les dispositions de principe dans la Constitution et à renvoyer les dispositions « de procédure » à une loi organique, de façon à disposer d'un texte plus opérationnel ;

- une solution minimaliste -mais Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, nous a indiqué qu'elle n'aurait pas la faveur du Président de la République, consisterait à n'insérer dans la Constitution ou dans son préambule, qu'un rappel de principe très général, dont le contenu serait précisé par l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnel et, ajoutera votre rapporteur, par les travaux préparatoires du Parlement.

C. LES CONSÉQUENCES SUR L'ORDRE JURIDIQUE INTERNE

Le choix qui sera retenu ne sera pas sans conséquence sur l'ordre juridique interne.

Il faut rappeler ici l'objectif concret de ce projet de Charte : la consécration, au niveau constitutionnel, d'un certain nombre de nouveaux principes favorisant le respect de l'environnement et le développement durable, de façon à mettre ceux-ci en balance avec les principes constitutionnels déjà consacrés -comme par exemple le principe d'égalité- dans le contrôle de constitutionnalité des lois.

Parmi ces principes pourraient figurer les principes les plus communément cités en matière de défense de l'environnement : le principe de précaution, le principe d'action préventive, le principe pollueur payeur, le principe de participation et d'information.

Ces principes existent déjà, sous la forme que leur a donné le code de l'environnement et qui n'est sans doute pas définitive, mais ils n'ont qu'une valeur législative.

Le code de l'environnement (article L. 110-1-II) reconnaît aujourd'hui quatre principes qui inspirent la politique de l'environnement :

Le principe de précaution

« selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économique acceptable »

Le principe d'action préventive

selon lequel il convient de prévenir et de corriger « par priorité à la source, les atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles, à un coût économiquement acceptable »

Le principe pollueur payeur

« selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur »

Le principe de participation

« selon lequel chacun a accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et selon lequel le public est associé au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire »

Leur respect s'impose au pouvoir réglementaire, mais pas nécessairement au législateur qui conserve sa liberté : ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire ou tout au moins y déroger.

Leur inscription dans la charte leur donnera en revanche une portée constitutionnelle.

A ce titre, ils s'imposeront au législateur, sous le contrôle du Conseil Constitutionnel, garant de la constitutionnalité des lois.

Or, ces principes sont potentiellement susceptibles de s'appliquer à un très grand nombre de secteurs de notre droit : droit de l'environnement, bien entendu, droit de l'urbanisme, droit fiscal (que l'on pense au principe pollueur payeur).

Votre rapporte apporte un soutien plein et entier au projet de Charte de l'environnement mais invite les experts et les autorités qui participeront à sa rédaction à ne pas sous-estimer les conséquences que son intégration au bloc de constitutionnalité entraînera sur notre ordre juridique interne, et sur le travail ultérieur du législateur, qui devra dorénavant les prendre en compte dans l'élaboration des lois.

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