EXAMEN EN COMMISSION
Au cours d'une séance tenue le mercredi 20 novembre 2002 , sous la présidence de M. Jacques Valade, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Louis de Broissia sur les crédits consacrés à la communication audiovisuelle dans le projet de loi de finances pour 2003 .
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
M. Henri Weber a regretté que le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions ait été rompu unilatéralement par le Gouvernement, mettant en difficulté la direction du groupe.
Il a déploré que deux des « courbes vertueuses » initiées par le précédent Gouvernement aient été brisées. Celle du financement d'abord, car si le service public a vu ses ressources publiques augmenter de 35 % au cours de ces cinq dernières années, il devra, au risque de se paupériser du fait de l'augmentation des coûts de personnels et de production, se contenter d'une hausse de 2 % en 2003. Celle de l'autonomisation par rapport au financement publicitaire ensuite. Rappelant que la logique aurait voulu que l'on poursuive la réduction de la durée des coupures publicitaires, il a fait remarquer que l'on ne pouvait pas demander au service public d'assurer ses obligations mieux qu'il ne le fait sans lui donner les moyens budgétaires de rattraper le retard conséquent pris vis-à-vis des opérateurs privés, dont les ressources augmentent à un rythme soutenu, mais aussi vis-à-vis des services publics audiovisuels étrangers.
S'agissant de la dérive commerciale des chaînes de France Télévisions, il a noté que le rapporteur pour avis avait lui-même constaté qu'elle ne correspondait à rien de concret si l'on se rapportait aux obligations contenues dans les cahiers des charges et aux programmes effectivement diffusés, et il a estimé d'autant plus inquiétantes les attaques répétées du ministre de la culture et de la communication contre France Télévisions et ses carences supposées, alors même qu'aucune critique n'était formulée contre les émissions de télé-réalité qui inondent pourtant les chaînes privées.
Il a estimé que ces attaques permettaient pour partie de comprendre les mouvements sociaux qui secouent l'audiovisuel public et qui reflètent les inquiétudes des personnels des sociétés nationales quant à l'avenir du service public dont certains réclament avec insistance la réduction du périmètre.
Approuvant les critères définis par le rapporteur pour avis, il s'est interrogé sur la nature de la ressource destinée à remplacer la redevance en 2004.
Il a enfin regretté que les trois projets de nouvelles chaînes de France Télévisions aient été gelés, et en particulier celui de la chaîne de rediffusion qui aurait certainement permis de programmer à des heures décentes les émissions culturelles du service public.
M. André Vallet a souhaité savoir si l'idée de rattacher la redevance à la taxe d'habitation afin d'en faciliter le recouvrement demeurait d'actualité.
Il a estimé qu'il fallait être attentif non seulement au nombre d'émissions culturelles diffusées sur les chaînes du service public mais aussi et surtout à leur position dans la grille des programmes.
Il a demandé si l'on disposait d'études permettant de comparer les coûts de production des émissions diffusées sur les chaînes privées et sur les chaînes publiques.
Après avoir fait remarquer que, contrairement aux personnels des chaînes publiques, ceux des chaînes privées ne se mettaient jamais en grève, il s'est interrogé sur les moyens dont disposaient ces dernières pour parvenir à contenter leurs employés.
Il a enfin regretté que les chaînes publiques ne se démarquent pas assez des chaînes privées et il a relevé que France 2, notamment, donnait constamment l'impression de « courir après » la concurrence. Il a à cet égard estimé que l'argent public n'était pas destiné à financer des émissions de télé-réalité.
Revenant sur les propos de M. André Vallet concernant l'heure de diffusion des programmes culturels, M. Henri Weber a regretté le « gel » des projets de nouvelles chaînes publiques destinées à être diffusées en TNT, et en particulier du projet de chaîne de « découverte culturelle » qui devait notamment proposer des rediffusions ou multidiffusions des meilleures émissions des chaînes publiques.
Mme Danièle Pourtaud s'est étonnée que le rapporteur pour avis ait regretté la non-revalorisation du tarif de la redevance tout en se satisfaisant du non-respect des contrats d'objectifs et de moyens.
Elle a rappelé qu'à l'origine, la signature du contrat d'objectifs et de moyens était destinée à assurer une visibilité pluriannuelle aux sociétés publiques pour leur permettre de planifier leur développement. Elle a estimé que la décision de ne pas respecter l'augmentation moyenne des ressources publiques prévue par le contrat traduisait la volonté du Gouvernement de réduire à la portion congrue la place du service public sur la télévision numérique terrestre (TNT).
Après avoir déploré que France Télévisions ne dispose plus de moyens suffisants pour développer des chaînes thématiques, elle a souligné que les deux principales chaînes du groupe devaient demeurer des chaînes généralistes proposant aux téléspectateurs la programmation la plus variée possible.
Tout en se félicitant des résultats obtenus par France 5, elle a souligné que la chaîne était désormais bien loin de son projet initial basé sur une étroite collaboration avec le système éducatif.
Elle a souhaité qu'à l'avenir la situation de RFO fasse l'objet d'une analyse détaillée.
S'inquiétant de la future ouverture des secteurs interdits de publicité télévisée, elle a souhaité que le Gouvernement ait le courage de proposer à Bruxelles un plan d'ouverture raisonné et raisonnable permettant de préserver les intérêts de la presse quotidienne régionale (PQR) et des radios généralistes tout en permettant la création de télévisions locales.
M. Ivan Renar s'est associé aux propos du rapporteur sur le défaut de communication du rapport de Mme Blandine Kriegel à la commission. Il a souligné que les éventuelles mesures qui pourraient être prises pour réglementer la diffusion de programmes violents à la télévision auraient également des répercussions importantes sur la filière cinématographique.
Après avoir déclaré qu'un système proche de la redevance était préférable à une fiscalisation des ressources de l'audiovisuel, il a estimé qu'un débat sur le financement de l'audiovisuel public était nécessaire.
Il a affirmé que l'heure tardive de diffusion des émissions culturelles n'était qu'une des conséquences de la dictature de l'audimat et traduisait le manque d'autonomisation du service public à l'égard des ressources publicitaires.
Il a noté, à propos de La Cinquième, que son existence ne devait pas dispenser les autres chaînes publiques de participer à l'éducation du public, de même que l'existence d'Arte ne doit pas les exonérer des responsabilités qui sont les leurs en matière de diffusion de programmes culturels.
Il a souligné que la production par des sociétés extérieures des émissions du service public avait des conséquences en termes de coût et de qualité des programmes.
Après avoir déploré le manque d'ambition du Gouvernement pour le service public sur la TNT, il a regretté, comme M. Henri Weber, l'abandon de la chaîne qui aurait permis de rediffuser à des horaires décents les meilleurs programmes du service public.
Répondant à ces interventions, M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis , a apporté les précisions suivantes :
- il est nécessaire de veiller à ce que les entreprises publiques aient une certaine visibilité pour assurer leur développement. Tel est l'objet des contrats d'objectifs et de moyens conclus entre les organismes publics et l'Etat ;
- l'audiovisuel public ne peut pas contourner plus longtemps la question de sa gestion des ressources humaines : cette gestion doit cesser d'être fondée uniquement sur l'ancienneté et doit désormais tenir compte de l'évolution des différents métiers de l'audiovisuel. La gestion innovante des ressources humaines mise en oeuvre par Radio France a ainsi permis à la société de sortir de la grève très rapidement et sans drame majeur. Il devrait en aller de même au sein des autres organismes de l'audiovisuel public ;
- à partir du moment où les ressources publiques financent pour une part importante les chaînes du service public, il est normal que l'Etat actionnaire exprime son point de vue sur la programmation de ces chaînes ;
- le Sénat doit anticiper la disparition prochaine de la redevance et réfléchir sur le financement futur de l'audiovisuel public. Il paraît souhaitable que la redevance soit remplacée par une taxe affectée afin que le secteur public audiovisuel bénéficie de ressources sûres et stables ;
- les chaînes publiques, contrairement aux chaînes privées, ont toujours refusé de diffuser des programmes de télé-réalité. On ne peut donc comparer les dérives alléguées de la télévision publique avec celles bien réelles de la télévision privée ;
- les critères de qualité des programmes figurant dans les contrats d'objectifs et de moyens des groupes publics mériteraient sans doute d'être affinés ;
- l'absence d'augmentation du taux de la redevance n'empêchera certainement pas l'audiovisuel public de fonctionner. On aurait peut-être pu, sans pratiquer d'augmentation importante, arrondir ce taux de 116,5 à 120 euros, mais cette décision appartenait au Gouvernement et il n'y a pas lieu de s'élever contre l'arbitrage qui a été rendu ;
- il est important que le Gouvernement et le Parlement préparent l'audiovisuel public au développement de la technologie numérique sous toutes ses formes. Il faut avoir à l'esprit que d'ores et déjà 20 % des Français sont aujourd'hui équipés en lecteur DVD et que les recettes des ventes de DVD pour certains films sont supérieures aux recettes tirées de l'exploitation en salles ;
- France 5 n'a pas développé la banque de programmes et de services qu'elle devait mettre en place. Néanmoins, il serait effectivement regrettable que la culture ou l'éducation ne soit de la responsabilité que d'une seule chaîne. Toutes les chaînes doivent participer à la diffusion de la culture et à l'éducation du public ;
- les radios généralistes, qui demeurent de vrais lieux de débat, sont une expression forte du pluralisme et ne doivent pas faire les frais de l'ouverture des secteurs interdits de publicité télévisée ;
- les grévistes du service public mettent fortement en cause le rôle des sociétés extérieures de production. Peu d'éléments sont à l'heure actuelle disponibles sur les coûts générés par la production extérieure de programmes, ou sur celui des animateurs producteurs : un rapport sur cette question serait en préparation ;
- RFO n'est pas seulement un organisme de l'audiovisuel public mais aussi un des vecteurs majeurs de l'aménagement du territoire ultra-marin.
A l'issue de ce débat et suivant les propositions de son rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la communication audiovisuelle.