II. LA MISE EN oeUVRE DE LA SÉCURITÉ CIVILE DANS QUELQUES DOMAINES D'INTERVENTION
1. La lutte contre les incendies de forêt
a) Une maîtrise globale contrariée par un bilan mitigé dans le sud de la France
Pour
tenir compte des circonstances particulières, notamment climatiques,
pouvant expliquer des variations d'une année à l'autre, il
paraît préférable de comparer les résultats des
années 1999, 2000 ainsi que les chiffres provisoires de la
présente année à la moyenne des dix dernières
années.
L'évolution des surfaces brûlées et des départs de
feu depuis dix ans est la suivante :
Année |
Départements méditerranéens |
Aquitaine Massif landais |
Autres départements |
Nombre de feux hors |
Total |
|||||||||
|
Surfaces brûlées(1) |
Nombre
|
Surfaces brûlées (1) |
Nombre
|
Surfaces brûlées (1) |
Méditer-ranée |
Surfaces brûlées (1) |
Nombre de feux |
||||||
1991 |
6 540 |
2 392 |
810 |
865 |
1 750 |
1 496 |
9 100 |
3 888 |
||||||
1992 |
13 000 |
2 865 |
554 |
307 |
4 446 |
2 516 |
18 000 |
5 381 |
||||||
1993 |
11 745 |
2 963 |
390 |
1 008 |
4 978 |
2 887 |
17 113 |
5 850 |
||||||
1994 |
21 330 |
2 600 |
352 |
902 |
2 520 |
2 000 |
24 200 |
4 600 |
||||||
1995 |
9 933 |
2 346 |
1 919 |
1 697 |
6 648 |
4 714 |
18 500 |
7 060 |
||||||
1996 |
3 100 |
1 789 |
580 |
1 350 |
7 720 |
4 612 |
11 400 |
6 401 |
||||||
1997 |
12 230 |
2 784 |
1 868 |
1 495 |
7 325 |
4 859 |
21 423 |
7 643 |
||||||
1998 |
11 242 |
2 587 |
2 500 |
1 990 |
5 538 |
3 713 |
19 280 |
6 300 |
||||||
1999 |
12 700 |
2 970 |
1 830 |
1 070 |
1 950 |
2 305 |
16 560 |
5 275 |
||||||
2000 |
18 500 |
2 430 |
870 |
925 |
4 410 |
3 310 |
23 780 |
5 740 |
||||||
2001* |
16 000 |
2 200 |
750 |
800 |
1 250 |
1 930 |
18 000 |
4 130 |
*
estimation provisoire au 20 septembre 2001 Source : ministère de
l'Intérieur
(1) en hectares
Sur la France entière
, les superficies brûlées sont
respectivement de 16.560 et 23.780 hectares en 1999 et 2000. Sur les dix
dernières années, la superficie moyenne brûlée
chaque année s'établit à 17.927 hectares.
Le nombre de départs de feux, sur l'ensemble du pays,
s'élève respectivement à 5.275 et 5.740, pour une moyenne
annuelle de 5.813 feux sur dix ans.
En dehors des départements méditerranéens
,
3.780 hectares de bois ont été brûlés en 1999
et 5.280 hectares en 2000 (en moyenne annuelle sur 10 ans :
5.895 hectares).
Le nombre de feux, hors des départements méditerranéens,
s'élève à 2.305 en 1999 et 3.310 en 2000 (en moyenne
annuelle sur 10 ans : 3.241).
Sur l'ensemble des départements méditerranéens
, les
superficies détruites s'établissent respectivement à
12.700 et 18.500 hectares en 1999 et 2000. Le chiffre de l'an dernier est
donc nettement supérieur à la moyenne annuelle sur les dix
dernières années (12.032 hectares).
La tendance est aussi préoccupante pour le nombre de départs de
feux, respectivement de 2.305 et de 3.310 en 1999 et 2000 (la moyenne annuelle
sur les dix dernières années est de 2.572 pour les
départements méditerranéens).
La situation est plus grave
en Corse
que. En 1999, 3.960 hectares
ont été détruits, dont 3.000 pour le seul
département de la Haute-Corse et, en 2000, les chiffres
s'établissent respectivement à 13.000 et 11.000 hectares,
alors que la moyenne annuelle est de 5.800 hectares détruits chaque
année durant les dix dernières années.
Les chiffres provisoires de l'année 2001 pour la France
entière (à la date du 20 septembre) laissent
apparaître 16.000 hectares détruits, au lieu de
12.000 hectares en moyenne à cette époque de l'année.
En région méditerranéenne, 13.000 hectares ont
été détruits (au lieu de 9.500 en moyenne à cette
période de l'année).
Interrogé par votre rapporteur sur ces mauvais résultats, M.
Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur a fait valoir que ces chiffres
supérieurs à la moyenne décennale restaient
néanmoins inférieurs à ceux des années
précédant la mise en place de la stratégie d'attaque des
feux naissants où 35.000 hectares étaient dévastés
chaque année.
Il a expliqué cette hausse récente par l'augmentation sensible
des facteurs climatiques de risque, la sécheresse exceptionnelle et les
vents durablement violents ayant créé un niveau de danger
inégalé depuis l'année 1989 où 50.000 hectares
avaient brûlé.
Il convient néanmoins d'ajouter que le taux d'élucidation des
incendies de forêt est évalué par le ministère de
l'Intérieur à 50 % et que, parmi les cas
élucidés, 40 % sont imputés à une imprudence
et 45 % à un acte de malveillance.
La modernisation des moyens aériens de la sécurité civile,
le renforcement des moyens civils et militaires, le déclenchement de
nombreux circuits de gué aérien armé, pour
nécessaires qu'ils soient, ne sont pas suffisants pour une politique
efficace de prévention.
Votre commission des Lois demande une plus grande surveillance contre les
actes criminels et leur poursuite sévère dans tous les cas.
b) La loi d'orientation sur la forêt
La
loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la
forêt, adoptée dans les mêmes termes par les deux
assemblées, comporte, à l'article 33, des dispositions
modifiant le code forestier afin de renforcer la prévention des
incendies de forêt.
En premier lieu, les mesures de prévention renforcée, applicables
aux massifs forestiers situés dans les régions de Corse,
Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte-d'Azur, sont étendues
aux massifs des régions Aquitaine, Midi-Pyrénées,
Poitou-Charentes ainsi que ceux des départements de l'Ardèche et
de la Drôme (article L. 321-6 du code forestier).
Le texte prévoit désormais, en outre, que dans ces secteurs, un
plan régional ou départemental de protection des forêts
contre les incendies
sera élaboré par le préfet,
après avis des collectivités territoriales et groupements de
collectivités concernés.
En outre, la loi propose une
définition plus précise du
débroussaillement
(article L. 321-5-3 du code forestier).
Il s'agit désormais de diminuer l'intensité et de limiter la
propagation des incendies par la réduction des combustibles
végétaux, en garantissant une rupture verticale et horizontale de
la continuité du couvert végétal, par l'élagage des
sujets maintenus et par l'élimination des rémanents de coupes. Le
préfet peut adapter l'application de cette définition en tenant
compte des particularités de chaque massif.
Le
débroussaillement obligatoire
à proximité des
lieux habités (article L. 322-3 du code forestier),
imposé par le maire
dans certaines communes
(celles où se
trouvent des bois classés ou inclus dans les massifs forestiers à
risque), est prévu dans les zones situées à moins de
200 mètres des bois, forêts, landes, maquis, garrigues,
plantations ou reboisements. Par ailleurs, la loi précise la
répartition des compétences entre les maires et le préfet
pour le débroussaillement. Les abords des zones à risque peuvent
être soumis à des obligations de débroussaillement dont le
respect incombe en premier lieu aux maires. Dans les autres zones, l'obligation
de débroussaillement relève d'un arrêté
préfectoral.
Le maire pourvoit d'office aux travaux de débroussaillement
si
les propriétaires continuent, après mise en demeure, à ne
pas exécuter leurs obligations (article L. 322-4 du code
forestier). En conséquence, les dépenses correspondantes sont des
dépenses obligatoires pour les communes, celles-ci se retournant
contre le propriétaire en émettant un titre de perception
. A
défaut, le préfet, après mise en demeure de la commune, se
substitue à lui. Le financement est alors mis à la charge de la
commune qui peut ensuite se retourner contre le propriétaire
négligent.
Enfin, les interventions des communes et de leurs groupements sont
encouragées. Ainsi, les travaux de prévention des incendies de
forêts réalisés par les collectivités locales sur
des terrains appartenant à l'État ou à des particuliers
deviennent éligibles au Fonds de compensation de la TVA.
2. Les inondations dans la Somme
Le
Sénat a constitué, le 9 mai 2001, une commission
d'enquête sur les inondations du printemps dernier dans la Somme, afin
d'établir les causes et les responsabilités de ces crues,
d'évaluer les coûts et de prévenir les risques
d'inondation. La commission d'enquête a rendu publics ses travaux le
25 octobre 2001
1(
*
)
,
après avoir entendu près de 140 personnes et effectué
cinq déplacements (dont quatre dans le département de la Somme et
un aux Pays-Bas).
Elle a formulé trente-trois propositions concrètes pour
améliorer la politique français de lutte contre les inondations,
selon quatre grands axes :
-
connaître pour mieux comprendre
: la synthèse
des faits et la recherche des causes fait ressortir, au-delà de la
complexité géomorphologique et administrative du bassin de la
Somme et du caractère exceptionnel des précipitations
enregistrées, la nécessité de clarifier les
responsabilités en matière d'annonce des crues, de centraliser
l'ensemble des informations sur le cycle de l'eau et de parvenir à une
gestion plus transparente des eaux superficielles du bassin ;
-
prévenir de manière coordonnée
: la
commission d'enquête, convaincue du bien-fondé des plans a
recommandé la mise en place, à une échelle pertinente,
d'une véritable structure de coordination, pour définir un
programme d'aménagement du bassin versant de la Somme ;
-
anticiper pour mieux gérer la crise
: en dépit
d'un bilan des interventions des services civils et militaires globalement
satisfaisant, le délai de réaction initial a été
perçu comme trop long et parfois laborieux. Pour améliorer la
mobilisation des services opérationnels, le recours à la cellule
interministérielle constitue un dispositif original, que la commission
d'enquête a approuvé ;
- réparer de manière équitable en encourageant la
prévention
: le régime des catastrophes naturelles
permet d'indemniser les dommages dans des conditions jugées
satisfaisantes, mais qui pourraient être plus équitables. En
outre, la commission d'enquête a souhaité que le volet
prévention de ce régime soit effectivement
développé. Enfin, s'agissant de l'indemnisation des
calamités agricoles, le principe de la parité du financement
entre l'État et les agriculteurs doit être respecté.
3. Le déminage
a) Les missions de l'unité de déminage
L'unité de déminage, placée sous
l'autorité du directeur de la défense et de la
sécurité civiles du ministère de l'Intérieur, est
constituée de 150 spécialistes dont les missions sont
triples :
- le désobusage et le débombage, consistant à
rechercher, neutraliser et détruire les engins de guerre
laissés sur le sol français
au cours des derniers
conflits ;
-
la lutte contre les engins explosifs improvisés
, consistant
à identifier, désamorcer et enlever tous les engins explosifs,
colis ou objets suspects placés
à des fins
terroristes
;
-
la sécurité des voyages officiels
, consistant
à assister la police nationale dans sa mission de reconnaissance des
lieux fréquentés par les hautes autorités de l'État
en France et à l'étranger.
Les crédits alloués à l'unité de déminage
pour 2001 s'élèvent à 3,20 millions d'euros (20,99
millions de francs).
b) Le stockage et l'élimination des engins de guerre2( * )
Un
quart du milliard d'obus tiré pendant la Première guerre mondiale
et un dixième des obus tirés durant la Seconde guerre mondiale
n'ont pas explosé pendant ces conflits.
Depuis 1945, date à laquelle les opérations coordonnées de
déminage ont commencé, plus de 660.000 bombes ont
été dégagées, de même que 13,5 millions
de mines et 24 millions d'obus ou autres explosifs.
En 56 ans, 617 démineurs ont trouvé la mort en service,
soit en moyenne 11 agents par an.
Au cours de l'année 2000, le service de déminage a
reçu quelque 11.334 demandes d'intervention permettant la
destruction de 435 tonnes de matériel, tandis que 448 missions
de détection étaient réalisées et
273 opérations liées à des voyages officiels
effectués
.
Les sites de stockage de munitions anciennes sont en principe des sites de
transit sur lesquels les munitions collectées par les équipes de
déminage sont déposées au retour des tournées de
ramassage dans l'attente de leur destruction définitive. Ces
destructions ayant lieu très régulièrement, les sites de
stockage ne posent pas de problème particulier de sécurisation
sauf pour trois d'entre eux (Vimy dans le Pas-de-Calais, Montbérault
dans l'Aisne et Woippy dans la Moselle) qui accueillent les munitions chimiques
de la première guerre mondiale découvertes depuis 1993.
En effet, depuis la signature par la France de la convention sur l'interdiction
de l'arme chimique, les munitions toxiques ne sont plus détruites mais
stockées dans l'attente de l'entrée en service d'une unité
industrielle dédiée à leur élimination (programme
SECOIA : site d'élimination des chargements d'objets
identifiés anciens) dont la charge incombe au ministère de la
Défense. Le retard pris par ce programme a pour conséquence que
les trois dépôts du ministère de l'Intérieur sont
confrontés au problème du stockage de masse et de longue
durée de ces munitions alors qu'ils n'avaient jamais été
conçus pour cet usage.
En conséquence, au début de l'année 2001, il a
été décidé de faire procéder, sur chacun des
trois sites, à une étude de dangers et d'impacts. Ces
études confiées à trois sociétés
spécialisées concluaient en mars dernier à la
nécessité de procéder à la réalisation de
travaux de sécurisation immédiats sur les différents
sites, qui ont été engagés sans délais.
Le programme SECOIA pour l'élimination des armes chimiques anciennes est
de la responsabilité du ministre de la Défense. Toutefois, des
contacts réguliers ont lieu entre la Délégation
générale à l'armement (DGA) en charge du projet et le
service du déminage du ministère de l'Intérieur. La
direction générale de l'armement a lancé un nouvel appel
d'offres en vue de sélectionner l'industriel chargé de la
réalisation de l'installation dont l'ouverture est prévue pour
2007.
c) Les opérations de déminage de Vimy et de Châtelet sur Retourne
(1) Vimy (Pas-de-Calais)
Utilisé comme lieu de stockage des anciennes munitions
dès les années 40, c'est à partir
d'août 1967 que les premiers aménagements sont
effectués sur le terrain de Vimy par la pose d'enceinte grillagée.
Jusqu'en octobre 1993, date à laquelle la décision
d'arrêter les tirs en Baie de Somme a été prise, la
totalité des munitions chimiques était détruite au Crotoy.
Après cette date, malgré les études entreprises aucune
solution alternative satisfaisante n'a pu être dégagée. De
fait, compte tenu de ces retards constatés les stocks de munitions
chimiques se sont accumulés d'année en année. De plus, la
création d'une unité de traitement pour ce type de munitions,
initiée dans le cadre du programme SECOI A (site d'élimination
des chargements d'objets identifiés anciens), annoncée pour 2001,
a été retardée d'année en année, sans que
les munitions soient « traitées ».
Des mesures en vue de sécuriser le site ont été prises.
Dès 1993, le grillage périphérique ainsi que le portail
d'accès ont été entièrement remplacés,
à la suite d'effractions, et une nouvelle surveillance par alarme ainsi
que des ronces artificielles ont été installées en 1998.
Une réorganisation complète du site a été
réalisée en 2000, pour un coût total de 0,381 million
d'euros (2,5 millions de francs).
Outre l'amélioration des conditions de stockage, 216 tonnes de
munitions conventionnelles ont été déplacées, en
1998, de Vimy vers le site de Laon-Couvron pour être
pétardées à Sissonne (Aisne). En avril 2001, le site
de Vimy renfermait 176 tonnes de munitions avérées toxiques
et de munitions douteuses.
Au début du mois d'avril 2001, les démineurs ont
remarqué, au cours de leur visite quotidienne du site, que des fonds de
palettes présentaient des déformations. Cette
accélération de la dégradation des caisses a
entraîné la mise en place d'une opération
d'évacuation de 15 tonnes de munitions à parois minces sur
le site militaire de Suippes (Marne). Cette opération, impérative
pour la sécurité des personnes et des biens a
nécessité l'évacuation de 12.500 personnes pendant
plusieurs jours.
(2) Châtelet sur Retourne (Ardennes)
Le
centre de déminage de Châlons en Champagne a été
amené à intervenir à plusieurs reprises, en 2000, pour
procéder à l'enlèvement de plusieurs tonnes d'engins
explosifs découverts lors de fouilles archéologiques
préalables à la construction d'un lotissement sur le territoire
de la commune de Châtelet sur Retourne (Ardennes). Une détection
du site a permis de mettre à jour un stock important de munitions,
estimé à 150 tonnes.
Au terme de l'étude de sécurité, il est apparu qu'un
périmètre de 800 mètres autour du site devait
être constitué, soit la totalité de la superficie de la
commune (environ 600 habitants). Compte tenu de l'évacuation de la
population pendant la durée des travaux et l'interruption des
activités économiques, du trafic ferroviaire et de la
déviation du trafic routier de la route nationale 51, le traitement
de ce chantier a nécessité la mise en place d'une
méthodologie de travail inédite : 53 démineurs,
soit plus d'un tiers de l'effectif opérationnel national devaient se
relayer 24 heures sur 24 pour extraire les munitions, les palettiser et les
convoyer sur le site de stockage de Laon-Couvron avant leur destruction
à Sissonne (Aisne).
Toutefois, la première nuit de travail a démontré que le
risque encouru par les démineurs était important compte tenu des
conditions météorologiques et du danger inhérent. De fait,
la dépollution du site s'est faite de 6 heures à
23 heures pendant 7 jours (du 6 au 12 juin 2001).
Cette opération (132 tonnes de munitions ont été
retirées, soit 8.100 obus allemands) a été
menée à son terme dans de bonnes conditions grâce, en
particulier, au grand professionnalisme et au courage des équipes de
démineurs.