III. UNE RÉFORME ANNONCÉE DE LA SÉCURITÉ CIVILE
A. LA DERNIÈRE ANNÉE DE MISE EN oeUVRE DE LA LOI DE DÉPARTEMENTALISATION
La
loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services
d'incendie et de secours prévoyait la
départementalisation,
dans un délai de cinq ans, des services d'incendie et de secours
,
destinée à leur permettre de faire face avec une plus grande
efficacité à l'accroissement de leurs activités et
à la diversification des risques auxquels ils sont désormais
confrontés.
Elle visait à une mutualisation et à une rationalisation des
services d'incendie et de secours pour offrir à tous des garanties
égales en termes de sécurité
.
Les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS)
créés par la loi sont des établissements publics communs
à l'ensemble des collectivités territoriales et des
établissements publics de coopération intercommunale
concernés dans le département, dont les conseils d'administration
sont composés d'élus locaux.
Le budget du SDIS est alimenté
par des contributions
financières de ces collectivités et établissements
,
fixées par une délibération du conseil d'administration
prise à la majorité des deux tiers des membres présents
ou, à défaut de cette majorité qualifiée, selon des
critères définis par la loi.
Le SDIS a des compétences élargies à la gestion de
l'ensemble des matériels nécessaires aux missions des services
d'incendie et de secours, ainsi que des personnels regroupés au sein du
corps départemental de sapeurs-pompiers.
La départementalisation des services d'incendie et de secours supposait
aussi un
transfert de personnels
relevant des corps communaux ou
intercommunaux vers le corps départemental
et celui des biens,
affectés au service départemental. Ces transferts devaient
intervenir par convention dans un délai de cinq ans à compter de
la loi du 3 mai 1996 précitée, donc, au plus tard, en
mai 2001.
A défaut de signature de la convention dans un délai de six mois
avant le cinquième anniversaire de la loi du 3 mai 1996, une
commission nationale, saisie par le préfet, devait régler les
conditions de ce transfert.
Selon les informations recueillies auprès du ministère de
l'Intérieur, cette commission, installée le
5 décembre 2000, a eu à examiner les dossiers relatifs
à 25 centres d'incendie et de secours de 12 départements
métropolitains ainsi qu'un dossier concernant l'ensemble des transferts
d'un département d'outre-mer. Le ministre de l'Intérieur,
M. Daniel Vaillant, a indiqué le 4 octobre devant le
congrès national de la Fédération des sapeurs-pompiers de
France que deux dossiers seulement avaient fait l'objet d'un contentieux devant
la juridiction administrative.
La commission nationale a arrêté ses décisions d'arbitrage
au cours d'une réunion plénière, le 10 avril 2001, et
les transferts sont, en principe, effectifs dans tous les départements
depuis le 3 mai 2001.
Le ministère de l'Intérieur n'exclut pas cependant que certains
dossiers litigieux de transfert ne lui aient pas été transmis en
temps utile. Aussi a-t-il, par note du 5 juin 2001, demandé aux
préfets de veiller à ce que les éventuels dossiers en
suspens connaissent un règlement rapide.
Par ailleurs, le ministère de l'Intérieur indique que
82 schémas départementaux d'analyse et de couverture des
risques (SDACR) ont été arrêtés par les
préfets. Ce document, qui dresse l'inventaire des risques de toute
nature auxquels doit faire face le SDIS et définit les objectifs pour
leur couverture, traduit le niveau de connaissance des risques dans un
département.
B. LES ÉVOLUTIONS STATUTAIRES DE L'ANNÉE
1. La réforme de la filière des sapeurs-pompiers professionnels
La filière des sapeurs-pompiers professionnels a fait l'objet de six décrets du 30 juillet 2001.
-
• Le décret n° 2001-680 modifie le cadre statutaire des
agents de catégorie C (sapeurs-pompiers professionnels non
officiers). Il organise deux concours externes de sapeurs-pompiers, dont un
réservé aux sapeurs-pompiers volontaires. La carrière des
agents de cette catégorie est aménagée de manière
plus linéaire.
• Le décret n° 2001-681 concerne le statut particulier des majors et lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels. Le grade de major, créé par ce texte, permet d'offrir une promotion aux sous-officiers confirmés. Le grade de lieutenant, accessible par concours, permet ensuite la promotion au grade de capitaine par la voie interne, sur la base de l'expérience acquise.
• Le décret n° 2001-682 redéfinit les rôles des officiers, du capitaine au colonel. Ils sont chargés de fonctions de direction et d'état major au sein des SDIS. En sont issus, après un parcours professionnel comportant une obligation de mobilité, les directeurs départementaux des services d'incendie et de secours et les directeurs adjoints.
• Le décret n° 2001-683, relatif aux emplois de direction des services départementaux d'incendie et de secours, détermine les modes de calcul de l'effectif d'encadrement des sapeurs-pompiers, qui prend désormais plus en considération les effectifs de volontaires. Ce texte définit également les conditions d'accès aux emplois de direction des SDIS, fondées sur un apprentissage opérationnel.
• Le décret n° 2001-684 définit le régime indemnitaire des personnels du service de santé et de secours médical, sur la base de celui applicable à la filière médicale de la fonction publique territoriale.
• Le décret n° 2001-685 accorde aux directeurs départementaux et à leurs adjoints une bonification indiciaire calculée sur la base des responsabilités exercées et de l'importance du SDIS.
2. La mise à disposition de l'État de sapeurs-pompiers professionnels
L'article 30 de la loi n° 2001-624 du
17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social,
éducatif et culturel
confère une base juridique à la
mise à disposition de l'État de sapeurs-pompiers
professionnels
pour y assurer des missions de sécurité
civile
et valide en conséquence les services effectués comme
services effectifs dans leur cadre d'emploi, notamment en ce qui concerne les
droits à pension.
En effet, aucun texte ne prévoyait la mise à disposition d'un
fonctionnaire territorial dans un emploi de l'État. Pour autant,
près de 70 sapeurs-pompiers effectuent actuellement des
tâches incombant à l'État et pour lesquelles il n'existe
pas un corps de fonctionnaires spécialisés.
Cette disposition nouvelle, qui fait suite à une observation de la Cour
des comptes, devra être complétée par un décret en
cours de préparation.
3. L'aménagement et la réduction du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels
L'article 21 de la loi n° 2001-2 du
3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi
précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction
publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale
charge les collectivités territoriales et leurs établissements
publics de déterminer les règles relatives à la
définition, à la durée et à l'aménagement du
temps de travail de leurs agents, dans les limites applicables aux agents de
l'État.
Les règles applicables en la matière aux agents de l'État,
fixées par le décret n° 2000-815 du
25 août 2000 relatif à
l'aménagement et à la
réduction du temps de travail
dans la fonction publique de
l'État ne sont pas toutes compatibles avec les régimes de service
existant chez les sapeurs-pompiers professionnels.
Ainsi, le régime de travail négocié par les SDIS dans le
cadre des « 35 heures » prévoit-il un
système de coefficient d'équivalence entre temps de travail et
temps de présence, alors que, pour la fonction publique de
l'État, la durée du travail effective est définie comme le
temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur
et doivent se conformer à ses directives « sans pouvoir vaquer
librement à des activités personnelles »
(article 2 du décret du 25 août 2000
précité).
L'article 3 du même décret fixe à 12 heures
l'amplitude maximale de la journée du travail, alors qu'un certain
nombre de SDIS fonctionnent avec un régime de gardes de 24 heures.
Le décret du 25 août 2000 précité
prévoit cependant la possibilité de déroger par
décret aux principes qu'il détermine. Les dispositions
dérogatoires en ce qui concerne les sapeurs-pompiers professionnels sont
actuellement à l'étude.
4. La prise en compte des difficultés des sapeurs-pompiers professionnels de plus de 50 ans
La
loi n° 2000-628 du 7 juillet 2000
3(
*
)
, adoptée dans les mêmes
termes par les deux assemblées, a transposé les dispositions d'un
protocole d'accord conclu le 22 décembre 1999 à l'issue
de mouvements sociaux portant sur l'âge de départ à la
retraite des sapeurs-pompiers professionnels, fixé à 60 ans
ou à partir de 55 ans pour ceux qui ont effectué
15 années de service actif.
Ces textes accordent aux
sapeurs-pompiers professionnels âgés
d'au moins 50 ans et rencontrant des difficultés
médicalement constatées pour accomplir leur activité
opérationnelle
,
un choix
entre, soit un aménagement
des
conditions de reclassement dans la fonction publique territoriale
avec préservation du traitement antérieur et des droits
à pension à partir de 55 ans, soit un
congé avec
75 % du traitement
suivi d'une admission à la retraite à
55 ans.
Le décret prévu par la loi, pour en déterminer les
conditions d'application, vient d'être publié. Il s'agit du
décret n° 2001-970 du 29 août 2001.
C. UNE AMORCE DE RÉFORME TEINTÉE D'INTERROGATIONS
Dans
l'attente du dépôt avant la fin de la présente année
d'un projet de loi de modernisation de la sécurité civile,
annoncé par M. Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur le
7 octobre 2000, le Gouvernement a inséré dans le projet
de loi relatif à la démocratie de proximité un chapitre
comportant des dispositions relatives au fonctionnement et au financement des
SDIS.
Les dispositions proposées ont été modifiées et
complétées par l'Assemblée nationale le
25 juin 2001
4(
*
)
.
1. Le projet de loi relatif à la démocratie de proximité
Les dispositions du projet de loi relatif à la démocratie de proximité concernant les SDIS portent sur leur fonctionnement et leur financement. Elles concernent aussi les centres de première intervention non intégrés aux SDIS.
a) Le financement des SDIS
Le texte
adopté par l'Assemblée nationale
supprimerait, à
compter du 1
er
janvier 2006, les contributions des communes et
des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)
au fonctionnement des SDIS
, le financement étant alors
intégralement supporté par le département.
Durant les exercices budgétaires précédents celui de 2006,
le montant global des contributions des communes et des EPCI ne pourrait
excéder le chiffre de l'année antérieure, majoré de
la hausse des prix.
Avant le 1
er
janvier 2006, l'écart maximum entre la
plus haute et la plus basse contribution des communes et des EPCI par habitant
ne devrait pas dépasser, dans chaque département, une fourchette
de un à trois.
Le département disposerait de la majorité des sièges au
sein du conseil d'administration du SDIS
et le budget serait voté
à la majorité simple (au lieu de la majorité des deux
tiers).
Chaque contribuable recevrait, en annexe à son avis d'imposition
à la taxe d'habitation,
une information sur le montant par habitant
des contributions financières des collectivités
concernées
au fonctionnement des SDIS.
Enfin, le texte proposé comporte des dispositions concernant les
relations financières des SDIS avec
les
services d'aide
médicale d'urgence
(SAMU) et avec les sociétés
concessionnaires d'autoroute
.
Les interventions demandées par la régulation médicale du
centre 15, en cas de non disponibilité des transporteurs sanitaires
privés, pourraient faire l'objet d'une prise en charge financière
par les établissements de santé sièges des SAMU, dans des
conditions à déterminer par convention.
De même, une convention annuelle entre les SDIS et les
sociétés d'autoroute fixerait les conditions de prise en charge
des interventions effectuées sur le réseau d'autoroute
concédé. La convention prévoirait aussi des conditions de
mise à disposition des SDIS des infrastructures pour les interventions
d'urgence (dispense de paiement des péages, en particulier).
b) Le fonctionnement des SDIS
Les
règles de composition des conseils d'administration des SDIS seraient
simplifiées et clarifiées, le département devenant
majoritaire, tandis que
les communes et les structures intercommunales
préserveraient une représentation, y compris lorsque leur
contribution financière serait supprimée
(1
er
janvier 2006).
Les communes pourraient être représentées par les
maires-adjoints (actuellement, seul le maire peut être
délégué de la commune). Les représentants des
collectivités seraient élus dans les quatre mois suivant le
renouvellement général ou partiel de l'assemblée
délibérante concernée (le renouvellement
général tous les trois ans serait donc remplacé par un
renouvellement général ou partiel tous les trois ans,
après les élections locales).
Le conseil d'administration du SDIS pourrait déléguer une partie
de ses attributions (sauf en matière financière) à son
bureau qui, actuellement limité à son président et un
vice-président, pourrait compter jusqu'à cinq membres dont deux
vice-présidents.
Les fonctions du président du conseil d'administration seraient
précisées, ainsi que les conditions dans lesquelles il pourrait
déléguer une partie de ses fonctions et celles dans lesquelles il
serait remplacé provisoirement en cas d'empêchement.
Le texte accorde aussi au président du conseil d'administration la
possibilité de déléguer sa signature au directeur
départemental ou, le cas échéant, au directeur-adjoint,
dont l'emploi pourrait être créé dans les
départements comptant plus de trois cents sapeurs-pompiers
professionnels.
Le texte prévoit aussi des règles de non cumul des
indemnités de fonction des présidents et vice-président de
SDIS avec celles des présidents ou vice-président de conseil
général ou d'EPCI, de maire d'une commune de plus de
50.000 habitants et d'adjoint au maire d'une commune de plus de
100.000 habitants.
Enfin, les conditions de versement des vacations horaires dues aux
sapeurs-pompiers volontaires seraient précisées par la loi, qui
leur permettrait aussi d'être dispensés de certains examens ou de
formation continue lorsqu'ils disposeraient d'un niveau d'expérience
reconnu par une commission.
c) Le maintien en activité des centres de première intervention
Les
communes et les EPCI qui le souhaitent peuvent conserver la gestion de leur
centre de première intervention, sous réserve que celle de leurs
équipements relève actuellement de la compétence exclusive
des SDIS.
La loi préserverait le maintien des centres de première
intervention relevant des communes et des EPCI, en dépit de la
départementalisation des services d'incendie et de secours, les
récentes catastrophes ayant démontré -si
nécessaire- l'efficacité des sapeurs-pompiers volontaires servant
dans les unités les plus proches de la population.
Les modalités d'intervention opérationnelle de ces centres de
première intervention et celles de participation du SDIS à leur
fonctionnement seraient fixées par convention.
Les dispositions actuelles attribuant au SDIS la compétence exclusive
pour l'acquisition et la gestion des matériels des centres de
première intervention non intégrés seraient assouplies
pour permettre aux communes et aux EPCI concernés de participer à
une telle gestion dans des conditions fixées par convention.
2. La préparation de la loi de modernisation
M. Lionel Jospin, Premier ministre, a confirmé,
le
6 octobre 2001 devant le Congrès de la Fédération
nationale des sapeurs-pompiers de France, à Saint-Brieuc (Côtes
d'Armor) le dépôt d'un projet de loi de modernisation de la
sécurité civile avant la fin de l'année.
L'inscription du texte à l'ordre du jour des assemblées n'est pas
prévue avant la fin de la présente législature, comme M.
Daniel Vaillant, ministre de l'Intérieur l'a confirmé à
votre commission des Lois le 21 novembre 2001.
Quoiqu'il en soit, un réexamen des dispositions législatives
devrait s'imposer.
Il est cependant surprenant que cette révision
soit engagée dans deux textes successifs, au lieu de faire l'objet d'un
examen d'ensemble
.
Le Premier ministre a évoqué plusieurs dispositions qui
pourraient figurer dans ce texte :
- création d'un
comité interministériel de la
protection civile
, placé sous l'autorité du Premier ministre
et chargé de renforcer au plan national le caractère
interministériel de la sécurité civile ;
-
renforcement de l'échelon zonal
pour favoriser la
mutualisation des moyens et la coopération civilo-militaire, les limites
territoriales des zones de défense civiles et militaires coïncidant
depuis 1992.
Un établissement public interdépartemental d'incendie et de
secours serait créé dans chaque zone de défense et le
rôle du préfet de zone serait renforcé.
Le préfet de zone serait doté de moyens propres, notamment sous
la forme d'une unité d'intervention et de secours permettant d'apporter
une réponse appropriée en cas de crise importante et de longue
durée.
Votre rapporteur observe que la pertinence d'un tel dispositif
-intéressant dans son principe- sera liée aux moyens qui seront
effectivement déployés, en particulier pour ce qui concerne le
financement par l'État des futures structures zonales.
Pour illustrer ce point, on remarquera que la zone de défense de Lille
n'est toujours pas, contrairement aux autres zones de défense,
dotée d'un état-major de sécurité civile et d'un
centre interrégional de coordination de la sécurité civile
(CIRCOSC)
5(
*
)
. La date
prévue pour doter cette zone des mêmes moyens que les autres,
fixée initialement au 1
er
juillet 2001 a
été reportée au 1
er
trimestre 2002.
Le projet de loi devrait aussi
clarifier et simplifier la législation
sur la planification de la gestion des crises
(plans ORSEC, plans
d'urgence, plan rouge, plans particuliers d'intervention, plans de secours
spécialisés).
Enfin, les
gestionnaires des réseaux de services essentiels
(eau,
électricité, téléphone) devraient être tenus
de proposer au préfet
un plan départemental de
sécurité des réseaux
dont ils ont la charge, analysant
les risques prévisibles et prévoyant les dispositions pour
rétablir le fonctionnement du service en cas d'interruption.
Il apparaît, à ce stade, prématuré de prendre
position à partir de la simple annonce de dispositions susceptibles de
figurer dans le projet de loi.
Votre commission des Lois les examinera le moment venu en particulier pour
s'assurer que ces réformes ne seront pas source de charges
financières supplémentaires pour les collectivités
territoriales.
*
* *
Ces observations ont conduit votre commission des Lois à vous proposer le rejet des crédits de la sécurité civile inscrits au budget du ministère de l'Intérieur pour 2002.