II. LES PROGRAMMES DE RENOUVELLEMENT OU DE MODERNISATION DE LA FLOTTE
A. LES NOUVEAUX TRANSPORTS DE CHALANDS DE DÉBARQUEMENT (NTCD)
Le
programme NTCD vise à remplacer les TCD les plus anciens
« Ouragan » et « Orage » en 2005 et
2006 par les TCD « Mistral » et
« Tonnerre ». Leur livraison a été
reculée d'un an. Ils viendront compléter les deux bâtiments
amphibies les plus modernes « Foudre » et
« Siroco ». Ces deux bâtiments ont été
commandés en décembre 2000.
Bâtiments d'un tonnage de l'ordre de 20 000 tonnes à pleine
charge, les NTCD auront une vitesse maximale de 19 noeuds, seront
propulsés par « pods » orientables et seront
armés par un équipage de 160 hommes. Ils pourront embarquer 450
hommes et 60 véhicules. Ils seront dotés d'un pont d'envol
continu avec 6 spots pour hélicoptères (NH 90 ou Tigre) et d'une
capacité de stocker 10 à 16 hélicoptères. Leur
radier pourra contenir quatre chalands de débarquement ou deux engins
sur coussin d'air américain. Les choix techniques sont en
cohérence avec le concept national des opérations amphibies
(CNOA) qui donne la priorité à l'aéromobilité des
troupes transportées grâce aux hélicoptères.
L'accueil d'avions à décollage vertical n'entre pas dans ce
concept. Lors d'une opération amphibie, l'appui feu aérien serait
fourni par les avions embarqués à bord du porte-avions. En cas
d'indisponibilité du « Charles de Gaulle », cet
appui serait fourni par des porte-aéronefs alliés.
Ces NTCD sont également des bâtiments de commandement car ils
seront dotés d'importants moyens de transmission et de traitement de
l'information. Ils pourront accueillir un PC de théâtre
interarmées et interalliés de 150 postes de travail. Des
extensions seront possibles grâce à des modules (50 à 100
postes supplémentaires).
Leurs capacités de combat et d'autodéfense sont par contre
réduites au minimum, ils devront donc être escortés.
Globalement leurs capacités d'action seront supérieures aux deux
LPD (Landing platform dock) HMS Albion et Bulwark de la Royal Navy qui ont un
déplacement de 18 500 tonnes, peuvent embarquer 300 hommes et des
hélicoptères sur une distance 8 000 nautiques à 15 noeuds
(11 000 pour les NTCD). Ils seront toutefois tous les deux en service,
dès 2003, plusieurs années avant les bâtiments
français.
Ces bâtiments seront construits sur des normes civiles comme les LPD
néerlandais « Rotterdam » ou LPH britannique
« Ocean » (porte-hélicoptères sans radier)
pour des raisons d'économie. La maîtrise d'oeuvre d'ensemble est
confiée à DCN ainsi que le système de combat. Les
Chantiers de l'Atlantique construiront la partie avant des navires,
l'assemblage avec la partie arrière sera réalisé à
Brest.
La batellerie ne pourra en revanche être remplacée dans le
même temps (coût évalué à 61 M €) en
raison de la concomitance de programmes majeurs dans une enveloppe
budgétaire réduite.
Le coût prévisionnel du programme est de 606,75 M €. Les
crédits inscrits en 2002 représentent, en AP 68 M € et en CP
153,9 M €.
Dans le cadre d'opérations de projection, le ministère de la
défense peut également faire appel à des navires marchands
affrétés dans le cadre d'un appel d'offres restreint en urgence
(article 61-II du code des marchés publics). Cette pratique est
courante, en 1999 par exemple, 29 navires ont été
affrétés dans le cadre des opérations Trident et
Salamandre.
Le besoin en navires de transport maritime a été
dégagé lors des conférences d'engagement visant à
la construction d'une force européenne de réaction rapide. 48
navires rouliers civils seraient nécessaires pour le soutien de la force
projetée (60 000 hommes pendant un an) en complément des moyens
militaires. Pour l'instant, seuls les Britanniques ont proposé la mise
à disposition de trois navires civils. En outre, les perspectives
d'évolution de la flotte civile avec l'augmentation du nombre de
pore-conteneurs au détriment des navires rouliers conduit à
penser que l'affrètement de moyens civils ne permettra pas de faire face
aux besoins militaires en temps de crise.
Prenant en considération cette situation, les Etats-Unis
prévoient de garder une totale autonomie en la matière et le
Royaume-Uni a décidé d'acquérir la disponibilité de
6 navires de transport rouliers par l'intermédiaire d'un marché
spécifique de fourniture de service (PFI- private finance initiative).
Au niveau européen, la coopération avec les Pays-Bas n'a pas
encore abouti, tandis qu'un prochain accord est envisagé avec
l'Allemagne pour gérer en commun cette capacité.
Votre rapporteur souhaite donc vivement que, comme en matière de
transport et de ravitaillement aérien militaire, un accord
européen soit conclu permettant la mise en commun des moyens et la
résorption du déficit de capacité mis en évidence
pour le déploiement d'une force européenne.
B. LES FRÉGATES « HORIZON »
Le
remplacement des deux frégates
lance-missiles « Suffren » et
« Duquesne », qui datent de 1967 et 1970, est une des
priorités de la Marine. Car depuis le retrait du service actif du
« Suffren » le 1er avril 2001, elle ne dispose plus que de
trois frégates anti-aériennes au lieu de quatre prévues
dans le modèle 2015. Un réarmement de la frégate
« Suffren » est exclu, des prélèvements de
matériels étant effectués pour assurer l'entretien de son
« sister ship » le « Duquesne ».
Jusqu'à l'admission de la seconde frégate anti-aériennes
Horizon le « Chevalier Paul » en 2008, la Marine assurera
un moins grand nombre de missions, les bâtiments restants étant
affectés en priorité à la protection du groupe
aéronaval ou du groupe amphibie. Le format de quatre frégates
(disponibles environ la moitié du temps) apparaît comme minimal
pour assurer la protection d'une force navale dans un environnement hostile. La
protection simultanée de deux groupes nécessiterait six
frégates en parc. Il faut d'ailleurs souligner que la Royal Navy
maintient son objectif d'acquérir 12 frégates
antiaériennes T 45 très proches des frégates Horizon pour
assurer l'escorte de leurs deux porte-avions futurs et pour peser
systématiquement dans les opérations aéromaritimes
à venir.
Le programme Horizon a pour but de remplacer les deux frégates les plus
anciennes, puis ultérieurement, les deux autres
(« Cassard » et « Jean-Bart », en
service depuis 1988 et 1991). Ce programme comprend deux volets : la
construction de nouveaux bateaux stricto sensu et celle de leur système
d'armes.
La construction des nouvelles frégates se fera dans le cadre d'un
programme en coopération avec l'Italie, le Royaume-Uni s'étant
retiré en avril 1999. La définition d'une frégate aux
caractéristiques communes a été décidée en
septembre 1999 entre les deux pays, le Royaume-Uni continuant de participer
à l'élaboration du système de combat dans le programme
PAAMS (Principal Anti Airmissile System). Le contrat des quatre
premières frégates a été notifié le 27
octobre 2000 : deux frégates pour chaque pays. En
conséquence, la charge de travail est partagée à
égalité.
La construction de la première frégate débutera en 2004.
Les frégates françaises seront livrées en décembre
2006 (le « Forbin ») et mars 2008 (le « Chevalier
Paul »). A titre de comparaison, la première frégate T
45 britannique sera livrée en 2008 et les suivantes à un rythme
rapide. Ces deux frégates seront en définitive très
proches. Les T 45 seront un peu plus grosses : 7 350 tonnes contre 6 700.
Elles auront la même vitesse, la même autonomie et un
équipage de même taille (190 personnes). La principale
différence sera l'adoption par les T 45 d'un radar plus moderne qui
devrait permettre une meilleure détection des missiles mais qui doit
être mis au point.
Le coût total du programme, pour deux frégates Horizon, est
estimé à 1 881,5 M €. En 2002, 424 millions d'euros
d'autorisations de programme et 289 M € de crédits de paiement sont
prévus.
Le programme PAAMS doit permettre aux frégates d'assurer la protection
d'une force navale contre une menace aérienne comprenant des missiles
supersoniques manoeuvrants. Il mettra en oeuvre des missiles Aster 15 (30km de
portée) et 30 (70 à 100 km de portée et 20 000
mètres d'altitude) issus du programme franco-italien FSAF (Future
Surface-Air Family). 48 missiles par navire sont prévus et seront
lancés verticalement (lanceurs Sylver). 5,17 M € d'autorisations de
programme et 71,04 M € de crédits de paiement sont prévus en
2002 pour la poursuite de ce programme.
C. LES FRÉGATES MULTI-MISSIONS (FMM)
L'objet de ce programme est d'assurer le remplacement du
coeur
de la flotte de surface. Un seul type de navire remplacera, à partir de
2008, trois séries de bateaux : les avisos A 69, et les
frégates anti-sous-marines F67 et F70. La Marine a décidé
de privilégier la logique industrielle avec la mise en place d'un seul
programme sur une brève durée plutôt que de remplacer sur
une longue durée et en fonction de leur âge ces bâtiments.
Il aurait été trop coûteux de conduire trois programmes
différents sur 15 ans.
Dans le cadre du programme FMM, la Marine s'efforce également
d'intégrer les réflexions les plus récentes visant
à maîtriser le coût de possession sur la durée de vie
des bâtiments. Au-delà de la logique industrielle retenue pour la
construction, les efforts portent surtout sur la réduction de
l'équipage (95 personnes environ) et des coûts de maintien en
condition.
17 frégates multi-missions sont prévues au total. A partir d'une
base unique modulaire, deux versions seront déclinées :
lutte anti-sous-marine (ASM- 8 unités à partir de 2010) et action
vers la terre (AVT- 9 unités à partir de 2008). Les
frégates AVT seront plus particulièrement dédiées
à l'appui et au soutien des opérations de projection avec une
capacité de frappe dans la profondeur, de recueil de renseignement, de
déploiement de forces spéciales, d'appui et d'escorte de forces
amphibies ou logistiques. Les frégates ASM seront dédiées
aux opérations de lutte contre les sous-marins pour assurer la mise en
oeuvre de la force océanique stratégique et d'un groupe
aéronaval ou amphibie.
Les premières commandes sont prévues en 2003 et le début
des construction en 2004. Les livraisons se feront à un rythme
rapide de deux frégates par période de trois ans.
Pour 2002, 22,87 millions d'euros d'AP et 21,34 M € de CP sont inscrits au
PLF (avec reports).
D. LE PROGRAMME DE SNA FUTUR « BARRACUDA »
Depuis
le retrait courant 2001 du dernier sous-marin diesel du type « La
Praya », le « Ouessant », la Marine
française ne dispose plus que de six sous-marins nucléaires
d'attaque (SNA).
Le programme Barracuda, lancé en octobre 1998, vise à remplacer
les six SNA du type « Rubis », modernisés au
standard « Améthyste » (Amélioration
tactique, hydrodynamique, silence, transmissions, écoute). Le plus
ancien de ces SNA a été mis en chantier en 1976 et est
entré en service en 1983. Le dernier SNA de cette
génération, le « Perle », a été
admis au service actif en 1993. Ces sous-marins doivent être
retirés du service au bout de 30 ans de service, donc entre 2010 et 2030.
L'entrée en service du premier sous-marin
« Barracuda », initialement prévue en 2010, est
désormais programmée pour 2012 dans le PLF 2002 et le projet de
loi de programmation militaire pour 2003-2008. Les sous-marins anciens ont donc
été prolongés d'autant.
Ces sous-marins reprendront l'ensemble des missions dévolues aux
Rubis : sûreté des déploiements de la force
océanique stratégique (FOST), liberté d'action du groupe
aéronaval par des actions anti-sous-marine et anti-surface. Ils seront
également dotés de la capacité de mener des
opérations de renseignement (écoute et mise en oeuvre de
commandos- nageurs de combat) et de frappe dans la profondeur grâce
à des missiles de croisières lancés à partir des
tubes lance-torpilles. Ils pourraient en embarquer plus d'une dizaine.
Rappelons que ce type de missiles de croisière à changement de
milieu est déjà en service depuis plusieurs années dans
les marines américaines et britanniques.
Ce sous-marin aura un tonnage d'environ 4 000 tonnes, sera capable d'une
vitesse supérieure à 22 noeuds. Son équipage sera de 60
hommes avec une autonomie de 70 jours.
La première unité devrait être mise en chantier en 2004. A
partir de 2012, le rythme des livraisons devrait être d'un sous-marin
tous les deux ans.
Le coût estimé du programme est de 4,5 milliards d'euros (1999).
Le PLF 2002 prévoit de consacrer 48,17 millions d'euros de CP et 89,9
millions d'euros d'AP à son développement.
E. LE PROGRAMME SCALP-NAVAL
Ce
programme est au stade de préparation depuis juillet 2000, il devrait
être lancé dès le début de l'année 2002. Il a
pour objectif de mettre au point une version navale du missile SCALP-EG (emploi
général)/ Storm Shadow qui sera tiré à partir des
avions Rafale Air ou Marine. Il doit permettre de doter les bâtiments de
la Marine de la capacité de frapper avec précision dans la
profondeur des terres et ainsi de participer à toutes les phases de la
gestion de crise, le lancement de missiles de croisière intervenant le
plus souvent avant les frappes aériennes. La France disposerait ainsi
d'un outil politique supplémentaire à parité avec les
Etats-Unis et le Royaume-Uni qui possèdent des Tomahawk. Il aura
d'ailleurs des performances comparables à celles du « tactical
tomahawk » qui prendra la relève du missile actuellement en
service.
Ce missile devrait équiper les frégates multi-missions d'action
vers la terre (FMM-AVT) à partir de 2011. Leur lancement s'effectuerait
par tubes verticaux (lanceurs Sylver des missiles Aster). Chaque frégate
pourrait disposer d'une trentaine de missiles. Le respect de cette
échéance impose la livraison des premiers missiles dès
2010. Les SNA Barracuda devrait également en disposer à partir de
2013, ce qui imposera une adaptation du missile à son lancement par les
tubes lance-torpilles en plongée (changement de milieu, enveloppe
cylindrique, évolution de l'aérodynamique et de la charge
militaire du missile).
Ce missile est a priori conçu pour équiper la marine
française mais il n'est pas exclu qu'il puisse intéresser la
Royal Navy pour équiper ses futures frégates. Ces
bâtiments, qui doivent être opérationnels à partir de
2013, devraient être dotés des mêmes lanceurs pour les
missiles Aster ; le Scalp-Naval serait alors le missile le plus
adapté. Si tel était le cas, les marines et les armées de
l'air des deux pays seraient dotées des mêmes missiles dans leurs
différentes versions.
F. LA MODERNISATION DES CHASSEURS DE MINES
Les
principales missions des chasseurs de mines sont d'assurer en permanence la
sûreté de déploiement de la FOST, la protection des
approches des principaux ports français et la projection en dehors de
métropole pour participer au déminage de certaines zones et
ainsi assurer la sécurité des déplacements des
bâtiments de guerre et de commerce. Lors de la guerre du Golfe en 1991,
les CMT français avaient ainsi détruit plus de 250 mines.
Les chasseurs de mines de la Marine, dits "chasseurs de mines tripartites"
(CMT) en raison de l'origine multinationale du programme, doivent être
modernisés pour leur donner la capacité de détecter les
mines les plus modernes, qui sont plus discrètes grâce à
des formes furtives, des matériaux absorbants et une taille
réduite (types Manta et Rockan). Ces chasseurs de mines ayant
été conçus avec la Belgique (7 CMT) et les Pays-Bas (15
CMT), il aurait été souhaitable d'opérer cette
modernisation à mi-vie dans le même cadre trilatéral. Cette
solution n'a pu être retenue en raison de problème
budgétaire en Belgique et de choix industriels et techniques
différents de la Marine néerlandaise.
Le programme de modernisation porte essentiellement sur le système
d'armes des 13 chasseurs de mines :
- acquisition de 10 véhicules porteurs de sonar à immersion
variable (PVDS) et mise à niveau des 13 CMT pour exploiter ce nouveau
matériel ;
- le remplacement du sonar de coque "détecteur" par un sonar
numérique bi-fréquences ;
- le remplacement du système tactique ;
- la numérisation du sonar de coque
« classificateur » ;
- le remplacement d'une partie du système de pilotage automatique ;
- l'amélioration de la chaîne de visualisation du véhicule
d'intervention ( poisson autopropulsé -PAP 104) ;
- la mise en place d'une capacité d'entraînement à bord des
bâtiments.
Il résulte de ces modifications que le système de
détection des CMT passera d'un ensemble comprenant deux sonars et deux
fréquences à cinq chaînes de sonar et trois
fréquences. L'intégration d'un sonar propulsé
améliorera très sensiblement les capacités d'action de ces
bâtiments.
Toutes les modernisations ont fait l'objet d'une commande globale. Les
livraisons vont commencer à partir de juin 2002. En 2003, quatre CMT
seront modernisés, cinq en 2004 et trois en 2005. Ces travaux sont
combinés avec les IPER des bâtiments.
Le coût de l'ensemble du programme est estimé à 134,46
millions d'euros (2000). On constate pour l'instant de légers
surcoûts, le prix unitaire de ces modernisations passant de 7,2 millions
d'euros à 7,34. En 2002, ce programme disposera de 4,61 millions d'euros
d'autorisations de programme et de 27,93 millions d'euros de crédits de
paiement.