II. LES CAPACITÉS DE PROJECTION DE L'ARMÉE DE TERRE
En
dépit de la forte réduction du format de l'armée de terre,
sa professionnalisation doit permettre une augmentation notable de la
capacité de projection, toutes les unités ayant désormais
vocation à participer aux opérations extérieures.
L'objectif arrêté lors de la mise en oeuvre de la réforme
des armées est en passe d'être atteint mais les exigences
liées aux opérations dans un contexte de sous-effectif imposent
un rythme d'activité soutenu.
Relativement satisfaisant concernant la constitution des
« réservoirs » de forces prévus, le
développement de la capacité de projection de l'armée de
terre pourrait à l'avenir buter sur des insuffisances ou des limitations
capacitaires liées au vieillissement de nombreux équipements dont
les échéances de remplacement par des matériels modernes
demeurent lointaines.
A. LES EFFECTIFS PROJETABLES APPROCHENT L'OBJECTIF FIXÉ AU PRIX D'UN RYTHME D'ACTIVITÉ SOUTENU
1. L'augmentation des capacités de projection
La
professionnalisation de l'armée de terre se traduira sur la durée
de la loi de programmation par une forte réduction de ses effectifs
militaires et un
quadruplement,
dans le même temps,
de sa
capacité de projection
.
En effet, partant de 237 000 militaires en 1996, dont environ 25 000 pouvaient
être projetés sur les théâtres extérieurs,
elle ne comptera plus en 2002 que 138 000 militaires dont près de 100
000 auront vocation à être projetés.
Cette évolution doit permettre de remplir le contrat opérationnel
fixé par la loi de programmation qui assigne à l'armée de
terre l'objectif suivant :
- soit être capable de déployer à distance, sous un
commandement multinational et interarmées, 30 000 soldats avec des
relèves partielles pendant un an et de projeter simultanément,
sous commandement national, une force de 5 000 militaires relevables tous les
quatre mois ;
- soit engager plus de 50 000 soldats sans relève pour une durée
d'un an dans une intervention majeure.
Parallèlement, la réalisation de cet objectif impose un effort
prioritaire sur les systèmes de commandement interopérables avec
les alliés, les moyens d'acquisition du renseignement, les
capacités en matière de combat blindé, de feux indirects
et de défense sol-air et les équipements de protection des
combattants.
Le réservoir de forces projetables de l'armée de terre qui
devrait atteindre 97 800 hommes en 2002, est passé de 65 000 hommes en
1998 à 75 000 en 1999, 82 000 en 2000 et 84 000 en 2001.
A l'heure actuelle, l'armée de terre s'estime en mesure de
déployer 20 000 hommes hors de métropole (contre 12 000 en
1991), l'effectif pouvant être porté à 30 000 hommes en
l'absence de relève. L'objectif fixé pour 2002 est de pouvoir
engager 35 000 hommes hors de métropole, et jusqu'à 50 000, sans
possibilité de relève, en cas de crise extrême.
Dans le cadre de la constitution de la force de réaction rapide
arrêtée lors du Conseil européen d'Helsinki
(réservoir de forces de 100 000 hommes), l'armée de terre
française fournirait environ le cinquième de l'ensemble des
contributions européennes (réservoir de 20 500 hommes et
12 000 hommes projetables). Le soutien national de ces
éléments est assuré par 3 600 hommes projetables en
tant que de besoin.
EVOLUTION DES CAPACITÉS DE PROJECTION
DES
PRINCIPALES
ARMÉES EUROPÉENNES
|
2001 |
2002 |
Allemagne |
12.000 hommes |
37.000 hommes |
Espagne |
13.000 hommes |
15.000 hommes |
France |
20.000 hommes |
35.000 hommes |
Italie |
10.000 hommes |
22.000 hommes |
Royaume-Uni |
33.000 hommes |
35.000 hommes |
2. Une armée de terre très sollicitée pour les missions de projection extérieures et « intérieures »
L'effectif des
forces engagées en opérations
extérieures
est toujours compris entre 8 000 et 9 000 hommes.
Le surcroît de tension au Kosovo en mars 2000 a imposé la
projection d'un bataillon d'infanterie supplémentaire maintenu depuis.
La France a participé à l'intervention en Macédoine au
titre de l'opération Task Force Harvest du 25 août au 25
septembre. Au titre de l'opération « Amber Fox »
actuellement en cours, elle fournit 156 hommes depuis le 3 octobre.
Une diminution de 220 hommes en Bosnie est en revanche envisagée en
2002.
L'effectif des
forces stationnées hors de métropole
s'est
stabilisé à 8 900 hommes après l'achèvement
des restructurations du dispositif outremer.
S'agissant des forces stationnées hors de métropole, le recours
accru aux personnels tournants, affectés pour des séjours de
courte durée (4 mois en principe), répondait tant à un
souci d'économie, le régime de rémunération
étant moins coûteux que celui des personnels affectés pour
une longue période, qui se déplacent généralement
avec leur famille, qu'à la volonté d'habituer les forces aux
missions de projection.
La proportion de personnels tournants est passée en deux ans de
34 % à 49 % pour les forces de souveraineté et atteint 62 %
pour celles stationnées en vertu d'un accord de défense et de
coopération. En 2000, l'essentiel des nouvelles structures outre-mer a
été mis en place. Le renfort tournant qui vient compléter
le socle permanent est constitué de 37 modules répartis en trois
types : unités de mêlée ou d'appui, unités
toutes armes et module « renfort commandement/soutien ».
Si ce nouveau concept prépare bien l'ensemble des forces terrestres
à sa mission prioritaire de projection, il apparaît en revanche
que
l'actuel ratio permanents/tournants entraîne certaines
difficultés
dans la vie courante des formations
prépositionnées. Aussi est-il envisagé de renforcer la
part des permanents dans les fonctions commandement et soutien. En outre, en
période de transition, alors que la professionnalisation n'est pas
achevée, les corps pourvoyeurs de métropole ne peuvent satisfaire
pleinement, dans certaines spécialités déficitaires du
soutien, le dispositif outre-mer, en raison de la priorité
accordée aux théâtres d'opérations.
Participation de l'armée de terre aux
opérations
extérieures
(au 1
er
septembre 2001)
Type d'opération |
Nom |
Pays |
Effectifs |
Sous l'égide d'une institution |
SFOR |
Bosnie-Herzégovine |
2 340 |
Internationale |
KFOR |
Kosovo |
4 415 |
|
FINUL |
Liban |
234 |
|
CERES |
Macédoine |
585 |
|
MINUEE |
Ethiopie |
201 |
|
Divers |
|
123 |
Accord de défense et |
ARAMIS |
Cameroun |
54 |
coopération |
EPERVIER |
Tchad |
652 |
TOTAL |
|
|
8 604 |
PARTICIPATION DE L'ARMÉE DE TERRE AUX FORCES
STATIONNÉES HORS DE MÉTROPOLE
AU 1ER JUILLET 2001
Zone |
Effectifs permanents |
Effectifs tournants |
Effectifs totaux |
Antilles |
612 |
480 |
1 092 |
Guyane |
641 |
811 |
1 452 |
Océan indien (Réunion et Mayotte) |
676 |
486 |
1 162 |
Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie) |
897 |
950 |
1 847 |
TAAF (Kerguelen) |
13 |
0 |
13 |
Total forces de souveraineté |
2 839 |
2 727 |
5 566 |
Côte d'Ivoire |
161 |
325 |
486 |
Djibouti |
755 |
830 |
1 585 |
Gabon |
175 |
497 |
672 |
Sénégal |
171 |
412 |
583 |
Cameroun |
9 |
7 |
16 |
Total accords de défense et de coopération |
1 271 |
2 071 |
3 342 |
Total hors métropole |
4 110 |
4 798 |
8 908 |
OPÉRATIONS EXTÉRIEURES :COMPARAISON
EUROPÉENNE
AU 1
ER
JUILLET 2001
Pays |
EFFECTIFS PROJETÉS |
EFFECTIFS PRÉPOSITIONNÉS |
TOTAL |
Allemagne,
|
7.320
|
- |
7.320
|
Espagne,
|
3.350
|
9.800
|
13.150
|
France,
|
12.660
|
3.620 |
16.280
|
DOM-TOM |
2.560 |
2.370 |
4.930 |
Afrique |
2.850 |
1.250 |
4.100 |
Moyen-Orient |
250 |
|
250 |
Italie,
|
3.360
|
|
3.360
|
Royaume-Uni
,
|
20.700
|
12.500 |
33.200
|
Irlande du Nord |
7.100 |
7.800 |
14.900 |
Garnisons extérieures + Brunei |
|
4.700 |
4.700 |
A ces
missions extérieures s'ajoutent les
missions exécutées
sur le territoire national.
Le début de l'année 2000 avait vu jusqu'à 12 600
hommes de l'armée de terre déployés sur le territoire
national à la suite notamment des tempêtes de fin d'année
et du naufrage de l'Erika. Le volume de ces interventions a notablement
diminué au cours de l'année 2000 puis est remonté en 2001
au titre de plusieurs opérations :
- la participation au plan Orsec suite aux
inondations de la Somme
fin
mars 2001 (de 100 à 200 hommes de début avril à fin juin),
- l'opération de transport de
munitions dangereuses
du
dépôt de
Vimy
au camp de Suippes (800 militaires en avril),
- la participation au plan Hephaïstos de lutte contre les
incendies
de
forêt
(200 hommes en moyenne durant tout
l'été),
- la participation au
plan Vigipirate
(500 hommes en alerte jusqu'en
septembre), renforcé depuis les attentats du 11 septembre (700 hommes en
moyenne actuellement),
- la participation à la
garde des centres de stockage de l'euro
de la mi-août jusqu'à fin février (plus de 1 800
hommes actuellement).
Par essence ponctuelles, ces opérations ont cependant tendance à
se renouveler.
Il faut rappeler que bien que vouées à la projection
extérieure, les armées conservent un rôle
complémentaire en matière de sécurité, au sens
large, du territoire national. Cette mission est notamment rappelée dans
le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 :
«
En l'absence de menace militaire directe contre le
territoire national, la mission de sécurité intérieure
relève, s'agissant des forces armées, de la gendarmerie. Toutes
les formations et leurs moyens militaires peuvent soit être requis, soit
apporter leur concours dans le cadre de conventions, afin de soutenir les
populations, par exemple à l'occasion de circonstances telles que les
catastrophes naturelles ou technologiques
».
Si l'armée de terre de mettre peut apporter, dans de telles
circonstances, son savoir-faire, sa réactivité et ses moyens
matériels et humains,
ces opérations doivent demeurer
limitées dans leur ampleur et leur durée
, afin de maintenir
la priorité à la préparation et à l'accomplissement
de missions spécifiquement militaires. En effet,
les effectifs de
l'armée de terre n'ont pas été dimensionnés pour
fournir un « réservoir de forces » permanent au
profit de ces missions intérieures
.