Projet de loi de finances pour 2002 - Tome III : Aide au développement
BRISEPIERRE (Paulette)
AVIS 90 - TOME III (2001-2002) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Rapport au format Acrobat ( 141 Ko )Table des matières
-
INTRODUCTION
-
I. L'IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ DE
PRÉSERVER LES FLUX FINANCIERS EN FAVEUR DES PAYS EN
DÉVELOPPEMENT
- A. UNE CROISSANCE ÉCONOMIQUE DÉSORMAIS TRÈS FRAGILISÉE
- B. LES ENJEUX CONSIDÉRABLES DE L'ALLÉGEMENT DE LA DETTE POUR LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
- C. UNE ACTION TOUJOURS EN QUÊTE DE RÉELLES PRIORITÉS
- D. UNE INFORMATION TRÈS LACUNAIRE SUR NOTRE AIDE
- E. L'INDISPENSABLE RÉFORME DE L'AIDE EUROPÉENNE
- F. LE RÔLE MAJEUR DES OPÉRATEURS PRIVÉS ENCORE TROP MÉCONNU PAR LES POUVOIRS PUBLICS
- II. COMMENT ÉVITER LE RISQUE DE DISPARITION DE NOTRE SAVOIR-FAIRE DANS LE DOMAINE DE LA COOPÉRATION ?
- III. LE PROJET DE BUDGET POUR 2002 : UNE OPACITÉ QUI DÉGUISE MAL LA DISSOLUTION PROGRESSIVE DES MOYENS
-
I. L'IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ DE
PRÉSERVER LES FLUX FINANCIERS EN FAVEUR DES PAYS EN
DÉVELOPPEMENT
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
-
ANNEXE -
VENTILATION DE L'APD DE LA FRANCE
PAR PAYS BENEFICIAIRE
N° 90
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2001
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME III
AIDE AU DÉVELOPPEMENT
Par Mme Paulette BRISEPIERRE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.) :
3262
,
3320
à
3325
et T.A.
721
Sénat
:
86
et
87
(annexe n°
2
)
(2001-2002)
Lois de finances . |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Lors de l'absorption du ministère de la coopération par le Quai
d'Orsay en 1998, votre rapporteur s'était fait l'écho de
certaines interrogations : les moyens propres de la coopération
pourraient-ils être préservés au sein de l'enveloppe
globale du ministère des affaires étrangères ? Au fil
des exercices budgétaires, ces interrogations sont devenues de
véritables appréhensions. Aujourd'hui le doute n'est
malheureusement plus de mise : le Quai d'Orsay ne peut sauvegarder ses
dotations qu'au prix d'une réduction de l'aide au développement.
Les changements récurrents de nomenclature depuis 1999 ne permettent
désormais plus de prendre la juste mesure de ces redéploiements
qui s'opèrent ainsi
à l'insu du contrôle
parlementaire
.
Sans doute est-il essentiel de donner à notre diplomatie les moyens de
ses ambitions. Mais en aucun cas, cette priorité ne doit se faire au
détriment de notre action de coopération qui participe
directement à notre rayonnement international.
Ce rapport tentera de le démontrer une fois encore dans un contexte de
tension internationale où l'impératif de solidarité du
Nord vis-à-vis du Sud s'impose avec une acuité encore plus
grande.
I. L'IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ DE PRÉSERVER LES FLUX FINANCIERS EN FAVEUR DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
A. UNE CROISSANCE ÉCONOMIQUE DÉSORMAIS TRÈS FRAGILISÉE
Les pays
en développement ont connu une forte croissance en 2000 (+ 5 %).
Les risques d'une récession américaine pèseront cependant
sur leurs évolutions économiques. Avant même les
événements du 11 septembre dernier,
le ralentissement de la
conjoncture aux Etats-Unis
et les conséquences négatives
induites pour les exportations des pays du sud avaient conduit à ramener
les projections de croissance pour les pays en développement à 3
% en 2001. Parallèlement cependant, la
demande intérieure
bénéficie d'un redressement de la consommation privée sous
l'effet d'une inflation durablement maîtrisée et de la reprise de
l'investissement productif encouragé par la baisse des taux
d'intérêt.
Ces données générales jouent de manière très
différente en fonction de l'évolution du
cours des
matières premières
dont le rôle reste encore
déterminant pour les pays en développement. Si l'orientation des
prix pétroliers (25 dollars le baril en moyenne en 2001)
bénéficie aux pays producteurs, la chute du cours des autres
produits de base représente un facteur potentiel de crise. Les prix ont
en effet atteint, pour de nombreux produits, leur
niveau le plus bas
depuis dix ans ; les stocks accumulés et une production souvent
excédentaire ne laissent guère présager une reprise
à prochaine échéance.
Ainsi les pays en développement apparaissent de plus en plus comme une
zone hétérogène
.
En
Asie du sud-est
, les perspectives de croissance -autour de 3 % en
2001- devraient être moins favorables pour les pays comme Singapour ou la
Malaisie dont les exportations représentent 100 % du PIB, en raison
notamment du ralentissement cyclique dans le secteur de l'électronique.
Moins dépendant des exportations, le Cambodge, le Vietnam et le Laos
devraient, pour leur part, connaître une amélioration de la
production agricole après les effets sévères des
inondations et de la sécheresse en 2000, ainsi que d'une progression des
investissements étrangers (en particulier au Vietnam) et de la mise en
place de réformes économiques.
Au
Moyen-Orient et au Maghreb
, la reprise de l'activité
amorcée en 2000, demeure freinée par l'aggravation des tensions
dans la région, et en particulier l'acuité du conflit
israélo-palestinien. Cependant, la conjoncture se présente sous
des auspices plus favorables pour les Etats du Maghreb. L'Algérie
continue de tirer parti de recettes pétrolières substantielles.
Au Maroc, après deux années de stagnation dues à la
sécheresse, la croissance devrait s'élever à 6 % en 2001
(contre 0,3 % en 2000) en raison de l'amélioration de la production
agricole à la faveur de meilleures conditions climatiques. En Tunisie,
l'activité reste soutenue (+ 5 %) dans un environnement
macroéconomique plutôt équilibré.
L'Afrique subsaharienne
qui compte
41 pays
sur les 61
de la
zone de solidarité prioritaire -
ZSP-
regroupant les
bénéficiaires de l'aide française, devrait être
moins touchée que les autres régions du monde en
développement, par le ralentissement de l'activité industrielle
mondiale en raison de sa faible intégration au commerce international
des produits manufacturés. Même si les cours des produits de base
(à l'exception du pétrole) demeurent déprimés, la
croissance devrait atteindre 3 % en 2001 contre 2,7 % en 2000.
Les deux géants de l'économie africaine -l'Afrique du Sud et le
Nigeria- connaissent des évolutions contrastées. Soutenue par la
demande intérieure, la croissance de
l'Afrique du Sud
(40 % du
PIB de la zone) devrait s'élever à 3,2 %. Parallèlement,
l'amélioration des termes de l'échange -en particulier
grâce à la stabilisation du prix de l'or- permettra sans doute le
retour à des comptes extérieurs excédentaires. Quant au
Nigeria
(12 % du PIB de la zone), la hausse des recettes
pétrolières ne semble pas s'être diffusée aux
revenus des ménages qui ont plutôt pâti d'une recrudescence
de l'inflation (liée à la hausse des dépenses publiques et
au renchérissement des coûts du transport). L'atonie de la
consommation intérieure, conjuguée au moindre dynamisme des
échanges extérieurs, pèsera sur la croissance,
ramenée de 2,8 % en 2000 à 2 % en 2001.
Les partenaires traditionnels de la France en Afrique subsaharienne -les
pays de la zone franc
- qui sont aussi les principaux
bénéficiaires de notre aide, ont connu une embellie en 2001. Le
taux de croissance devrait en effet s'élever à 4,4 % contre 2 %
en 2000, mais il recouvre en fait de
fortes disparités
entre
l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale.
La conjoncture au sein de
l'Union économique et monétaire de
l'Afrique de l'Ouest
(UEMOA) a connu un
net ralentissement
en 2000.
Après avoir atteint 4 % en 1999, la croissance ne devrait pas
dépasser 1,3 % en 2001, en raison, principalement, de la profonde
récession ivoirienne. La Côte d'Ivoire, en effet, pèse de
manière déterminante dans son environnement régional (22 %
de la population, 40 % du PIB, 50 % des exportations). Indépendamment
des répercussions économiques de la crise politique ivoirienne,
la zone dans son ensemble, souffre de la faiblesse des cours des cultures
de rente (café, cacao, coton).
L'orientation défavorable des prix conjuguée à la baisse
de la production, en particulier dans les Etats sahéliens
particulièrement touchés par la sécheresse, a pesé
sur les revenus ruraux et, par conséquent, sur la consommation
intérieure. Le pouvoir d'achat pâtit par ailleurs de certaines
tensions inflationnistes (hausse des prix de 3,7 % au terme du premier
trimestre 2001 contre 0,5 % pour la même période de l'année
précédente) liée aux augmentations successives du prix du
pétrole, ainsi qu'à la hausse des prix des denrées
alimentaires induites par les mauvaises récoltes.
La contraction de la production agricole s'est traduite par une
réduction des exportations de produits primaires (- 9,6 % en 2001 contre
7,1 % en 2000), sauf pour le Sénégal qui a, au contraire,
bénéficié d'une progression de ses exportations (+ 5,6 %)
-notamment pour le coton, l'arachide et les phosphates. Le solde de la balance
commerciale de la zone UEMOA, légèrement excédentaire en
2000, s'est ainsi dégradée en 2001 (- 1,7 %).
Dans ce contexte défavorable, les finances publiques, tributaires de la
réduction des recettes fiscales, se dégradent (le solde
budgétaire des Etats de la zone devrait représenter 0,8 % du PIB
contre 2,1 % en 2001). Enfin, l'investissement public recule,
singulièrement en Côte d'Ivoire et au Togo.
Les perspectives économiques demeurent largement subordonnées
à l'évolution de la conjoncture en Côte d'Ivoire et en
particulier au retour espéré des financements internationaux
consécutifs à la normalisation des relations entre Abidjan et les
institutions de Bretton Woods.
Bénéficiaires de la hausse du cours du pétrole, les Etats
de la
Communauté économique et monétaire en Afrique
centrale
devraient connaître une
croissance de 6 %
contre 3,2
% en 2000. Outre l'évolution très favorable des prix, la
production de pétrole brut
devrait progresser en raison de
l'exploitation de nouveaux gisements au Congo et de l'extension des puits en
activité en Guinée équatoriale (ainsi, dans ce dernier
pays, la croissance pourrait atteindre 70 %).
Les recettes budgétaires bénéficieront de l'augmentation
des revenus pétroliers mais aussi, dans le cadre d'une politique
budgétaire devenue
plus rigoureuse
, des mesures engagées
par les régies financières pour améliorer le recouvrement
des impôts et des taxes.
L'excédent extérieur courant devrait, quant à lui, se
contracter sous l'effet du dynamisme des importations lié à la
croissance.
Après la récession des années 80, les pays africains ont
montré leur capacité à renouer durablement avec la
croissance. Cette évolution dément l'
« afropessimisme » trop souvent répandu dans notre
pays. Il n'en reste pas moins que
l'augmentation du PIB n'est pas à
la mesure d'une progression démographique très rapide
.
Certes, la Banque mondiale projette une hausse annuelle de 1,3 % du revenu par
habitant pendant les dix prochaines années, soit un renversement
significatif des tendances observées au cours de la dernière
décennie, mais cette évolution ne représente encore que le
tiers des résultats enregistrés en moyenne pour l'Asie.
L'accélération de la croissance dépend pour une large part
de la mobilisation de l'épargne intérieure mais aussi d'une
hausse des financements extérieurs.
B. LES ENJEUX CONSIDÉRABLES DE L'ALLÉGEMENT DE LA DETTE POUR LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT
Si le
fléchissement ininterrompu de l'aide publique au développement
depuis dix ans ne devrait malheureusement pas être durablement
enrayé, l'initiative en faveur des pays pauvres très
endettés représente, pour les pays créanciers, un
effort considérable
dont les implications soulèvent
cependant encore beaucoup d'inconnues.
.
L'aide publique au développement
AIDE
PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT COMPARATIVE DE
LA FRANCE ET DES PAYS DU
G7
(Montants en millions d'euros)
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000* |
|||||||
|
Montant |
% du
|
Montant |
% du PIB |
Montant |
% du PIB |
Montant |
% du PIB |
Montan |
% du PIB |
Montant |
% du PIB |
Montant |
% du PIB |
France |
7.159 |
0.64 |
6.533 |
0.55 |
5.950 |
0.48 |
5.584 |
0.45 |
5.122 |
0.40 |
5.291 |
0.39 |
4.454 |
0.32 |
Royaume Uni |
2.703 |
0.31 |
2.443 |
0.28 |
2.555 |
0.27 |
2.985 |
0.26 |
3.447 |
0.27 |
3.238 |
0.24 |
4.837 |
0.31 |
Japon |
95.757 |
0.29 |
11.211 |
0.28 |
7.537 |
0.20 |
8.286 |
0.22 |
9.491 |
0.28 |
14.382 |
0.35 |
14.174 |
0.27 |
Allemagne |
5.765 |
0.34 |
5.822 |
0.31 |
6.070 |
0.33 |
5.236 |
0.28 |
4.978 |
0.26 |
5.176 |
0.26 |
5.462 |
0.27 |
Canada |
1.903 |
0.43 |
1.599 |
0.38 |
1.433 |
0.32 |
1.900 |
0.36 |
1.508 |
0.29 |
1.595 |
0.28 |
1.869 |
0.25 |
Italie |
2.287 |
0.27 |
1.256 |
0.15 |
1.929 |
0.20 |
1.090 |
0.11 |
2.032 |
0.20 |
1.695 |
0.15 |
1.484 |
0.13 |
Etats-Unis |
8.394 |
0.14 |
5.700 |
0.01 |
7.488 |
0.12 |
5.461 |
0.08 |
7.837 |
0.10 |
8.583 |
0.10 |
10.396 |
0.10 |
Total CAD |
50.023 |
0.30 |
45.559 |
0.27 |
44.270 |
0.25 |
42.129 |
0.22 |
46.444 |
0.23 |
52.975 |
0.24 |
57.573 |
0.22 |
*
chiffres provisoires
Les comparaisons précédentes le montrent, la
position
éminente de la France parmi les autres grands bailleurs
bilatéraux tend à s'estomper.
Or l'effort financier de notre
pays lui donnait un crédit certain pour peser sur les grandes
orientations retenues de la communauté internationale dans le domaine du
développement.
L'érosion régulière de notre aide permettra-t-elle encore
à notre pays de faire entendre sa voix à l'avenir ?
D'après les données du comité d'aide au
développement de l'Organisation pour la coopération et le
développement économique (OCDE), l'aide publique au
développement versée par la France s'est élevée en
2000 à 30,043 milliards de francs, représentant 0,33 % du PIB,
soit une réduction de 13,9 % par rapport à l'année
précédente.
Cette réduction s'explique pour partie, il est vrai, par le retrait des
montants destinés aux territoires d'outre-mer qui n'ont en effet que peu
de rapport avec l'aide au développement. A structure constante (hors
territoires d'outre-mer), la réduction est ainsi ramenée à
2,1 %.
Toutefois, cette nouvelle diminution apparaît
à rebours des
choix de deux de nos partenaires européens
qui, à l'instar de
la France, entendent conduire une vraie diplomatie mondiale : le
Royaume-Uni (+ 35,6 % -hausse qui s'explique par la rapide montée en
puissance du nouveau ministère de la coopération) et l'Allemagne
(+ 6 %).
La diminution de la contribution française s'explique par trois
séries de facteurs : la baisse des aides financières (les
concours d'ajustements structurels sont ainsi passés de 2,6 milliards de
francs en 1994 à 0,6 milliard de francs en 1999) ; la diminution du
volume des annulations de dettes de 8,7 milliards de francs en 1994 à
5,2 milliards de francs en 1999 ; la contraction drastique de nos
effectifs d'assistance technique au cours des dix dernières
années.
D'après les informations transmises par le gouvernement, les
perspectives pour 2001 devraient se présenter sous des auspices plus
favorables en raison des mesures prises en faveur du traitement de la dette
extérieure. Ainsi l'aide publique pourrait croître de 3 milliards
de francs tandis que sa part au sein du PIB passerait de 0,33 % à 0,35 %
.
la dette
Lancée au sommet du groupe de sept pays les plus industrialisés
à Lyon en 1996,
l'initiative pour les pays pauvres très
endettés
(PPTE) cherche à rétablir la
solvabilité des pays bénéficiaires en annulant, par
des mesures de caractère exceptionnel, la part de leur dette
extérieure jugée incompatible avec leur développement
économique. Cette initiative a été renforcée en
juin 1999 afin d'accroître le montant des créances annulées
et d'étendre le champ des pays bénéficiaires.
Les créances concernées représentent les
créances commerciales
éligibles à un traitement en
Club de Paris (qui regroupe les créanciers publics). Sont exclus :
les crédits accordés dans le cadre de l'aide au
développement, les crédits à court terme ou à vue,
les crédits au secteur public ne bénéficiant pas de la
garantie de l'Etat et les crédits au secteur privé.
La mise en oeuvre se déroulera en deux étapes :
- le «
point de décision
», date à
laquelle le pays est déclaré éligible à
l'initiative par les conseils d'administration du FMI et de la Banque
mondiale ;
- deux ou trois ans plus tard, le «
point
d'achèvement
», date d'application effective des mesures
de réduction de dette.
Toutefois, pour ne pas pénaliser les pays déclarés
éligibles, des mesures dites « intérimaires »
seront prises dès le point de décision pour alléger le
service de la dette jusqu'au point d'achèvement.
Quel bilan peut-on aujourd'hui dresser de l'effort ainsi consenti par les
créanciers ?
En juin 2001, 23 pays
1(
*
)
avaient atteint leur
« point de décision » qui leur permet de
bénéficier d'allègements intérimaires du service de
la dette sous la forme d'accords de rééchelonnement au sein du
Club de Paris ou de refinancement par dons du service de la dette due aux
institutions financières internationales. Ils bénéficient
d'ores et déjà d'un allégement du service de leur dette
(20 milliards de dollars en valeur actuelle nette et 34 milliards de dollars en
valeur nominale) correspondant aux
deux tiers
de l'allégement
total qui sera accordé dans le cadre de l'initiative PPTE et à
près de la moitié de l'encours total de la dette
extérieure de ces pays.
Les ressources dégagées par l'allégement de dette ont
vocation à réduire la pauvreté dans les pays
bénéficiaires. D'après certaines estimations, les
dépenses à caractère social devraient augmenter dans ces
pays d'environ 1,7 milliard de dollars pendant les années 2001-2002
-à raison de 40 % pour l'éducation, 25 % pour la santé, le
solde se répartissant principalement entre la lutte contre le sida, le
développement rural, l'approvisionnement en eau, la bonne gouvernance,
la construction d'infrastructures routières.
Deux pays ont aujourd'hui atteint leur point d'achèvement -qui permet
l'annulation définitive de la partie du stock de dette concernée
par l'initiative PPTE : l'Ouganda et la Bolivie. Sept autres
pourraient l'atteindre d'ici à la fin de l'année 2001 et 12 en
2002.
L'initiative PPTE devrait représenter un coût global de 29,3
milliards de dollars en valeur actuelle (53 milliards de dollars en valeur
nominale) dont la moitié à la charge des créanciers
multilatéraux (2,4 milliards de dollars pour le FMI, 7 milliards de
dollars pour la Banque Mondiale, 6 milliards de dollars pour les banques
régionales de développement)
2(
*
)
.
Parallèlement, de nombreux pays créanciers annulent la dette au
titre de l'aide publique et certains d'entre eux -dont la France-
réduisent également la dette commerciale au-delà du niveau
requis dans le cadre de l'initiative PPTE.
L'allégement global de la dette issue de la conjonction de l'initiative
PPTE et des mécanismes traditionnels s'élèvera à
plus de 53 milliards de dollars sur la base d'un stock de dette initial de
74 milliards de dollars
;
Le service de la dette devrait ainsi passer de 27 % des recette publiques des
pays pauvres à
moins de 10 %
d'ici 2005.
.
Une forte implication de la France
Notre pays supportera environ
2 milliards d'euros
en valeur nominale du
coût global de l'initiative PPTE.
La France qui a joué un rôle moteur dans le lancement de
l'initiative PPTE à Lyon en 1996, s'est engagée en outre, comme
la plupart des créanciers bilatéraux, à annuler la
totalité des créances d'aide publique au développement
(Cologne, juin 1999), soit 3,5 milliards d'euros, ainsi que la totalité
des créances commerciales éligibles au Club de Paris, et non la
seule partie de ces créances considérée comme non
« soutenable » par les pays endettés (Tokyo, janvier
2000), soit 1 milliard d'euros.
Par ailleurs, lors de la clôture du sommet Afrique-France à
Yaoundé le 19 janvier 2001, le Président de la République
a annoncé la décision de la France d'accélérer une
partie des allégements pour les pays bénéficiaires
à l'initiative PPTE : le taux d'annulation des créances
commerciales sera porté de 90 à 100 % dès qu'un pays sera
reconnu éligible par le FMI et la Banque Mondiale. Cette mesure devrait
conduire à annuler plus tôt environ 500 millions d'euros de
créances.
Compte tenu de l'effort additionnel bilatéral français dans le
cadre de la mise en oeuvre de l'initiative PPTE (plus de 5 milliards d'euros)
ainsi que des mesures liées aux décisions du Club de Paris
indépendantes de l'initiative PPTE (3,5 milliards d'euros), le
coût total des allégements et annulations de dettes devrait donc
dépasser pour la France
10 milliards d'euros
.
L'utilisation des capacités financières dégagées
par les annulations de dettes représentent un enjeu essentiel au regard
de la politique de développement.
A la différence de l'aide-projet affectée à une
opération précise dans un objectif en principe bien
déterminé, l'annulation de la dette laisse une marge de manoeuvre
complète aux pays bénéficiaires. Par le passé,
certaines dérives ont été observées (laxisme de la
gestion publique , accaparement de la marge dégagée par une
poignée de privilégiés) qui ne doivent pas se renouveler.
Ce serait en effet donner une prime aux mauvais payeurs aux dépens des
Etats qui se sont scrupuleusement acquittés de leurs obligations au
prix, souvent, de lourds sacrifices pour leur population.
Sans doute, depuis plusieurs années, les conditions posées par la
communauté internationale se sont multipliées. Mais elles ont
tendu davantage à enserrer les pays bénéficiaires dans un
formalisme
consommateur de temps et de personnels, qu'à assurer
un contrôle vraiment efficace.
L'équilibre entre un contrôle légitime des ressources
libérées par les annulations de créance et la
nécessaire souplesse de gestion -qui seule peut responsabiliser les
Etats bénéficiaires- représente l'un des principaux
défis de la mise en oeuvre de l'initiative PPTE.
Notre pays a, pour sa part, conçu pour le volet bilatéral
d'annulation de la dette, un système original sous la forme du
contrat de désendettement et de développement
(C2D).
Plutôt que des annulations au sens strict, ce mécanisme permettra
le refinancement par dons des échéances dues au titre des
créances. Il ne s'appliquera qu'au service de la dette
contractée dans le cadre de l'aide publique au développement. Les
autres créances seront simplement annulées.
Le contrat sera conclu entre le gouvernement français et les
autorités de l'Etat bénéficiaire de l'initiative PPTE
lorsque ce pays aura atteint son point d'achèvement. Il devra, d'une
part, poser le principe de refinancement par dons des remboursements dus au
titre de la dette, d'autre part, définir les modalités
d'utilisation des sommes budgétaires ainsi libérées. Il
faut souligner, pour s'en féliciter, que Bercy ne sera pas le seul
maître d'oeuvre de cette négociation : le Quai d'Orsay y sera
en effet étroitement associé.
Au reste, la mise en oeuvre du contrat relèvera d'un comité
d'orientation et de suivi coprésidé par l'ambassadeur et le
gouvernement local. L'instruction des opérations financées par
les contrats de désendettement et de développement sera
répartie entre l'Agence française de développement et le
service de coopération et d'action culturelle selon leurs
compétences respectives.
Les priorités définies par les contrats de désendettement
et de développement -conclu en principe pour une durée de trois
ans- varieront naturellement d'un pays à l'autre. Elles devront
toutefois tenir compte des quatre grands domaines d'affectation retenus par le
comité interministériel de la coopération et du
développement (CICID) : l'éducation de base et la formation
professionnelle, les soins de santé primaires et la lutte contre les
grandes endémies, les équipements et infrastructures des
collectivités locales, l'aménagement du territoire et la gestion
des ressources naturelles.
La mise en oeuvre de l'initiative pour les pays pauvres très
endettés, soulève
trois séries
d'interrogations
:
- d'une part, alors que le ralentissement de la croissance pèsera
inévitablement sur les enveloppes budgétaires des Etats
industrialisés, l'effort consenti pour la réduction de la dette
n'aura-t-il pas, pour contrepartie, la
contraction de
l'aide-projet
? Les principaux bailleurs et, en particulier la France,
se sont engagés sur le
principe d'additionnalité
:
l'allégement de la dette ne se substituera pas aux versements de
l'aide-projet, mais la complètera ;
- d'autre part, les pays bénéficiaires
de l'initiative
PPTE pourront-ils obtenir de
nouveaux prêts
? La question n'a
pas encore été tranchée mais les instances
multilatérales inclinent vers l'exclusion de nouveaux crédits,
même concessionnels. Une telle position aurait cependant pour
conséquence un tarissement des transferts financiers en particulier vers
certains pays à revenu intermédiaire comme la Côte
d'Ivoire, le Cameroun ou le Congo qui verraient dès lors leurs
capacités de développement sérieusement
entravées ;
- compte tenu de l'implication de nombreux intervenants dans des cadres
différents -multilatéral, bilatéral- les modalités
de contrôle de l'affectation des ressources dégagées par
l'initiative PPTE devraient faire l'objet d'une
concertation
afin
d'harmoniser, dans la mesure du possible, les procédures et les
objectifs.
Enfin, compte tenu des sommes en jeu, votre rapporteur juge indispensable que
les conditions d'affectation des ressources fassent l'objet d'une
information régulière et précise des commissions
intéressées du Parlement
.
C. UNE ACTION TOUJOURS EN QUÊTE DE RÉELLES PRIORITÉS
La
réduction de l'aide devrait contraindre à une plus grande
sélectivité. Or, la réforme de la coopération
française a conduit à privilégier une tout autre
voie : le nombre de bénéficiaires théoriques de
l'aide a été élargi dans le cadre de la zone de
solidarité prioritaire tandis que les domaines d'action qu'entend
privilégier notre pays n'apparaissent pas clairement.
.
A quoi sert le CICID ?
La définition de vraies priorités géographiques et
sectorielles relève de l'autorité politique. Or, il faut le
reconnaître, le comité interministériel de la
coopération et du développement (CICID) chargé
précisément par la réforme d'assumer cette mission, ne
joue absolument pas son rôle.
La rareté et l'irrégularité de ses réunions (le
CICID s'est tenu deux fois depuis 1998 - le ministre
délégué à la coopération et à la
francophonie a indiqué qu'il se réunirait avant la fin de
l'année...), la composition inadaptée de cette instance :
aucune condition n'est réunie pour permettre à cette instance de
donner à notre politique de coopération l'impulsion indispensable.
.
La zone de solidarité prioritaire est-elle vraiment
prioritaire ?
La zone de solidarité prioritaire réunit 61 pays alors que
l'ancien champ de notre politique de coopération, avant 1998, se
limitait à 37 pays.
L'extension du cadre d'action ne s'est pourtant accompagnée d'aucun
moyen supplémentaire. Au contraire, la part de la ZSP au sein de l'aide
totale a tendu à décliner depuis la réforme de la
coopération, passant de 50 % à 44 %.
Parallèlement, la part de l'Afrique au sein de l'aide bilatérale
totale n'a cessé de se réduire : de 56,5 % en 1995 à
50,2 % en 1999, et pour l'Afrique subsaharienne sur la même
période, de 38,7 % à 34,2 %.
Aide
publique au développement
reçue par les pays de la zone de solidarité prioritaire
(en millions de dollars)
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
APD française reçue |
3 037 |
2 775 |
2 378 |
1 861 |
1 821 |
APD globale reçue |
19 003 |
17 608 |
15 727 |
16 107 |
14 195 |
La mise
en oeuvre de moyens réduits dans un cadre géographique
élargi constitue la
principale incohérence de la
réforme
. Incohérence dont nous devrons payer le prix dans les
années à venir si le champ d'action de notre coopération
n'est pas révisé.
En effet, ce décalage entre les ambitions et les moyens ne met pas
seulement en cause la cohérence interne de la réforme. Il
soulève un
double risque. Risque d'inefficacité
d'abord : l'application de moyens réduits à un plus
grand nombre de pays entraîne la multiplication d'opérations peu
significatives, l'éparpillement, la dispersion et finalement la dilution
de notre aide.
Risque politique
ensuite ; en effet, l'espoir
suscité dans certains pays par leur incorporation dans la zone de
solidarité prioritaire peut être déçu et nourrir une
certaine amertume vis-à-vis de la France tandis que certains des anciens
pays du « champ » appréhendent la banalisation de
nos relations bilatérales. A vouloir être présent partout,
ne risque-t-on pas de ne compter nulle part ? L'influence de la France n'a
rien à gagner à cette dispersion.
D. UNE INFORMATION TRÈS LACUNAIRE SUR NOTRE AIDE
La
réforme de la coopération a privilégié davantage
les modifications de structures qu'une réflexion de fond sur le
développement. Votre rapporteur regrette que notre politique de
coopération conduite sur plusieurs décennies n'ait pas
donné lieu à une analyse rétrospective des faiblesses mais
aussi des succès. Un tel travail aurait contribué à mieux
éclairer les choix actuels des gouvernants.
Aujourd'hui encore, les données relatives à notre aide
apparaissent fragmentaires et disparates. Elles ne rendent pas justice à
certains résultats remarquables et ne permettent pas en tout cas de
porter un regard d'ensemble sur notre politique.
Il est ainsi impossible de disposer de données complètes
permettant d'établir des comparaisons de secteur à secteur, de
pays à pays où les interventions des autres bailleurs seraient
également prises en compte. Tout ou presque reste à faire pour
établir un «
tableau de bord
» de la
coopération. Or un tel instrument constitue une condition indispensable
pour permettre aux pouvoirs publics de fixer des priorités
réelles.
Pourquoi la coopération ne disposerait-elle pas, à l'instar
d'autres administrations ou ministères, d'un
« observatoire » ? Il y a là aujourd'hui une lacune
considérable dont le brouillage actuel de nos actions apparaît une
conséquence directe.
E. L'INDISPENSABLE RÉFORME DE L'AIDE EUROPÉENNE
L'aide
communautaire a plus que doublé au cours de la dernière
décennie, passant d'un total de 4,2 milliards d'euros
engagés en 1988 à 8,6 milliards d'euros en 1998 (soit
6,8 milliards d'euros pour les pays en développement et
1,8 milliard pour les autres pays). Elle est financée, d'une part,
par le
budget communautaire
(6,5 milliards d'euros en 1999
gérés par la voie de programmes géographiques
3(
*
)
ou thématiques), d'autre part, par le
Fonds
européen de développement
(FED) créé par la
convention de Lomé. Ce fonds destiné exclusivement aux 71 pays
ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) est alimenté par des
contributions spécifiques de la part des Etats membres.
L'aide européenne souffre d'une faiblesse majeure :
l'
excessive
lenteur des décaissements
. Le montant des
reliquats
sur le FED s'élève à près de dix
milliards d'euros
-que les Quinze ont décidé d'engager au
cours des sept prochaines années, en complément des fonds
accordés au titre du neuvième FED (13,5 milliards d'euros).
Le volume des crédits engagés mais non décaissés
apparaît encore plus élevé pour les zones non couvertes par
le FED -principalement l'Amérique latine et la
Méditerranée. Il atteignait en effet, fin 1999, plus de
20 milliards d'euros. Les délais de mise en oeuvre des projets
peuvent dans certains cas excéder 8 ans.
En fait, 35 à 40 % seulement des ressources disponibles ont
été à ce jour dépensés.
La Commission avait admis elle-même que la
« gestion est
devenue extrêmement complexe et onéreuse en raison de
l'hétérogénéité des procédures et
l'éclatement ou l'inadéquation des systèmes de
communication ».
Ces dérives ont jeté un discrédit certain sur l'aide
extérieure communautaire. Une réorientation s'imposait. Les Etats
membres et la Commission en ont récemment pris conscience. Ils ont
souhaité, en novembre 2000, à l'initiative de la
présidence française
, jeter les
nouveaux fondements
d'une politique européenne de développement.
Parallèlement, la Commission a engagé un réel effort de
rénovation et de rationalisation de la gestion de l'aide
extérieure sur lequel vos rapporteurs ont pu recueillir certains
éclaircissements lors de leur déplacement à Bruxelles.
Une
déclaration commune
du Conseil et de la Commission,
adoptée lors du Conseil « développement » du
10 novembre 2000, a permis de fixer en quelque sorte la charte de l'action
de l'Union en matière de développement. Deux orientations
majeures se dégagent de ce texte. En premier lieu, il pose pour principe
une
division du travail
entre la Commission et les Etats membres en
fonction de leurs
avantages comparatifs
. Il recentre l'activité
de la Communauté sur
dix domaines d'intervention
prioritaires
: le lien entre le commerce et de
développement
4(
*
)
, la promotion de
l'intégration et des coopérations régionales, l'appui aux
politiques macroéconomiques et l'accès équitable aux
services sociaux, le développement des moyens de transport, la
sécurité alimentaire et le développement rural durable, le
renforcement des capacités institutionnelles et de la démocratie.
Au vu de cette liste, la Communauté continue d'embrasser, il est vrai,
un champ très large d'activités. La définition de vraies
priorités représente décidément un exercice
difficile. Ce constat appliqué à la politique nationale vaut
aussi, on le voit, à l'échelle européenne.
Ce « recentrage » doit, en second lieu, s'accompagner d'un
changement de méthode
: la recherche d'une
coordination
et d'une
complémentarité accrues
entre
les opérations des Etats membres et celles de la Communauté,
d'une part, entre la Communauté et les autres donateurs internationaux,
d'autre part. La déclaration prévoit notamment la
« possibilité de
déléguer
la gestion des
crédits communautaires aux Etats membres ou à leurs agences
d'exécution en cas de cofinancements, comme le prévoit l'accord
interne sur le 9
ème
FED ».
Les Quinze ont apporté par ailleurs leur soutien au processus de refonte
de la gestion de l'aide extérieure engagé par la Commission.
Celle-ci a, en effet, décidé d'engager en 2000 une réforme
de la gestion de son aide extérieure visant trois objectifs
principaux :
-
réduire
de manière significative
le temps
nécessaire à la mise en oeuvre des projets
approuvés
;
- améliorer la
qualité de gestion
des projets et leur
condition de contrôle ;
- renforcer l'impact et la
visibilité
de la coopération
européenne.
Le plan d'action envisagé par la Commission repose sur
trois grands
volets
:
- l'unification de la programmation de l'aide extérieure
conformément aux objectifs des politiques de l'Union
européenne ;
- le développement d'une culture administrative commune au sein des
services de la direction des relations extérieures ;
- la
création d'un organe unique, Europeaid
, chargé de la
gestion du projet depuis l'identification jusqu'à l'exécution et,
parallèlement, une plus grande déconcentration de l'aide (tout ce
qui peut être mieux géré et décidé sur place,
près du terrain, ne devrait pas l'être à Bruxelles). A la
fin 2003, les 128 délégations de la Commission dans le monde
devraient gérer les programmes d'aide extérieure dans les pays
relevant de leur compétence.
La mise en place, en janvier 2001, d'Europeaid constitue incontestablement la
pièce maîtresse de cette réforme.
Europeaid a pris la place du Service commun des relations extérieures
institué en 1998 pour assurer une exécution plus efficace du
programme d'aide aux pays tiers. Le nouvel organisme s'est vu chargé de
la mise en oeuvre de 80 % de l'aide extérieure de l'Union (les
exceptions concernent les instruments de pré-adhésion tels que
Phare, la politique étrangère et de sécurité
commune et l'aide d'urgence). Il assure en conséquence la
responsabilité de
toutes les phases du cycle d'opérations
décidées dans le cadre des programmations établies par la
direction générale du développement et par la direction
générale des relations extérieures : identification
et instruction des projets, préparation des décisions de
financement, mise en oeuvre, évaluation.
L'Office disposera d'un effectif total de 1 200 personnes. Lorsque le transfert
des responsabilités et des personnels vers les délégations
sera achevé, la moitié environ de ces personnels sera
redéployé vers les délégations.
Europeaid est placé sous la double autorité des commissaires en
charge des relations extérieures d'une part, du développement et
de l'aide humanitaire d'autre part, l'un et l'autre membres du Comité de
direction (respectivement avec le titre de président et d'administrateur
général).
Votre rapporteur, à l'issue d'une mission accomplie à Bruxelles,
destinée à réunir les informations complémentaires
sur la réforme engagée de l'aide communautaire, souhaiterait
présenter ses réflexions sous la forme de trois observations.
.
Le chantier de la simplification
L'efficacité de l'aide communautaire dépendra, dans une large
mesure, de la simplification des procédures. Or, le chantier est
immense : 27 000 contrats en cours dans 132 pays avec 2 000
appels d'offre par an ; 70 lignes budgétaires sur quelque 87 bases
juridiques différentes. Plusieurs de ces lignes ont été
créées sous la pression du Parlement européen. Cette
multiplicité est source de lourdeurs bureaucratiques et de nombreux
délais. Quelques progrès ont d'ores et déjà
été accomplis ; ainsi le nombre de procédures de
passation de marché est passé en deux ans de 80 à 8...
Mais c'est, aujourd'hui, l'architecture d'ensemble des lignes
budgétaires qui doit être revue.
Un effort de simplification et de rationalisation particulier doit porter sur
les
relations nouées entre la Commission et les ONG
. L'aide
versée à ces dernières dépasse 200 millions d'euros
par an. Cependant, le nombre des dossiers traités par les services de la
Commission -de l'ordre du millier- ne leur permet pas toujours d'assurer un
contrôle rigoureux des fonds.
En outre, les conditions d'éligibilité d'une ONG à l'aide
communautaire restent très ouvertes -une ONG doit être
légalement enregistrée et bénéficier d'une certaine
notoriété. Cette dernière condition se prête
à une marge d'appréciation très large. Lié à
la diversité des droits nationaux en matière d'association, ce
cadre souple conduit parfois à accorder une aide à des
organisations dont la vocation ne correspond pas aux objectifs poursuivis par
l'Union.
. Les interrogations soulevées par l'augmentation des effectifs et le
renforcement du rôle des délégations de l'Union.
La réforme de l'aide communautaire reposera sur une
déconcentration, sous la responsabilité d'Europeaid.
Le renforcement du rôle des délégations de l'Union
représente, on l'a vu, un axe fort de la réforme. Il reposera sur
une déconcentration, organisée sous les auspices d'Europeaid,
vers les délégations de l'ensemble des opérations qui
peuvent être mieux gérées sur place, ainsi que sur une
augmentation progressive de leurs effectifs
. En effet, la Commission
procédera à la création de 400 postes
supplémentaires dont 250 pour la direction des relations
extérieures -en raison de la mise en place d'Europeaid. Dans un
deuxième temps, sur une période de 3 ans, 600 fonctionnaires
seront redéployés vers les délégations.
Jusqu'à présent, le manque de moyens humains sur le terrain
pouvait constituer pour l'Union une incitation assez forte à recourir
aux services des Etats membres, favorisant ainsi la recherche des
complémentarités. Désormais dotée de ressources
nécessaires, ne sera-t-elle pas conduite à mener seuls les
projets qu'elle finance ?
Le Conseil « affaires générales » du 22
janvier 2001 a certes fixé des lignes directrices pour le renforcement
de la coordination sur le terrain entre les Etats membres de la Commission
-réunions régulières, coordination appliquée
à toutes les étapes non seulement de la programmation mais aussi
des projets, désignation, le cas échéant, d'un
« chef de file » pour suivre la coordination dans un
secteur particulier. Le Conseil avait déjà adopté en 1998,
des orientations sur le renforcement de la coordination opérationnelle.
La réitération, trois ans plus tard, des mêmes principes
montre la difficulté de l'exercice.
La volonté de recentrer l'activité de l'Union sur les six
domaines où elle offre une valeur ajoutée permettra-t-elle
d'avancer dans cette voie ? Incontestablement elle marque une prise de
conscience par les Etats membres et la Commission des risques d'un
éparpillement excessif. On l'a vu cependant, le champ ouvert à la
Communauté demeure très large. En outre, il
recoupe
sur
plusieurs aspects les priorités que la France a assigné à
sa politique de développement, qu'il s'agisse de l'intégration et
de la coopération régionale, de l'accès équitable
aux services sociaux ou encore du développement rural durable. Enfin,
comme l'a souligné le commissaire européen devant votre
rapporteur, l'Union n'entend pas se laisser enfermer dans le rôle de
simple payeur, voué aux projets les plus dispendieux. Elle souhaite
faire prévaloir une démarche plus exigeante : « On
ne veut pas payer des coûts récurrents ».
L'accroissement des moyens des délégations concourra à
cette nouvelle ambition. Une fois encore, la perspective de transformation des
délégations en véritables missions de coopération,
loin de favoriser les complémentarités, risque d'aiguiser la
concurrence avec les représentations nationales. Trop souvent, l'Union
européenne est perçue par les bénéficiaires comme
un seizième Etat membre. L'action communautaire doit être encore
plus sélective. Compte tenu des compétences reconnues à la
Commission dans le domaine des négociations commerciales, elle pourrait
concentrer son action sur l'intégration des pays en développement
dans l'économie mondiale (coopération dans les domaines
liés au commerce et à la préparation aux
négociations multilatérales).
.
Quel rôle pour la France ?
La participation française à l'aide européenne
représente actuellement 14 % du montant total de notre aide
publique au développement contre 11 % en 1994. Cette
évolution s'explique principalement par l'importance de la quote-part
française -24,3 %- au Fonds européen de développement
qui place notre pays au premier rang des contributeurs européens.
A l'occasion des discussions relatives au financement du neuvième FED
dans le cadre des accords de Cotonou signés le 23 juin 2000, notre pays
aurait souhaité un rééquilibrage de sa clé de
contribution dans un sens plus conforme à sa part dans le budget
communautaire.
Pour préserver l'enveloppe destinée aux pays ACP,
contestée par une partie de nos partenaires européens, la France
a cependant dû consentir, à l'heure où elle prenait la
présidence de l'Union, au maintien des clés de répartition.
Toutefois, la Commission a récemment fait part de son intention de
soumettre au Conseil avant 2003 un examen des avantages et des
inconvénients d'une
budgétisation
du FED.
L'intégration de l'aide aux pays ACP au sein du budget communautaire
permettrait un partage des charges proportionnel aux participations des Etats
membres au budget et donc une répartition plus équitable que
celle retenue dans le cadre d'un fonds dont les dotations doivent
régulièrement être renégociées.
La relative inefficacité de l'aide communautaire dont témoigne la
part considérable des engagements non liquidés a conduit certains
à se demander s'il était opportun pour la France de maintenir son
effort financier et s'il ne serait pas plus efficace de privilégier le
canal bilatéral. Le rapport de M. Yves Tavernier au Premier
ministre
5(
*
)
s'est fait l'écho de cette
interrogation : «
l'Europe n'est pas à la hauteur de
ses engagements et de ses responsabilités. Son cadre fonctionnel, sa
bureaucratie centralisée, ses lourdeurs procédurières et
ses contradictions limitent son influence dans le débat sur les valeurs,
les objectifs et les moyens. La France, premier contributeur au FED, est en
droit de s'interroger sur la lisibilité et l'efficacité de sa
dotation
».
Le renforcement de l'influence française peut prendre différentes
formes. Il est possible et souhaitable en premier lieu d'étendre les
délégations de crédit
comme le permet le
neuvième FED sur la base de procédures qu'a encouragées,
comme on l'a vu, la déclaration commune du Conseil et de la Commission
de novembre 2000. L'AFD a déjà participé à des
dispositifs de ce type : elle a signé deux accords financiers lui
déléguant la gestion de crédits
multilatéraux : ligne de financement de projets PME/PMI pour le
compte de la société financière internationale (20
millions de dollars), facilités de refinancement PROPARCO pour le compte
de la Banque européenne d'investissement (20 millions d'euros). En juin
1999, l'AFD et la Commission ont signé un protocole d'accord relatif au
cofinancement, à la gestion de projets, d'échanges de personnels,
de rapprochement des procédures et d'évaluation conjointe des
projets. La généralisation de ce dispositif peut toutefois
rencontrer certains obstacles : on a déjà dit la
réticence de la Commission à jouer le rôle de simple
guichet ; en outre, nos autres partenaires européens dont beaucoup
restent faiblement représentés dans les pays de la zone ACP
soupçonnent parfois la France de privilégier ses
intérêts diplomatiques et économiques. Les services de la
Communauté leur apparaissent comme une garantie utile de
neutralité. C'est pourquoi, la voie des délégations de
crédit, qu'il convient de développer, doit être
utilisée avec un souci constant d'explication et de transparence tant
vis à vis de la Commission que des autres Etats membres.
Aussi conviendrait-il de ne pas négliger l'
influence indirecte
qui peut s'exercer en amont du processus de décision auprès des
cadres de la Commission. Le Royaume-Uni est passé maître dans un
exercice destiné à influer sur les
« décideurs » communautaires, à les
convaincre si bien de la pertinence de ses positions qu'ils les font leurs. Cet
exemple devrait être médité par la France. Les Britanniques
procurent aux services communautaires des dossiers d'information très
documentés et des analyses qui contribuent à nourrir leur
réflexion. Plus encore, au cours de 2001, ils ont adressé
à une cinquantaine de fonctionnaires de la Commission un document
intitulé « Comment influencer l'aide
communautaire ? » et organisé par la suite des
réunions individuelles avec chacun des destinataires. Les interlocuteurs
de votre rapporteur ont reconnu que ces efforts, conduits intelligemment,
avaient pour résultat une certaine imprégnation des choix
communautaires par les idées britanniques. La France ne semble pas avoir
suffisamment pris la mesure de l'intérêt de ce type de
démarche.
F. LE RÔLE MAJEUR DES OPÉRATEURS PRIVÉS ENCORE TROP MÉCONNU PAR LES POUVOIRS PUBLICS
Dans un
contexte de tarissement de l'aide publique, la progression des flux financiers
privés représente un enjeu absolument capital pour le ponde en
développement.
Or, l'attention accordée par les pouvoirs publics au secteur
privé n'est pas à la mesure du rôle primordial que nos
investisseurs jouent dans le développement.
Non seulement les investissements des entreprises génèrent des
ressources nouvelles, mais ils sont aussi un aiguillon de la modernisation
économique et juridique des pays bénéficiaires.
Cependant les pays en développement et, parmi eux, les pays les moins
avancés restent très largement à l'écart des flux
mondiaux d'investissements : ils reçoivent chaque année
moins du quart des investissements directs étrangers.
La part des flux de capitaux privés
tend, il est vrai, à
progresser
par rapport à l'aide publique au
développement : ils représentent en effet 60 % des
financements externes à long terme destinés aux pays en
développement, alors que l'APD n'en assure plus que 16 %. En 1991 la
répartition apparaissait quasiment inverse : la moitié des
financements destinés aux PED provenait de l'aide publique et 29 %
seulement des investissements directs étrangers.
Nos entreprises, il faut le souligner, ont joué un rôle important
dans ces évolutions positives. 1 300 filiales de sociétés
françaises sont établies en Afrique subsaharienne ; elles
représentent à elles seules 65 % du secteur privé. Cette
présence contribue d'une manière décisive à la
création de richesses, d'emplois, à l'amélioration des
conditions de vie, ainsi qu'à l'émergence d'une classe moyenne.
En outre, elle participe à la diffusion d'un modèle
d'organisation -souci de la rentabilité, respect du droit du travail, de
la fiscalité- dont les mérites peuvent se diffuser
progressivement au sein de la société.
De son côté, la France, il faut le souligner,
bénéficie de ces liens économiques
privilégiés : elle a ainsi réalisé en 2000
9,2 milliards de francs d'excédent avec les seuls pays de la zone
franc,
soit 15,7 % de l'excédent commercial total.
Si le rôle de certains grands groupes doit être salué, le
dynamisme de notre présence économique repose aussi, pour une
très large part, sur les petites et moyennes entreprises.
Or les pouvoirs publics quels qu'ils soient, n'ont pas su prendre la juste
mesure des enjeux importants que représente ce réseau dense
d'entrepreneurs pour le développement de l'Afrique comme pour
l'économie française. En particulier ils n'apportent pas à
nos compatriotes, qui prennent le risque de s'expatrier et de parier sur le
continent, les garanties nécessaires. Aux yeux de votre rapporteur, une
double initiative s'impose aujourd'hui.
- Il convient d'abord de favoriser la mise en place d'un
dispositif
d'indemnisation
lorsque les ressortissants français subissent des
dommages à l'occasion de crises ou d'événements dans
lesquels ils n'ont évidemment aucune part. Pourquoi la solidarité
nationale ne s'exercerait-elle pas aussi en faveur des Français
expatriés ? Aujourd'hui l'absence de toute mesure
réparatrice peut laisser nos compatriotes, victimes d'exactions sur
leurs biens ou sur leur personne, ruinés et
désespérés.
- Il faut ensuite agir de manière beaucoup plus déterminée
en faveur des ressortissants qui ont régulièrement cotisé
auprès des systèmes sociaux africains et ne peuvent
bénéficier des prestations correspondantes compte tenu de la
faillite financière de beaucoup de ces structures. La mise en place des
contrats de désendettement et de développement dans le cadre des
annulations de dette
doit impérativement être
utilisée pour exiger de nos partenaires que leurs organisations sociales
honorent leurs obligations vis-à-vis de leurs populations et de nos
ressortissants.
II. COMMENT ÉVITER LE RISQUE DE DISPARITION DE NOTRE SAVOIR-FAIRE DANS LE DOMAINE DE LA COOPÉRATION ?
Votre
rapporteur a participé, avec deux de ses collègues, à une
mission d'information approfondie sur la réforme de la
coopération
6(
*
)
. Il reviendra sur
certaines des conclusions de cette étude en insistant sur les aspects
qui lui paraissent les plus importants.
Le ministère des affaires étrangères a toujours
manifesté une certaine ambivalence vis-à-vis de la
coopération où un certain dédain se combinait avec une
réelle envie pour les moyens financiers dont bénéficiait
l'aide au développement. La fusion a très largement
répondu aux voeux des diplomates. La situation actuelle -l'effacement de
la coopération au sein du Quai d'Orsay et les redéploiements des
crédits- ne sont que la suite logique des motivations profondes à
l'origine de la réforme.
A. L'INDISPENSABLE RECONNAISSANCE DE LA SPÉCIFICITÉ DES MÉTIERS DU DÉVELOPPEMENT
1. Une cohérence problématique
L'absorption des services du Secrétariat d'Etat
à la
coopération par le Quai d'Orsay avait pour vocation d'assurer une plus
grande complémentarité entre l'action diplomatique et la
politique de coopération.
Cette ambition s'est traduite sur le plan institutionnel par la création
d'une nouvelle direction générale au Quai d'Orsay -la
direction générale de la coopération internationale et
du développement
(DGCID) qui réunit dans un même
ensemble les attributions de l'ancienne direction du développement de la
rue Monsieur et celles de l'ancienne direction générale des
relations culturelles et scientifiques (DGRCST) du ministère des
affaires étrangères.
Un bilan de trois ans de fonctionnement de la DGCID appelle un triple constat.
- D'abord, la DGCID représente un
ensemble institutionnel très
lourd
du fait de l'étendue de ses compétences qui va de la
promotion de l'audiovisuel en Amérique du Nord à la lutte contre
le SIDA en Afrique centrale, du fait aussi des procédures de
décision complexes et du poids de ses effectifs.
- Ensuite
le brassage des cultures diplomatique et de coopération n'a
reçu qu'une application limitée.
Il n'a vraiment
fonctionné que dans un sens. Si plusieurs diplomates se sont investis
dans les actions de développement, très peu des personnels issus
de la coopération se sont vu affectés à des postes
diplomatiques. De là ce sentiment « d'absorption »
de la coopération par le quai d'Orsay dont plusieurs des interlocuteurs
de la délégation sénatoriale se sont fait l'écho.
- Enfin, la réforme avait pour objectif de renforcer notre politique de
coopération grâce à notre influence diplomatique et
réciproquement. Or elle risque d'affaiblir l'une et l'autre. D'un
côté, comme l'a d'ailleurs reconnu l'un des inspirateurs de la
réforme, l'énergie des agents de la DGCID est accaparée
par la mise en oeuvre d'une
multiplicité d'opérations
, au
détriment de notre capacité à intervenir de manière
méthodique et persévérante dans les instances
multilatérales. De l'autre côté, la somme de
compétences souvent remarquables réunies en matière de
coopération n'a pas été valorisée comme elle
l'aurait mérité. En outre, et c'est peut-être encore plus
grave, ce
vivier d'expertises risque de se tarir
car les règles
statutaires du Quai d'Orsay ne favorisent ni les détachements, ni
l'emploi de contractuels. Or l'aide au développement requiert des
spécialités pointues -médecine, économie,
agronomie...- qui ne se trouvent pas au ministère.
2. L'intérêt d'une grande Agence de développement
La
diplomatie et le développement sont
deux métiers
différents
. Leur spécificité doit être reconnue.
Si ces deux activités apparaissent à bien des égards
complémentaires, cette complémentarité n'implique pas
nécessairement qu'elles soient fusionnées au sein d'un même
ensemble.
La spécificité du développement suppose une
grande
diversité de formations
et donc un
cadre institutionnel
souple
. A cet égard l'exemple britannique doit être
médité : le Royaume-Uni a en effet suivi une option aux
antipodes du choix français : il a retiré au Foreign Office
ses responsabilités en matière du développement et
créé un nouveau département ministériel
confié à un secrétaire d'Etat chargé de la
coopération. Cette nouvelle structure a été affranchie des
règles propres à la fonction publique afin de
bénéficier d'une
grande souplesse de recrutement
.
La France dispose avec l'
Agence
française de
développement
dotée du statut d'établissement public,
d'une structure souple à même de faire appel à des
compétences diversifiées. En outre, l'Agence française de
développement a vu ses attributions étendues par la
réforme aux infrastructures dans les secteurs sociaux. Pourquoi ne pas
aller au bout de cette logique et confier à l'AFD l'
ensemble
des projets d'aide au développement
? La culture de projet
est en effet commune aux agents de l'Agence française de
développement et à ceux de la coopération. C'est pourquoi
votre rapporteur plaide pour une
grande agence de développement
.
Deux pôles seraient ainsi constitués : d'une part, autour de
l'Agence française de développement, un
pôle
développement -
réunissant aux compétences actuelles de
l'AFD celles dévolues aujourd'hui à deux sous-directions de la
DGCID : développement économique et de l'environnement,
développement social- d'autre part, autour de la DGCID, un pôle
diplomatie d'influence
appuyé notamment sur les
outils
traditionnels de la coopération culturelle et la francophonie
.
L'Agence doit rester un organe d'exécution. La préparation et
l'élaboration des grandes orientations de notre politique de
coopération incombent au Quai d'Orsay. La DGCID devra ainsi participer
de manière déterminante au cadrage des priorités
géographiques et sectorielles de notre aide. De même,
dégagée de toute fonction d'exécution, elle pourra se
concentrer sur sa mission prioritaire de préparation des grandes
réunions internationales dans le domaine du développement afin de
mieux défendre les positions françaises.
Cette réorganisation suppose que trois conditions soient
satisfaites : le maintien de «
passerelles
»
entre les personnels du Quai d'Orsay et ceux de l'Agence afin que les fonctions
de conception puissent être nourries en permanence par les leçons
de l'expérience ; une
adaptation
importante des structures
de l'AFD dans le sens, notamment, d'une plus grande déconcentration et
un
renforcement de la tutelle
du ministère des affaires
étrangères sur l'AFD.
D'une manière générale, le
contrôle politique
sur l'agence doit être renforcé. Le
Parlement
devrait
être
mieux représenté
au sein du Conseil de
surveillance.
B. LE RENFORCEMENT IMPÉRATIF DE LA COORDINATION
La
multiplicité des responsabilités dans le domaine du
développement a souvent été cause de dispersion et donc
d'inefficacité. Un effort de coordination s'imposait mais il rencontre
de difficultés.
- A l'
échelon
gouvernemental
, le Comité
interministériel de la coopération internationale et du
développement (CICID) n'est pas en mesure de jouer le rôle
d'impulsion qui lui incombe. En outre, même si la part respective des
ministères des finances et des affaires étrangères tend
à se rééquilibrer, le
poids déterminant de
Bercy
sur des aspects décisifs de notre politique de
coopération inscrit les relations entre les deux administrations
davantage dans le cadre d'un rapport de forces que d'un partenariat réel.
- Sur le terrain
, le souci d'une coordination plus efficace s'est
traduit par un
renforcement de l'autorité de l'ambassadeur
. La
transformation des missions de coopération en service de
coopération et d'action culturelle a atténué le risque de
« dyarchie » -ambassadeur, chef de mission- au sein de nos
représentations. En outre, l'ambassadeur est désormais
appelé à donner son avis d'opportunité sur les projets mis
en oeuvre par l'AFD.
Toutefois, il semble que l'AFD continue de conduire ses projets d'une
manière indépendante et considère encore l'avis de
l'ambassadeur comme théorique.
Il importe de rappeler qu'il appartient au ministère des affaires
étrangères et non à Bercy de conduire notre politique de
coopération. Cette prééminence peut se traduire sous deux
formes : d'abord une part accrue des dotations consacrées au
développement doit figurer au budget du Quai d'Orsay. A cet
égard, l'inscription des crédits du Fonds européen de
développement au budget du ministère des affaires
étrangères dans le projet de loi de finances pour 2002 va dans le
bon sens. Ensuite, la tutelle du Quai d'Orsay sur l'AFD doit recevoir une
application effective : en particulier la consultation de l'ambassadeur
sur les projets de l'AFD doit revêtir la forme d'un avis conforme.
III. LE PROJET DE BUDGET POUR 2002 : UNE OPACITÉ QUI DÉGUISE MAL LA DISSOLUTION PROGRESSIVE DES MOYENS
Il est
devenu aujourd'hui extrêmement difficile d'isoler les crédits
dévolus spécifiquement à l'aide au développement au
sein du budget du ministère des affaires étrangères. Les
modifications de nomenclature budgétaire récurrentes depuis la
mise en oeuvre de la réforme de la coopération en 1998 ont
conduit à une
confusion croissante entre les dotations de la
coopération culturelle et l'aide au développement
.
Le brouillage devient presque complet dans le projet de budget pour 2002 avec
la fusion, au sein d'un chapitre unique (42-15), des crédits de la
coopération culturelle, scientifique et technique (42-11) et de la
coopération technique et du développement (42-12). Ces
modifications dans la présentation du budget apparaissent
extrêmement
critiquables
à trois titres :
- sur le plan des principes, elles confondent des crédits dont la
vocation
est très différente ; à titre
d'exemple, il sera désormais difficile de distinguer le coût
respectif de l'assistance technique classique et des coopérants
culturels : les uns comme les autres dépendront d'un article
budgétaire unique, le « transfert de savoir-faire :
expertise de longue durée ». Il faut le répéter,
l'action culturelle et l'action du développement impliquent des buts,
des méthodes d'action et des compétences tout à fait
différents ;
- ensuite elles interdisent des
comparaisons
fiables d'une année
sur l'autre ;
- enfin, elles permettent des
redéploiements
invisibles ex-ante
de crédits entre aide au développement et coopération
culturelle, favorisant, à enveloppe globalement constante, le glissement
de l'effort de la première vers la seconde.
Sous couvert d'une rationalisation de caractère purement technique, les
modifications de nomenclature budgétaire recouvrent ainsi des enjeux
politiques autrement importants. La présentation commune des
crédits d'action culturelle et d'aide au développement s'inscrit
dans la logique de l'« absorption » du secrétariat
d'Etat à la coopération par le ministère des affaires
étrangères. Dans ces conditions, l'
enveloppe
consacrée à la coopération culturelle, n'a pu
être sauvegardé qu'au prix d'une réduction, inadmissible,
de l'aide au développement
.
Aussi bien, si les modifications de la présentation budgétaire
compliquent beaucoup le contrôle parlementaire, elles ne sauraient
dissimuler une
baisse tendancielle et très préoccupante de
l'aide au développement
.
Le tableau qui suit identifie les principaux volets de notre politique de
coopération : il intègre toutefois, dans le cadre du
« transfert de savoir-faire » et des « actions de
coopération internationale et de développement », des
crédits qui ne concernent que le volet culturel de nos
interventions.
|
Crédits votés en 2001 |
Loi de finances 2002 |
évolution
|
Concours financier (41-43) |
22 867 |
22 867 |
|
Transfert de savoir-faire
|
199 457 |
189 134 |
- 5 |
Transfert de savoir-faire
|
15 024 |
15 184 |
1 |
Bourses,
échange et formation
|
112 797 |
114 322 |
1,3 |
Appui aux organismes privés à la coopération (42-15-30) |
146 146 |
137 980 |
- 5,5 |
Appui local
aux projets de coopération
|
11 891 |
17 679 |
48 |
Appui local
aux projets de coopération
|
29 506 |
31 030 |
5,1 |
Appui à des initiatives privées ou décentralisées (42-13) |
34 392 |
34 453 |
- |
Coopération militaire et de défense (42-21) |
109 825 |
103 665 |
- 5,6 |
Action extérieure et aide au développement (68-80) |
(AP 5 124)
|
(4 803)
|
- 6,2
|
Fonds de solidarité prioritaire (68-91) |
(AP 174
943)
|
(150 163)
|
- 14,16
|
Dons destinés à financer des projets mis en oeuvre par l'AFD (68-93) |
(AP 173
792)
|
(152 449)
|
- 12,2
|
|
941 093 |
921 057 |
|
Par
ailleurs, la participation de la France au
Fonds européen de
développement
auparavant inscrite au budget des charges communes
figure désormais au budget des affaires étrangères. Ce
transfert, souhaité par les parlementaires, apparaît
opportun : dans l'ensemble très hétérogène
formé par les charges communes, la contribution de la France à
l'aide européenne, n'apparaissait pas clairement ; en outre, il
était naturel que ces crédits, compte tenu de leur importance,
soient attachés au ministère chargé de conduire notre
politique de coopération. Aussi, l'intégration du Fonds
européen de développement au budget du ministère aurait
incontestablement conforté la visibilité de notre action en
faveur du développement si la confusion croissante entre diplomatie
culturelle et coopération technique n'en altérait pas, par
ailleurs, la nature.
Votre rapporteur analysera successivement les deux volets essentiels de notre
politique de coopération : d'une part, le soutien financier et
économique, d'autre part, l'assistance technique.
A. L'ÉROSION CONTINUE DE L'APPUI FINANCIER ET ÉCONOMIQUE
1. Les risques possibles de tension sur les concours financiers
.
Les concours à l'ajustement structurel
Les concours financiers, rappelons-le, participent au soutien des programmes
d'ajustement structurel mis en oeuvre par les pays bénéficiaires
pour équilibrer leurs finances publiques. En contrepartie d'un soutien
de la communauté des bailleurs de fonds à l'équilibre de
leurs budgets et de leurs balances de paiements courants, les pays sous
ajustement structurel s'engagent à respecter les objectifs inclus dans
le document cadre de la politique économique élaborée par
les autorités nationales avec l'aide des services du FMI et de la Banque
mondiale.
Les financements d'ajustement structurel prennent deux formes :
- les dons en faveur de l'ajustement structurel pour les pays les moins
avancés ;
- les prêts pour les pays à revenu intermédiaire consentis
par l'Agence française de développement au nom et au risque de
l'Etat, à partir des ressources procurées par emprunts sur le
marché financier et bonifiés par l'article 20 du chapitre
41-43.
L'enveloppe retenue pour l'ajustement structurel (répartie à part
égale entre les dons et les bonifications dotés respectivement de
6,8 millions d'euros) reste stable par rapport à l'année
précédente. Ces ressources pourraient se révéler
insuffisantes pour deux raisons :
- la stabilisation politique en cours dans certains pays comme la Côte
d'Ivoire et le Congo devrait conduire les bailleurs de fonds
multilatéraux à lever les verrous interdisant encore l'octroi de
nouveaux financements ;
- par ailleurs, le contenu des programmes soutenus par le FMI et la Banque
mondiale traditionnellement axé sur les équilibres
budgétaires prend mieux en compte désormais la dimension sociale
de l'ajustement. Cette orientation rejoint les positions défendues de
longue date par la France dans le cadre de l'emploi des concours financiers.
Elle devrait donc amener notre pays à s'impliquer davantage -avec des
moyens financiers renforcés en conséquence- dans cette politique
d'ajustement « nouvelle manière ».
.
L'aide budgétaire
L'aide budgétaire est en principe destinée au financement
d'opérations exceptionnelles. La dotation attribuée en 2001, soit
6,8 millions d'euros, est reconduite pour 2002.
L'aide budgétaire, inscrite avant 1998 au budget de l'ancien
secrétariat d'Etat à la coopération,
bénéficiait exclusivement aux pays du
« champ ». A la suite de la fusion des budgets de la
coopération et des affaires étrangères, elle a vu son
champ d'utilisation s'élargir aux dimensions du monde entier, alors
même que les crédits diminuaient ou, dans le meilleur des cas,
stagnaient.
Ainsi, en 2000, plus du tiers des opérations avaient concerné la
seule Macédoine (7,5 millions d'euros). Au 20 septembre 2001, les
deux-tiers de l'enveloppe ont bénéficié aux pays de
l'ex-Yougoslavie (soit 15 millions d'euros sur 22 millions d'euros
-dotation initiale complétée par les reports de crédits).
Les mesures consacrées aux Etats de la zone de solidarité
prioritaire qui devraient être en principe les destinataires
privilégiés de l'aide budgétaire n'ont reçu,
à ce jour, qu'un million d'euros.
Il y a là une évolution très préoccupante et un
problème de fond. L'aide budgétaire traduit un effort de
solidarité particulier. Est-il normal de la consacrer à des pays
situés hors de la zone de solidarité prioritaire ?
Votre rapporteur ne le croit pas. Le recours aux ressources disponibles au
titre des instruments d'aide au développement pour répondre aux
situations d'urgence qui peuvent survenir à tout moment dans toute
partie du monde altère profondément la cohérence et la
portée de notre politique de coopération.
2. L'érosion continue de l'aide projet
L'aide
projet repose sur deux instruments principaux : les dons destinés
à financer des projets de développement institutionnel, social et
culturel sur les ressources du Fonds de solidarité prioritaire (FSP),
les dons affectés aux projets de développement économique
et social mis en oeuvre par l'Agence française de développement.
.
L'évolution préoccupante des autorisations de
programme du Fonds de solidarité prioritaire
Les dotations prévues par le Fonds de solidarité prioritaire
s'élèvent à 150 millions d'euros en autorisations de
programme (soit une baisse de 14,6 % par rapport à la loi de
finances initiale pour 2001) et à 112 millions d'euros en crédits
de paiement (- 3,5 %). La réduction des autorisations de programme qui
constituent le seul indicateur de l'effort consenti sur la durée pour
l'aide projet apparaît particulièrement alarmante. Elle confirme
en effet la réduction tendancielle de notre effort dans ce domaine
depuis plusieurs années, alors même que l'élargissement du
nombre de pays bénéficiaires de notre coopération à
la suite de la mise en place de la zone de solidarité prioritaire aurait
du, tout au contraire, conduire à inverser cette évolution.
Par ailleurs, l'orientation de l'aide projet inspire deux autres motifs de
préoccupation majeure :
- L'enveloppe toujours plus restreinte du FSP bénéficie à
un nombre croissant de pays
y compris hors de la zone de solidarité
prioritaire
. En effet, le décret du 11 septembre 2000 qui a
posé les nouvelles bases de l'organisation du FSP autorise le Fonds
à « financer, à titre exceptionnel, des
opérations d'aide et de coopération situées, le cas
échéant, hors de la ZSP ». Cette exception s'est
aujourd'hui banalisée. A titre d'exemple, 4,5 millions d'euros ont
été financés sur le FSP au titre de la mise en oeuvre du
pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est. Notre action dans les
Balkans ne peut être financée au détriment de notre aide
dans les pays en développement. Il y a là une
dérive
tout à fait inadmissible
par rapport à la vocation du FSP.
Une clarification devrait intervenir à partir de 2002 avec la
création, dans le projet de loi de finances, d'un article (42-37-50)
dédié aux sorties de crise, doté de 7,6 millions d'euros.
Dès lors, l'appui au retour à la stabilité ne devrait
entraîner aucun prélèvement sur le FSP.
- Par ailleurs, la mise en oeuvre des projets souffre encore de nombreux
retards ; ainsi la durée prévue des projets en cours, de
l'ordre de 35 mois, se trouve prolongée de 11 mois. Ces
délais interviennent à plusieurs niveaux : entre la
décision du comité directeur et la signature des conventions de
financement (cinq à six mois séparent parfois ces deux
étapes) mais aussi entre la décision d'attribution des fonds et
le déblocage effectif des crédits. L'impéritie des
administrations locales ne saurait toujours exonérer notre pays de ses
propres responsabilités dans ces retards : évaluation
insuffisante des projets, lourdeur du circuit de décision et, surtout,
régulation budgétaire dont les effets conduisent souvent à
bloquer une opération. Or l'intérêt d'une opération,
votre rapporteur a souvent été appelé à le
souligner, se trouve remis en question lorsque l'exécution en est
retardée.
Raccourcir les délais demeure une priorité
absolue.
Décisions ouvertes en 2001 - Répartition par pays
|
Total (en €) |
% |
Projets mobilisateurs |
17 121 534,07 |
65,18 |
Projets Etats |
9 146 442,23 |
34,82 |
Cambodge |
1 219 592,14 |
4,64 |
Liban |
1 524 700,00 |
5,80 |
Mali |
1 219 592,14 |
4,64 |
Tunisie |
1 600 000,15 |
6,09 |
Vietnam |
3 582 557,80 |
13,64 |
Total général |
26 267 976,30 |
100 |
Décisions ouvertes en 2001 - Répartition par secteurs
|
Total (en €) |
% |
Opérations intersectorielles |
0,00 |
0,00 |
Développement rural et environnement |
0,00 |
0,00 |
Développement industriel et minier |
1 499 999,97 |
5,71 |
Santé et développement social |
3 886 735,41 |
14,80 |
Enseignement-formation |
2 667 857,80 |
10,16 |
Action culturelle et information |
1 829 400,00 |
6,96 |
Développement institutionnel |
3 959 184,28 |
15,07 |
Recherche |
0,00 |
0,00 |
Crédits déconcentrés/Fonds social de développement |
610 000,00 |
2,32 |
Evaluations et contrôle |
0,00 |
0,00 |
ONG/Coopération décentralisée |
11 814 798,84 |
44,98 |
Total général |
26 267 976,30 |
100,00 |
Par
ailleurs, il convient aussi de regretter que la nouvelle organisation du FSP se
soit traduite par un affaiblissement du contrôle parlementaire. En effet,
dans le dispositif antérieur, les représentants du Parlement
pouvaient se prononcer au sein d'un comité directeur sur chacun des
projets envisagés. Ils ne sont désormais
représentés qu'au sein d'un Conseil d'orientation
stratégique chargé de formuler des recommandations de
caractère général « sur l'utilisation des
crédits du Fonds par secteurs d'activités et par zones
géographiques », tandis que l'examen au cas par cas des
opérations est renvoyé à un comité des projets
composé des seuls représentants de l'administration.
Le contrôle parlementaire, faut-il le souligner, à l'heure
où l'aide au développement se trouve de plus en plus
contestée, apparaît indispensable pour en renforcer la
légitimité.
.
Les dons destinés aux projets de développement
économique et social
La mise en oeuvre des projets de développement économique, sur
les ressources du budget du ministère des affaires
étrangères, incombe à l'Agence française de
développement.
Le champ d'attribution de l'AFD a été étendu à la
suite de la réforme de la coopération aux infrastructures de
santé et d'éducation. Malgré l'élargissement de ses
compétences, l'AFD voit les autorisations de programme
réservées aux dons-projets se réduire de plus de 12 %
(de 173,7 millions d'euros en 2001 à 152,4 millions d'euros en 2002)
tandis que les crédits de paiement restent stables.
Au 31 juillet 2001, le montant des engagements de l'AFD au titre des
dons-projets atteignait 123 millions d'euros. Au rythme d'engagement actuel,
les plafonds d'engagement annuels fixés par les tutelles de l'AFD pour
l'année 2001 devraient être atteints, soit au total 174 millions
d'euros.
Alors que les ressources dont disposera l'AFD sont appelées à se
réduire, il est inacceptable que les dons-projets -comme c'est aussi le
cas pour le FSP- concernent des pays hors de la ZSP. L'Albanie a ainsi
bénéficié à la fin de l'année 2000 d'une
subvention de 4,5 millions d'euros pour la construction d'une clinique à
Tirana.
.
La participation à l'aide projet mise en oeuvre par les acteurs non
gouvernementaux
Depuis plusieurs années, les organisations non gouvernementales, comme
les collectivités territoriales, jouent un rôle accru dans le
développement. Les évolutions du budget des affaires
étrangères portent la marque modeste de ces évolution.
.
La coopération avec les organisations de solidarité
internationale
Les dotations destinées aux organisations de solidarité
internationale progressent de 8 % par rapport à 2001. Elles devraient
principalement permettre le renforcement de la présence française
dans les instances internationales où interviennent les ONG, la
valorisation des actions soutenues par le Quai d'Orsay -publications,
communication- ainsi que le renforcement des actions de terrain en
Amérique latine.
La part dévolue aux ONG dans la mise en oeuvre de l'aide publique au
développement demeure plus faible en France que dans les autres pays de
l'Union européenne (4 % contre 12 % en moyenne). C'est pourquoi les ONG
souhaitent mettre en oeuvre directement un volume plus important de fonds
publics. Une telle évolution n'est toutefois guère envisageable
sans un contrôle plus approfondi des ressources et de la gestion de ces
organisations.
.
La coopération décentralisée
Les crédits dévolus à la coopération
décentralisée passent de 7 341 millions d'euros à 6 813
millions d'euros, soit une réduction de 7,2 %. Cette évolution
contredit la priorité affichée par le gouvernement, lors des
rencontres nationales de la coopération décentralisée en
1999 au cours desquelles cette forme de coopération avait
été reconnue comme un « volet important de l'action
internationale de la France ».
Le dialogue entre collectivités territoriales et Etat a pour cadre
privilégié la Commission nationale de la coopération
décentralisée où élus locaux et
représentants des pouvoirs publics se retrouvent à parité
pour formuler « toute proposition tendant à renforcer la
coopération décentralisée ». Cette commission a
élaboré un « guide de la coopération
décentralisée » publié en novembre 2000
destiné à donner des informations pratiques à l'ensemble
des partenaires intervenant dans le cadre de la coopération
décentralisée. Il paraît aujourd'hui essentiel de mener
à bien le travail relatif au « tableau de la
coopération décentralisée » : en effet le
foisonnement des initiatives rend indispensable un effort de coordination et,
partant, une meilleure information des différents intervenants.
La coopération décentralisée intéresse,
rappelons-le, un nombre croissant de collectivités territoriales (les 26
régions, 55 départements, la totalité de grandes villes,
une part importante des villes moyennes et aussi, désormais, des
institutions intercommunales). Le nombre de partenaires dans les pays en
développement dépend de la taille de la collectivité
française : en moyenne plus de 5 pour les régions,
près de 3 pour les départements, entre 4 et 5 pour les grandes
villes.
Les dépenses d'action extérieure des collectivités locales
représentaient en 1999 environ 230 millions d'euros hors cofinancements,
dont 115 millions se rattachant à des opérations de
coopération dans les pays en développement. Sur le montant total,
la part des régions représente 36 % (82 millions d'euros), celle
des départements 10,6 % (24 millions d'euros), celle des communes et de
leurs groupements 53,4 % (environ 122 millions d'euros). Les
départements, les communes et leurs groupements consacrent plus de la
moitié de leur dépense extérieure au développement
alors que les régions tendent à privilégier les actions de
promotion économique vers les pays émergents ou
développés.
B. L'AVENIR INCERTAIN DE L'ASSISTANCE TECHNIQUE
Grande oubliée de la réforme de la coopération, l'assistance technique civile devrait connaître, à partir de 2002, une profonde mutation. Il n'est pas sûr cependant, une fois de plus, que les perspectives budgétaires pour l'année prochaine donnent au gouvernement les moyens de ses ambitions. A terme plus rapproché, le principal motif de préoccupation porte sur le volet militaire de notre assistance technique dont les moyens enregistreront en 2002 une sévère contraction.
1. L'assistance technique civile
Le
ministre délégué à la coopération et
à la francophonie a annoncé en avril 2001 une importante
réforme de l'assistance technique. Ces changements se traduiront d'abord
par l'harmonisation du statut des coopérants. Ces derniers relevaient
jusqu'à présent de deux régimes de gestion : celui
hérité de l'ancien ministère de la coopération pour
les personnels affectés dans les pays de l'ancien
« champ » (décret de 1992), celui du
ministère des affaires étrangères pour les autres pays
(décret de 1967). Au terme d'une période transitoire de trois
ans, l'ensemble de l'assistance technique sera placée sous le
régime du décret de 1967.
Le nouveau dispositif présenté au Comité technique
paritaire du 27 février 2001, pourrait s'appliquer à compter du
1
er
janvier 2002 aux nouveaux contrats. Le renouvellement des
contrats en 2001 est intervenu sur la base du décret de 1992. Toutefois,
il semble d'ores et déjà acquis que les assistants techniques
relevant du régime de 1992 et dont le contrat arrivera à
expiration au 1
er
janvier 2002 -après la mise en place du
nouveau système- ne pourront voir leur contrat renouvelé dans les
mêmes conditions au-delà de cette date.
La réforme a aussi pour objet d'organiser au côté de
l'assistance technique traditionnelle, dite
« résidentielle », une nouvelle forme de
coopération. Cette dernière s'articule autour de cinq axes
principaux :
- la prise en compte des situations relativement nouvelles où le
savoir-faire français a jusqu'à présent été
trop peu mobilisé, telles que les sorties de crise ou la mise en place
des programmes européens ou multilatéraux ;
- la diversification de l'origine des assistants techniques non seulement au
sein de l'administration mais aussi à travers le recrutement de cadres
du secteur privé, de ressortissants des pays bénéficiaires
de la coopération française ;
- une capacité de mobilisation rapide de l'expertise
nécessaire ;
- enfin et surtout, la mise en oeuvre de missions dont la durée,
variable, se caractérise cependant par une grande
brièveté
.
Le ministre délégué à la coopération a
affirmé que cette forme d'expertise courte viendrait non pas en
substitution mais en complément de l'assistance technique
résidentielle (la part de l'expertise courte pourrait, à terme,
représenter le tiers des effectifs de l'assistance technique). Elle
portera sur des interventions « ciblées » de
plusieurs semaines ou de plusieurs mois de façon parfois
fractionnée.
Le nouveau système relèverait d'une structure rattachée au
ministère des affaires étrangères mais gérée
selon les règles de droit privé. Elle prendrait en charge toutes
les opérations liées à la mise en place de la mission
d'expertise (billets, assurance, prise en charge de tous les frais relatifs au
séjour dans le pays étranger, éventuellement logistique du
séjour, paiement éventuel d'honoraires ainsi que, dans certains
cas, remboursement du salaire principal de l'expert). Un tel organisme pourrait
également gérer un vivier d'experts. Il est entendu que
l'employeur resterait, dans le cas d'un agent public, l'administration
d'origine qui pourrait alors recourir à la position de mise à
disposition.
Le dispositif devra intégrer les compétences du secteur
privé, des associations et aussi de la coopération
décentralisée. De même, il pourrait
bénéficier à l'ensemble des intervenants qui inscrivent
leur action dans une logique d'intérêt
général : coopération européenne ou
multilatérale, coopération décentralisée.
Le système pourrait être mis en place de manière
expérimentale à compter du quatrième trimestre de cette
année.
Il peut d'ores et déjà s'appuyer sur une nomenclature
budgétaire refondue depuis l'adoption de la loi de finances pour
2001 : en effet, l'intitulé « assistance
technique » a disparu pour être remplacé par deux
rubriques inédites : d'une part, « transfert de
savoir-faire-expertise de longue durée » ; d'autre part,
« transfert de savoir-faire-missions d'experts de courte
durée ».
Dans la perspective de ces évolutions, les postes ont été
sollicités afin d'estimer les besoins qui pourraient être
éligibles à la nouvelle forme d'expertise et de prévoir
également la durée des contrats de l'assistance technique
proposée à compter du 1
er
janvier 2002 -un an, deux
ans ou trois ans.
De nombreuses questions demeurent cependant en suspens :
- comment mobiliser les expertises du secteur privé que l'on juge,
à juste titre, indispensables dans le cadre de la diversification des
missions de coopération ?
- comment valoriser, pour les agents du secteur public, dans le
déroulement de leur carrière, une mission de coopération
à l'étranger ?
- Quelle forme prendra concrètement la structure
de portage
? En particulier, la souplesse absolument
indispensable à l'organisation d'une assistance technique efficace
est-elle compatible avec les règles et principes statutaires en vigueur
dans une administration d'Etat comme le ministère des affaires
étrangères ?
L'évolution des crédits réservés à
l'expertise de longue durée pour 2002 suscite une certaine
préoccupation ; elle se traduit en effet par une nouvelle
diminution de 5 %. Cette contraction de 10,323 millions d'euros s'expliquerait
principalement par un transfert des crédits de
rémunérations correspondant au reclassement des coopérants
bénéficiaires d'une titularisation dans la fonction publique au
titre de la loi Le Pors vers d'autres ministères (9,4 millions d'euros)
et, pour le solde, par le regroupement au titre III de l'ensemble des
formations incluant celle des coopérants et de l'assistance technique.
Les moyens affectés à l'expertise de courte durée restent,
quant à eux, stables (15 millions d'euros).
Le gouvernement a rappelé en avril dernier qu'il s'était
fixé pour objectif « le maintien global des moyens
budgétaires dévolus à l'assistance technique ».
Or, dans le cadre d'une enveloppe budgétaire contrainte, le
développement d'une expertise de courte durée ne se fera-t-il pas
au détriment de l'assistance technique de longue durée qui
représente la vraie valeur ajoutée de la coopération
française ? Une récente enquête conduite auprès
de nos ambassadeurs dans les pays de la zone de solidarité prioritaire a
d'ailleurs confirmé que la présence de nos coopérants
techniques représentait un avantage comparatif très fort par
rapport aux autres bailleurs de fonds. Il apparaît d'ailleurs
significatif que la Commission européenne ait décidé cette
année de renforcer les effectifs d'experts au sein des
différentes délégations de l'Union européenne dans
les pays en développement.
Compte tenu de l'évolution des dotations, le nombre de coopérants
sera encore sans doute appelé à décroître en 2002.
Cette orientation sera encore aggravée par la disparition des
coopérants du service national (CSN). Parmi les 484 CSN en 2001 (soit un
coût de 8,99 millions d'euros), 202 sont affectés dans les pays de
l'ex-champ (3,20 millions d'euros). Cependant, à compter du mois de
novembre 2002, il n'y aura plus aucun appelé participant à
l'assistance technique. Sans doute, les CSN doivent-ils être, en
théorie, progressivement remplacés par des volontaires
internationaux. Toutefois, le volontariat ne se met que lentement en place. En
outre, comme l'a d'ailleurs admis le ministre délégué
à la coopération et à la francophonie devant notre
commission, le recrutement dans certaines disciplines -informatique et
médecine en particulier- rencontre beaucoup de difficultés. Il
importe donc aujourd'hui d'accorder une attention particulière à
l'attractivité des emplois proposés et donc aux conditions de
rémunérations. De ce point de vue, le projet de budget n'apporte
pas de réponse satisfaisante.
Effectifs des assistants techniques civils dans les pays ex-champ juin 2001
|
Enseignants |
Non-enseignants |
Total |
Angola |
7 |
4 |
11 |
Bénin |
15 |
23 |
38 |
Burkina Faso |
41 |
52 |
93 |
Burundi |
2 |
4 |
6 |
Cameroun |
40 |
62 |
102 |
Cap Vert |
3 |
5 |
8 |
Centrafrique |
31 |
43 |
74 |
Côte d'Ivoire |
90 |
56 |
146 |
Congo |
1 |
10 |
11 |
Comores |
0 |
9 |
9 |
Djibouti |
78 |
32 |
110 |
La Dominique |
0 |
1 |
1 |
Gabon |
101 |
37 |
138 |
Gambie |
3 |
0 |
3 |
Guinée Bissau |
0 |
1 |
1 |
Guinée équatoriale |
5 |
12 |
17 |
Guinée |
16 |
27 |
43 |
Haïti |
10 |
14 |
24 |
Ile Maurice |
9 |
4 |
13 |
La Grenade |
0 |
1 |
1 |
Sainte Lucie |
1 |
2 |
3 |
Madagascar |
36 |
65 |
101 |
Mauritanie |
55 |
40 |
95 |
Mali |
18 |
42 |
60 |
Mozambique |
6 |
8 |
14 |
Namibie |
2 |
9 |
11 |
Niger |
9 |
33 |
42 |
République démocratique du Congo |
0 |
1 |
1 |
Rwanda |
3 |
6 |
9 |
Sénégal |
78 |
86 |
164 |
Seychelles |
4 |
5 |
9 |
Sao Tomé et Principe |
3 |
5 |
8 |
Saint Vincent |
0 |
1 |
1 |
Tchad |
26 |
41 |
67 |
Togo |
8 |
11 |
19 |
Trinité |
0 |
1 |
1 |
Total |
701 |
753 |
1 454 |
2. Le déclin de notre présence militaire en Afrique
Le
projet de budget pour 2002 se caractérise dans le domaine de
l'assistance technique militaire par deux évolutions
préoccupantes :
- la baisse globale des crédits de 23,9 millions d'euros en 2001
à 22,1 millions d'euros en 2002 (soit - 7,5 %) :
- la poursuite du redéploiement des dotations de l'Afrique subsaharienne
vers d'autres pays du monde.
.
La contraction globale des crédits
Les trois principaux postes de la « coopération militaire
-aide en personnel, formation des stagiaires étrangers, appui aux
matériels- sont affectés par cette contraction.
Coopération militaire et de défense
Evolution des dotations
Libellé |
Dotation 2001 1 |
Dotation 2002² |
Evolution |
|
Euros courants |
Euros constants |
|||
Coopération technique
|
62 428 370 |
57 854 402 |
- 7,33 % |
- 8,79 % |
Formation des stagiaires étrangers (art 20) |
23 973 635 |
22 105 107 |
- 7,79 % |
- 9,25 % |
Appui aux
projets de coopération :
|
22 760 638 |
22 186 000 |
- 2,52 % |
- 4,05 % |
Appui aux coopérants militaires (art 50) |
663 306 |
1 219 592 |
+ 83,87 % |
+ 80,97 % |
Coopération militaire et de défense avec les organisations régionales (art 60) |
- |
304 898 |
- |
- |
Total Chapitre 42-29 |
109 825 949 |
103 670 000 |
- 5,51 % |
- 7,1 % |
Chapitre 68-80 |
1 219 592 |
1 219 592 |
- |
- |
Total général |
111 045 141 |
104 889 592 |
- 5,54 % |
- 7,03 % |
(1) Loi
de finances initiale
(2) Projet de loi de finances
(Source : Ministère des affaires étrangères)
.
Le redéploiement des crédits au détriment de
l'Afrique subsaharienne
La réforme de la coopération militaire s'est traduite par le
redéploiement sur les années 1999-2001 de 10 % des crédits
d'Afrique subsaharienne vers les nouveaux partenaires de la France en Europe
centrale. Ainsi les crédits réservés aux personnels
affectés dans les pays de l'ancien champ ont été
réduits -dans une proportion d'ailleurs plus importante que celle
initialement prévue compte tenu de l'arrêt de la
coopération avec la Mauritanie, les Comores, le Niger et, dans une
moindre mesure, la Côte d'Ivoire. Parallèlement, les
crédits affectés à l'Europe centrale et orientale ont
triplé entre 1998 et 2001 (passant de 3 à 9 millions
d'euros) ; ceux destinés au reste du monde ont également
sensiblement augmenté pendant la même période de 70
à 90 millions de francs.
Le mouvement de redéploiement se poursuit alors même que
l'enveloppe globale se contracte. Notre présence militaire en Afrique
est donc appelée décliner. Il s'agit pourtant d'un volet
fondamental de notre politique de coopération : elle contribue
à la mise en place de forces de sécurité efficaces,
soumises au pouvoir civil, et participent à ce titre à la
consolidation de l'Etat de droit qui apparaît aujourd'hui comme l'une des
clés de développement économique. Notre pays peut-il
prendre la responsabilité de sacrifier notre action dans ce
domaine ?
CONCLUSION
Ce n'est
pas seulement la réduction constante de la part consacrée par le
budget des affaires étrangères au développement qu'il faut
aujourd'hui dénoncer, mais la
forme insidieuse
que prend ce lent
déclin : les redéploiements de crédits se font de
manière invisible à la faveur des changements de nomenclature
dont les aspects techniques ne doivent pas dissimuler les profondes
conséquences politiques. Le débat est ainsi
délibérément escamoté et la représentation
nationale dessaisie de son pouvoir de contrôle.
Les évolutions budgétaires nous livreraient-elles ainsi la
clé des intentions sous-jacentes de la réforme de la
coopération : une lente dissolution des moyens autrefois
dévolus au ministère de la coopération au sein du
dispositif du Quai d'Orsay ? Ce processus d'absorption recouvre un enjeu
diplomatique majeur : quelle place la France souhaite-t-elle encore
accorder à l'Afrique ?
Au vu de la lente mais constante dégradation des moyens
budgétaires, la réponse, malheureusement, risque de s'imposer
d'elle-même.
Est-ce conforme à l'intérêt de notre Nation ? Non
à l'évidence. Nous perdrons les fruits d'une présence
constante et d'efforts continus depuis plusieurs décennies pour des
résultats très aléatoires dans d'autres parties du monde.
A-t-on pesé les conséquences d'une telle orientation pour
l'influence de la France et son rayonnement international ?
Les choix français apparaissent d'autant plus paradoxaux que certains de
nos partenaires, comme le Royaume-Uni et, à une échelle
multilatérale, l'Union européenne, suivent une voie strictement
inverse.
La dispersion de nos actions, conjuguée à l'intérêt
renouvelé d'autres puissances pour l'Afrique, portent en germe
l'effacement progressif de notre position privilégiée sur le
continent.
Plus encore, c'est en Afrique -qui comptera dans 25 ans plus d'un milliard
d'habitants- que se jouera le combat contre cette fracture Nord-Sud dont les
conséquences pourraient être désastreuses pour la
stabilité internationale.
Face aux tensions qui s'exacerbent, notre pays pourra-t-il faire entendre sa
voix comme sa vocation le lui commande ? L'évolution des moyens
financiers risque d'entamer la portée de nos positions.
Non, décidément, le projet de budget pour 2002 n'est pas à
la mesure de ces enjeux pourtant décisifs pour notre avenir.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a examiné le présent avis au cours de sa
réunion du 8 novembre 2001.
A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, un débat s'est
alors instauré entre les commissaires.
M. André Dulait s'est interrogé sur les conditions dans
lesquelles les différents pays créanciers contrôlent
l'affectation des ressources dégagées par les annulations de
dettes à la suite de l'initiative pour les pays pauvres très
endettés. Il a regretté, par ailleurs, la réduction des
moyens consacrés à l'assistance technique en rappelant
l'importance de l'aide au développement dans le cadre d'une meilleure
maîtrise des flux migratoires.
Mme Monique Cerisier ben-Guiga, après avoir marqué son accord
avec les principales conclusions du rapporteur pour avis, a
déploré la diminution régulière des crédits
d'aide au développement quels que soient les gouvernements en place.
L'intégration du secrétariat d'Etat à la
coopération au sein du ministère des affaires
étrangères devait, en principe, a-t-elle poursuivi, renforcer
notre politique de coopération. Elle s'est traduite, en
réalité, par un redéploiement des dotations permettant de
préserver les moyens de notre action culturelle au détriment de
l'aide au développement. Elle a souligné les risques de
dispersion de nos interventions à la suite de l'extension du nombre de
pays bénéficiaires de l'aide française dans le cadre de la
zone de solidarité prioritaire. Elle a regretté que notre pays
n'encourage pas suffisamment la capacité réelle des populations
à promouvoir le développement de leur économie.
M. Xavier de Villepin, président, a observé que l'effort
consacré à l'aide au développement devait
s'apprécier dans le cadre plus large de la réforme de l'Etat et
des priorités assignées à la dépense publique. Avec
M. Michel Caldaguès, il a invité les responsables politiques
à contribuer à cette réflexion sur les grands choix qui
doivent être faits dans ce domaine. M. Michel Caldaguès a
rappelé à cet égard que les secteurs couverts par la
Commission avaient tous supporté, au cours des dernières
années, d'importants transferts de ressources au profit d'autres actions
de l'Etat.
Mme Danielle Bidard-Reydet a regretté que les synergies que l'on pouvait
espérer de la réforme de la coopération n'aient pas encore
donné de résultats probants. Citant le cas du Burkina Faso
où la moitié des enfants ne sont pas scolarisés, elle a
déploré la faiblesse de l'action de la France dans le domaine de
l'éducation de base. Elle a également souligné que les
moyens mis en oeuvre dans la lutte contre le sida n'étaient pas à
la mesure de la gravité du fléau.
Après avoir critiqué la réduction régulière
des crédits d'aide au développement depuis plusieurs
années, M. Hubert Durand-Chastel a souligné la réduction
du niveau de vie dans les pays en développement liée à la
croissance démographique. Il a rappelé la vocation
particulière de notre pays en matière d'aide au
développement et insisté sur l'excellence de l'instrument que
constituait l'assistance technique, aujourd'hui menacée.
M. Xavier de Villepin, président, a souligné la
nécessité de définir des secteurs prioritaires
d'intervention pour l'aide au développement en rappelant
l'intérêt de pouvoir mettre en valeur des résultats
visibles en matière de coopération. Il a observé, avec le
rapporteur pour avis, et Mme Monique Cerisier ben-Guiga, que
l'éducation, la santé et la sécurité
intérieure devaient constituer des champs d'action
privilégiés.
M. André Rouvière a estimé que les aspects financiers ne
représentaient pas la seule clé du développement, mais que
les pays du sud devaient également surmonter de nombreux blocages
structurels de caractère social. Il a jugé, par ailleurs, utile
que l'action de la France puisse être présente dans le plus grand
nombre de pays.
M. Xavier de Villepin, président, a alors évoqué
l'infléchissement de la politique des Etats-Unis vis-à-vis de
l'Afrique, davantage orientée vers les transferts de ressources pour
satisfaire les besoins les plus urgents dans le domaine social plutôt que
sur le rappel des principes de bonne gouvernance. Il a également
souligné que l'Afrique était devenue le premier fournisseur de
pétrole des Etats-Unis, devant le Moyen-Orient, et que cette situation
conduirait les Etats-Unis à observer un intérêt pragmatique
pour ce continent. Il a relevé que, d'après le Conseil
français des investisseurs en Afrique, l'attention nouvelle des
Etats-Unis pour cette partie du monde correspondait aux intérêts
français dans la mesure où il était indispensable de
conjuguer les efforts des uns et des autres pour contribuer à une
Afrique pacifique et prospère.
*
**
Au cours
de la réunion du 21 novembre 2001, la commission a examiné
l'ensemble des crédits du ministère des affaires
étrangères.
M. Xavier de Villepin, président, a estimé que le projet de
budget du ministère des affaires étrangères pour 2002
était insuffisant. Globalement, en effet, a-t-il précisé,
les crédits du ministère, en francs constants, marquaient une
stagnation par rapport à l'an passé. Déjà,
l'année dernière, la commission avait sévèrement
jugé les crédits dédiés à notre action
diplomatique. Espérant un effort réel pour l'exercice suivant,
elle avait cependant, a-t-il rappelé, voté les crédits
proposés. Cet effort n'était pas, malheureusement, au rendez-vous
aujourd'hui, malgré une actualité internationale, et pas
seulement depuis le 11 septembre, qui pouvait légitimement faire de
l'action diplomatique une priorité gouvernementale. Cela, a
ajouté M. Xavier de Villepin, président, en dépit de
l'action du ministre lui-même, qui n'a pas ménagé ses
efforts auprès de son collègue de l'économie et des
finances pour dégager des ressources supplémentaires,
indispensables à un meilleur fonctionnement de ses services et, d'une
façon générale, à l'influence extérieure de
notre pays.
Ce projet de budget ne paraissait pas, selon M. Xavier de Villepin,
président, à la hauteur de nos ambitions ni même de
l'action conduite, avec talent, a-t-il estimé, par le ministre des
affaires étrangères lui-même, sous l'autorité du
Président de la République et du Premier ministre.
Les moyens de fonctionnement, a-t-il déploré, étaient trop
chichement mesurés. Malgré de louables efforts de modernisation
et de rationalisation de la gestion, cette situation compliquait toujours
davantage le travail des agents du ministère, tant à
l'administration centrale que dans nos postes diplomatiques et consulaires. Les
crédits d'action internationale, pour leur part, avec une masse de
crédits globalement inchangée par rapport à l'an
passé, permettaient certes d'augmenter certains crédits d'action
culturelle, ce qui était une bonne chose. Cela se faisait cependant aux
dépens de notre action en faveur du développement ou de la
coopération militaire, dont les crédits diminuaient encore cette
année, malgré une réforme de nos structures de
coopération qui aurait justifié une tendance inverse.
Pour cet ensemble de raisons, M. Xavier de Villepin, président, a
indiqué que, pour sa part, il se résoudrait à
émettre un avis défavorable à l'adoption de ces
crédits.
M. Claude Estier s'est étonné de ce qui semblait être
l'intention de la majorité sénatoriale de rejeter les
crédits du ministère des affaires étrangères pour
2002. Ce budget ne lui paraissait pas plus insuffisant que celui de l'an
passé que le Sénat avait pourtant voté. Un tel rejet
interviendrait par ailleurs dans des circonstances internationales qui
conduiraient, à l'extérieur, à une mauvaise
interprétation de ce vote et comme un désaveu de l'action du
ministre.
M. Michel Caldaguès a estimé que le fait, pour des
parlementaires, de ne pas voter un budget ne devait pas conduire à les
placer en situation d'accusés. Au demeurant, le fait de pouvoir choisir
entre le pour et le contre constituait, en dernier ressort, la principale
liberté de tout Parlement.
La commission a alors émis un avis défavorable sur l'ensemble des
crédits du ministère des affaires étrangères
inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002.
ANNEXE -
VENTILATION DE L'APD DE LA FRANCE
PAR PAYS
BENEFICIAIRE
1
Bénin, Bolivie, Burkina Faso,
Cameroun, Namibie, Guinée, Guinée-Bissau, Guyana, Honduras,
Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Nicaragua, Niger, Ouganda,
Rwanda, Sao Tomé, Sénégal, Tanzanie, Tchad, Zambie.
2
Le coût de l'allégement de dette pour les 23 pays
ayant atteint le point de décision à mi-2001 représente
20,3 milliards de dollars dont 10,6 milliards de dollars à la charge des
créanciers multilatéraux -1,7 milliard de dollars pour le FMI,
4,9 milliards de dollars pour la banque Mondiale.
3
PHARE pour les dix pays candidats à l'adhésion
à l'Union européenne, TACIS pour les 14 pays issus de
l'éclatement de l'URSS, OBNOVA pour les pays de l'ex-Yougoslavie, MEDA
pour les Etats du bassin méditerranéen, ALA pour les pays d'Asie
et d'Amérique latine.
4
Cette priorité a trouvé sa première
traduction avec l'initiative « tout sauf les armes »
adoptée par le Conseil du 26 février 2001 afin d'étendre
le libre accès au marché communautaire en franchise de droits et
contingents à tous les produits originaires des pays les moins
avancés à l'exception des armes et des munitions.
5
Yves Tavernier, la coopération française au
développement, rapport au premier ministre, 1999, La documentation
française.
6
Guy Penne, André Dulait, Paulette Brisepierre - La
réforme de la coopération à l'épreuve des faits -
Sénat 2001-2002.