III. DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES
A. LE PROJET DE LOI D'ORIENTATION DES PETITES ENTREPRISES ET DE L'ARTISANAT
Les
années de crise ont fait apparaître une nouvelle sociologie de
l'entreprise et de l'emploi en France.
Entre 1981 et 1998, les entreprises de plus de 200 salariés perdaient
plus de 800.000 emplois. Sur la même période, les entreprises
de moins de 20 salariés créaient plus de 1,2 million
d'emplois
. Elles occupent aujourd'hui 37 % de l'effectif
salarié, contre 11 % pour les entreprises de plus de
500 salariés.
Or, depuis 50 ans, les mesures législatives et les aides de l'Etat ont
essentiellement concerné les grandes entreprises, mobilisant toute
l'attention des pouvoirs publics. L'environnement juridique, fiscal et
administratif, conçu pour les grandes et moyennes entreprises est
largement inadapté à la structure des petites entreprises.
Les quelques mesures intéressant directement les petites entreprises se
sont concentrées sur la création d'entreprises et le secteur
innovant des technologies nouvelles. Mais l'avenir de la petite entreprise ne
repose pas uniquement sur les start-up.
La charte pour les petites entreprises, élaborée par le Conseil
européen lors des sommets de Lisbonne et de Santa Maria da Feira du
premier semestre 2000, reconnaît leur rôle moteur dans la
création d'emplois. Cette prise de conscience européenne a
accompagné l'émergence en France de la demande, émanant
des professionnels, d'une loi d'orientation pour l'artisanat et la petite
entreprise afin de fonder une véritable politique de
développement de la petite entreprise.
Le Président de la République, M. Jacques Chirac, s'est
déclaré favorable à l'élaboration d'une telle loi
d'orientation.
Pour répondre à l'attente exprimée par le secteur, le
Premier ministre a confié une mission parlementaire à
M. Didier Chouat, député des Côtes d'Armor et
M. Jean-Claude Daniel, député de la Haute-Marne,
destinée à identifier les améliorations en matière
financière, fiscale, sociale, juridique, administrative et culturelle de
nature à encourager la croissance et la pérennité de ces
entreprises.
Ces députés ont remis leur rapport le 18 octobre dernier
au Premier ministre. Votre rapporteur pour avis regrette la modestie des
propositions de ce rapport à vocation législative eu égard
à la nécessité d'engager une politique globale et durable
en faveur des petites entreprises. Il s'inquiète notamment du silence du
rapport sur les indispensables outils de financement, d'investissement et
d'appui au développement économique des petites entreprises, dont
l'impact est déterminant sur l'emploi et l'aménagement du
territoire
.
Votre rapporteur pour avis veillera à ce que le projet du gouvernement
améliore l'environnement et le fonctionnement des petites entreprises et
réponde bien aux aspirations légitimes des professionnels, qu'il
souhaite rappeler ici.
Les professionnels ont mis en lumière la nécessité
de
moderniser la petite entreprise
en assurant, notamment, la
neutralité fiscale et sociale entre l'entreprise exerçant sous la
forme sociétaire et l'entreprise individuelle.
En effet, les mesures fiscales et sociales proposées
n'intéressent généralement que les entreprises
exerçant sous la forme sociétaire et participent depuis
30 ans à la
multiplication de SARL artificielles
, dont le
choix ne repose pas toujours sur des considérations économiques.
A titre d'exemple, le nombre d'entreprises immatriculées au
Répertoire des métiers et exploitées sous la forme
sociétaire est ainsi passé de moins de 10 % en 1980,
à plus de 30 % aujourd'hui.
Néanmoins, plus de 1 million d'entreprises de l'artisanat, du
commerce ou libérales, demeurent des entreprises individuelles et
60 % des entreprises qui se créent sont exploitées sous
cette forme.
Il apparaît donc utile
d'envisager la modernisation du statut de
l'entreprise individuelle
, notamment à travers de nouveaux droits
reconnus au travailleur indépendant et au conjoint, tout en
préservant la simplicité de son formalisme qui fait le
succès de l'entreprise individuelle.
Des adaptations des règles applicables à la petite entreprise
s'imposent :
-
assurer la neutralité entre l'entreprise individuelle et la
société
: ceci exige d'abord de donner une
définition légale de l'entreprise individuelle. Ensuite, il
s'agit de permettre à l'entrepreneur individuel, d'une part, de
protéger son patrimoine familial en cas de difficulté de
l'entreprise, d'autre part, d'opter pour l'assujettissement à
l'impôt sur les sociétés du bénéfice de son
activité.
Enfin, il apparaît également nécessaire de restreindre
l'assiette des cotisations sociales des travailleurs non salariés non
agricoles et d'étendre aux entreprises individuelles le mécanisme
de déduction fiscale pour investissement.
-
sécuriser l'esprit d'entreprise
par la mise en place d'un
mécanisme garantissant à l'entrepreneur individuel un
«
reste à vivre
», par l'augmentation de la
valeur du bien de famille insaisissable, et par l'aménagement du
régime des baux commerciaux (afin que d'éventuels travaux de mise
aux normes puissent être effectués par le locataire, sans
relèvement du loyer en fin de bail).
- reconnaître la spécificité de l'entreprise
saisonnière par une définition légale et des règles
fiscales et juridiques adaptées.
La
reconnaissance du conjoint
doit également être
renforcée, notamment en permettant de déduire du
bénéfice imposable le salaire du conjoint participant
effectivement à l'exercice de la profession et en améliorant le
statut du conjoint collaborateur.
Enfin, des mesures doivent être prises pour
conforter la protection
sociale des travailleurs indépendants
: en particulier aligner
le régime de indemnités journalières des artisans et
commerçants sur celui des salariés et calculer les droits
à retraite sur l'ensemble de la vie professionnelle en cas de
carrière « mixte » (indépendant et
salarié).
La deuxième priorité consiste à
favoriser le
développement de la petite entreprise et de l'emploi
pour les dix
ans qui viennent.
Si des mesures d'aides à la création d'entreprise existent, la
transmission-reprise des petites entreprises manque d'encouragements alors
qu'elle constitue un défi pour les quinze prochaines années,
compte tenu de la pyramide des âges.
Pour encourager la création et la reprise d'entreprises, il faudrait
d'abord
étendre à la reprise les mesures prises en faveur de
la création
d'entreprises. Ensuite, l'accès au conseil pour
les créateurs-repreneurs devrait être facilité. En outre,
le régime fiscal des plus-values gagnerait à être
aménagé et la création d'un mécanisme de cessation
anticipée d'activité pour les travailleurs indépendants
pérenniserait les petites entreprises. Enfin, il faudrait rendre aussi
favorable la transmission de l'entreprise par donation que par voie
successorale.
Mais un des soucis majeurs exprimé par les chefs d'entreprises
réside dans les
conditions du financement
de leur
développement, et les moyens de faciliter l'accès à un
crédit moins cher.
Un dispositif doit être imaginé afin de compenser les handicaps
des petites entreprises en matière d'accès au crédit
bancaire et afin d'améliorer parallèlement le recours aux
sociétés de caution mutuelle. Par ailleurs, l'investissement de
l'entreprise pourrait être encouragé par la création d'un
crédit d'impôt, et celui des particuliers dans les entreprises
individuelles incité fiscalement.
Si la création d'emploi dans ces entreprises témoigne de leur
dynamisme,
les coûts salariaux et la gestion administrative
constituent également des freins réels à leur
développement et donc à la création d'emplois
. Il
conviendrait notamment de réformer l'assiette des cotisations patronales
et d'appliquer le taux réduit de TVA sur les activités de main
d'oeuvre.
Le souhait unanimement formulé est celui de ne pas voir apparaître
de nouvelles complexités et de nouvelles contraintes administratives.
Les mesures de
simplification administrative
laissent les professionnels
sceptiques, bien qu'ils souhaitent un accès plus facile des petites
entreprises à des aides publiques efficaces et demandent une
harmonisation des réglementations entre régimes sociaux et un
report sur les organismes de recouvrement du soin de calculer les charges
sociales.
Enfin, le troisième objectif est de renforcer
la
pérennité et l'adaptabilité des petites entreprises.
La pérennité des entreprises repose largement sur la
qualification des futurs chefs d'entreprise qui, dans l'artisanat, sont
très majoritairement issus de l'apprentissage.
Dans un contexte de difficultés de recrutement et de nécessaire
renouvellement des chefs d'entreprises partant à la retraite,
l'apprentissage
et ses débouchés doivent être
valorisés auprès des jeunes, notamment en consacrant le
rôle des centres d'aide à la décision (CAD), et en
encourageant la formation en alternance et ses acteurs.
Dans la même perspective, il est nécessaire de mieux accompagner
l'évolution des métiers et des qualifications professionnelles et
de disposer d'éléments de prospective aujourd'hui notoirement
insuffisants.
Enfin, l'accompagnement des petites entreprises par les pouvoirs publics et les
structures intermédiaires doit être renforcé, notamment par
l'instauration d'un
statut de l'élu professionnel
.
Votre rapporteur pour avis, à l'instar des artisans, met beaucoup
d'espoir dans cette loi d'orientation, qui devra être ambitieuse pour le
moyen terme et s'accompagner des moyens nécessaires.
L'annonce d'une première lecture de ce projet de loi d'orientation
à l'Assemblée nationale en février 2002 ne permettra
sans doute pas son adoption avant les prochaines échéances
électorales. C'est pourquoi, votre rapporteur pour avis tient à
rappeler que, dans l'attente d'une loi d'orientation, quelques mesures
ponctuelles pourraient d'ores et déjà répondre à
certains besoins des petites entreprises et de l'artisanat :
- appliquer le taux réduit de TVA (5,5 %) :
* aux activités de restauration traditionnelle, afin de supprimer
des distorsions de concurrence entre les différentes formes de
restauration traditionnelle et d'appuyer ce secteur, essentiel pour l'emploi et
l'aménagement du territoire ;
* aux produits alimentaires de consommation courante (chocolat, confiserie,
graisses végétales...), notamment à fin d'harmonisation
européenne ;
- réduire la charge financière de la double immatriculation
au répertoire des métiers et au registre du commerce et des
sociétés, par un abattement de 50 % de la taxe pour frais de
chambre de commerce et d'industrie pour les 60 % d'entreprise artisanales
concernées (le niveau actuel des ressources des chambres de
métiers ne pouvant être réduit, pour les raisons
exposées à la fin de ce rapport) ;
- supprimer définitivement la vignette automobile pour les
véhicules utilitaires ;
- exonérer les bouchers et charcutiers de la taxe
d'équarrissage, qu'ils payent sur la totalité de leur chiffre
d'affaires et qu'ils ne peuvent répercuter sur des consommateurs devenus
méfiants à l'égard des produits carnés ;
- réduire la base de la taxe professionnelle pour les professions
libérales.
B. LE PASSAGE À L'EURO : IMPRÉPARATION ET SUJÉTIONS
Une impréparation notoire des PME au
basculement
à l'euro, malgré les mesures d'accompagnement prises par le
gouvernement
-
Un constat alarmant
:
A cause du passage à l'an 2000, de la surcharge de travail née de
la croissance et du passage aux 35 heures, les petites entreprises ont
délaissé la préparation du basculement à l'euro
prévu pour le 1
er
janvier 2002.
Selon la neuvième enquête « Cap euro »
menée en septembre 2001 par la Chambre de Commerce et d'Industrie
de Paris,
30 % des PME et 53 % des commerçants
interrogés n'avaient pas envisagé de basculer leur
comptabilité à l'euro avant le
31 décembre 2001
. De nombreux chefs d'entreprise,
notamment de commerces de détail, n'avaient donc pas pris à cette
date la mesure des enjeux. Alors que l'introduction physique de l'euro ne peut
être différée et que tout règlement scriptural en
francs sera interdit au 1
er
janvier 2002, l'enquête
révèle que 20 % des PME pourraient n'être prêtes
à passer à l'euro qu'au
2
ème
trimestre 2002. Afin de les mobiliser, les
130 Chambres de Commerce et d'Industrie ont organisé une
« semaine de l'euro » en mai à l'intention de
1,3 million de PME. Or, seules 30 à 35.000 d'entre elles
y ont participé.
Ce maigre bilan illustre le manque de sensibilisation au passage à
l'euro et l'absence de motivation pour anticiper l'opération que
certaines PME réduisent à sa dimension informatique.
Votre rapporteur pour avis s'en inquiète, estimant
l'impréparation porteuse de risques divers
: perte possible de
parts de marché face à des concurrents offrant plus vite des
services en euros, compression des marges par une conversion non
stratégique des prix, défaut de disponibilité des
experts-comptables ou des prestataires informatiques, litiges... La
pérennité même d'une entreprise peut s'en trouver
menacée.
-
Une politique d'accompagnement à compléter
.
Pour favoriser le passage à l'euro des PME, le gouvernement a
entrepris :
-
des actions de mobilisation
Une charte de mobilisation des PME a été signée le
19 juillet 2000. Une seconde charte, plus spécifiquement
tournée vers les petites entreprises commerciales, artisanales et de
services, a été signée le
16 février 2001 ; elle concerne principalement les
réseaux participant à l'environnement économique de ces
entreprises (organismes bancaires et financiers, chambres consulaires,
experts-comptables et centres de gestion agréés, organisations et
syndicats professionnels).
-
des actions d'information
Deux guides ont été réalisés, en collaboration avec
les organisations représentatives du secteur :
.
le premier destiné aux PME et diffusé à 800.000
exemplaires au printemps 2001;
.
le second à l'attention des entreprises commerciales, artisanales
et de services et diffusé à 2.000.000 exemplaires durant la
même période.
Leur diffusion a été assurée auprès des entreprises
concernées par les réseaux signataires des deux chartes. Ces deux
guides ont également été chargés sur le site
Internet du Ministère de l'Economie et des Finances spécialement
dédié à l'euro (www.euro.gouv.fr).
Le même site Internet comporte une partie destinée
particulièrement à l'information des entreprises (avec une
possibilité de questions/réponses).
Une campagne média (radio et annonces dans la presse économique
et professionnelle) a également été lancée en
février 2001, en accompagnement de la campagne de communication grand
public menée au 1
er
trimestre 2001.
A l'été 2001 a été lancée l'opération
Euros Bienvenus, en partenariat avec les organisations consulaires,
professionnelles et bancaires. Cette opération vise à promouvoir,
à partir de septembre 2001, l'acceptation par les commerçants et
artisans et l'utilisation par les consommateurs des moyens de paiement
scripturaux (chèques et cartes) en euros. Une première diffusion
de 400.000 supports d'information (affichettes, dépliants,
vitrophanies de vitrine, autocollants de caisse) est en cours de
réalisation.
-
des actions d'accompagnement et de soutien
Elles ont concerné les multiples initiatives, nationales et de terrain,
prises par les réseaux d'appui aux entreprises, spécialement les
petites, et qui relèvent de l'information, de la formation, de
l'assistance technique et du soutien personnalisé.
-
des actions de financement
Les crédits propres d'intervention du secrétariat d'Etat aux
petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à
la consommation ont été mobilisés pour appuyer les actions
relatives à l'euro des organisations consulaires et professionnelles.
Le secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce,
à l'artisanat et à la consommation a ainsi participé au
financement d'études réalisées par l'ISM et le CEFAC sur
des entreprises qui sont passées à l'euro, ainsi qu'à des
actions de formation menées par ces deux organismes.
Il a également apporté un financement à l'opération
10.000 Commerçants Pilotes (46.000 euros, soit
301.740 francs) lancée par les Chambres de Commerce et d'Industrie
à la rentrée 2001, ainsi qu'au « train de
l'euro » (15.245 euros, soit 100.000 francs)
organisé par l'Ordre National des Experts-Comptables du 3 au
26 septembre 2001.
-
des actions fiscales
.
les logiciels et leurs mises à jour bénéficient d'un
amortissement accéléré sur 12 mois ;
.
les frais d'adaptation des matériels existants peuvent être
passés directement en charge dans la limite de 381 euros, soit
2.500 francs ;
.
un dispositif a été retenu par le Parlement lors de l'examen
du projet de loi portant MURCEF pour permettre l'amortissement exceptionnel sur
12 mois, à compter de leur mise en service, de tous les
matériels d'encaissement des espèces et des paiements scripturaux
et des balances pour transactions commerciales acquis en vue du passage
à l'euro par les PME. Il autorisera également la constatation en
charges immédiatement déductibles des simples dépenses
d'adaptation des équipements à l'euro.
Ces initiatives, quoique multiples, ne semblent pas suffire à mobiliser
les PME et le secteur du commerce et de l'artisanat. En outre, les entreprises
concernées soulignent que les mesures fiscales d'amortissement
accéléré ne profitent qu'aux entreprises qui font des
bénéfices.
Votre rapporteur pour avis souligne la nécessité de
motiver
les chefs d'entreprise en mettant au jour les avantages pour l'entreprise d'un
basculement précoce à l'euro
: réorganisation de
la comptabilité, révision du matériel informatique,
amélioration de la politique commerciale de l'entreprise... Il explique
également la réticence des PME à se préparer par
l'absence de compensation des sujétions imposées à ces
entreprises de proximité lors de la double circulation de francs et
d'euros.
Des sujétions de service public
dont il est urgent de
prévoir la compensation
Les entreprises du commerce et de l'artisanat, quoique conscientes du potentiel
économique que représente la monnaie unique, s'inquiètent
des modalités de son introduction sous forme fiduciaire.
Alors que l'Allemagne et l'Italie ont choisi la solution du
« big bang » en s'appuyant sur le seul réseau
bancaire, les autorités françaises ont décidé que,
du 1
er
janvier au 17 février 2002, les acheteurs
pourraient effectuer leurs paiements en espèces indifféremment en
euros ou en francs et que, sauf « impossibilité
majeure », les vendeurs devraient leur rendre la monnaie en euros.
Les commerçants de proximité et artisans sont ainsi mis à
contribution pour assurer une véritable
mission de service
public : mettre en circulation les euros et assurer le retrait des
francs
. Sur les 100 millions de transactions en espèces
réalisées chaque jour en France, une grande partie s'opère
en effet dans les commerces traditionnels (boulangeries, boucheries,
drogueries, etc...). Les commerçants et artisans sont donc
appelés à diffuser la nouvelle monnaie en faisant oeuvre de
pédagogie dans l'accompagnement de leurs clients.
Ils vont se trouver confrontés à plusieurs
difficultés :
1 - La gestion du double fonds de caisse et du rendu de monnaie
Ceci implique :
- un allongement de la durée des transactions en pleine
période de fêtes et donc un risque de perte de clientèle et
de chiffre d'affaires ;
- du temps passé à l'information individualisée du
consommateur sur la nouvelle unité de compte et sur les règles de
conversion et d'arrondi ;
- des risques de difficultés sur le rendu de monnaie en euros s'il
y a pénurie de monnaie ;
- la gestion de la multiplication des petits paiements par chèque
et par carte bancaire ;
- d'éventuels incidents pouvant nuire aux relations avec la
clientèle. Dans cette perspective, se mettent d'ores et
déjà en place dans chaque département des
« commissions de règlement à l'amiable de litiges
liés à l'euro ».
2 - Le risque de pénurie de monnaie fiduciaire
Une des grandes inquiétudes du secteur concerne la disponibilité
de la monnaie, euro mais aussi franc, durant cette période de double
circulation et surtout durant les 15 premiers jours où les francs
seront retirés sans que l'approvisionnement en euros soit assuré.
Le calendrier est le suivant :
- le 1
er
janvier est un mardi. Les banques seront
fermées le samedi 29 décembre sauf exception, le dimanche
30 décembre, le lundi 31 décembre pour beaucoup, et
bien sûr le mardi 1
er
janvier ;
- durant la première semaine, les réapprovisionnements en
euros ne pourront s'effectuer que sur trois jours seulement : 2, 3 et
4 janvier. Les banques font valoir qu'elles craignent elles-mêmes
des difficultés de réapprovisionnement et conseillent aux
commerçants de prendre l'approvisionnement nécessaire en euros
pour toute la semaine, ce qui demeure difficile à évaluer ;
- or, la période des fêtes est une période très
chargée, notamment pour les professionnels des métiers de bouche,
lesquels n'auront donc que peu de temps pour s'approvisionner et se
réapprovisionner en euros auprès de leur banque.
Par ailleurs, les banques, comme le montrent certains documents internes,
encourageraient leurs clients à faire les opérations
d'échange auprès des commerçants plutôt qu'à
leurs guichets.
Il y a par conséquent des risques de pénurie d'euros et de
francs, face auxquels les professionnels se sentent impuissants
.
3 - Les problèmes de sécurité
Chargés de retirer les francs, les commerçants et artisans de
l'alimentation vont devoir stocker des fonds de caisse en francs et en euros
importants, ce qui les expose à des risques accrus de
« braquage ».
La Commission européenne et le ministère de l'économie et
des finances incitent d'ailleurs les commerçants à envisager avec
leur compagnie d'assurances des mesures complémentaires au titre de la
garantie volontaire couvrant cette période d'encaisse exceptionnellement
élevée.
Le Gouvernement a d'ores et déjà prévu, dans le cadre du
plan de sécurité pour le passage à l'euro fiduciaire
préparé par le ministre de l'intérieur, que la police et
la gendarmerie assureraient « une protection renforcée des
commerçants et des personnes les plus exposées »
(communication en Conseil des ministres du 23 mai 2001).
4 - Une augmentation du temps de travail
: formation, mise en place
du double étiquetage, actualisation de divers documents administratifs,
comptables et commerciaux, encaissement ralenti au moment où commencera
la mise en place des 35 heures obligatoires. Face aux risques liés
au changement de monnaie, et à la mission de service public qui leur est
confiée, les entreprises du commerce de détail sont
fondées à demander des compensations, d'autant que leur
équilibre économique et financier est souvent fragile.
S'il n'ignore pas que le principe retenu en Europe est de laisser à
la charge de chaque acteur économique des frais qu'il aura à
supporter lors du passage à l'euro, votre rapporteur pour avis
considère que la sujétion ainsi supportée se distingue par
son poids et doit se traduire par une compensation financière pour
service rendu
. Cette indemnisation est indispensable à la
réussite du passage à l'euro. Les moyens mis au service de cette
réussite ne peuvent se limiter à des campagnes de communication,
si vastes soient-elles. Votre rapporteur pour avis soutient la
nécessité de prendre les dispositions suivantes :
- permettre
l'amortissement accéléré du
matériel
lié aux paiements proposé dans le projet de
loi portant MURCEF serait un premier pas important, mais insuffisant. D'une
part, cette mesure ne concerne que les entreprises qui investissent. D'autre
part, elle n'aura un impact immédiat et significatif que sur les
entreprises dégageant des résultats conséquents.
-
offrir un crédit d'impôt
exceptionnel pour le
passage à l'euro, qui pourrait s'appuyer sur les remises en francs
effectuées par les professionnels auprès de banques du
1
er
janvier au 17 février 2002. Ce dispositif
concernerait toutes les entreprises de proximité et présenterait
par ailleurs l'avantage d'inciter au rendu de monnaie en euros par les
entreprises.
La proposition de loi de MM. les députés Bernard Accoyer et
Patrick Ollier, déposée le 16 juillet 2001,
suggère de dédommager les commerçants pour la diffusion
des euros par une indemnité versée aux « entreprises
comptant au moins vingt salariés, inscrites au registre du commerce ou
au registre des métiers » et proportionnelle aux retraits en
euros qu'elles auront effectués auprès des établissements
bancaires du 1
er
décembre 2001 au 17 février
2002.
Votre rapporteur pour avis partage l'objectif de cette proposition de loi, mais
déplore qu'elle ignore les entreprises de moins de
20 salariés, qui sont les plus fragilisées par
l'opération du simple fait de leur taille. En outre, son
mécanisme, fondé sur une proportionnalité entre les
retraits d'euros et le dédommagement conduit à une charge
financière pour l'Etat difficile à estimer. Un crédit
d'impôt forfaitaire pour tout professionnel concourant à la mise
en circulation des euros serait plus simple et plus facile à
calibrer ;
-
favoriser le recours à la monnaie scripturale
, afin de
pallier les éventuelles pénuries de monnaie fiduciaire et
d'accélérer les transactions. A cette fin, votre rapporteur pour
avis a déposé deux amendements au projet de loi portant MURCEF,
demandant :
.
la suppression de la commission des banques pour les paiements
par carte bancaire inférieurs à 30 euros pendant la
période de double circulation. Cette mesure, en encourageant
l'acceptation des cartes bancaires, pallierait une possible pénurie de
monnaie fiduciaire et accélérerait les transactions dans les
magasins de proximité ; elle fournirait, en outre, l'occasion pour
les banques de banaliser et élargir le paiement par carte sur le long
terme, grâce à l'habitude qui serait ainsi contractée par
les consommateurs durant la période transitoire ;
.
l'augmentation de la garantie de paiement des chèques
à 30 euros : fixée à 100 francs depuis
1975, cette garantie pourrait être portée à 30 euros
(ce qui est bien inférieur à l'actualisation de 100 francs
de 1975, qui serait de 54,65 euros du fait de l'érosion
monétaire). En protégeant plus largement les commerçants
contre les chèques impayés, cette mesure les encouragerait
à favoriser le paiement par chèque durant la période de
double circulation, ce qui serait un moyen complémentaire de pallier une
éventuelle pénurie de monnaie fiduciaire et d'éviter la
complexité des transactions avec paiement en francs et rendu de monnaie
en euros.
Le premier amendement a été retenu par le Sénat. Votre
rapporteur pour avis s'en félicite et compte sur le Gouvernement pour
soutenir devant l'Assemblée nationale le bien fondé de cette
disposition, allégeant les sujétions des commerçants
pendant la période de double circulation monétaire.
Votre rapporteur pour avis attire également l'attention du Gouvernement
sur la nécessité
d'alléger les contraintes
administratives du passage à l'euro pour les petites entreprises,
par deux moyens simples : d'une part, un délai
complémentaire pour adresser l'ensemble des déclarations fiscales
et sociales en ces premiers mois de 2002 particulièrement chargés
du fait du passage à l'euro ; d'autre part, l'exonération
des droits d'enregistrement pour la conversion du capital des
sociétés à l'euro (qui ne peut se résumer à
une conversion mathématique du capital social, laquelle est
effectivement gratuite, mais doit permettre d'arrondir la nouvelle valeurs des
parts en euros).
C. LA COMPETITIVITÉ DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES MISE À MAL PAR L'APPLICATION IMMINENTE DES 35 HEURES
La loi
n° 98-461 du 13 juin 1998, déjà applicable
depuis le 1
er
janvier 2000 aux entreprises de plus de
vingt salariés, réduit la durée légale du travail
effectif des salariés à 35 heures, au
1
er
janvier 2002, pour l'ensemble des petites entreprises
de moins de 20 salariés.
Outre le fait que cette échéance coïncide avec le
délicat changement d'unité monétaire, l'application
imminente des 35 heures aux petites et moyennes entreprises soulève
de grandes difficultés. La rigidité et la complexité
excessives des lois de juin 1998 et janvier 2000, qui prévoient une
réduction obligatoire et uniforme du temps de travail dans les petites
entreprises, rendent leur application extrêmement difficile.
Comme l'a souligné le rapport de la commission d'enquête du
Sénat sur le passage aux trente-cinq heures
3(
*
)
,
grandes et petites entreprises ne
sont pas dans une situation d'égalité pour plusieurs
raisons
:
- l'indivisibilité de l'emploi : s'il est possible, sur de
grands effectifs, de compenser les heures de travail perdues par des embauches,
cela est beaucoup plus difficile pour des petites unités. Les quelques
heures perdues risquent, en effet, de ne pas être compensées,
l'entreprise ne pouvant embaucher une personne suffisamment polyvalente pour
compléter, poste par poste, la durée du travail
nécessaire ;
- la nature des secteurs d'activités des petites entreprises :
le potentiel de gains de productivité, susceptibles de compenser l'effet
de la réduction du temps de travail, est réduit dans certains
secteurs comme les commerces et les services, du fait de la nature même
des activités concernées ;
- les difficultés de recrutement : de nombreuses petites et
moyennes entreprises, notamment dans le bâtiment, l'hôtellerie ou
la restauration, y sont confrontées, malgré une politique de
formation et de promotion.
Dans ces conditions, l'application des 35 heures aux petites et
moyennes entreprises, en pesant sur leur compétitivité, risque
d'avoir l'effet inverse de celui recherché.
Votre commission constate toutefois qu'une partie des PME a anticipé la
date du passage aux 35 heures.
Dans les faits, la primauté de l'accord de branche sur les accords
d'entreprise a pu être constatée : il semble
particulièrement adapté aux petites entreprises, en raison des
clauses d'application directe qu'il peut comporter.
Dans le secteur de l'artisanat, 21 accords de branche ont
été signés au 1
er
juillet 2001 et
concernent 1.600.000 salariés (bâtiment, ameublement,
réparation de machines agricoles, réparation automobile,
réparation horlogerie-bijouterie, commerce de détail bijouterie,
blanchisserie-pressing, céramique d'art, coiffure, commerce de
détail des fleurs, cordonnerie, couture parisienne, imprimerie de
labeur, graphiste-décorateur, plasturgie, prothésistes dentaires,
boulangerie, boulangerie-pâtisserie, charcuterie,
confiserie-chocolaterie-biscuiterie, poissonnerie).
Dans le secteur du commerce, 31 accords de branche ont été
signés au 1
er
juillet 2001. Ils concernent
près de 900.000 salariés (boissons, commerce de gros
bonneterie-lingerie-chaussure, import-export, lin, négoce de bois,
négoce des matériaux de construction, matériel thermique
et frigorifique, entrepôts d'alimentation, commerce de gros
confiserie-chocolaterie, coopératives de consommation, négoce des
engrais, commerce de gros des tissus, mareyeurs, industrie des instruments
à écrire, papiers cartons, négoce des combustibles,
importation charbonnière, fournitures dentaires, matériel
médical, grande distribution alimentaire, commerce de détail des
fruits et légumes, magasins populaires, bricolage, jardinerie, articles
de sport, commerce de détail de la bijouterie et de l'horlogerie,
commerce du flaconnage, habillement, pharmacie).
Dans le secteur des services et des professions libérales,
53 accords ont été conclus, dont cinq concernent les
professions libérales (experts-comptables, avocats, notaires,
greffiers)...
Au 1
er
juillet 2001, 42.000 entreprises de
20 salariés ou moins sont passées aux 35 heures, ce qui
représente seulement 2,5 % des entreprises
considérées, soit 8 % des salariés concernés.
Ce retard patent des très petites entreprises atteste de leur grande
difficulté à appliquer les 35 heures.
Compte tenu de cette réalité, le Gouvernement a dû
multiplier les dispositifs d'appui et d'accompagnement pour permettre aux
petites et moyennes entreprises de bénéficier d'une prise en
charge par l'Etat d'une partie des frais liés aux études
préalables à la réduction du temps de travail. Sont ainsi
prévus :
L'appui-conseil aux entreprises
Un nouveau dispositif a été institué par le décret
n° 2001-256 du 14 juin 2001 au bénéfice des
entreprises de moins de 250 salariés et prioritairement aux
entreprises de 20 salariés ou moins. Il prévoit
l'intervention de consultants compétents en matière d'aide
à l'aménagement et à la réduction du temps de
travail et aux réorganisations qui y sont associées, et la prise
en charge totale ou partielle de son coût par l'Etat. Ce dispositif peut
être mis en place par l'Etat, soit par convention d'action collective
avec des organisations professionnelles ou des chambres consulaires, soit par
convention d'appui et d'accompagnement interentreprises, soit par convention
individuelle pour les entreprises qui rencontrent des difficultés
particulières pour réduire leur temps de travail.
Le coût maximum d'une journée d'intervention de conseil est
fixé à 838 euros HT (5.496,92 francs). La participation
de l'Etat au financement des actions collectives est proportionnée au
nombre d'entreprises concernées, aux objectifs visés dans la
convention, ainsi qu'à la nature des actions retenues. Elle ne pourra
pas dépasser 80 % du coût total de l'action. Pour les
conventions interentreprises, le nombre de journées prises en charge par
l'Etat est fixé à une journée par entreprise, auquel
s'ajoute un forfait maximum de quatre jours. Pour les conventions individuelles
d'appui-conseil, le nombre de journées prises en charge par l'Etat est
fixé par paliers en fonction de l'effectif de l'entreprise.
Les crédits budgétaires qu'y consacre le ministère de
l'emploi et de la solidarité ont été portés pour
l'année 2001 de 42,69 à 83,85 millions d'euros (280 à
550 MF).
L'appui-conseil aux branches professionnelles financé par le
Fonds pour l'amélioration des conditions de travail (FACT)
Dans les petites entreprises, où la conclusions d'un accord d'entreprise
sur la réduction de la durée du travail peut être
remplacée par l'application directe d'un accord de branche
étendu, un rôle actif revient aux branches professionnelles. Il
leur incombe d'organiser les négociations, de procéder aux
études préalables, d'informer les entreprises sur les accords
éventuellement conclus et de les aider à les mettre en oeuvre.
C'est pourquoi, il est prévu que les aides du FACT puissent être
mobilisées dans le cadre du dispositif d'appui-conseil pour soutenir des
initiatives de branches professionnelles visant à aider la
négociation sur le passage aux 35 heures et à accompagner
les entreprises.
Les organisations professionnelles du secteur artisanal et du commerce
indépendant de l'alimentation, de l'hôtellerie et de la
restauration s'engageant dans une négociation pour la réduction
du temps de travail peuvent ainsi recourir aux services de consultants et mener
des études de faisabilité. Les entreprises artisanales et les
entreprises de moins de 20 salariés de l'alimentation de
détail peuvent également être informées sur le
contenu et les modalités d'application des accords signés dont
elles relèvent. Un dispositif de formation et de conseil, adapté
à chaque branche de l'artisanat, est prévu.
Déjà l'an dernier, votre commission estimait que ces
dispositions ne permettaient pas de compenser les effets pervers de la loi pour
les petites entreprises. Elle attirait l'attention du Gouvernement sur la
nécessité d'introduire dans le dispositif des
éléments de flexibilité, notamment grâce à
l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires et à la
réduction des majorations salariales pour les heures
supplémentaires effectuées au-delà de la durée
légale.
Longtemps sourd à cet appel, le Gouvernement a finalement convenu de son
bien-fondé en adoptant le 15 octobre 2001 un décret
n° 2001-941 relatif à la fixation du contingent d'heures
supplémentaires
prévu à l'article L. 212-6
du Code du travail. Par ce décret, le Gouvernement a assoupli le
régime d'heures supplémentaires en relevant le contingent
d'heures supplémentaires par an et par salarié dans les
entreprises de 20 salariés et moins à 180 heures en
2002 -le calcul du contingent démarrant au-delà de
37 heures- et 170 heures en 2003 -s'appliquant au-delà de
36 heures-. En 2004, le droit commun s'imposera, avec un contingent de
130 heures annuelles supplémentaires au-delà de
35 heures par semaine.
L'assouplissement que le Gouvernement a dû concéder à
deux mois de l'échéance ne suffira malheureusement pas à
éviter les très grandes difficultés d'organisation et
l'alourdissement des coûts du travail
-à temps
travaillé constant- que devront nécessairement affronter les
petites et moyennes entreprises dès 2002. La conséquence en est
prévisible : affaiblissement de la compétitivité des
petites et moyennes entreprises, qui provoquera des pertes d'emploi ou une
augmentation du travail au noir.
C'est pourquoi votre rapporteur pour avis regrette que le contingent
d'heures supplémentaires n'ait pas été relevé
au-delà de 180 heures, spécialement pour les petites
entreprises de l'alimentation. Il invite le Gouvernement à
réduire la majoration salariale -de 10% en 2002 puis de 25 % en
2003 et 2004- pour les heures supplémentaires effectuées
au-delà de la durée légale et à étaler sur
une plus longue période la transition vers le nouveau droit commun que
constitue la semaine de 35 heures de travail
.