II. LE DOSSIER DES OGM
A. LES ÉVOLUTIONS DE LA RÉGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE
La
directive 90/220/CEE du 23 avril 1990 relative à la
dissémination volontaire des organismes génétiquement
modifiés (OGM) dans l'environnement a été modifiée
par
la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001
.
Cette directive, qui doit être transposée dans l'ordre juridique
interne avant le 17 octobre 2002
, renforce les garanties en
matière d'environnement et de santé publique.
Elle
prévoit notamment :
- un examen obligatoire par les comités scientifiques
européens des dossiers de demande de mise sur le marché, ainsi
que de toute objection à ces demandes ;
- une rationalisation des procédures selon le niveau de
risque ;
- l'éventuelle consultation d'un comité
d'éthique ;
- la limitation dans le temps -pour une durée maximale de dix ans-
des autorisations de mise sur le marché ;
- un renforcement des dispositions relatives à l'étiquetage
des produits, ainsi que des mesures visant à en assurer la
traçabilité ;
- un suivi systématique, après toute mise sur le
marché, par un dispositif de biovigilance.
Cette directive comporte aussi des dispositions tendant à assurer une
plus grande transparence des décisions relatives aux essais d'OGM.
La Commission européenne a, par ailleurs adopté, en
juillet 2001, un
projet de règlement sur l'étiquetage et
la traçabilité des OGM
, visant à renforcer les
dispositions actuellement en vigueur.
Ce projet prévoit de rendre obligatoire l'étiquetage des aliments
issus d'OGM, même si, à l'issue de leur processus de fabrication,
ils ne contiennent plus d'ADN ou de protéine génétiquement
modifiée, comme c'est le cas pour certaines huiles raffinées.
A la différence de la réglementation actuelle, il s'appliquera
aussi à l'alimentation animale.
S'agissant de la traçabilité, ce projet de règlement
prévoit la transmission, tout au long de la chaîne commerciale,
des informations relatives à la présence d'OGM, et leur
conservation pour une durée minimale de cinq ans.
La Commission a également présenté un
texte
tendant à modifier les procédures d'autorisation de mise sur le
marché
actuellement en vigueur, en imposant une évaluation
par l'Autorité alimentaire européenne et une centralisation des
procédures au niveau européen.
Enfin, elle devrait soumettre prochainement au Conseil des ministres de
l'Union européenne
un projet de texte établissant un seuil de
présence fortuite des OGM dans les semences
conventionnelles.
La législation européenne actuelle ne concerne en effet que les
règles d'étiquetage des denrées et ingrédients
alimentaires, les règlements CE/49/2000 et CE/50/2000 fixant dans ce cas
à 1 % le seuil au delà duquel l'étiquetage
mentionnant la présence d'OGM s'impose.
Le moratoire en matière de mise sur le marché de nouvelles
variétés d'OGM, décidé, à la demande de la
France, par le conseil des ministres de l'environnement des 24 et
25 juin 1999, s'applique toujours.
B. LE DISPOSITIF FRANÇAIS
Un effort de transparence
Le ministère de l'agriculture a indiqué qu'il anticipait la
transposition des obligations posées par la directive 2001/18/CE en
matière d'essais, en permettant, dès l'automne 2001,
l'accès des dossiers en cours d'instruction au public et en offrant
à celui-ci la possibilité d'exprimer son point de vue son site
internet.
La liste des communes comportant des sites expérimentaux de cultures
génétiquement modifiées peut en outre être
consultée sur le site Internet du ministère de l'agriculture
depuis juin 2001.
Le dispositif de biovigilance prévu par la loi d'orientation
agricole
La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 confie aux agents de la
protection des végétaux des pouvoirs de contrôles
renforcés sur les cultures issues d'OGM, dans le cadre de la
surveillance biologique du territoire.
L'article 91 de cette loi leur donne pour mission de
localiser
précisément les parcelles comportant des cultures
génétiquement modifiées
et d'observer les incidences
des OGM sur le milieu environnant, sur le fondement de plans de surveillance.
Ce même article habilite ces agents à
rechercher et à
constater toute infraction à la législation relative à la
surveillance biologique du territoire et à la mise en marché des
végétaux génétiquement modifiés
.
A cet effet, ils peuvent pénétrer dans les installations, lieux
et locaux où sont réalisées les opérations de
dissémination et de mise sur le marché des végétaux
génétiquement modifiés, prélever des
échantillons, voire, s'ils constatent un danger pour l'environnement ou
la santé publique, ordonner la consignation et la destruction des
produits.
La loi d'orientation agricole prévoit également
l'instauration
d'un comité de biovigilance
, relevant à la fois du
ministère de l'agriculture et du ministère de l'environnement. Le
rôle de ce comité consistera :
- à donner un avis aux ministres de l'agriculture et de
l'environnement sur les protocoles de suivi de l'apparition d'éventuels
effets indésirables, ainsi que sur les protocoles de recherche ;
- à alerter les ministres lorsque des effets indésirables
sont mis en évidence ;
- à donner un avis sur le rapport d'activité annuel de la
surveillance biologique du territoire, qui doit être adressé
chaque année à l'Assemblée Nationale et au Sénat.
Si un comité provisoire a bien été installé,
il
est étonnant que le comité de biovigilance prévu par la
loi ne soit toujours pas en place
. Le décret relatif à sa
composition n'est toujours pas paru. En outre, aucun rapport annuel sur la
surveillance biologique du territoire n'a encore été transmis au
Parlement.
L'ensemble des décrets d'application de ce volet de la loi
d'orientation agricole est encore attendu.
Constatant ces retards, votre rapporteur pour avis souhaiterait que le
Gouvernement fasse montre de la plus grande diligence dans l'application de
mesures en relation avec un dossier qui est attentivement suivi par l'opinion
publique.
Les autorisations de mise sur le marché
Depuis juillet 1998, la France impose un moratoire à la
délivrance d'autorisations de mise sur le marché de nouvelles
variétés d'OGM. Plusieurs variétés de maïs,
autorisées antérieurement, telles que le maïs MON810,
résistant aux insectes et le maïs T25, tolérant à un
herbicide, peuvent toutefois être cultivées et
commercialisées.
Lors de la clôture des états généraux de
l'alimentation en décembre 2000, le ministre de l'agriculture et de
la pêche a indiqué que le moratoire sur les autorisations d'OGM ne
pourrait être levé que lorsqu'une traçabilité
complète des OGM aurait effectivement été mise en place,
ce qui suppose l'adoption de règles européennes claires.
En 2000, la culture de maïs génétiquement modifié
autorisé à la mise sur le marché s'est étendue sur
un peu plus de 34 hectares, surface qui doit être comparée
avec les quelques 3 millions d'hectares de maïs cultivés en France.
C. CONTRIBUTIONS AU DÉBAT SUR LES OGM
Le débat sur la mise en place de
filières
séparées
Une étude relative à la pertinence économique et la
faisabilité d'une filière « sans OGM »,
réalisée conjointement par l'INRA, la FNSEA et le
ministère de l'agriculture et de la pêche a été
rendue publique le 30 novembre 2000.
Se fondant sur l'aspiration des consommateurs à disposer d'une
information sur la présence d'OGM dans les denrées alimentaires,
cette étude plaide en faveur :
- de la mise en place de filières séparées pour
préserver la liberté de choix des consommateurs ;
- de la définition d'un seuil de présence fortuite pour
départager les deux filières ;
- de l'instauration d'une signalisation plus claire des produits
OGM ;
- d'un partage des surcoûts entre l'amont et l'aval de la
filière ;
- de la poursuite de la recherche et de l'expérimentation sur les
OGM.
Le débat sur les essais en plein champ
L'année 2001 a été marquée par
des arrachages
sauvages de champs expérimentaux de cultures génétiquement
modifiées
, qui dénonce les risques de contamination que
représentent ces essais pour les cultures avoisinantes.
Un avis rendu le 23 juillet 2001 par l'Agence française de
sécurité sanitaire des aliments (Afssa) confirme la lente
dissémination des OGM dans l'environnement
à partir de
parcelles expérimentales. Il révèle, en effet, que des
traces de contamination -de l'ordre de 0,1 %- ont été
décelées sur 41 % des échantillons analysés de
maïs classé non OGM.
L'Afssa note que cette dissémination provient également pour
partie de l'importation de semences contaminées.
Les essais d'OGM sont soumis à des contraintes variables selon qu'ils
concernent des cultures réalisées exclusivement pour la recherche
ou des cultures bénéficiant déjà d'une autorisation
de mise sur le marché:
- les essais ayant une finalité de recherche et
développement (opérations dites « partie B »)
sont soumis à une autorisation du ministre de l'Agriculture,
après avis de la commission du génie biomoléculaire et
accord du ministre de l'Environnement. Ils doivent respecter des contraintes
renforcées ;
- les essais concernant des cultures pour lesquelles une autorisation de
mise sur le marché a été délivrée, qui
servent à réaliser des tests de distinction,
d'homogénéité ou de stabilité, doivent seulement
respecter les mesures prévues par l'autorisation de mise sur le
marché telles qu'une distance d'isolement ou la présence d'une
barrière pollinique.
Les sites expérimentaux font l'objet de contrôles
systématiques par les agents de la protection des végétaux
qui peuvent, en cas de non-conformité, prendre des mesures de police
sanitaire pouvant aller jusqu'à la destruction. La commercialisation de
leurs récoltes est, en outre, interdite.
Selon les informations fournies par le ministère de l'agriculture, la
Commission du génie biomoléculaire (CGB) a été
saisie, en 2000, de 33 dossiers de demandes d'essais en champs de cultures
génétiquement modifiées. Les disséminations
autorisées dans ce cadre se sont déroulées sur
125 communes et ont principalement concerné le maïs (qui
représente 33 % des plantes testées), la betterave
(21 %) et le colza (17 %). Les caractères les plus souvent
introduits dans ces plantes sont la résistance aux pesticides
(32 %) et la tolérance aux herbicides (40 %).
En réaction aux opérations d'arrachage menées pendant
l'été 2001, le ministre de l'agriculture a annoncé la
conduite d'une réflexion sur la modification des procédures
d'autorisation des essais. Une des réformes envisagées
consisterait à soumettre les dossiers de demande à un
comité d'éthique composé de représentants
socioprofessionnels.
Il est également question de distinguer les essais entrepris dans
l'intérêt général, à l'instar des essais
visant à évaluer les bénéfices et les risques
associés à telle culture génétiquement
modifiée, des essais poursuivis à seule fin d'amélioration
de la productivité.
La publication du rapport du Commissariat général du
Plan « OGM et agriculture : quelles options pour l'action
publique? »
Commandé en avril 2000 par les ministres de l'agriculture et de
l'environnement, ce rapport
1(
*
)
du Commissariat général du Plan a été rendu public
en septembre 2001.
Il présente, en premier lieu, les étapes du développement
des OGM et de l'encadrement dont ils ont progressivement fait l'objet,
constatant que si les OGM permettent une augmentation très relative des
rendements, ils autorisent toutefois de réelles économies de
produits phytosanitaires et une flexibilité accrue des pratiques
agricoles.
Les rapporteurs se penchent ensuite sur les enjeux liés à
l'avenir des OGM. Ils analysent les conséquences possibles de
l'amélioration de leur connaissance, tant pour la recherche que pour les
semenciers, les agronomes et les consommateurs. Ils rappellent les enjeux
économiques des OGM, mettant en évidence les problèmes de
protection de la propriété intellectuelle, de répartition
des gains générés, ainsi que de coût de la mise en
place de filières séparées. Enfin, s'agissant de
l'évaluation des risques, ils insistent sur la nécessité
de substituer une analyse risques/bénéfices à l'actuelle
approche centrée sur les seuls risques.
Après avoir montré les limites aussi bien de la banalisation
progressive des OGM que de leur rejet durable,
le rapport du CGP choisit de
plaider en faveur d'une cohabitation raisonnée de filières
séparées, dont la mise en place bénéficierait d'un
fort soutien public
. Il conclut par la formulation de douze
recommandations, articulées autour de trois grands axes :
renforcer l'accompagnement de l'innovation technologique
, ce qui
implique de définir un projet public clair et cohérent,
d'assurer une implication forte et crédible de la recherche publique,
d'inventer une brevetabilité adaptée, mais également de
permettre une mise en place graduée et raisonnée des
innovations ;
améliorer les dispositifs d'évaluation
par
l'élargissement du champ des innovations alimentaires comprises dans le
terme d'OGM, par la diversification des critères et méthodes
d'évaluation, par le renforcement du suivi des effets des OGM, ainsi que
par la prise en compte de leurs bénéfices ;
tenir davantage compte des attentes de la société,
en proposant aux pays en développement un partenariat respectueux de
leur souveraineté, en prenant en considération les risques
induits par les OGM, et en promouvant une approche participative du
développement et de l'évaluation des biotechnologies.