II. LES DIFFICULTÉS DE L'INDUSTRIE DES VIANDES EN 2001
Maillon important de la filière bovine, qui rassemble des établissements d'abattage et de découpe, l'industrie des viandes a été très affectée par les conséquences de ce qu'il est désormais convenu d'appeler la nouvelle crise de l'ESB, même si, d'un point de vue strictement économique, son équilibre financier a été globalement préservé.
1. La diminution de la consommation de viande bovine
En
dépit des mesures de soutien à la filière (stockage
privé, achat-destruction et achat spécial), qui ont permis de
maintenir un certain volume d'abattage, l'industrie des viandes reste
concernée, de même que l'ensemble de la filière, par la
diminution de la consommation de viande bovine.
Cette consommation, qui a baissé de 36 % au plus forte de la
crise, s'établit encore à un niveau inférieur de 8 %
à ce qu'il était il y a un an.
Selon les derniers chiffres fournis par le Centre d'information des viandes
(CIV), les achats de viande bovine par les ménages ont diminué,
au total, de 18 % depuis octobre 2000. En outre,
un million de
ménages, auraient renoncé à consommer du boeuf.
En outre se pose le problème de la
difficile valorisation des
quartiers avant, utilisés traditionnellement pour la fabrication du
steak haché
. Le Centre d'information des viandes indique, en effet,
que 1,75 million de ménages qui achetaient du steak haché
avant la crise n'en consomment plus.
Enfin, la crise de confiance a également fortement dégradé
la
consommation d'abats
.
2. Le poids des contraintes sanitaires
Parallèlement, les structures d'abattage supportent des
contraintes supplémentaires liées à la mise en place de
nouvelles mesures sanitaires imposées dans le cadre de la lutte contre
l'ESB.
Répondant à une attente forte de la filière viande,
dès lors qu'elle s'inscrit dans une démarche visant à
restaurer la confiance des consommateurs, l'instauration, au
1
er
janvier 2001, du
dépistage
systématique à l'abattoir des bovins de plus de trente mois
,
a occasionné, durant les premiers mois de l'année 2001, une
certaine perturbation de l'activité d'abattage.
L'insuffisance des tests disponibles a constitué une première
difficulté. Les abattoirs ont également dû intégrer
dans leur organisation la contrainte que constitue le délai pendant
lequel les carcasses sont consignées dans l'attente des résultats
d'analyse. Il leur a également fallu acquérir dans l'urgence de
nouveaux équipements frigorifiques pour entreposer les viandes
consignées.
Les abatteurs ont également été conduits à
assurer, pendant un certain temps, le
financement des tests de
dépistage
facturés par les laboratoires, les aides
allouées par l'OFIVAL au titre de la participation européenne au
financement des tests -dont le montant a été fixé à
15 euros par le règlement européen du 18 décembre
2000- ayant été versées avec un certain retard.
Quant au financement du solde, non pris en charge par l'Union
européenne, il repose en partie sur la filière. Si un accord
interprofessionnel du 24 janvier 2001 a décidé d'en
répercuter le coût sur les consommateurs, l'interprofession bovine
est toutefois convenue, en septembre dernier, de diminuer le montant de cette
répercussion, afin de soutenir la consommation.
Un arrêté du 19 juillet 2001 a, en outre, imposé
l'extension du dépistage systématique à l'abattoir
à tous les bovins âgés de plus de vingt quatre mois.
Le dépistage des bovins entre vingt quatre et trente mois
n'étant pas imposé et, par conséquent, pas
cofinancé par l'Union européenne, le Gouvernement s'est
engagé à en prendre en charge le coût à hauteur de
la participation européenne, soit 15 euros par test.
L'Etat financera, en outre, la totalité des frais
générés par le dépistage aléatoire des
ovins, qui sera mis en place à compter de janvier 2002, dans le cadre du
programme de lutte contre la tremblante.
L'allongement de la liste des matériaux à risque
spécifiés (MRS), dont le retrait est imposé à
l'abattoir au titre de la prévention de l'ESB
, a également
pesé sur l'organisation de l'activité d'abattage. Il a fallu
créer de
postes spéciaux
chargés de ce retrait et
prévoir des
circuits de collecte de déchets à
risques
, destinés à être détruits dans le cadre
du service public de l'équarrissage.
Les dernières mesures imposées concernent les intestins de
bovins, ainsi que de nouveaux matériaux chez les ovins et caprins.
Le retrait des os de la colonne vertébrale
, rendu obligatoire
à compter du 1
er
novembre 2001 au stade de la
découpe, devrait, selon les estimations du Syndicat national de
l'industrie des viandes (SNIV), engendrer un
surcoût
de 120 francs
par animal.
Les méthodes de découpe sont, elles aussi, concernées par
les mesures de précaution. Ainsi,
l'aspiration de la moelle
épinière avant la fente des carcasses
devrait être
rendue obligatoire au début de l'année 2002, afin de
prévenir toute possibilité de projection de tissus à
risque sur les morceaux destinés à la consommation. Les abattoirs
disposent d'un délai très court pour s'équiper.
3. Un manque à gagner certain
Outre le
coût des tests et celui des nouveaux équipements
nécessaires pour la réalisation du dépistage
systématique et le retrait des matériaux à risque
spécifiés, l'industrie des viandes a subi un manque à
gagner conséquent du fait de la
diminution considérable des
possibilités de valorisation du cinquième quartier,
c'est
à dire de l'ensemble des déchets animaux non utilisables en
alimentation humaine, qui représentent, pour le boeuf, 30% du poids
total de l'animal.
L'ensemble des déchets sains, qui étaient, avant
l'arrêté du 14 novembre 2000 interdisant l'emploi des
farines de viandes et d'os en alimentation animale, achetés par les
industries de co-produits animaux en vue d'être transformés en
farines animales, constituaient, en effet, une source non négligeable de
revenus pour les abattoirs. Désormais,
ces déchets ne sont
plus vendus
, les entreprises d'abattage devant même verser une somme
que le SNIV évalue à 18 francs par animal abattu pour leur
enlèvement.
Par ailleurs,
le cuir, autre composante du cinquième quartier, a vu
son prix diminuer
en raison de l'augmentation des volumes d'abattage durant
la première partie de l'année 2001, en relation avec les
opérations de retrait-destruction.
Enfin,
l'inscription de tissus sur la liste des MRS génère un
manque à gagner lié à la disparition de morceaux
auparavant commercialisables.
A cet égard, le classement du thymus
(ris de veau) comme MRS, qui avait été très
critiqué par les professionnels, pourrait faire l'objet d'une
révision d'ici 2002, si l'innocuité de cet organe est
confirmée.
4. Des relations délicates avec les autres partenaires de la filière
L'industrie des viandes est prise en étau entre les
difficultés indéniables des éleveurs et la pression
exercée en aval par la grande distribution.
Le 24 octobre dernier, elle a pourtant manifesté une certaine
solidarité envers les premiers à travers la
signature d'un
accord qui établit une grille de prix minimum à l'achat des
bovins entrant à l'abattoir
. Cet accord, valable jusqu'à la
fin du mois de novembre, comporte également une clause suspendant
provisoirement les importations de viande bovine. Qualifié
d' « historique » par ses signataires, il constitue un
première tentative d'organisation d'une filière viande
généralement caractérisée par son
éclatement.
Les relations avec la grande distribution sont plus tendues,
les grandes et
moyennes surfaces exerçant une forte pression à la baisse sur les
prix de vente des abattoirs.
Une étude rendue publique récemment par la chambre d'agriculture
du Finistère met en évidence l'importance des marges
réalisées par la grande distribution sur les ventes de viandes.
Elle renvoie elle-même aux calculs réalisés par le Panel
International du groupe Nielsen, selon lesquels le rayon boucherie
traditionnelle contribue à hauteur de 13 à 14 % à la
marge nette dégagée par les grandes et moyennes surfaces, cette
contribution étant portée à 22 % pour le rayon
boucherie libre-service.
A l'inverse, la marge dégagée au niveau des abattoirs est faible
- de l'ordre de 1 à 1,5 % - et suffit à peine à
financer le renouvellement des outils. L'étude précitée
rappelle, à juste titre, qu'une industrie agro-alimentaire doit
dégager une marge nette d'au moins 5 % pour fonctionner de
manière satisfaisante.