PREMIÈRE PARTIE

LE CINÉMA

I. LA SITUATION DE L'INDUSTRIE DU CINÉMA : DES RÉSULTATS CONTRASTÉS

Les résultats satisfaisants enregistrés en 2000 par l'industrie cinématographique consacrent la tendance au redressement observée au cours des exercices précédents.

La poursuite de la progression de la fréquentation confirme la place du spectacle cinématographique dans les pratiques culturelles des Français. Son maintien à un niveau élevé résulte de la répartition harmonieuse des établissements sur l'ensemble du territoire. Mais ce phénomène trouve sans doute également son origine dans la modernisation des salles sous l'effet de la généralisation des multiplexes, équipements qui ont su attirer un nouveau public grâce à des conditions de confort de grande qualité mais aussi grâce à une offre très diversifiée.

La production, bien qu'en léger recul, se maintient à un niveau élevé, témoignant du dynamisme de la création française.

Après avoir reculé de manière significative en 2000, les parts du cinéma français ont enregistré un spectaculaire redressement au 1 er semestre 2001.

Les résultats à l'exportation des films français, s'ils demeurent médiocres, voire diminuent, sur les marchés qui constituaient leurs débouchés traditionnels, connaissent toutefois une embellie sur le marché américain, réputé difficile à pénétrer.

Ces indicateurs constituent un élément encourageant alors que les évolutions technologiques comme les perspectives économiques ne cessent de menacer l'équilibre précaire que souhaitent établir les mécanismes de régulation gérés par l'Etat entre le pluralisme de la création et le dynamisme industriel de ce secteur.

A cet égard, les modalités de soutien à l'industrie cinématographique doivent être adaptées afin de garantir leur efficacité au regard des objectifs de pluralisme et de qualité qui les fondent.

Toutefois, cette tâche est rendue plus ardue en raison de la complexité des mutations que connaît ce secteur, complexité qui risque de limiter l'effet des mécanismes de régulation comme en témoigne la laborieuse adaptation de la réglementation afin d'encadrer la mise en place des formules d'abonnement.

A. L'EXPLOITATION EN SALLES : DES PERSPECTIVES ENCOURAGEANTES

1. Le maintien à un niveau élevé de la fréquentation

a) Les chiffres de la fréquentation

Après le recul conjoncturel enregistré en 1999 après les résultats exceptionnels de 1998, largement dus au succès du film Titanic , les entrées en salles connaissent en 2000 une progression significative, confirmant la tendance au redressement soulignée par votre rapporteur lors de ses précédents rapports.

Ainsi, en 2000, avec près de 166 millions de spectateurs , les entrées en salles progressent de 8,1 % par rapport à 1999 et les recettes totales des cinémas augmentent de 8,5 % .

A la faveur de cette évolution, la tendance à l'élargissement du public du cinéma se confirme . Le public du cinéma représente 31,7 millions de spectateurs. Si l'on excepte l'année 1998 où Titanic avait attiré beaucoup de nouveaux spectateurs, ce chiffre est le plus élevé jamais atteint.

Chaque spectateur est allé en moyenne près de 5 fois au cinéma. Ce nombre d'entrées, l'un des plus élevé d'Europe, résulte de la part significative et de plus en plus importante des spectateurs fidèles.

La France continue à se démarquer par un nombre d'entrées par habitant très supérieur à ceux constatés dans les grands pays européens, qui connaissent pourtant également une progression significative de la fréquentation.

Comme le souligne l'étude annuelle réalisée par le Centre national de la cinématographie (CNC) 1( * ) , l'augmentation du nombre d'entrées amorcée en 1995 se poursuit « grâce au développement des multiplexes. La modernisation incessante du parc de salles permet en outre d'amplifier le succès des films. Enfin, le lancement en 2000 des cartes d'abonnement illimité au cinéma a également pu contribuer à la croissance de la fréquentation dans certaines zones ». On relèvera, en effet, que l'augmentation des indices de fréquentation concerne plus spécifiquement la région parisienne et les agglomérations de plus de 100 000 habitants.

Ce constat impose donc de nuancer toute diabolisation excessive des évolutions récentes du secteur de l'exploitation et explique les difficultés auxquelles se heurte toute tentative visant à les encadrer de manière trop restrictive.

b) Les performances aléatoires des films français

En 2000, les films français n'ont pas profité de la croissance de la fréquentation : ils ont, en effet, enregistré 47,3 millions d'entrées, contre 49,8 millions en 1999.

Le succès rencontré par certaines oeuvres, comme Taxi 2 , le Goût des autres et les Rivières pourpres n'ont pas permis de maintenir une part de marché du cinéma national supérieure à 30 %. Le nombre de films français dépassant le million d'entrées étant par ailleurs inférieur à celui enregistré en 1999.

Le cinéma américain a bénéficié de ce repli : ses parts de marché progressent en 2000 de 26 % par rapport à 1999, s'établissant à plus de 62 %. Une évolution comparable peut être observée dans les autres grands pays européens.

Votre rapporteur portera sur cette évolution une appréciation circonspecte.

Le succès rencontré auprès du public par les oeuvres françaises obéit évidemment à des critères conjoncturels, largement imprévisibles. Toute conclusion hâtive est à bannir. Depuis 1991, la part de marché du cinéma national oscille entre 37,5 % pour son plus haut niveau enregistré en 1996 et 27,6 % pour son niveau le plus bas constaté en 1998. Il convient de relever que ces chiffres demeurent largement supérieurs à la part de marché moyenne du film national dans les pays européens, qui plafonnait à 17% en 1999, dernière année pour laquelle des données statistiques soient disponibles.

Le succès du cinéma français auprès du public ou à l'inverse le peu d'attirance des spectateurs à son égard demeure extrêmement aléatoire, comme le prouvent le succès d'oeuvres réputées difficiles à l'image de Sous le sable et l'échec des films à gros budget censés a priori répondre au goût du public. A cet égard, le cinéma français se distingue du cinéma américain.

Preuve du caractère aléatoire de ces indicateurs, votre rapporteur relèvera pour s'en féliciter qu'au 1 er semestre 2001, la part du marché des films français atteint un niveau exceptionnel, soit plus de 51 % et que d'avril 2000 à mars 2001, elle dépasse les 36 %.

2. Le dynamisme du secteur de l'exploitation

Confirmant la tendance enregistrée au cours des exercices précédents, la croissance du secteur de l'exploitation trouve son origine pour une large part dans le développement des multiplexes.

a) Une croissance soutenue

Comme en 1999, l'année 2000 se caractérise par le dynamisme du secteur de l'exploitation : 5 103 salles ont été actives, soit 124 de plus que l'année précédente.

Ce solde résulte de la fermeture, provisoire ou définitive, de 138 salles et de l'ouverture ou de la réouverture de 262 salles. Cette évolution profite essentiellement à la province, le nombre de salles parisiennes demeurant stable.

b) Le rôle prépondérant des multiplexes dans le dynamisme de l'exploitation

Les multiplexes ont contribué de manière déterminante au dynamisme de secteur de l'exploitation.

En effet, on constate que si le nombre de salles augmente fortement en 2000, celui des établissements actifs diminue : en effet, 69 cinémas ferment, alors que 63 ouvrent ou réouvrent.

Cette contradiction apparente s'explique aisément par la poursuite du développement des équipements multiplexes.

En effet, les fermetures d'écrans touchent majoritairement des petits établissements tandis que les ouvertures concernent surtout des multiplexes. En 2000, 16 des 63 établissements créés étaient des multiplexes ; les autres cinémas ayant ouvert ne comptent, à quelques exceptions près, qu'un écran.

Si trois des multiplexes ont ouvert dans des agglomérations de moins de 100 000 habitations, ce sont les agglomérations urbaines les plus densément peuplées qui accueillent majoritairement la plupart des nouvelles implantations.

Pour l'heure, le développement de ce type d'établissement a eu un effet très positif sur la fréquentation en attirant un nouveau public pour le cinéma et, dans certaines zones géographiques, a remédié à un sous-équipement en salles cinématographiques.

La répartition de l'équipement cinématographique sur le territoire demeure équilibrée. Si le nombre de salles est naturellement plus fort dans les départements très urbanisés, le nombre de fauteuils pour 100 habitants est à peu près équivalent quelle que soit la taille des unités urbaines. A l'inverse des autres pays européens, les salles ne sont pas absentes des petites agglomérations et des communes rurales, la création de nouvelles salles dans les villes petites et moyennes se poursuivant à un rythme satisfaisant.

La modernisation du secteur de l'exploitation ne s'est pas limitée à la grande exploitation mais a touché l'ensemble du parc. L'extension du parc de salles n'est liée qu'en partie à l'ouverture de multiplexes puisque 25 % des nouveaux écrans ne relèvent pas de multiplexes. La création de nouvelles salles dans les unités urbaines petites et moyennes devrait se poursuivre à un rythme soutenu, grâce aux actions incitatives de l'Etat : en 2000, le CNC a octroyé des aides à la création de salles à 27 projets (101 écrans) soit une nette augmentation du nombre et de l'importance des projets aidés par rapport à 1999 (7 projets, 9 écrans).

B. LE DYNAMISME DE LA PRODUCTION NATIONALE

1. Un ralentissement à nuancer

171 longs métrages ont été agréés en 2000, contre 181 en 1990.

Ce chiffre, s'il traduit un léger recul de la production par rapport à 1998 et 1999, demeure élevé par rapport à la moyenne annuelle de films agréés sur les dix dernières années qui s'établit à 149 oeuvres par an.

Par ailleurs, cette évolution doit être nuancée par la forte progression des investissements et par l'important renouvellement de la création nationale.

En effet, alors que le nombre de films agréés enregistre une légère diminution, le montant des capitaux investis est passé de 0,69 milliard d'euros (4,54 milliards de francs) en 1999 à 0,80 milliard d'euros (5,27 milliards de francs) en 2000, enregistrant une progression de 16 %.

Cette évolution imputable à la multiplication des films à gros budget a pour effet mécanique l'augmentation du montant du devis moyen des films, soit 4,68 millions d'euros (30,7 millions de francs), qui atteint un niveau supérieur à ceux enregistrés depuis 1990.

Par ailleurs, il convient de relever, pour s'en féliciter, le maintien à un niveau élevé du nombre de premiers et de deuxièmes films, qui témoigne de la capacité de la production nationale à se renouveler : au total, le nombre de premiers et de deuxièmes films représente plus de la moitié des films français.

Ainsi, 37 % des films agréés en 2000 sont des premiers films, contre 41 % en 1999. En dépit de ce léger recul, le niveau demeure très satisfaisant sur les trois dernières années au cours desquelles ont été agréés, en moyenne, 58 premiers films par an. Le nombre de deuxièmes films est, pour sa part, légèrement en hausse.

Ce constat résulte des conditions satisfaisantes de financement des jeunes talents, en particulier grâce au niveau des investissements des chaînes de télévision.

En effet, si l'avance sur recettes joue toujours son rôle d'accompagnement des premiers films, elle ne bénéficie qu'au tiers des premiers films en 2000, contre la moitié en 1999. Cette forme de soutien ne constitue donc plus un préalable à la réalisation des premiers films, qui dépendent de plus en plus largement, comme au demeurant, l'ensemble de la production nationale, des apports des chaînes de télévision sous la forme de coproductions ou de pré-achats.

En 2000, 34 des 53 premiers films ont fait l'objet d'un financement de Canal Plus, soit 64 % contre respectivement 69 % et 75 % en 1999 et 1998. Cette évolution doit être nuancée par l'accroissement notable de l'investissement moyen par film, qui s'élève en 2000 à 1 million d'euros (6,6 millions de francs), contre 609 800 euros (4 millions de francs) pour les deux exercices précédents. On relèvera, par ailleurs, que la contribution à la jeune création des chaînes hertziennes et de TPS Cinéma, qui confirme son rôle de nouvel acteur du financement du cinéma, a progressé en 2000.

Votre rapporteur ne peut que souligner l'enjeu que représente le maintien à un niveau élevé de l'effort financier consenti par les chaînes de télévision en faveur du cinéma français. A cet égard, il se félicite de l'accord intervenu entre les organisations représentatives du cinéma français et le groupe Vivendi Universal, à la suite de la fusion avec Canal Plus, afin de garantir la pérennité de ses obligations financières en faveur de ce secteur, et plus particulièrement de la production indépendante.

2. La stabilité des sources de financement de la production cinématographique

En 2000, la structure de financement des films français est comparable à celle prévalant lors des années précédentes , comme l'indique le tableau ci-après :

STRUCTURE DE FINANCEMENT DES FILMS D'INITIATIVE FRANÇAISE
(1991-2001)

(en pourcentage)

 

Apports des producteurs français

SOFICA

Soutien automatique

Soutien sélectif

Chaînes de télévision

A-valoir des distribu-teurs français

Apports étrangers

 
 
 
 
 

Copro-ductions

Pré-achats

 
 

1991

33,7

5,9

7,6

4,7

4,6

18,9

4,4

20,2

1992

36,5

6,1

5,8

4,6

5,4

24,7

5,4

11,5

1993

33,4

5,2

7,7

5,5

5,6

25,2

5,1

12,3

1994

29,3

5,3

7,5

6,7

6,5

27,4

5,0

12,3

1995

26,8

5,6

8,7

5,7

6,8

30,1

4

12,3

1996

24,3

4,8

8,3

4,9

10,3

31,7

5,5

10,2

1997

33,4

4,5

7,7

5,2

7,2

28,7

3,5

9,8

1998

27,9

4,3

7,8

4,4

7

31,5

6,8

10,3

1999

27,9

4,4

6,8

4,4

6

34,2

8,8

7,5

2000

31,9

5,7

6,6

3,6

9

31,2

5,5

6,5

(Source : Centre national de la cinématographie)

? Les chaînes de télévision confirment leur rôle prépondérant dans le financement de la production cinématographique.

Limitée à 23 % en 1991, leur part s'établit en 2000, à près du double, soit 40,2 %.

Leur contribution s'établit à un niveau comparable à celui enregistré en 1999.

Toutefois, au delà de cette stabilité du montant de leur investissement, la répartition entre apports en coproduction et pré-achats subit une modification significative au profit de la coproduction, qui trouve son origine dans la croissance exceptionnelle de la participation de Studio Canal France, filiale de production de la chaîne Canal Plus notamment sur quelques films à gros budget.

Canal Plus, avec un apport de 145,50 millions d'euros (954,4 millions de francs), soit 22 % du total des investissements français dans les oeuvres agréées intervient dans le financement de 70 % des films français.

Les chaînes en clair, si elles maintiennent leur volume d'investissement qui s'établit à 85,48 millions d'euros (560,7 millions de francs), financent un nombre plus important de films. L'implication de TPS Cinéma dans le financement de la production nationale s'accentue : le nombre de films achetés par l'opérateur est identique à celui de 1999 mais ne concerne plus que des oeuvres françaises. Par ailleurs, le montant des investissements est passé de 15,9 millions d'euros (104,3 millions de francs) en 1999 à 17,38 millions d'euros (114 millions de francs)en 2000.

? La part représentée par les investissements des producteurs français connaît une progression sensible, passant de 28 % en 1999 à 31,9 % en 2000, qui enraye la tendance à la baisse constatée depuis 1993.

? A la différence des deux précédents exercices marqués par une reprise de leur contribution, la part des distributeurs diminue en 2000, pour s'établir à 6,5 %. Leur rôle dans le financement du cinéma apparaît donc comme aléatoire, ce qui s'explique par la fragilité financière des entreprises de ce secteur.

? La part des SOFICA , si elle demeure faible, n'enregistre pas moins en 2000 une augmentation significative (+ 50 %). Le nombre de films soutenus comme le montant des investissements progressent. Toutefois, leur intervention continue à profiter essentiellement aux films dont le budget est supérieur à la moyenne et le nombre de premiers films aidés demeure stable.

? La part du soutien public s'établit à un niveau sensiblement inférieur à celui de 1999, soit 10,2 % contre 11,2 %, ce fléchissement étant imputable à la diminution de la contribution du soutien sélectif.

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