IV. L'ACTION CULTURELLE ET ARTISTIQUE
A. LE RÉSEAU DES ÉTABLISSEMENTS CULTURELS
1. La composition du réseau
Le réseau des 151 établissements dotés de l'autonomie financière comprend 145 centres culturels et 6 établissements à vocation scientifique et universitaire auxquels il convient d'ajouter 68 annexes et 4 établissements franco-étrangers répartis de la façon suivante :
Zone géographique |
Nombre de pays |
Établissements
|
Annexes |
Centres culturels franco-étrangers |
Europe (U.E.) |
13 |
46 |
31 |
|
Europe (hors U.E.) |
20 |
29 |
5 |
|
Afrique francophone et lusophone |
23 |
24 |
2 |
3 |
Afrique du Nord |
4 |
15 |
5 |
|
Afrique anglophone |
6 |
5 |
|
1 |
Moyen Orient |
10 |
12 |
17 |
|
Asie |
9 |
13 |
8 |
|
Amérique du Nord |
1 |
1 |
|
|
Amérique latine et Caraïbes |
5 |
6 |
|
|
TOTAUX |
91 |
151 |
68 |
4 |
2. Le financement du réseau
Le
ministère des affaires étrangères met à la
disposition du réseau des personnels pour un coût global de
46.649.400 euros (306 millions de francs).
Les établissements bénéficient de subventions de
fonctionnement d'un montant global de 39.270.870 euros (257,6 millions de
francs) auxquels il faut ajouter 24.137.410 euros (158,3 millions de francs) au
titre des appuis aux actions de coopération, et 6.097.960 euros (40
millions de francs) de crédits de paiement pour investissements et
rénovations immobilières.
Ils s'autofinancent en moyenne à plus de 60 %, les situations
variant d'une zone géographique à l'autre (l'autofinancement
dépasse 75 % dans certains pays développés).
L'autonomie financière dont ils sont dotés leur permet, en effet,
de dégager des ressources propres (cours de langues,
mécénat, recettes des manifestations).
Aux subventions de fonctionnement s'ajoutent aussi des fonds destinés
à accompagner les efforts de modernisation des établissements.
Pour l'exercice 2000, l'origine de ces fonds était la suivante :
- FICRE/Fonds d'intervention pour les bibliothèques et centres de
ressources sur la France contemporaine : 1.676.940 euros (11 millions de
francs);
- FIP/Fonds d'intervention pédagogique : 198.180 euros (1,3 million
de francs).
3. L'évolution du réseau
Le ministère des affaires étrangères a engagé depuis 1999 un travail de réexamen dont le rapport présenté en février 2001 par M. Yves Dauge, député, devrait accélérer le déroulement.
a) Une évaluation sévère
Le
rapport de M. Yves Dauge, après avoir évoqué les
médiocres capacités d'innovation du réseau culturel
français, s'attache à identifier les principales raisons de cette
insuffisance.
La première raison est le manque de moyens.
Le montant des budgets de fonctionnement des 151 établissements
culturels s'est ainsi élevé en 1999, indique le rapport, à
un peu moins de 860 millions de francs (131,11 millions d'euros) dont
243 millions de francs (37,05 millions d'euros) de subventions de
fonctionnement du ministère des affaires étrangères, ce
qui se traduit sur le terrain par deux fait significatifs : d'une part,
neuf établissements seulement ont un budget supérieur à
20 millions de francs (3,05 millions d'euros), d'autre part, les budgets
consacrés à la programmation culturelle représentent
souvent des sommes dérisoires, y compris dans les principales
implantations.
M. Yves Dauge estime urgent dans ces conditions de mettre en oeuvre un plan de
redressement financier atteignant au minimum 500 millions de francs (76,22
millions d'euros) sur cinq ans.
Le second danger pesant sur le réseau est l'absence de
coordination : il n'existe aucun document, remarque le rapport,
définissant ou hiérarchisant les objectifs géographiques,
thématiques, politiques assignés. Les lacunes en matière
de coordination, est-il précisé, concernent les relations entre
les centres culturels et les alliances françaises, les relations
à l'intérieur du réseau des centres -y compris dans un
même pays- et les relations entre centres et services culturels.
M. Dauge met encore en relief, de ce point de vue, l'absence
« d'esprit de réseau » entre les différents
centres d'un même pays et l'absence d'une
« mémoire » des réalisations
effectuées dans les différents établissements.
Il s'appuie sur ces constatations pour conclure que manque à la France
un véritable projet politique culturel extérieur : on se
focalise, estime-t-il, sur la gestion comptable à court terme et le
« remplissage d'agendas culturels », on fait des
réformes institutionnelles sans les prolonger par un travail de fond,
« la logique budgétaire se trouve alors en position de force
pour justifier les coupes dans les ressources ».
Il est important, précise-t-il, de définir une stratégie
diversifiée par région, insistant sur le fait que le principe de
présence est à lui seul insuffisant pour définir les
fondements de notre politique culturelle extérieure et que la
priorité première consiste à traduire une volonté
politique en véritable projet conçu avec l'ensemble des
responsables de nos instituts culturels.
M. Dauge estime aussi que la diplomatie culturelle de la France ne doit pas
être conçue comme une projection de la culture française
mais comme une multiplication des occasions de rencontres et de création
entre cultures : « il est primordial de défendre et
promouvoir l'image de la France comme lieu de reconnaissance des
cultures ». Il est également nécessaire, note-t-il dans
cet ordre d'idées, d'approfondir la réflexion sur le public
visé par les centres culturels, et de privilégier le dialogue et
l'échange.
Quelques axes de réforme sont proposés
à la suite de ces analyses :
- développer le partenariat
Le développement de partenariats offre selon une formule de
M. Jacques Rigaud reprise par M. Yves Dauge, le moyen de passer d'une
« action culturelle de contribution » à une
« action culturelle d'initiative ».
M. Dauge estime en particulier que le réseau doit s'inspirer des
Alliances françaises pour acquérir la capacité de
« baigner dans le milieu local ». Le rôle essentiel
des centres culturels, est en effet de privilégier le dialogue et les
rencontres entre la culture française, passée et actuelle, et les
cultures locales.
Les partenariats doivent d'abord être développés avec les
collectivités territoriales, les associations et les entreprises
(maisons d'édition, théâtres...) des pays d'accueil.
Un second type de partenariat est à développer avec les
collectivités territoriales et les entreprises françaises. Il
faudrait dans cette optique privilégier les initiatives nées
à l'étranger et les diriger sur d'éventuels partenaires,
sollicités par exemple dans le cadre de coopération
inter-régionales ou inter-communautés territoriales. Ceci
permettrait de « sortir d'une atmosphère un peu trop
parisianiste » et de mieux faire connaître ce qui se
crée dans les villes grandes et moyennes avec le soutien actif des
régions.
M. Yves Dauge prend soin de préciser que les collectivités
territoriales ne doivent pas subventionner les centres culturels à la
place de l'État. Son souci est de valoriser ce que font
déjà les collectivités locales et de donner à leurs
actions un potentiel supplémentaire et une visibilité plus large.
Les centres culturels auraient également beaucoup à gagner
à tisser des relations étroites avec les
universités : « nos centres culturels doivent être
capables d'intégrer la dimension universitaire en proposant la vision du
monde de nos philosophes et sociologues ».
Pour développer ces liens, le rapport propose de mettre à la
disposition des grands centres culturels un attaché universitaire, de
formation universitaire, à côté du directeur.
M. Dauge estime par ailleurs que la volonté de coopération entre
services diplomatiques et consulaires, qui a donné lieu à
différentes formules de gestion intégrée (Consulat
franco-allemand à Calcutta par exemple) ou de partage d'installations
matérielles, devrait être étendue aux centres culturels.
- redéfinir la notion de centre culturel
Un centre culturel est trop souvent conçu comme une vitrine de la
France, au lieu de se transformer en une véritable plate-forme
d'échanges et de production, en « un lieu de rendez-vous
ouvert aux cultures d'ici et d'ailleurs ».
Il faudrait à tout le moins, estime-t-il, que les instituts
situés dans les quinze agglomérations principales en
matière de création culturelle puissent tester de nouvelles
pratiques d'échanges et de confrontation des cultures. Dans ces villes,
note-t-il, « nous ne sommes pas actuellement au niveau ; il
faudrait aujourd'hui y aller avec un plan quinquennal de développement
à élaborer avec les centres culturels ».
Les craintes de dilution de l'action du centre culturel et de
« saupoudrage » ne sont pas justifiée,
précise-t-il, dès lors que notre action s'inscrit dans un projet
politique fort.
- identifier une tête de réseau
Il est nécessaire d'identifier clairement une instance de commandement
et d'élaboration d'une stratégie.
En ce qui concerne l'organisation, le rapport Dauge estime que la principale
faiblesse est le fonctionnement de l'interministériel. Alors que
l'action culturelle extérieure devrait être un domaine
partagé entre les ministères des affaires
étrangères, de la culture, de l'éducation nationale, de la
recherche, « le Quai d'Orsay veille jalousement à conserver un
quasi-monopole en la matière ».
M. Dauge juge cette situation parfois dommageable du fait des comportements de
contournement qu'elle provoque de la part des autres ministères et des
collectivités locales.
Le renforcement de l'interministériel pourrait passer par la
création d'une délégation interministérielle
à l'action culturelle extérieure, la mise en place d'un Haut
conseil à l'action culturelle à l'étranger qui associerait
les représentants de la société civile, ou la constitution
d'une Agence en charge des centres culturels à l'étranger et des
alliances françaises, associant au sein de son conseil d'administration
les divers ministères concernés, ou plus simplement encore, par
la mise en place de procédures de concertation.
b) Les initiatives du ministère
De
nouveaux moyens de suivi budgétaires et d'évaluation sont
entrés en vigueur le 1er janvier 2001. Ils permettent de disposer d'un
tableau de bord de plus en plus complet des situations budgétaires et
des activités. Un dispositif d'évaluation a aussi
été mis en place.
La question des recrutés locaux a également fait l'objet d'une
étude dont les résultats devraient permettre une gestion plus
rigoureuse sur la base de directives diffusées dans les ambassades et
d'une mesure budgétaire nouvelle permettant à partir de 2002 de
résorber les anomalies.
Une note d'orientation générale a été
élaborée à l'issue de la consultation de l'ensemble des
agents intéressés (responsables d'établissements, des
services culturels et des ambassades, de la Direction générale de
la coopération internationale et du développement).
Outre la redéfinition des missions, la mise en place de moyens
budgétaires nouveaux est prévue en 2002 ; ils permettront
notamment de renforcer et de diversifier les programmations culturelles des
établissements situés dans les principales villes-cibles, de
développer des programmes favorisant le débat d'idées,
d'améliorer la politique de constitution de centres de ressources sur la
France contemporaine dans les bibliothèques des établissements et
de renouveler le matériel et le mobilier (dans les salles de cours en
particulier).
Votre rapporteur estime de son côté que l'évolution du
monde implique que l'on envisage la réforme de la carte des centres
culturels. A titre d'exemple, il apparaît manifestement opportun de
redéployer vers l'Europe de l'Est un réseau actuellement
extrêmement bien maillé à l'Ouest.
B. L'ASSOCIATION FRANÇAISE D'ACTION ARTISTIQUE
L'Association française d'action artistique (AFAA) joue
un
rôle déterminant dans l'action culturelle et artistique
extérieure de la France. Ce rôle a été
précisé en 2000 à l'occasion d'une modification des
statuts de l'association.
La réforme des statuts a été en particulier l'occasion de
préciser les missions de l'AFAA et le rôle du ministère de
la culture dans la planification de son activité.
L'AFAA est ainsi expressément devenu l'opérateur du
ministère des affaires étrangères et du ministère
de la culture pour la coopération artistique ; le
développement culturel ; la formation, destinée au personnel
du réseau des établissements culturels français à
l'étranger ; l'ingénierie culturelle. Son champ d'action,
qui couvre le spectacle vivant, les arts plastiques, l'architecture et le
patrimoine, ne s'étend pas au cinéma ni au livre.
La réforme des statuts est aussi à l'origine d'une convention
tripartite entre le ministère des affaires étrangères, le
ministère de la culture et l'AFAA. Cette convention entérine la
caducité de l'ancienne répartition des compétences entre
le ministère des affaires étrangères, chargé
« d'exporter » la culture française, et celui de la
culture, spécialisé dans « l'importation »
des cultures étrangères. L'AFAA est le lieu
privilégié de la rencontre et de la combinaison de ces deux
démarches. La convention tripartite prévoit l'organisation de
réunions annuelles de cadrage permettant de fixer les grands objectifs
de l'AFAA. Le ministère des affaires étrangères a
reçu la tâche spécifique de déterminer les zones
où le renforcement de la présence des artistes français
apparaît opportun.
Votre rapporteur se propose d'appuyer, dans le prochain avis budgétaire
de votre commission, sur le constat de deux années d'application de la
réforme, un premier bilan des résultats de cet effort de
repositionnement dans un cadre interministériel affermi.