G. LES BÂTIMENTS

Le parc pénitentiaire français comporte 187 établissements, dont 119 maisons d'arrêt et 55 établissements pour peine.

1. Les actions en cours

Le programme " 4 000 places " est maintenant entré dans sa phase de réalisation. Ce programme prévoit la construction de six établissements, cinq d'entre eux étant appelés à remplacer des établissements vétustes :

- une maison d'arrêt à Seysses (ouverture prévue au 3 ème trimestre 2002) ;

- un centre pénitentiaire au Pontet (ouverture prévue au 3 ème trimestre 2002) ;

- une maison d'arrêt à Sequedin (ouverture prévue au 1 er semestre 2003) ;

- une maison d'arrêt à Chauconin-Neufmontiers (ouverture prévue au 3 ème trimestre 2003) ;

- un centre pénitentiaire à Liancourt (ouverture prévue au 3 ème trimestre 2003) ;

- une maison d'arrêt à La Farlède (ouverture prévue au 3 ème trimestre 2003).

De plus, le Gouvernement a décidé la reconstruction de la maison d'arrêt de Saint-Denis de la Réunion et a affecté 200 millions de francs d'autorisations de programme à cette opération dans la loi de finances rectificative pour 1999.

Le Gouvernement a en outre décidé cette année la construction de trois nouveaux établissements à Lyon, Nice et Basse-Terre et a inscrit 800 millions de francs d'autorisations de programme dans la loi de finances rectificative pour 2000 au printemps dernier.

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé en 1999 un plan de rénovation des cinq plus grandes maisons d'arrêt (Fleury-Mérogis, Fresnes, La Santé, Les Baumettes et Loos-les-Lille). D'après les dernières estimations du Gouvernement, ce plan pourrait mobiliser 3,6 milliards de francs. La rénovation pourrait durer cinq à sept ans à Fresnes, Loos et La Santé, sept ans aux Baumettes et dix à onze ans à Fleury-Mérogis.

Enfin, le Premier ministre a récemment annoncé la mise en oeuvre d'un plan de rénovation concernant la totalité du parc pénitentiaire et devant mobiliser dix milliards de francs en six ans . Un milliard de francs d'autorisations de programme a été inscrit dans le projet de loi de finances pour 2001 à l'occasion de son examen par l'Assemblée nationale. Selon le Gouvernement, ces crédits viendraient s'ajouter à l'ensemble des actions déjà annoncées en matière de construction et de rénovation d'établissements pénitentiaires.

La multiplication des annonces de plans de construction ou de rénovation d'établissements pénitentiaires ne permet guère, à ce stade, de percevoir la cohérence globale des actions entreprises. Il faut espérer que cette cohérence apparaîtra davantage après la mise en place de l'établissement public chargé de mettre en oeuvre le plan global de rénovation des prisons.

Les actions de reconstruction et de rénovation annoncées par le Gouvernement représentent un effort très substantiel. Toutefois, votre rapporteur pour avis s'inquiète du rythme des réalisations. Il doit constater, avec notre excellent collègue, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial de la commission des Finances sur le budget du ministère de la justice, que les retards s'accumulent dans l'utilisation des crédits inscrits en lois de finances.

En 2000, pour le programme spécial de construction de nouveaux établissements, 754,7 millions de francs de crédits de paiement étaient ouverts, dont la moitié issue de reports de crédits non utilisés. Or, au 2 novembre dernier, 43,4 millions de francs avaient été dépensés. Au 31 juin 2000, plus d'un milliard de francs de crédits de paiement étaient disponibles.

Rien ne serait pire que de lancer des projets très ambitieux qui ne seraient suivis d'effet que de nombreuses années plus tard. Il est indispensable que le Parlement puisse avoir une vision claire du temps nécessaire pour que les crédits qu'il ouvre aboutissent à des constructions ou à des rénovations.

D'une manière générale, les projets immobiliers de l'administration pénitentiaire prennent un retard préoccupant. Ainsi, à la fin de l'année 1998, le Gouvernement prévoyait la livraison des établissements du " programme 4000 " au cours des années 2001 et 2002. Or, aucune livraison n'est plus prévue avant le troisième trimestre 2002 et les dernières interviendront à la fin de 2003 si de nouveaux retards ne sont pas enregistrés.

La même observation vaut pour les centres pour peines aménagées, dont la ministre avait annoncé la création dès 1998. Ces établissements seront appelés à accueillir d'une part des condamnés purgeant une peine ou un reliquat de peine de moins d'un an et qui n'ont pas de projet d'insertion immédiat, d'autre part des détenus bénéficiant de mesures de semi-liberté ou de placement extérieur. Les premiers centres, installés à Metz et à Marseille auraient dû ouvrir dès cette année, mais la mise en service a d'abord été repoussée à 2001 et est maintenant annoncée pour le premier semestre 2002.

L'annonce de rénovations ou de reconstructions et l'inscription au budget de milliards de francs d'autorisations de programme ne suffira pas à améliorer les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.

2. Les constatations de votre commission

Si votre commission des Lois n'a pas visité d'établissements pénitentiaires au cours du premier trimestre 2000, compte tenu de la création d'une commission d'enquête qui a, pour sa part, visité vingt-huit établissements, elle a en revanche souhaité reprendre ses visites d'établissements dès la fin des travaux de la commission d'enquête.

Votre rapporteur pour avis s'est donc rendu récemment à la cour d'arrêt d'Agen et à celle de Bois d'Arcy.

• La maison d'arrêt d'Agen est un établissement de taille modeste situé en centre ville. Le jour de la visite de votre rapporteur pour avis, elle accueillait 143 détenus parmi lesquels 61 condamnés, dont 35 condamnés à plus d'un an d'emprisonnement. Rappelons qu'en principe, les maisons d'arrêt ne peuvent accueillir des condamnés à plus d'un an d'emprisonnement.

La maison d'arrêt est vétuste, mais propre et préserve la dignité des personnes détenues. Certaines cellules accueillent cependant jusqu'à six détenus. La maison d'arrêt n'est guère en mesure de proposer du travail aux détenus, ne disposant que de neuf places d'atelier et d'une offre de travail par des concessionnaires limitée.

L'établissement dispose d'un quartier réservé aux femmes, dont la rénovation doit être entreprise prochainement. Ces femmes, peu nombreuses, se voient proposer beaucoup moins d'activités sportives et culturelles que les hommes, compte tenu de l'organisation de la maison d'arrêt. En outre, elles ne peuvent bénéficier de la semi-liberté, faute d'aménagements de locaux distincts de ceux des hommes.

Cette situation semble assez générale dans les établissements qui accueillent à la fois des hommes et des femmes. Votre rapporteur pour avis souhaite instamment qu'une réflexion soit entreprise pour éviter que les femmes soient défavorisées en termes d'activités et de perspectives de réinsertion au motif qu'elles sont moins nombreuses que les hommes en prison.

•  La maison d'arrêt des Yvelines à Bois d'Arcy a été mise en service en 1980. Conçu pour accueillir des condamnés, l'établissement est en fait devenu une maison d'arrêt. Cette situation comporte certains avantages pour les détenus, puisque la maison d'arrêt de Bois d'Arcy est en mesure de proposer du travail ou des formations professionnelles à un très grand nombre de détenus, contrairement à la plupart des autres maisons d'arrêt .

En revanche, le changement de vocation de l'établissement a singulièrement compliqué sa gestion, notamment en ce qui concerne les circulations des détenus. Parfois qualifiée de " Beaubourg pénitentiaire ", la maison d'arrêt est caractérisée par une gigantesque structure métallique située au centre de l'établissement, au sein de laquelle se trouvent des escaliers en colimaçon par lesquels se font l'ensemble des déplacements des détenus.

D'une manière générale, l'établissement, pourtant récent, paraît déjà fortement dégradé et connaît en particulier régulièrement des infiltrations d'eau. Le vieillissement précoce de l'établissement trouve une explication partielle dans le fait que la maison d'arrêt, dans les premières années de son fonctionnement, a pu accueillir jusqu'à 1.300 détenus pour une capacité de 519 places.

Le jour de la visite de votre rapporteur pour avis, l'établissement accueillait 700 détenus, dont 254 condamnés. Parmi ces derniers, 102 étaient condamnés à une peine égale ou supérieure à un an d'emprisonnement et 39 subissaient une peine de réclusion criminelle.

La maison d'arrêt des Yvelines comprend un quartier mineurs de 35 places. Les responsables de l'établissement incitent au maximum ces mineurs à participer à des activités de formation, l'enseignement n'étant obligatoire que pour les mineurs de moins de seize ans.

Le personnel de la maison d'arrêt se renouvelle à hauteur du quart chaque année, ce qui ne peut que poser des difficultés sérieuses d'organisation. La gestion du personnel paraît pour le moins chaotique. Ainsi, des premiers surveillants nommés à Bois d'Arcy ont été mutés dans un autre établissement le jour même de leur installation. Le poste de directeur du " bâtiment jeunes ", qui abrite en particulier le quartier des mineurs, est actuellement vacant, alors même que la prise en charge des mineurs est considérée comme une priorité.

A l'inverse, la maison d'arrêt dispose actuellement d'un nombre de chefs de service pénitentiaire plus élevé que celui que prévoit son organigramme. Loin d'améliorer la gestion, cette situation suscite des difficultés, dans la mesure où certains ne peuvent avoir les mêmes responsabilités que d'autres.

Le personnel de la maison d'arrêt a attiré l'attention de votre rapporteur pour avis sur la situation des personnels issus des départements d'outre-mer. Récemment, l'établissement a accueilli vingt-six surveillants stagiaires parmi lesquels onze ressortissants des départements d'outre-mer. Ces personnels ont droit à des congés bonifiés destinés à leur permettre de retourner dans leur département d'origine. Si plusieurs d'entre eux prennent ces congés en même temps, la maison d'arrêt risque de connaître des difficultés d'organisation particulièrement lourdes.

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Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.

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