b) L'effet de la mise en place de la réduction du temps de travail
Votre commission avait déjà souligné l'année dernière que le passage aux 35 heures dans le secteur social et médico-social n'était pas exempt de risques de dérapage, car il reposait sur un certain nombre de paris.
La difficulté par rapport aux entreprises est que les gains de productivité qui seraient susceptibles de compenser la baisse du temps de travail et d'atténuer ainsi le surcoût de la mesure, sont faibles, voire inexistants dans le secteur social et médico-social.
Tout d'abord, la durée des soins et de l'assistance requise par une personne handicapée reste la même au cours d'une journée, quels que soient les horaires des travailleurs sociaux. Comme le souligne l'UNIOPSS, le secteur médico-social " fait face à des hommes et non pas à des machines " .
Mais surtout, deux phénomènes sont apparus qui aggravent la situation.
Tout d'abord, le Gouvernement a ouvert la possibilité d'agréer les accords collectif relatifs aux trente-cinq heures au niveau de chaque association responsable. Or, une même association peut comprendre plusieurs établissements de petite taille. Le passage aux trente-cinq heures s'est déjà effectué dans des unités de moins de vingt salariés dans le secteur social et médico-social.
Dans ces petits établissements, la réorganisation du temps de travail est particulièrement complexe compte tenu des seuils d'encadrement des publics accueillis.
Ensuite, la mise en oeuvre du temps de travail entraîne des " réactions en chaîne " : c'est ainsi que les travailleurs en CAT sont passés aux trente-cinq heures dans le cadre de mesures spécifiques ; dès lors que ceux-ci rejoignent plutôt les foyers d'hébergement, les personnels de ces foyers sont soumis à des sollicitations croissantes alors qu'ils doivent eux-mêmes tirer les conséquences de la réduction du temps de travail. Il en résulte automatiquement le recours à des embauches compensatrices dans des proportions plus importantes que prévues, dont le coût devra être évalué.
Par ailleurs, la réussite de la réduction du temps de travail repose très largement sur le respect des accords de modération salariale passés avec les personnels couverts par les conventions collectives.
Par exemple, l'accord SNAPEI du 12 mars 1999 prévoit un gel de la valeur du point et des mesures catégorielles en 1999 et 2000 ainsi qu'une suspension à durée indéterminée de la majoration familiale de traitement.
Ces accords, compte tenu des aides budgétaires versées par l'Etat, de la diversité des durées hebdomadaires de travail selon les établissements et du moindre niveau des salaires des personnes nouvellement embauchées, doivent permettre de financer le passage aux trente-cinq heures et, en particulier, de compenser le seuil de 11,4 % d'embauches supplémentaires que nécessite le dispositif.
Le succès de la réduction du temps de travail, sans dérapage pour les financeurs départementaux, nécessite une compréhension par les personnels concernés de l'effort de modération salariale qui leur est demandé et par la possibilité d'une réorganisation des astreintes et des périodes de permanence.
Votre rapporteur a été informé toutefois que, dans certains cas, des ajustements avaient dû être opérés sur la durée des services offerts aux personnes accueillies dans les établissements. Le réaménagement du temps de travail conduit alors à une diminution de la qualité du service pour les personnes accueillies.
Ainsi, par exemple, les CHRS ont dû renoncer à maintenir certaines activités d'insertion qui étaient proposées pendant les périodes de congé annuel. Dans les établissements de protection de l'enfance, il a été procédé à des regroupements plus importants d'enfants pour l'exercice des activités socio-éducatives.
Dans les établissements pour adultes handicapés, les activités sont également plus réduites qu'auparavant pendant les périodes de congés annuels.
Certains instituts médico-éducatifs ont réduit l'amplitude de leurs horaires d'ouverture.
Mais se pose surtout la question de l'évolution des salaires au-delà de 2000 . L'UNIOPSS souligne ainsi que la question de la reprise des négociations salariales est à l'ordre du jour puisque les évolutions de rémunération envisagées dans la fonction publique conduiraient à la fin de l'année 2000 à mettre un terme à la période de gel imposée par les principaux accords du secteur social et médico-social.
La période qui s'ouvre est donc cruciale du point de vue des conséquences financières de la réduction du temps de travail dans ce secteur.