III. LA COORDINATION ENCORE INSUFFISANTE DES AIDES BILATÉRALES ET MULTILATÉRALES
A l'heure où le montant global de l'aide publique au développement tend à se contracter, une meilleure utilisation des moyens disponibles constitue un impératif. L'aide dispensée par les organisations multilatérales en particulier, suscite une certaine perplexité : lourdeur des dépenses de fonctionnement, retards des décaissements et, en conséquence, décalages fréquents entre les ambitions affichées et les réalisations effectives.
Ces insuffisances doivent constituer pour la France un sujet de préoccupation prioritaire dans la mesure où la part multilatérale de notre aide, même si elle demeure encore inférieure aux concours que nous apportons sur une base bilatérale, tend à s'accroître. Elle est ainsi passée de 22 % en 1994 à 27 % en 1998, et sans doute 30,4 % en 2001.
1998 |
1999 |
2000 1 |
2001 2 |
|
APD multilatérale |
9 186 |
9 307 |
10 136 |
10 214 |
Aide européenne |
4 614 |
4 916 |
5 725 |
7 913 |
Banque et Fonds de développement |
2 324 |
2 380 |
3 374 |
3 494 |
Nations unies |
708 |
731 |
773 |
788 |
FMI (FASR) |
1 540 |
1 280 |
264 |
1 111 |
Total |
33 872 |
34 702 |
30 043 |
33 564 |
1 Exécution
2 Prévision d'exécution associée au PLF
Un emploi plus efficace de l'aide multilatérale suppose aujourd'hui une meilleure articulation des aides bilatérales et multilatérales.
A. LA RESPONSABILITÉ PARTICULIÈRE DE LA FRANCE DANS LA MISE EN ORDRE, AUJOURD'HUI INDISPENSABLE, DE L'AIDE EUROPÉENNE
Notre pays est aujourd'hui le principal contributeur de l'aide européenne. Cette position le désigne tout particulièrement pour renforcer l'efficacité de politique d'aide au développement de l'Union dont les résultats sont très insuffisants.
1. La France, premier contributeur de l'aide européenne
La participation française à l'aide européenne représente actuellement 14 % du montant total de notre aide publique au développement contre 11 % en 1994. Cette évolution est principalement liée à l'importance de la quote-part française (24,3 %) au Fonds européen de développement (FED) qui place notre pays au premier rang des contributeurs européens.
A l'occasion des discussions relatives aux dotations accordées au neuvième Fonds européen de développement dans le cadre de la négociation des accords de Cotonou -signés le 23 juin dernier- destinés à prendre la suite des accords de Lomé entre l'Union européenne et le groupe des pays d'Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique (ACP), notre pays aurait souhaité un rééquilibrage de sa clé de contribution au FED dans un sens plus conforme à sa part dans le budget communautaire (17,5 %).
Pour préserver l'enveloppe destinée aux pays ACP, contestée par une partie de nos partenaires européens, la France a cependant dû consentir en juillet dernier, à l'heure où elle prenait la présidence de l'Union, au maintien des clés de répartition.
Toutefois, la Commission a récemment fait part de son intention de soumettre au Conseil avant 2003 un examen des avantages et des inconvénients d'une budgétisation du FED. L'intégration de l'aide aux pays ACP au sein du budget communautaire permettrait un partage des charges proportionnel aux participations des Etats membres au budget et donc une répartition plus équitable que celle retenue dans le cadre d'un fonds dont les dotations doivent régulièrement être renégociées.
2. Une meilleure utilisation des compétences nationales, gage d'une plus grande efficacité de l'aide européenne
Aujourd'hui le niveau de décaissement des crédits européens apparaît excessivement réduit. Le montant des reliquats sur le FED s'élève à près de dix milliards d'euros que les Quinze ont décidé d'engager au cours des sept prochaines années en complément des fonds accordés au titre du neuvième FED (13,5 milliards d'euros). Le volume des crédits engagés mais non décaissés apparaît encore plus élevé pour les zones non couvertes par le FED -principalement l'Amérique latine et la Méditerranée. Il atteignait, en effet, fin 1999, plus de 20 milliards d'euros. Les délais de mise en oeuvre des projets peuvent dans certains cas dépasser 8 ans.
En fait, 35 à 40 % seulement des ressources disponibles ont été à ce jour dépensés. Ces délais ont de multiples causes ; ils mettent cependant en lumière les lourdeurs administratives d'une organisation bruxelloise que de récents rapports émanant de la commission elle-même ont d'ailleurs sévèrement critiquées.
Sur la base de ce constat, le Conseil " développement " du 10 novembre dernier a souhaité jeter les nouveaux fondements d'une politique européenne de développement. Une déclaration commune du Conseil et de la Commission adoptée à cette occasion souligne en premier lieu la nécessité de favoriser une division du travail entre la Commission et les Etats membres en fonction de leurs avantages comparatifs . Elle recentre ainsi l'activité de la Communauté sur dix domaines d'interventions prioritaires : le lien entre le commerce et le développement, la promotion de l'intégration et des coopérations régionales, l'appui aux politiques macroéconomiques et l'accès équitable aux services sociaux, le développement des moyens de transports, la sécurité alimentaire et le développement rural durable, le renforcement des capacités institutionnelles. Par ailleurs, la déclaration insiste sur deux autres axes d'action : une coordination et une complémentarité accrues entre les opérations des Etats membres et celles de la Communauté d'une part, avec la Communauté et les autres donateurs internationaux, d'autre part.
Parallèlement, le Conseil soutient le processus en cours de refonte par la Commission de la gestion de l'aide extérieure, en particulier la simplification des procédures et la déconcentration des décisions en direction des différentes délégations de la Commission implantées dans les pays bénéficiaires de l'aide.
La coordination sur place avec les représentations des Etats membres devrait également être renforcée. A Bruxelles, les comités de gestion -instances de concertation entre les Etats membres et la Commission- pourraient se recentrer vers les aspects stratégiques de la coopération tandis que la mise en oeuvre des projets individuels relèvera d'un nouvel office Europaid.
Les orientations présentées lors du Conseil " développement " sont le résultat d'une prise de conscience salutaire des insuffisances de l'aide européenne. La traduction de ces objectifs dans la réalité requerra une attention vigilante de la part des autorités françaises. Deux points en particulier appellent une attention particulière : en premier lieu, la mise en place d'Europaid ne doit pas s'accompagner d'un dessaisissement du pouvoir de contrôle des Etats sur les projets financés sur fonds communautaires. Ensuite, la déconcentration des procédures au profit des délégations de la Commission ne peut produire des résultats satisfaisants que si des mécanismes de coordination applicables sur place sont effectivement arrêtés.
Pour votre rapporteur, la mise en oeuvre des fonds communautaires par les agences de développement des pays membres qui en sont dotés apparaît sans doute comme l'un des gages les plus assurés de l'efficacité de l'aide européenne. En effet, l'expérience acquise par ces organismes permettra d'adapter effectivement l'aide dont les orientations générales auront été arrêtées par le Conseil, aux besoins effectivement constatés sur place. En outre, le recours à des agences de développement garantira la bonne articulation des aides bilatérales et multilatérales, voire le développement, souhaitable, des cofinancements de projets communs.
L'Agence française de développement (AFD) constitue sans doute de ce point de vue un instrument particulièrement adapté. Du reste, il faut le souligner, l'AFD s'attache depuis plusieurs années à nouer des alliances financières et techniques avec d'autres bailleurs de fonds. Depuis trois ans, sept accords de partenariat ont ainsi été signés avec des organismes bilatéraux ou multilatéraux (notamment la KFW, l'homologue allemand de l'AFD, en janvier 1998 et la Commission européenne en juin 1999). En outre, l'AFD a signé à la fin de l'année 1998 deux accords financiers lui déléguant la gestion de crédits multilatéraux : ligne de financement de projets PME/PMI pour le compte de la Société financière internationale (20 millions de dollars), facilité de refinancement de Proparco pour le compte de la Banque européenne d'investissements (20 millions d'euros). De tels accords devraient se développer au cours des années à venir.
Il n'est pas inutile par ailleurs, de rappeler aux Etats et aux populations bénéficiaires de l'aide, que les fonds qu'ils reçoivent et dont l'origine ne leur apparaît pas toujours clairement, résultent de la conjugaison de contributions nationales. Notre pays a notamment tout intérêt à ce que son effort au titre de l'aide européenne, soit mieux reconnu. L'intervention d'un opérateur comme l'Agence française de développement ne peut, de ce point de vue, que contribuer à mieux faire percevoir cette dimension parfois négligée.