2. Comme prévu, le financement du FOREC n'a pas été assuré en 2000
a) Des prévisions gouvernementales inexactes
L'année dernière, votre rapporteur pour avis notait que " le volet recettes du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale est la source de très vives interrogations et inquiétudes pour [lui] , en raison de son caractère extrêmement incertain ".
Il convient de constater la justesse de ces propos, au regard de l'inadéquation constatée, en cours d'année, entre les dépenses très lourdes du FOREC et ses ressources.
Les prévisions initiales du gouvernement relatives à l'équilibre du FOREC en 2000 s'établissaient de la façon suivante :
Or, ces prévisions ne se sont pas réalisées , pour au moins deux raisons :
1) Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000 portant sur la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, dite loi " Aubry II ", a annulé la disposition de ladite loi prévoyant la taxation des heures supplémentaires, privant ainsi le FOREC d'une recette de 7 milliards de francs.
2) Le montant des ressources du FOREC a différé des prévisions : le produit du droit de consommation sur les tabacs s'est révélé plus élevé que prévu (40,7 milliards de francs au lieu de 39,5 milliards de francs), alors que celui de la TGAP et de la CSB s'est établi à un niveau plus bas (respectivement, 2,8 milliards de francs au lieu de 3,25 milliards de francs, et 3,8 milliards de francs au lieu de 4,25 milliards de francs).
Il est dès lors devenu indispensable, pour le gouvernement, de " boucler " le financement des 35 heures pour 2000 , en assurant l'équilibre du FOREC ex post , faute d'avoir pu le faire ex ante , comme le Sénat l'avait d'ailleurs démontré lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Il convient en effet de rappeler que l'équilibre du FOREC est une obligation légale.
b) Comment boucler le financement des 35 heures en 2000 ?
En dépit du déséquilibre initial du FOREC, le gouvernement n'a pas jugé bon de déposer un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2000. Il n'a donc pas voulu prêter attention aux recommandations de la commission des affaires sociales du Sénat.
Du reste, cette situation a suscité des inquiétudes y compris à l'Assemblée nationale. Ainsi, dans son rapport précité sur le collectif budgétaire du printemps dernier, M. Didier Migaud estimait qu'il existait " un élément d'incertitude sur l'équilibre du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ". Il s'était notamment " interrogé sur l'absence d'ouverture de crédits, dans le présent projet de loi [le collectif] , visant à garantir l'équilibre financier du FOREC, qui constitue une obligation légale ".
En réponse au rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait indiqué que " le déséquilibre du FOREC est prévisionnel à ce stade de l'année et il ne saurait être question de traduire dans le droit les conséquences d'une simple prévision. Le point sera examiné différemment lors du collectif de fin d'année ". Or, en cours d'exécution, ces prévisions n'ont fait que se confirmer.
Par ailleurs, à cette époque, les choix du gouvernement n'étaient pas arrêtés, le ministère ajoutant : " plusieurs solutions techniques sont possibles pour assurer l'équilibre du fonds, que ce soit en relevant les taxes prévues par la loi, en y affectant de nouvelles recettes ou en réduisant ses charges ".
Or, il convient de constater que le gouvernement a finalement choisi la deuxième de ces solutions, sans pour autant, d'ailleurs, écarter tout à fait la première. Il a en effet décidé, pour " boucler " le financement des 35 heures en 2000, d'affecter au FOREC des recettes complémentaires, de façon rétroactive.
Mais, en raison des multiples flux financiers existant entre l'Etat et la sécurité sociale, la décision d'affecter une recette provenant du budget général doit être prise par la loi de finances. L'article 17 du projet de loi de finances pour 2001 prévoit donc d'affecter la totalité du produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés " aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale et aux organismes créés pour concourir à leur financement ", laissant le soin au projet de loi de financement de la sécurité sociale de déterminer la répartition de ce produit
Ainsi, l'article 11 du présent projet de loi de financement prévoit :
- d'affecter au FOREC la quasi-totalité, soit 96,8 %, du droit de consommation sur les tabacs manufacturés 12 ( * ) ; toutefois, cette affectation ne prenant effet qu'au 1 er janvier 2001, il sera nécessaire, pour équilibrer le FOREC en 2000, de prévoir dans le prochain projet de loi de finances rectificative une disposition qui procède à cette affectation à titre rétroactif : le montant du produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés continuant de bénéficier au budget de l'Etat est évalué à 3,1 milliards de francs ;
- de verser au FOREC, à titre rétroactif, la totalité du produit des droits sur les boissons (droit de consommation sur les produits intermédiaires ; droit de circulation sur les vins, cidres, poirés et hydromels ; droit sur les bières et les boissons non alcoolisées ; et 55 % du produit du droit de consommation sur les alcools 13 ( * ) ) actuellement affecté au fonds de solidarité vieillesse, pour un montant aujourd'hui estimé à 5,4 milliards de francs.
Le financement des 35 heures, qui ne sera finalement bouclé qu'après des contorsions législatives et, probablement, des charges importantes de trésorerie pour les régimes de sécurité sociale en raison des retards inexcusables de l'Etat, devrait donc s'établir de la façon suivante en 2000 :
Le coût des 35 heures sera donc plus élevé que prévu, s'établissant à 67 milliards de francs en 2000, au lieu de 64,5 milliards de francs.
* 12 Les 3,2 % restants sont répartis de la façon suivante : 2,81 % sont affectés à la CNAMTS, et 0,39 % sont affectés au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.
* 13 Les 45 % restants demeurent affectés à la CNAMTS. Les présentes dispositions sont également sans incidence sur les prélèvements sur le produit de ce droit spécifiques aux départements corses et au BAPSA.