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N° 86
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 1995
PROPOSITION DE LOI
relative à la polygamie,
PRÉSENTÉE
Par M. Serge MATHIEU,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Étrangers. - Polygamie - Code civil - Code pénal.
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
Malgré les dispositions légales interdisant la polygamie, il existe encore en France beaucoup d'étrangers, voire d'étrangers devenus Français, qui vivent sur notre territoire en état de polygamie.
Cette situation porte avant tout atteinte aux lois de la République et donc à notre système juridique, qui n'admet que la famille monogamique.
La coexistence sur notre territoire de familles monogamiques et de familles polygamiques pose le problème de l'inégalité entre ces deux types de famille. Et cela est surtout perceptible dans le domaine des droits sociaux.
Afin d'essayer d'enrayer cette situation, il est nécessaire de renforcer les lois françaises, même si elles comportent déjà des dispositions condamnant la polygamie.
En effet, le code civil établit dans son article 147 qu'on « ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier ».
Le nouveau code pénal dispose dans son article 433-20 : « Le fait pour une personne engagée dans les liens du mariage d'en contracter un autre avant la dissolution du précédent est puni d'un an d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende. »
Ces dispositions constituent le fondement juridique de l'interdiction de la polygamie en France.
En outre, l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France a été modifiée en 1993 et l'interdiction de la polygamie clairement inscrite dans ce texte.
En effet, l'article 30 de l'ordonnance dispose :
« Lorsqu'un étranger polygame réside sur le territoire français avec un premier conjoint, le bénéfice du regroupement familial ne peut être accordé à un autre conjoint. Sauf si cet autre conjoint est décédé ou déchu de ses droits parentaux, ses enfants ne bénéficient pas non plus du regroupement familial.
« Le titre de séjour sollicité ou obtenu par un autre conjoint est, selon le cas, refusé ou retiré. Le titre de séjour du ressortissant étranger polygame qui a fait venir auprès de lui plus d'un conjoint, ou des enfants autres que ceux du premier conjoint ou d'un autre conjoint décédé ou déchu de ses droits parentaux, lui est retiré. »
Cependant, l'ensemble de ce dispositif législatif paraît aujourd'hui insuffisant pour enrayer les pratiques polygamiques sur notre territoire.
C'est pourquoi cette proposition de loi modifie certaines dispositions afin de les renforcer.
Tout d'abord, il est proposé de soumettre la délivrance des cartes de séjour temporaire à la condition de ne pas être polygame.
En outre, l'étranger qui est marié à un Français pourra faire l'objet d'une expulsion s'il vit en état de polygamie.
La loi du 24 août 1993 relative à l'immigration avait prévu le retrait des titres de séjour (carte de résident) aux étrangers polygames; toutefois, cette disposition n'était applicable qu'à partir de l'entrée en vigueur de cette loi. Il est proposé de supprimer cette déposition afin de rendre possible le retrait du titre à toute personne polygame, quelle que soit la date de sa délivrance.
Par ailleurs, il est proposé de modifier le code de la nationalité afin, d'une part, que la nationalité française ne soit pas octroyée aux étrangers mariés à des Français qui vivent en état de polygamie. D'autre part, en cas de condamnation pénale pour polygamie, la personne condamnée sera déchue de la nationalité française.
Les dispositions contenues dans cette proposition de loi devraient permettre de mieux lutter contre la polygamie sur notre territoire.
C'est pour ces raisons que nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article premier.
Après l'article 13 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. 13 bis. - La carte de séjour temporaire ne peut être délivrée à un ressortissant étranger qui vit en état de polygamie ni aux conjoints d'un tel ressortissant. Une carte de séjour temporaire délivrée en méconnaissance de ces dispositions doit être retirée. »
Art. 2.
Le cinquième alinéa (4°) de l'article 25 de l'ordonnance n° 45-2658 précitée est complété comme suit : « , sauf si l'étranger est en situation de polygamie ; ».
Art. 3.
L'article 37 de l'ordonnance n° 45-2658 précitée est supprimé.
Art. 4.
L'article 38 de l'ordonnance n° 45-2658 précitée est complété comme suit : « et qui ne vit pas en état de polygamie ».
Art. 5.
Le premier alinéa de l'article 21-2 du code civil est complété comme suit : « et que l'étranger ou apatride ne vive pas en état de polygamie ».
Art. 6.
L'article 21-27 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même de celui qui vit en état de polygamie. »
Art. 7.
L'article 25 du code civil est complété, in fine, par un alinéa ainsi rédigé :
« 6° s'il a été condamné en France en application de l'article 433-20 du nouveau code pénal. »