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N° 453
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 avril 2018 |
PROPOSITION DE LOI
visant à obliger toute personne ayant connaissance d'un crime ou de mauvais traitements infligés à un mineur ou à une personne vulnérable à en informer les autorités judiciaires ou administratives ,
PRÉSENTÉE
Par Mmes Brigitte LHERBIER, Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Patrick CHAIZE, Gilbert BOUCHET, Mme Christine LANFRANCHI DORGAL, MM. René-Paul SAVARY, François BONHOMME, Charles REVET, Michel MAGRAS, Serge BABARY, Mme Pascale GRUNY, M. Marc-Philippe DAUBRESSE, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Marc LAMÉNIE, Jean-Jacques PANUNZI, Mmes Viviane MALET, Anne-Marie BERTRAND, M. André REICHARDT, Mme Claudine THOMAS, M. Michel SAVIN, Mmes Corinne IMBERT, Annie DELMONT-KOROPOULIS, Jacky DEROMEDI, M. Bruno GILLES et Mme Frédérique GERBAUD,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'article 226-14 du code pénal dispose que les règles liées au respect du secret professionnel ne sont pas applicables à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.
Les articles 434-1 et 434-3 du code pénal excluent les personnes soumises au secret professionnel de l'obligation d'informer les autorités judiciaires ou administratives lorsqu'elles ont connaissance d'un crime ou de mauvais traitements infligés à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger.
Ainsi le professionnel soumis au secret qui a connaissance de mauvais traitements infligés à une personne vulnérable ou un mineur est autorisé à en informer les autorités compétentes sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.
Cependant, l'ordre public et l'éthique commandent à toute personne qui aurait connaissance d'un crime ou de violences commises sur des personnes vulnérables d'en informer les autorités compétentes afin d'en limiter les effets ou de les faire cesser. Le secret professionnel protégé par l'article 226-13 du code pénal ne saurait s'opposer à ce principe.
Il convient de rappeler qu'en cas de mauvais traitements un médecin ne saurait rester passif sans encourir les peines prévues à l'article 223-6 du code pénal réprimant la non-assistance à personne en danger.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a d'ailleurs rappelé dans un arrêt du 23 octobre 2013 (N° de pourvoi : 12-80793) que le praticien, qui s'abstient volontairement de signaler une maltraitance dont il a connaissance, se rend coupable du délit d'omission d'empêcher une infraction nonobstant le secret professionnel auquel il est astreint.
Dans cette affaire, le médecin condamné en appel avait formé un pourvoi en cassation au motif que l'article 434-3 du code pénal exclut les personnes soumises au secret professionnel de l'obligation d'informer les autorités compétentes des mauvais traitements infligés à une personne vulnérable, dont elles pourraient avoir connaissance.
Par ailleurs, le Conseil national de l'ordre des médecins, en dépit d'une jurisprudence constante condamnant les personnes s'abstenant de signaler une maltraitance indique sur son site que le médecin est autorisé à signaler au procureur de la République (avec l'accord des victimes adultes) des sévices constatés dans son exercice et qui permettent de présumer de violences physiques, sexuelles ou psychiques.
Afin de lever les doutes sur la conduite à tenir en cas de mauvais traitements infligés à un mineur ou à une personne vulnérable et dans un souci de maintien de l'ordre public, cette proposition de loi vise à obliger toute personne qui a connaissance d'un crime ou de mauvais traitements infligés à un mineur ou à une personne vulnérable d'en informer les autorités judiciaires ou administratives.
L' article premier de cette présente proposition de loi oblige toute personne qui a connaissance d'un crime commis sur un mineur d'en informer les autorités judiciaires ou administratives et vient ainsi modifier l'article 434-1 du code pénal.
L'alinéa 1 de l'article 434-1 du code pénal oblige toute personne qui a connaissance d'un crime d'en informer les autorités judiciaires ou administratives. Les alinéas 2 à 4 dispensent le conjoint, les parents en ligne directe, les frères et soeurs et leurs conjoints, de l'auteur ou du complice du crime, sauf pour les crimes commis sur les mineurs.
Cependant, le dernier alinéa de l'article 434-1 du code pénal protège les personnes soumises au secret professionnel sans préciser, contrairement à l'alinéa précédent, si un crime commis sur mineur fait obstacle à l'application de la disposition. Il est par conséquent proposé de préciser, comme au deuxième alinéa, que les crimes commis sur les mineurs ne soient pas concernés par cette disposition.
Par ailleurs, l'article 434-3 du code pénal oblige toute personne qui a connaissance « de privations, de mauvais traitements ou d'agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse » à en informer les autorités judiciaires ou administratives.
Le dernier alinéa de l'article 434-3 du code pénal dispose : « Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13. ». Cette disposition fait ainsi obstacle à la dénonciation de mauvais traitements ou d'agressions sexuelles infligés à un mineur ou à une personne en état de faiblesse, lorsque la personne qui en a connaissance est astreinte au secret.
Comme nous l'avons mentionné dans cet exposé des motifs, cette disposition vient contredire l'article 223-6 du code pénal réprimant la « non-assistance à personne en danger », qui punit toute personne qui s'abstient d'agir, alors qu'elle peut empêcher par son action immédiate, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle.
Ainsi l' article 2 supprime le dernier alinéa de l'article 434-3 du code pénal.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Le dernier alinéa de l'article 434-1 du code pénal est complété par les mots : « sauf en ce qui concerne les crimes commis sur les mineurs ».
Article 2
Le second alinéa de l'article 434-3 du code pénal est supprimé.