Opérations funéraires, protection des familles et habilitation des opérateurs funéraires
N° 161
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 février 2003
PROPOSITION DE LOI
relative aux
opérations funéraires
, à la
protection des familles
à la suite d'un
décès et à l'
habilitation
des
opérateurs funéraires
,
PRÉSENTÉE
Par MM. Jean-Pierre SUEUR, Bertrand AUBAN, Jacques BELLANGER, Bernard CAZEAU, Gilbert CHABROUX, Roland COURTEAU, Yves DAUGE, Jean-Pierre DEMERLIAT, Claude DOMEIZEL, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Jean-Pierre GODEFROY, Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Serge LAGAUCHE, Roger LAGORSSE, André LEJEUNE, Pierre MAUROY, Jean-François PICHERAL, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Daniel REINER, Roger RINCHET, Claude SAUNIER, Simon SUTOUR, Jean-Marc TODESCHINI, Pierre-Yvon TREMEL, André VANTOMME, Marcel VIDAL et les membres du groupe socialiste (1), apparenté (2) et rattachée (3),
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
Règlement et d'administration générale sous réserve
de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le Règlement).
(1) Ce groupe est composé de
: Mme Michèle André,
MM. Bernard Angels, Henri d'Attilio, Bertrand Auban, Robert Badinter,
Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean
Besson, Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis
Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-Ben Guiga, MM. Gilbert
Chabroux, Michel Charasse, Gérard Collomb, Raymond Courrière,
Roland Courteau, Yves Dauge, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Claude
Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard
Dussaut, Claude Estier, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles
Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme
Odette Herviaux, MM. Alain Journet, André Labarrère, Philippe
Labeyrie, Serge Lagauche, Roger Lagorsse, André Lejeune, Louis
Le Pensec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, Jean-Yves Mano,
François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Louis
Mermaz, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne,
Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard
Piras, Jean-Pierre Plancade, Mmes Danièle Pourtaud,
Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Roger
Rinchet, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle
San Vicente, MM. Claude Saunier, Michel Sergent, René-Pierre
Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Michel Teston, Jean-Marc
Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme, André
Vezinhet, Marcel Vidal, Henri Weber
(2) Apparentés
: M. Claude Lise.
(3) Rattaché administrativement :
Mme Marie-Christine
Blandin.
Mort . |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi n° 93/23 du 9 janvier 1993 relative aux opérations
funéraires avait un triple objet :
1) abroger le monopole communal des pompes funèbres ;
2) redéfinir la mission de service public qui s'applique au service
extérieur des pompes funèbres ;
3) protéger les familles et mettre en oeuvre une vraie transparence des
prix, d'autant plus nécessaire que les familles sont
éprouvées et vulnérables à la suite du
décès d'un de leurs membres.
Cette loi a été votée dans un contexte où le
monopole prévu par la loi entraînait des effets très
négatifs, et notamment d'importantes disparités dans la
tarification de prestations similaires, qui avaient été
dénoncées par un rapport des inspections générales
des finances, du ministère de l'intérieur et du ministère
des affaires sociales. De surcroît, l'existence de ce
« monopole » n'empêchait pas l'exercice de la
profession funéraire par des entreprises auxquelles le monopole communal
n'avait pas été concédé, sans que ces
dernières puissent pour autant être sanctionnées.
La loi du 9 janvier 1993 a eu, à cet égard, d'incontestables
effets positifs. Elle a permis la mise en place d'une concurrence sur des bases
saines. Elle a favorisé la modernisation de la profession et la
création d'équipements funéraires qui étaient
devenus nécessaires.
Pour autant, elle n'a qu'imparfaitement répondu aux deux autres
objectifs qui lui étaient assignés : la redéfinition
du service public et la protection des familles par une vraie transparence
quant aux prix.
On a souvent pu constater, en effet, que les conditions dans lesquelles les
entreprises concernées étaient habilitées par les
préfectures ne permettaient pas de garantir comme il aurait fallu le
professionnalisme de l'ensemble de ces entreprises.
Il est également apparu que la transparence quant aux prix
pratiqués par les opérateurs restait le plus souvent purement
théorique. Ainsi, alors que la commission mixte paritaire réunie
pour fixer les termes de la loi du 9 janvier 1993 avait explicitement
considéré, comme en témoigne son rapport, que les
règlements municipaux des opérations funéraires pourraient
prévoir des « devis types » permettant aux familles
de bénéficier d'informations comparables relatives à des
offres similaires, ce qui est indispensable en un moment où elles sont
éprouvées, cette disposition est, sauf exception notable,
restée lettre morte.
D'autres questions restent posées et notamment la question, essentielle,
du statut des cendres en cas de crémation.
L'objet de la présente proposition de loi est de traiter l'ensemble de
ces questions.
Le
titre I
er
, relatif au règlement municipal des
opérations funéraires, prévoit l'établissement de
devis types par l'autorité municipale après consultation des
professionnels exerçant sur le territoire de la commune, afin de
garantir la nécessaire transparence quant aux prix.
Le
titre II
crée une commission départementale des
opérations funéraires, qui doit statuer sur la délivrance,
le renouvellement, le retrait ou la suspension de l'habilitation -
prévue aux articles L. 2223-23, L. 2223-40 et L. 2223-43 du
code général des collectivités territoriales - des
entreprises du secteur funéraire exerçant dans le
département.
Le
titre III
contient plusieurs dispositions relatives au service public
des opérations funéraires. Il confirme le caractère de
service public communal du service extérieur des pompes funèbres.
Il confirme, sauf exception, la neutralité des établissements de
santé publics et privés en matière d'exercice
d'opérations funéraires. Il précise les
prérogatives du maire lorsque des autorisations administratives lui sont
demandées. Il met en place un schéma départemental des
équipements funéraires.
Le
titre IV
traite du statut des restes humains, et notamment des
cendres, et précise les règles de dignité qui doivent, en
toutes circonstances, s'y attacher.
Le
titre V
est relatif à la formation des agents exerçant
dans le domaine funéraire.
Le
titre VI
traite de la fiscalité attachée aux
opérations funéraires.
Le
titre VII
prévoit des dispositions permettant de sanctionner
les promotions illicites de formules de financement à l'avance des
obsèques et de garantir le choix, à tout moment, de la nature des
obsèques, du mode de sépulture, du contenu des prestations et
fournitures funéraires ainsi que de l'opérateur funéraire
habilité désigné pour exécuter les obsèques
en cas de souscription d'une formule de financement à l'avance des
obsèques.
PROPOSITION DE LOI
TITRE I
er
DISPOSITIONS RELATIVES AU RÈGLEMENT MUNICIPAL
DES OPÉRATIONS FUNÉRAIRES, AUX DROITS
DES FAMILLES ET À LA TRANSPARENCE DES PRIX
Article 1
er
Après le premier alinéa de l'article L. 2223-20
du
code général des collectivités territoriales, il est
inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce règlement fixe notamment les règles de
transparence, de continuité, d'égalité et de
neutralité que doit respecter ce service extérieur. »
Article 2
Le
même article est complété
in fine
par un
alinéa ainsi rédigé :
« Ce règlement prévoit l'existence obligatoire de
devis-types dans les communes de plus de 10 000 habitants. »
Article 3
L'article L. 2223-21 du même code est ainsi
rédigé :
«
Art. L.2223-21.
- Le conseil municipal peut arrêter un
règlement municipal des opérations funéraires que doivent
respecter les régies et les entreprises ou associations
habilitées qui sont installées dans la commune ou qui y
réalisent l'une ou l'autre des missions du service extérieur des
pompes funèbres ou qui y gèrent un crématorium.
« L'élaboration d'un règlement municipal des
opérations funéraires est obligatoire dans les communes de plus
de 10 000 habitants.
« Ce règlement prévoit les conditions dans lesquelles
des devis-types sont établis par l'autorité municipale
après consultation des opérateurs funéraires
habilités exerçant leur activité sur le territoire de la
commune. Il prévoit également les conditions dans lesquelles
chaque opérateur funéraire habilité doit produire des
devis correspondant à chacun de ces devis-types.
« Ces devis-types sont tenus à la disposition de l'ensemble
des habitants de la commune à la mairie.
« Le règlement prévu aux alinéas
précédents peut être arrêté par un groupement
de communes dès lors que les communes membres lui ont
transféré la compétence correspondante. »
Article 4
L'article L. 2223-25 du même code est
complété
par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Non respect du règlement municipal des
opérations funéraires, sur saisine du maire de la commune
concernée. »
TITRE II
LA COMMISSION DÉPARTEMENTALE
DES OPÉRATIONS FUNÉRAIRES
Article 5
Après l'article L. 2223-23 du même code, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. 2223-23-1.
- Il est créé auprès
du représentant de l'État dans le département un conseil
départemental des opérations funéraires.
« Ce conseil se compose de quatre maires ou présidents de
groupements ayant compétence pour le secteur funéraire, de quatre
opérateurs funéraires habilités, de quatre
représentants des associations familiales et des associations de
consommateurs, d'un représentant de la direction départementale
de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes,
d'un représentant de la direction départementale des affaires
sanitaires et sociales et de deux personnalités qualifiées.
« Ce conseil est consulté par le représentant de
l'État dans le département à l'occasion de la
délivrance, du renouvellement, du retrait ou de la suspension de
l'habilitation prévue aux articles L. 2223-23, L. 2223-40 et
L. 2223-43.
« Il établit, chaque année, la liste des
opérateurs funéraires habilités dans le
département. Cette liste est diffusée par le représentant
de l'État dans le département, dans les conditions prévues
par le règlement national des pompes funèbres.
« Il est consulté sur l'élaboration du schéma
départemental des équipements funéraires prévu
à l'article 2223-43-1, ainsi qu'en tant que de besoin sur toutes les
questions relatives aux opérations funéraires.
« Un décret fixe les conditions de la nomination des membres
de ce conseil départemental ainsi que les modalités de son
organisation et de son fonctionnement.
« Un décret fixe les conditions que doivent réunir les
opérateurs pour se voir délivrer une habilitation ».
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
AU SERVICE PUBLIC DES POMPES FUNÈBRES
Article 6
La
première phrase de l'article L. 2223-19 du même code est ainsi
rédigée :
« Nonobstant le fait qu'une commune assure ou non la mission du
service extérieur des pompes funèbres, celui-ci est un service
public communal comprenant :
Article 7
Le
second alinéa de l'article L. 2223-39 du même code est
remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les établissements de santé publics ou privés,
sous réserve de l'article L. 2223-43, ne peuvent exercer aucune des
missions du service extérieur des pompes funèbres et ne peuvent
autoriser l'exercice de ces missions dans leurs locaux, y compris dans la
chambre mortuaire, dont la seule fonction doit être d'assurer la
conservation des corps et la reconnaissance des corps par les proches du
défunt.
« Un décret fixe les conditions dans lesquelles il peut
être dérogé aux dispositions de l'alinéa
précédent dans les seuls cas où aucune chambre
funéraire n'est implantée à proximité. »
Article 8
Après l'article L. 2223-43 du même code, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. 2223-43-1. -
Le maire peut surseoir à la
délivrance des autorisations administratives relatives aux
opérations funéraires quand l'opérateur funéraire
mandaté par la personne qui a qualité pour organiser les
funérailles ne justifie pas être en situation
régulière au regard de l'habilitation à exercer les
missions du service extérieur des pompes funèbres. »
Article 9
Après l'article L. 2223-43 du même code, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. 2223-43-1. -
Le préfet du département
et le président du conseil général arrêtent
conjointement, pour le territoire sur lequel ils ont compétence,
après avis du conseil départemental des opérations
funéraires, le schéma départemental des équipements
funéraires dans des conditions fixées par décret en
Conseil d'État. Toute création, toute extension ou
rénovation d'une chambre mortuaire, d'une chambre funéraire ou
d'un crématorium ne peuvent être autorisés par
l'autorité compétente que sous réserve d'une stricte
conformité avec les dispositions du schéma départemental
des équipements funéraires. »
TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES
AU STATUT DU CORPS DES PERSONNES DÉCÉDÉES
Article 10
Après l'article 16-1 du code civil, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. 16-1-1. -
Le respect dû au corps humain ne cesse
pas avec la mort de l'être humain. Les restes humains des personnes
décédées, y compris les cendres de personnes dont le corps
a été incinéré, doivent être respectés
et protégés. Ils doivent faire l'objet d'une sépulture
décente. »
TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À LA FORMATION
Article 11
Il est créé, dans le délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, un diplôme national d'agent des pompes funèbres pour chacune des catégories d'agents mentionnées dans le règlement national des pompes funèbres. Un décret fixe les conditions dans lesquelles ces diplômes sont délivrés, la date à partir de laquelle toutes les personnes recrutées par un opérateur funéraire doivent être titulaires du diplôme correspondant, les conditions dans lesquelles les organismes de formation sont habilités à assurer la préparation à l'obtention de ces diplômes, ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes se prévalant d'une expérience professionnelle peuvent se voir délivrer ce diplôme dans le cadre de la procédure de validation des acquis professionnels.
TITRE VI
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA FISCALITÉ FUNÉRAIRE
Article 12
Le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur la fiscalité des opérations funéraires en France un an après la promulgation de la présente loi. Ce rapport inclut notamment l'ensemble des données relatives à l'abattement fiscal, au produit des taxes funéraires municipales prévues à l'article L. 2223-22 du code général des collectivités territoriales et au produit de la TVA sur l'ensemble des opérations funéraires, y compris sur les travaux dans les cimetières ainsi que sur les prestations et fournitures funéraires en dehors du service public des pompes funèbres comme la marbrerie funéraire, les faire parts et insertions dans la presse.
TITRE VII
DISPOSITIONS RELATIVES
AUX CONTRATS OBSÈQUES
Article 13
Après l'article L. 2223-35 du code
général des
collectivités territoriales, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. 2223-35-1. -
Toute entreprise qui propose à
la vente des formules de financement d'obsèques à l'avance en
utilisant dans ses contrats, publicités, imprimés et enseignes
l'une ou l'autre des mentions « testament »,
« obsèques »,
« funérailles »,
« funéraire » ou des mentions équivalentes
sans que ledit contrat ait défini le contenu détaillé des
prestations funéraires, par exemple sous forme d'un devis avec le
contractant qui fera l'objet des funérailles, sera punie d'une amende de
100 000 euros par infraction commise. »
Article 14
Après l'article L. 2223-35 du même code, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. L. 2223-35-2. -
Afin de garantir au contractant ou au
souscripteur d'une formule de financement des obsèques à l'avance
sa pleine et entière liberté de choix sa vie durant, qu'il
s'agisse d'un contrat de forme individuelle ou d'adhésion à un
contrat groupe au sens de l'article L. 140-1 du code des assurances, le contrat
doit prévoir explicitement la faculté pour le contractant ou le
souscripteur de modifier la nature des obsèques, le mode de
sépulture, le contenu des prestations et fournitures funéraires,
l'opérateur habilité désigné pour exécuter
les obsèques et, le cas échéant, le mandataire
désigné pour veiller à la bonne exécution des
volontés exprimées au sens de l'article 3 de la loi du 15
novembre 1887 relative à la liberté des funérailles, le ou
les changements effectués ne donnant droit à la perception que
des seuls frais de gestion prévus par les conditions
générales souscrites, sous peine, en cas de non-respect par une
entreprise de cette liberté de modification ou de proposition par elle
d'un contrat n'incluant pas cette faculté, d'une amende de 100 000 euros
par infraction commise. »