Lutte contre les discriminations fondées sur le sexe
N°
108
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 décembre 2001
PROPOSITION DE LOI
relative à la
lutte contre les discriminations
fondées sur le sexe
,
PRÉSENTÉE
Par Mmes Danièle POURTAUD, Michelle ANDRÉ, Maryse BERGÉ-LAVIGNE, Marie-Christine BLANDIN, Yolande BOYER, Claire-Lise CAMPION, Monique CERISIER-ben GUIGA, Dinah DERYCKE, Josette DURRIEU, Odette HERVIAUX, Gisèle PRINTZ, Michèle SAN VICENTE, MM. Claude ESTIER, Michel CHARASSE, Roland COURTEAU, Claude DOMEIZEL, Jean-Pierre GODEFROY, Serge LAGAUCHE, Roger LAGORSSE, Guy PENNE, Bernard PIRAS, Pierre-Yvon TREMEL, Marcel VIDAL, et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2),
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
Règlement et d'administration générale sous réserve
de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le Règlement ).
(1) Ce groupe est composé de
: Mme Michèle André, MM.
Bernard Angels, Henri d'Attilio, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre
Bel, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson,
Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis
Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-Ben Guiga,
MM. Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Gérard Collomb, Raymond
Courrière, Roland Courteau, Yves Dauge, Marcel Debarge, Jean-Pierre
Demerliat, Mme Dinah Derycke, MM. Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt,
Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Claude Estier, Jean-Claude
Frécon, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël
Guérini, Claude Haut, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet,
André Labarrère, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Roger
Lagorsse, André Lejeune, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Jacques
Mahéas, Jean-Yves Mano, François Marc, Jean-Pierre Masseret,
Marc Massion, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Gérard Miquel, Michel
Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean-Claude
Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre
Plancade, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul,
Paul Raoult, Daniel Reiner, Roger Rinchet, Gérard Roujas, André
Rouvière, Mme Michèle San Vicente, MM. Claude Saunier,
Michel Sergent, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon
Sutour, Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel,
André Vantomme, André Vezinhet, Marcel Vidal, Henri Weber
(2) Apparentés
: MM. Dominique Larifla, Claude Lise.
Femmes. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La proposition de loi qui vous est soumise s'inscrit dans le cadre des
avancées législatives récentes en matière de droits
des femmes, comme la loi constitutionnelle du 6 juillet 2000 relative à
la parité en politique ou encore la loi du 9 mai 2001 relative à
l'égalité professionnelle, qui marquent un mouvement de notre
société vers une plus grande égalité entre les
femmes et les hommes.
Elle vise à franchir une nouvelle étape en matière de
lutte contre les discriminations fondées sur le sexe en
élargissant les motifs de discrimination constitutifs d'infractions
dites de presse contenus dans la loi sur la liberté de la presse du 29
juillet 1881. Cette loi de 1881 couvre l'ensemble des supports de communication.
La liberté d'expression, consacrée par la Déclaration des
Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 en son article 11 et par la Convention
Européenne des Droits de l'Homme en son article 10, est une
liberté fondamentale, qui a le rang de principe constitutionnel. La
publicité bénéficie également de cette
liberté.
En revanche, ce principe n'est pas absolu et peut être limité par
d'autres principes à valeur constitutionnelle. Parmi eux, la sauvegarde
de la dignité de la personne humaine a été
érigée en principe à valeur constitutionnelle par le
Conseil constitutionnel en 1994. Certaines publicités,
représentant des images qui visent à humilier, dégrader
tant les femmes que les hommes et instrumentaliser leur corps, constituent
directement une atteinte à la dignité humaine. Or, les diverses
infractions dites de presse visées par la loi du 29 juillet 1881 ne
permettent pas de condamner les pratiques discriminatoires liées au
sexe. Les seuls motifs de discrimination couverts sont les discriminations
fondées sur la race, l'origine ethnique et les convictions religieuses,
qui sont elles-mêmes le résultat de modifications
ultérieures de la loi (discriminations fondées sur la religion et
la race en 1972).
Le principe de discrimination, pour quelque motif que ce soit, étant
considéré comme un corollaire de l'atteinte à la
dignité des personnes, l'ajout dans la loi de 1881 du motif de
discrimination liée au sexe contenu dans la Convention Européenne
de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales en son
article 14 et dans le Traité d'Amsterdam modifiant le traité sur
l'Union européenne en son article 13, ne peut être
considéré comme une atteinte à la liberté
d'expression.
A cet égard, en ce qui concerne la communication audiovisuelle, la loi
du 30 septembre 1986 pose en son article 1
er
le principe de
liberté de communication en en déterminant les limites, au
premier rang desquelles le respect de la dignité de la personne
humaine ; son décret du 27 mars 1992 prévoit que :
« la publicité audiovisuelle [...] doit être exempte de
toute discrimination en raison de la race, du sexe ou de la nationalité
[...] ».
Ainsi, la proposition de loi vise à amender la loi de 1881 pour garantir
une égale protection contre les discriminations fondées sur le
sexe quels que soient les supports de presse.
En vue de renforcer ce dispositif, il est proposé que soit élargi
aux associations se proposant de combattre les discriminations fondées
sur le sexe et à celles dont l'objet comportent la lutte contre les
violences sexuelles le droit d'ester en justice en cas d'infractions dites de
presse dans le cadre de la loi de 1881. Il est également proposé
l'élargissement du droit de saisine du Conseil supérieur de
l'audiovisuel par ces mêmes associations dans le cadre de la loi du 30
septembre 1986.
Cette proposition de loi s'appuie sur le rapport rendu le
11 juillet 2001, à Mme Nicole PÉRY, secrétaire
d'État aux droits des femmes et à la formation professionnelle,
par un groupe de travail constitué d'élus, de professionnels de
la communication et de personnalités qualifiées.
L'ensemble des articles de cette proposition de loi reprend ceux des articles
du projet de loi déposé par Mme Yvette ROUDY à
l'Assemblée nationale le 15 mars 1983 qui n'ont toujours pas
été intégrés dans la législation existante.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
I. - Le
huitième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur
la liberté de la presse est ainsi rédigé :
« Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à
l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la
haine, ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un
groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe ou de leur
appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une
race ou une religion déterminée, seront punis d'un an
d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende ou de l'une de ces deux peines
seulement. »
II. - Le deuxième alinéa de l'article 32 de la même loi est
ainsi rédigé :
« La diffamation commise par les mêmes moyens envers une
personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur
sexe ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie,
une nation, une race ou une religion déterminée, sera punie d'un
an d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende ou de l'une de ces deux peines
seulement. »
III. - Le troisième alinéa de l'article 33 de la même loi
est ainsi rédigé :
« Sera punie de six mois d'emprisonnement et de 150 000 F d'amende
l'injure commise, dans les conditions prévues à l'alinéa
précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à
raison de leur origine, de leur sexe ou de leur appartenance ou de leur
non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée. »
IV. - Le septième alinéa (6°) de l'article 48 de la
même loi est ainsi rédigé :
« Dans le cas de diffamation envers les particuliers prévu par
l'article 32 et dans le cas d'injure prévu par l'article 33, paragraphe
2, la poursuite n'aura lieu que sur plainte de la personne diffamée ou
injuriée. Toutefois, la poursuite pourra être exercée
d'office par le ministère public lorsque la diffamation ou l'injure aura
été commise envers une personne ou un groupe de personnes
à raison de leur origine, de leur sexe ou de leur appartenance ou de
leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée. »
V. - Le premier alinéa de l'article 48-1 de la même loi est ainsi
rédigé :
« Toute association régulièrement
déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se
proposant, par ses statuts, de défendre la mémoire des esclaves
et l'honneur de leurs descendants, de combattre le racisme, les discriminations
fondées sur le sexe ou de lutter contre les violences sexuelles ou
d'assister les victimes de discrimination fondée sur leur sexe, sur leur
origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, peut exercer les droits
reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions
prévues par les articles 24 (huitième alinéa), 32
(alinéa 2) et 33 (alinéa 3) de la présente loi. »
Article 2
Le
troisième alinéa de l'article 42 de la loi n° 86-1067 du
30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication
est ainsi rédigé :
« Les organisations professionnelles et syndicales représentatives
du secteur de la communication audiovisuelle, le Conseil national des langues
et cultures régionales, les associations familiales et les associations
se proposant par leur statut de combattre les discriminations fondées
sur le sexe ou de lutter contre les violences sexuelles ainsi que les
associations ayant dans leur objet social la défense des
intérêts des téléspectateurs peuvent demander au
Conseil supérieur de l'audiovisuel d'engager la procédure de mise
en demeure prévue au premier alinéa du présent article.
»