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N° 691

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juillet 2017

PROJET DE LOI

ratifiant l'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l' agent des sûretés ,

PRÉSENTÉ

au nom de M. Édouard PHILIPPE,

Premier ministre

Par Mme Nicole BELLOUBET,

Garde des Sceaux, ministre de la justice

(Envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'article 117 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, a autorisé le Gouvernement, afin de « doter le droit français d'un régime juridique de l'agent des sûretés efficace, permettant de concurrencer les dispositifs existants dans les pays anglo-saxons », à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi tendant à clarifier et moderniser le régime défini à l'article 2328-1 du code civil :

a) En permettant aux créanciers de constituer les sûretés et garanties dont ils bénéficient au nom d'un agent des sûretés qu'ils désignent, qui sera titulaire desdites sûretés et garanties, qu'il tiendra séparées de son patrimoine propre et dont il percevra le produit de la réalisation ou de l'exercice ;

b) En définissant les conditions dans lesquelles l'agent des sûretés peut, dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés par les créanciers de l'obligation garantie, intenter une action pour défendre leurs intérêts, y compris en justice, et procéder à la déclaration des créances garanties en cas de procédure collective ;

c) En précisant les effets de l'ouverture, à l'égard de l'agent des sûretés, d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou d'une procédure de rétablissement professionnel sur les sûretés et garanties dont celui-ci est titulaire en cette qualité et sur le produit de leur réalisation ou exercice ;

d) En permettant la désignation d'un agent des sûretés provisoire, ou le remplacement de l'agent des sûretés, lorsque ce dernier manquera à ses devoirs ou mettra en péril les intérêts qui lui sont confiés, ou encore fera l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou d'une procédure de rétablissement professionnel ;

e ) En adaptant toutes dispositions de nature législative permettant d'assurer la mise en oeuvre et de tirer les conséquences des modifications ainsi apportées.

Le présent projet de loi est destiné à ratifier l'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés, prise sur le fondement de cette habilitation et publiée au Journal officiel de la République française du 5 mai 2017.

Cette ordonnance permet de doter le droit français d'un agent des sûretés qui soit réellement efficace et remédie en cela aux insuffisances des textes actuels. En effet l'article 2328-1 du même code, qui avait été introduit par la loi du 19 février 2007 instituant la fiducie, prévoit seulement que « toute sûreté réelle peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l'obligation garantie par une personne qu'ils désignent à cette fin dans l'acte qui constate cette obligation », ce qui laissait planer des incertitudes sur la qualification juridique de l'opération et donc sur le régime applicable.

L'objectif de l'ordonnance est de rendre l'agent des sûretés français plus attractif pour les praticiens, afin de concurrencer les dispositifs de droit étranger que sont notamment le security trustee anglo-saxon ou la parallel debt de droit anglo-saxon, allemand ou néerlandais.

Le recours à un agent des sûretés étant particulièrement utile dans les crédits syndiqués, crédits qui sont consentis par plusieurs prêteurs réunis au sein d'un groupement ou « syndicat bancaire », afin de gérer de façon uniforme les sûretés garantissant l'obligation au profit de l'ensemble des créanciers, cette ordonnance offre un nouvel instrument juridique propice à la compétitivité de la place française en matière de financements syndiqués.

L'ordonnance introduit à cette fin sept nouveaux articles dans le code civil, réunis au sein d'un nouveau titre III intitulé « De l'agent des sûretés » et inséré à la fin du livre IV du même code sur les sûretés.

Ces nouvelles dispositions élargissent le champ d'intervention de l'agent des sûretés, jusque-là limité aux sûretés réelles, à toutes les sûretés et garanties (article 2488-6 alinéa 1). Elles précisent par ailleurs le régime juridique de l'opération, désormais comparable à une fiducie : l'agent des sûretés agit en son propre nom et non au nom des créanciers, au bénéfice de ces derniers et devient titulaire des sûretés et garanties ainsi que des actifs perçus dans le cadre de leur gestion et de leur réalisation, lesquels sont transférés dans un patrimoine d'affectation distinct de son patrimoine propre, qu'il gère dans l'intérêt des créanciers bénéficiaires (article 2488-6 alinéas 2 et 3). Afin de garantir l'information des tiers, l'agent des sûretés devra néanmoins faire mention de sa qualité lorsqu'il agit au profit des créanciers (article 2488-8).

La création d'un tel patrimoine d'affectation a pour conséquence que seuls les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion des biens et droits acquis par l'agent des sûretés dans l'exercice de sa mission pourront les saisir, à l'exclusion des créanciers personnels de l'agent des sûretés (article 2488-10 alinéa 1).

L'agent des sûretés n'est cependant pas soumis au formalisme propre à la fiducie de droit commun, prévu aux articles 2001 et suivants du même code. Il est seulement exigé que la convention par laquelle les créanciers désignent l'agent des sûretés soit passée par écrit, et ce à peine de nullité, et qu'elle précise la qualité d'agent des sûretés, l'objet et la durée de la mission ainsi que l'étendue des pouvoirs conférés à l'agent des sûretés, ce qui est un gage de sécurité juridique pour les créanciers (article 2488-7).

Les pouvoirs de l'agent des sûretés sont par ailleurs clarifiés : il est désormais expressément prévu que l'agent des sûretés peut, sans pouvoir spécial, exercer toute action, même en justice, dans l'intérêt des créanciers de l'obligation garantie et qu'il peut procéder à la déclaration des créances en cas de procédure collective (article 2488-9).

Les conséquences de l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité à l'égard de l'agent des sûretés sont également précisées : seul le patrimoine propre de l'agent des sûretés sera concerné par une telle procédure qui restera sans effet sur le patrimoine affecté à sa mission, ce qui est un gage de protection pour les créanciers bénéficiaires (article 2488-10 alinéa 2) ; par ailleurs, tout créancier bénéficiaire pourra en cas d'ouverture d'une telle procédure solliciter en justice le remplacement de l'agent des sûretés ou la désignation d'un agent des sûretés provisoire (article 2488-11).

Enfin, il est prévu que l'agent des sûretés est responsable des fautes qu'il commet dans l'accomplissement de sa mission, et ce à l'égard de ses cocontractants comme à l'égard des tiers, et qu'il engage alors son patrimoine personnel (article 2488-12).

En dehors de ces règles, une large place est faite à la liberté contractuelle, afin que les praticiens puissent adapter ce nouvel instrument à leurs besoins.

L'article 117 de la loi du 9 décembre 2016 précitée prévoit qu'un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

En conséquence, l'article 1 er du projet de loi ratifie l'ordonnance du 4 mai 2017 précitée.

L'article 2 modifie les onzième et douzième alinéas de l'article 1 er de l'ordonnance afin d'étendre la liste des procédures d'insolvabilité mentionnées aux articles 2488-10 et 2488-11. En effet, dans l'habilitation donnée au Gouvernement, le législateur ne visait que les procédures de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire et de rétablissement professionnel. Afin de ne pas susciter d'insécurité juridique, il apparaît opportun d'ajouter la procédure de surendettement, régie par le livre VII du code de la consommation, dès lors que l'ordonnance n'exclut pas que l'agent des sûretés soit une personne physique. Par ailleurs, dans la mesure où l'agent des sûretés est le plus souvent désigné parmi les établissements prêteurs, il est nécessaire d'ajouter la nouvelle procédure de résolution bancaire introduite par l'ordonnance n° 2015-1024 du 20 août 2015 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière financière, ayant transposé la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, applicable aux termes de l'article L. 613-34 du code monétaire et financier aux établissements de crédit et entreprises d'investissement.

L'article 3 prévoit que la modification du texte de l'ordonnance prévue par l'article 2 est applicable dans les îles Wallis et Futuna, comme l'ordonnance elle-même.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la garde des sceaux, ministre de la justice,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par la garde des sceaux, ministre de la justice, qui sera chargée d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article 1 er

L'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés est ratifiée.

Article 2

Aux onzième et douzième alinéas de l'article 1 er de la même ordonnance, les mots : « ou de rétablissement professionnel » sont remplacés par les mots : « , de rétablissement professionnel, de surendettement ou de résolution bancaire ».

Article 3

L'article 2 est applicable dans les îles Wallis et Futuna.

Fait à Paris, le 28 juillet 2017

Signé : ÉDOUARD PHILIPPE

Par le Premier ministre :

La garde des sceaux, ministre de la justice

Signé : NICOLE BELLOUBET

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