EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 24 février 2022, la Fédération de Russie a entrepris l'invasion de l'Ukraine à travers une agression qu'elle qualifie « d'opération spéciale ». Depuis le début du conflit, les parlements des États membres de l'Union européenne et le Parlement européen, ainsi que nombre d'ONG alertent les gouvernements et les institutions judiciaires internationales sur les exactions commises par les troupes armées par la Russie. Certains de ces crimes, très bien documentés, montrent que l'armée régulière et les troupes paramilitaires mobilisées par la Russie se livrent à des actes qui, au regard du droit international, pourraient être constitutifs de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et possiblement de crimes de génocide.
Amnesty International, l'ONG « Centre pour les libertés civiles » (récipiendaire du prix Nobel de la paix en 2022) et l'association « Pour l'Ukraine pour leur liberté et la nôtre » dénoncent le déplacement forcé d'ampleur massive d'enfants ukrainiens vers l'ensemble du territoire de la Russie.
Il s'agit parfois d'orphelins mais souvent d'enfants ayant encore des parents en Ukraine et qui sont envoyés de force en Russie pour y être adoptés ou placés par des familles russes ou encore envoyés, selon les termes du Kremlin, dans des « camps de vacances » ou des orphelinats. Les autorités russes procèdent à ce qu'ils appellent la « dénazification » des territoires occupés en « désukrainisant » les déportés, en procédant à la « russification » de leur identité, de leurs origines et de leur culture maternelle. Bien plus qu'une épuration ethnique des territoires annexés ou occupés, ce procédé honteux, visant à éradiquer l'identité ukrainienne d'enfants s'apparente à un véritable acte constitutif d'un crime de génocide.
La Cour pénale internationale considère en effet la déportation, le transfert illégal et la détention illégale comme des crimes de guerre ; la déportation et le transfert forcé de population comme un crime contre l'humanité ; le transfert forcé d'enfant d'un groupe à un autre comme un crime de génocide. Au regard du droit international, la Fédération de Russie, son président, son gouvernement, sa commissaire aux droits de l'enfant, ainsi toute personne ayant organisé et entrepris ces déplacements forcés, se rendent condamnables pour crimes précédemment énoncés.
Dans la noble tradition de défense des droits humains de notre pays, le Sénat invite l'Union européenne et ses États membres à condamner le plus fermement possible ces actes perpétrés à l'encontre d'un nombre considérable d'enfants ukrainiens, que la situation dans les territoires annexés ou occupés par la Fédération de Russie ne permet pas encore de quantifier avec précision. Le Sénat invite aussi l'Union européenne et ses États membres à mettre en oeuvre tous les moyens techniques et humains à leur disposition, en coopération avec les autorités ukrainiennes pour documenter et étayer ces faits en vue de sanctions immédiates et d'instruction pour d'éventuelles condamnations juridiques à venir. Le Sénat invite aussi le Gouvernement français à soutenir ces orientations et à porter cette résolution auprès de ses partenaires européens et auprès des institutions européennes.
Tel est le sens de cette proposition de résolution européenne.