EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Avec la numérisation de notre société, la part de nos concitoyens utilisant les réseaux sociaux ne cesse de croître. Conçues initialement pour permettre aux utilisateurs de communiquer avec leur famille et leurs amis, ces plateformes tendent à occuper une place centrale au sein de notre société.

Elles sont le canal privilégié de l'influence dans la mesure où elles rassemblent un très grand nombre de personnes, dont il est possible de connaître les préférences mais aussi les relations qu'elles entretiennent entre elles. Ces plateformes, gratuites pour l'utilisateur, se financent par la vente d'espaces publicitaires à des annonceurs : plus un contenu est choquant, plus il est partagé, et plus il est générateur de recettes.

L'efficacité de ces communications ne se limite pas à la sphère commerciale : l'affaire Cambridge Analytica a démontré en 2016 son intérêt dans le cadre de campagnes politiques, s'agissant tant du référendum sur le Brexit que de l'élection présidentielle américaine. De véritables guerres d'influence sont menées par l'intermédiaire des réseaux sociaux, comme le montrent les campagnes de désinformation russes.

Ces difficultés existaient déjà sur les plateformes historiques que sont Facebook, Snapchat, Twitter ou encore Instagram. Celles-ci sont cependant gérées par des entreprises privées américaines, au sein d'une démocratie dotée d'une justice indépendante. La création de TikTok par une société chinoise ByteDance en 2016, au sein d'un État totalitaire dépourvu d'une justice indépendante, décuple l'ampleur de ces difficultés.

Depuis quelques mois, des accusations sont lancées contre ce réseau. Selon certaines d'entre elles, cette plateforme aurait un mode de fonctionnement différencié selon les zones géographiques. La nature des contenus mis en avant mais aussi les durées maximales d'utilisation pour les jeunes utilisateurs ne seraient pas les mêmes selon que l'utilisateur se trouve en Chine ou dans le reste du monde. Cherchant à accroître le caractère addictif de son application par la propagation de contenus tapageurs à l'étranger, l'application partagerait au contraire des contenus pédagogiques en Chine.

D'autres accusations portent sur une méconnaissance de la législation européenne issue notamment du règlement général sur la protection des données à caractère personnel (RGPD). La plateforme TikTok est ainsi soupçonnée de ne pas observer la nécessaire confidentialité quant aux données à caractère personnel de ses utilisateurs étrangers, voire de les communiquer à des organismes tiers, en méconnaissant les obligations légales européennes qui lui incombent. En décembre 2022, la société ByteDance a notamment admis que certains de ses employés avaient utilisé les données collectées par TikTok pour identifier les sources de plusieurs journalistes.

Dans ces conditions, il apparaît particulièrement important de faire toute la lumière sur la véracité de ces accusations. La commission d'enquête devra notamment déterminer si les contenus mis en avant par TikTok et les durées maximales d'utilisation de TikTok varient d'un territoire à l'autre ; déterminer si ces différences de fonctionnement ont pour objet ou pour effet de servir une stratégie tendant à porter atteinte aux utilisateurs étrangers de TikTok, à la cohésion ou à la sécurité des États étrangers ; déterminer si TikTok a manqué à ses obligations en matière de protection des données à caractère personnel.

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