EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La crise liée au COVID-19 est d'une ampleur sans précédent tant par sa dimension, mondiale, que par ses conséquences sanitaires, économiques et sociales. Elle nécessitera dans les mois à venir des réponses fortes de l'État pour répondre à l'urgence et organiser la relance. Toutefois, cette relance ne pourra pas se faire sans tirer certaines leçons. Il ne s'agit pas, comme le demandent certains acteurs économiques ou le patronat, de relancer au plus vite l'économie sans prendre en compte les origines de cette crise dont on peut craindre qu'elle soit annonciatrice de beaucoup d'autres.
En effet, cette crise met en exergue les limites de nos sociétés actuelles. Elle est la conséquence d'un système économique et financier mondial qui, depuis des décennies, nous entraine toujours davantage vers la surexploitation de nos ressources naturelles, un désintérêt pour notre environnement dans les décisions politiques et un consumérisme exacerbé couplée à une mondialisation de plus en plus extrême.
La communauté scientifique s'accorde ainsi sur le fait que l'émergence de pandémie telle que celle du COVID-19 trouve ses origines dans les activités humaines. « C'est bien le déclin de la biodiversité qui, en réduisant les populations d'hôtes et, ce faisant, la probabilité d'apparition des résistances, augmente les risques de transmission des pathogènes et l'émergence des maladies associées », indiquaient dans une tribune seize dirigeants d'organismes scientifiques en avril dernier.
À titre d'illustration, le pangolin asiatique, espèce très certainement impliquée dans l'apparition de ce virus, est l'une des espèces les plus braconnées en Chine alors même qu'elle est classée en danger d'extinction depuis 2008 et en danger critique d'extinction depuis 2016.
Les scientifiques tirent ainsi régulièrement la sonnette d'alarme depuis des années et les dernières publications sont toujours plus inquiétantes. Les travaux de l'IPBES - la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques - publiés le 6 mai 2019 indiquent qu'un million d'espèces animales et végétales sont en voie d'extinction - soit un rythme entre 100 à 1000 fois supérieurs à la normale - et 75 % de l'environnement terrestre et 66 % des milieux marins sont altérés par l'activité humaine.
Parallèlement, comme le rappelle le dernier rapport annuel du Programme des Nations Unies pour l'environnement publié en décembre 2019, aucun infléchissement ne s'opère réellement en matière de réduction des gaz à effet de serre malgré les accords ambitieux de Paris en 2015.
Cette crise est donc étroitement liée à la question environnementale ou plutôt à la quasi-absence de prise en considération de la préservation de notre environnement et de notre biodiversité dans les décisions politiques et économiques.
Le Gouvernement par la voie de son ministre de l'économie et des finances a annoncé qu'un grand plan de relance sera présenté à l'automne 2020.
Les auteurs de cette proposition de résolution estiment que ce plan doit être l'occasion d'opérer un véritable virage écologique, économique et social.
Notre incapacité à réagir vite et efficacement face à la survenance d'une crise d'ampleur comme celle du COVID-19 et les inquiétudes qui pèsent actuellement sur la capacité d'une grande puissance comme la France à être souveraine dans un certain nombre de domaines à commencer par l'alimentation, montrent que nous sommes arrivés au bout d'un système.
Il s'agit désormais de mettre en oeuvre une relance sociale et écologique se traduisant par des décisions structurantes en faveur d'un nouveau modèle de société, impliquant un changement profond de nos modes de production et de nos habitudes de consommation, ainsi qu'une réforme de nos systèmes financier et économique dans un souci, bien évidemment, de justice sociale.
Pour s'assurer qu'il en sera bien le cas, les auteurs proposent donc d'organiser à l'automne 2020 des états généraux pour une relance sociale et écologique. Ces états généraux poursuivront deux objectifs principaux :
- s'assurer que le plan de relance économique post-19 intègre réellement des exigences environnementales, pose le principe d'une écoconditionnalité des aides d'État et apporte des réponses à l'urgence sociale ;
- poser les bases d'un nouveau modèle de société plus juste, plus sobre et plus respectueux de l'environnement et des hommes, qui permettrait notamment à la France de se doter réellement des moyens juridiques, économiques et institutionnelles pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la COP 21.
Ces états généraux devront associer l'ensemble de la société et prendre nécessairement en compte les travaux de la convention citoyenne pour le climat.
Pour qu'ils ne soient pas qu'un événement ponctuel, il apparaitrait nécessaire de créer un Observatoire de la relance sociale et écologique pour s'assurer que les politiques publiques mises en oeuvre dans les prochaines années continueront d'être guidées par cette impérieuse nécessité de changer de modèle de société.
Il s'agit ici de préparer le monde de demain en apprenant de nos erreurs du passé.