EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le Président de la République a fait des droits des femmes et singulièrement de la lutte contre les violences faites aux femmes sa grande cause nationale lors de son premier quinquennat. Le 3 septembre 2019, le Gouvernement lançait le Grenelle des violences conjugales qui a débouché sur un plan d'action global et inédit. Madame Élisabeth BORNE, Première ministre, vient de renouveler l'engagement du gouvernement en faveur de cette grande cause pour le quinquennat à venir.
Les auteurs saluent les avancées importantes faites en trois ans, toutefois ils constatent comme le Gouvernement qu'il reste encore beaucoup à faire. Le 2 septembre dernier, la Première ministre annonçait les volets devant être soutenus : hébergement, justice, sécurité.
Nous partageons le constat que les premières avancées doivent être renforcées. En effet, les chiffres sont alarmants, 122 femmes ont été tuées par leur conjoint en 2021, selon le rapport publié le 26 août par le ministère de l'Intérieur. Ce chiffre inquiétant est en hausse de 20 % par rapport à 2020, année marquée par le confinement et les couvre-feux.
La lutte contre les féminicides, le soutien aux victimes pour qu'elles retrouvent leur indépendance et leur liberté est au coeur des préoccupations des auteurs de la présente proposition de loi créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Ils constatent que de nombreuses victimes de violences sont contraintes de retrouver le foyer conjugal très peu de temps après l'avoir quitté pour des raisons de dépendances financières. Les auteurs souhaitent garantir aux victimes les conditions financières nécessaires pour leur permettre une séparation. Les conditions de survie des victimes, leur capacité à se mettre à l'abri et à s'autonomiser dans la durée constituent une urgence qui ne peut plus attendre. Nous souhaitons apporter avec les dispositions de cette proposition de loi des éléments cumulatifs à ceux qui pourront être mis en oeuvre par le gouvernement, mais qui méritent d'être adoptées le plus tôt possible dans l'intérêt supérieur des victimes.
En effet, souvent économiquement dépendantes, ces victimes ne peuvent pas disposer assez rapidement d'aides financières telles que par exemple, le RSA et ses droits connexes ou l'AAH, lorsqu'elles y sont éligibles.
L'autonomie financière facilitée par cette proposition de loi devra évidemment trouver sa place au sein d'un accompagnement plus global pour qu'elle reste pérenne et complètera d'autres dispositifs soutenus notamment par les départements tels que les dispositifs d'accès et de maintien au logement, et d'insertion professionnelle. En effet, la mise à l'abri de la victime, sans solution pérenne et autonomie financière, est un facteur de retour au domicile familial. Dans l'intérêt des victimes, il est nécessaire de sécuriser les situations fragiles et d'amener à une indépendance pérenne par un accompagnement multidimensionnel (logement, accompagnement administratif, accompagnement social, accompagnement juridique, accompagnement santé, accompagnement psychologique et insertion professionnelle). Les travailleurs sociaux des départements et CCAS sont tout désignés pour agir comme facilitateurs tout en étant les garants des étapes de parcours en coordonnant les partenaires et dispositifs. Le travailleur social doit être la personne ressource pour la victime.
Dès lors les auteurs du présent texte souhaitent mettre en place une avance « universelle » à taux zéro, de la part des CAF pour les victimes de violences conjugales qui serait octroyée sous deux jours ouvrés. Ils insistent sur les conditions de remboursement du prêt qui ne doit pas générer un surendettement de l'intéressé. Ainsi les CAF devront proposer un échéancier souple voire, proposer un remboursement différé et étalé en année n+1 ou n+2.
Par ailleurs, le Président du Conseil départemental sera informé, dès la transmission de la demande à la CAF, afin d'engager immédiatement l'accompagnement social de la victime.
Cette avance étant un prêt et non une ressource définitivement acquise pour la victime, il ne sera pas besoin d'en tenir compte en tant que ressource pour le calcul d'autres aides ou prestations et n'empêche aucunement l'attribution rapide du RSA par exemple. Ce prêt pourrait être versé mensuellement durant maximum trois mois pour une mensualité équivalente à un RSA type.
Les auteurs ont privilégié le recours à un prêt plutôt qu'à une aide définitive aux victimes considérant que la CAF n'a pas vocation à se substituer à l'auteur des violences pour le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a causé ou à doublonner des aides qui existent déjà par ailleurs. L'objectif est de prêter rapidement des liquidités à la victime pour qu'elle puisse réellement s'extraire, elle et ses enfants, du contexte de ces violences. Charge à elle, par la suite, de rembourser cette avance une fois que les aides dont elle peut, le cas échéant, bénéficier lui auront été effectivement versées. Cette avance pourra également secourir les victimes qui, bien que disposant d'un patrimoine ou de revenus, en sont momentanément privées à l'occasion de ces violences (rétention de moyens de paiement ou de titres par le conjoint violent).
Par ailleurs, le dispositif se veut équitable puisque les conditions d'accès à l'avance seront encadrées et que les prérogatives des CAF sont renforcées par un dispositif de subrogation. Autant que possible, les auteurs préconisent de prendre connaissance de la décision judiciaire, avant d'engager le recouvrement du prêt.
Le premier paragraphe de l'article 1 er met en place cette avance, en prévoit les conditions d'accès, les conditions amenant au refus de son octroi et à son recouvrement. Le second paragraphe instaure le principe de subrogation de la CAF dans les droits des bénéficiaires et le troisième paragraphe prévoit que l'avance peut être récupérée sur les dommages et intérêts le cas échéant prononcés en réparation du préjudice induit par les violences qui ont motivé la plainte à l'origine de la demande d'avance quand bien même la créance correspondante ne serait pas encore exigible auprès du bénéficiaire. Le cinquième paragraphe permet aux bénéficiaires de cette d'avance de bénéficier des droits et aides accessoires ouverts aux bénéficiaires du RSA.
Afin de s'assurer d'un bon taux de recours à ce nouveau dispositif, l'article 2 prévoit qu'en cas de dépôt de plainte l'officier ou l'agent de police judiciaire informe la victime de ce droit et transmet la demande à la CAF et au Président du Conseil départemental.
Enfin, l'article 3 constitue le gage de cette proposition de loi.