EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Un arbre ne meurt jamais de sa belle mort, mais parce qu'une force externe l'a déraciné, brisé, corrompu ou brûlé » 1 ( * ) . Ces mots de l'agronome Jacques Tassin illustrent les forces et fragilités extrêmes de la forêt, à la fois victime et solution face au dérèglement climatique.

Au Chili, dans le parc national Alerce Costero, vit, depuis 5 484 ans, le plus vieil arbre connu. Cette longévité extraordinaire rajoute aux réflexions déjà engagées sur la forêt. Cette dernière a des vertus, bien longtemps sous estimées, et celles-ci sont multiples : économiques, sociales et environnementales. Le programme national de la forêt et du bois 2016-2026 2 ( * ) , introduit par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, nous exhorte à mieux prendre en compte les externalités positives de la forêt. Ces effets positifs sont nombreux, par exemple l'effet limitateur des arbres face à l'érosion des sols. Trois d'entre eux sont particulièrement pertinents lorsqu'il s'agit de lutter contre le changement climatique, tous pourront être pris en compte au sein de la proposition de loi.

Le premier, le plus connu et pour l'instant le mieux pris en compte, est la captation du carbone. Les forêts sont de véritables puits de carbone, les arbres stockant (a minima 12 % des émissions de gaz à effet de serre chaque année en France rien que pour la filière forêt-bois-biomasse 3 ( * ) ) et captant le CO 2 . Le stockage se poursuit une fois l'arbre coupé, ce qui fait de la gestion durable de la forêt un atout majeur de la transition écologique et de la lutte contre le dérèglement climatique. Cette gestion durable couvre de nombreux aspects évolutifs avec le temps et les innovations technologiques qui permettront de mieux observer les variations de la forêt afin de la mieux valoriser et préserver. La gestion durable implique aussi et surtout une filière bois engagée, dans nos territoires ruraux notamment, sur les enjeux de transition. Accroître la compétitivité de cette filière est crucial car le bois est un matériau indispensable à moult secteurs, à commencer par le bâtiment. Il a l'avantage, outre le stockage de carbone, de ne pas nécessiter de transformation trop importante jusqu'aux produits finis recherchés, à l'inverse, par exemple, du béton. Cette sobriété dans le processus de fabrication de produits finis est un atout. Enfin, la coupe d'arbres en vue de l'exploitation par la filière aval, très créatrice d'emplois, est bénéfique pour la forêt dans le cadre d'une gestion durable.

Le deuxième effet positif est la préservation de la biodiversité. La biodiversité participe, au sein des forêts françaises, à équilibrer les écosystèmes du vivant. En retour, la forêt constitue aussi un espace de préservation et de restauration de la biodiversité. Cette dernière apporte donc à la forêt des services inestimables en préservant les équilibres biologiques. La gestion forestière durable implique de respecter l'écosystème dont la forêt fait partie. Tout un volet du programme national de la forêt et du bois 2016-2026 est ainsi consacré à une meilleure intégration de ces enjeux.

Enfin, le troisième effet positif est l'apport de la forêt à la qualité et à la disponibilité de la ressource en eau. Ainsi, l'eau qui provient de forêts contient moins de 5 mg/l de nitrates 4 ( * ) et sa teneur en produits phytosanitaires est également réduite. Les sols de la forêt ont une véritable action d'épuration. Ils sont aussi essentiels à la rétention d'eau, ce qui constitue un avantage non négligeable lors de sécheresses importantes, comme la France en connait de manière plus récurrente.

Malgré ces multiples atouts, la forêt est menacée par le dérèglement climatique et les événements extrêmes qu'il engendre, dont la fréquence s'accélère ces dernières années. La forêt souffre et doit s'adapter plus rapidement. Les récents feux de forêt nous le rappellent cruellement. D'après le dernier rapport d'information du Sénat sur le sujet, les zones géographiques concernées par les risques incendies vont s'étendre, tout comme les périodes de l'année où le risque est plus élevé 5 ( * ) . D'autres catastrophes menacent aussi la forêt, telles que les tempêtes d'importance, comme celles qui ont déjà marqué notre pays, ou encore les canicules, les sécheresses et les risques sanitaires.

Le Parlement français conduit un travail de fond avec des groupes d'études dédiés aux sujets forestiers et à la filière bois. Le groupe Les Indépendants - République et territoires y contribue depuis longtemps 6 ( * ) , bien conscient des défis que ces sujets présentent pour les territoires et les élus locaux.

En la matière, l'État ne peut pas tout. Cette proposition de loi répond d'une écologie libérale de progrès, basée sur les innovations et la recherche, ainsi que sur une implication collaborative des secteurs public et privé. Elle s'inscrit dans la droite ligne des travaux menés lors des Assisses nationales de la forêt et du bois qui se sont tenues d'octobre 2021 à mars 2022. Une gestion forestière durable requiert des financements et des investissements massifs. Chaque acteur doit pouvoir être mis à contribution des transitions. Les objectifs de la France sont clairs en matière climatique, notamment pour ce qui concerne la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Donner la possibilité aux personnes physiques et morales de participer financièrement à la gestion durable des forêts de leurs communes de résidence et/ou de coeur répond à une demande bien réelle. Les usagers de la forêt, simples citoyens, ainsi que les entreprises de toutes tailles pourront faire un don aux communes et aux syndicats intercommunaux de gestion forestière de leur choix afin que ceux-ci financent mieux la gestion de leurs forêts certifiées en valorisant leurs externalités positives. Les élus locaux sont conscients de leurs besoins et créateurs de solutions. Il faut mettre à leur disposition des moyens supplémentaires pour les réaliser. Chaque territoire, chaque forêt a ses propres problématiques. Faire confiance aux élus locaux dans ce domaine est primordial. Les citoyens montrent depuis bien longtemps leur attachement à la forêt et leur engagement pour sa valorisation et sa préservation. Il faut poursuivre la sensibilisation et répondre à leurs attentes comme le plan national de la forêt et du bois invite à le faire.

C'est là tout l'objet de cette proposition de loi, qui vise à rendre possible les dons des personnes physiques et morales aux communes et aux syndicats intercommunaux de gestion forestière dans l'objectif d'une gestion durable de leurs forêts certifiées.

L' article 1 er modifie l'article 200 du Code général des impôts, qui concerne la réduction d'impôt sur le revenu, afin que les personnes physiques puissent faire un don aux communes et aux syndicats intercommunaux de gestion forestière dans le cadre d'une gestion durable de leurs forêts certifiées.

Il est précisé dans cet article que la liste des certificats de gestion durable des forêts est déterminée par décret.

En miroir, l' article 2 effectue une modification de l'article 238 bis du Code général des impôts, afin de permettre une réduction d'impôt sur les sociétés à l'endroit des personnes morales faisant un don poursuivant le même objectif de gestion durable des forêts qu'à l'article 1 er de la présente proposition de loi.

L' article 3 crée un label pour les entreprises qui utilisent le mécanisme de crédit d'impôts prévu à l'article 2 de la présente proposition, en fonction d'un pourcentage de chiffre d'affaires fixé par voie réglementaire.

L' article 4 propose que les opérations de restauration de domaines forestiers, répondant à l'agrément de l'État de « sites naturels de compensation », soient considérées comme des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité prévues au sein du Code de l'environnement.

L' article 5 gage le dispositif de la présente proposition de loi.


* 1 TASSIN Jacques, Penser comme un arbre , Odile Jacob, 2018, 130p.

* 2 MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION, Le programme national de la forêt et du bois 2016-2026 , Paris, janvier 2017, 60p. Disponible à l'adresse : https://agriculture.gouv.fr/telecharger/86026

* 3 MINISTÈRE DE L'ECOLOGIQUEN ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES, Les forêts françaises et le changement climatique , 2019. Disponible à l'adresse : https://www.ecologie.gouv.fr/forets-francaises-et-changement-climatique

* 4 Op.cit., MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET DE L'ALIMENTATION, Le programme national de la forêt et du bois 2016-2026 , Paris, janvier 2017, 60p.

* 5 BACCI Jean, LOISIER Anne-Catherine, MARTIN Pascal et RIETMANN Olivier, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques, Rapport d'information n° 856 (2021-2022) Feux de forêt et de végétation : prévenir l'embrasement, Sénat, Paris, 2022. Disponible à l'adresse : https://www.senat.fr/rap/r21-856/r21-856.html

* 6 Débat au Sénat intitulé "La forêt française face aux défis climatiques, économiques et sociétaux", 19 novembre 2020. Disponible à l'adresse : https://www.independants-senat.fr/post/franck-menonville-d%C3%A9bat-la-for%C3%AAt-fran%C3%A7aise-face-aux-d%C3%A9fis-climatiques-%C3%A9conomiques-et-soci%C3%A9taux

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