EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi a pour objectif de rendre plus efficace les actions de sauvegarde du patrimoine culturel local et de revitalisation des centres-bourgs/centres-villes confiées à la Fondation du patrimoine en apportant des modifications à sa gouvernance et ses outils définis dans ses statuts.
Instituée par la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996 relative à la Fondation du patrimoine et reconnue d'utilité publique par un décret du 18 avril 1997, la Fondation du patrimoine est une personne morale de droit privé à but non lucratif, dont l'objet est d'oeuvrer à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine français.
Elle accompagne les particuliers, les collectivités territoriales et les associations dans des projets de restauration du patrimoine de proximité. Grâce à ses 600 bénévoles répartis sur l'ensemble du territoire, la fondation a, depuis 20 ans, participé à plus de 30 000 projets de sauvetage du patrimoine local.
Ces missions sont de :
- promouvoir la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine bâti et paysager de nos régions ;
- contribuer à l'identification des édifices et des sites menacés de dégradation et de disparition ;
- susciter et organiser les partenariats publics/privés entre les associations de protection du patrimoine, les pouvoirs publics nationaux et locaux, et les entreprises désireuses d'engager des actions de mécénat culturel ;
- participer aux actions de restauration portées par des propriétaires privés ou publics ;
- favoriser la création d'emplois, notamment dans les secteurs du bâtiment, du tourisme et de la culture ;
- encourager la transmission des savoir-faire en valorisant la formation professionnelle et la transmission des arts et métiers liés au bâti ancien.
Elle y parvient grâce à trois leviers principaux : le label, la souscription publique et le mécénat d'entreprise.
- La Fondation du patrimoine est le seul organisme privé habilité par le ministère de l'économie et des finances à octroyer un label à une opération de restauration d'un immeuble non protégé au titre des monuments historiques, qui permet aux propriétaires privés de bénéficier de déductions fiscales.
- Elle engage des campagnes de souscription publique et d'appel aux dons pour financer des projets de sauvegarde du patrimoine public et associatif. Elle collecte des dons affectés à la réalisation d'un projet déterminé et ouvrant droit à des réductions d'impôts pour les donateurs. Elle peut également attribuer des aides complémentaires aux souscriptions les plus mobilisatrices.
- Enfin, elle conclut des accords de partenariat nationaux ou locaux avec des entreprises afin de créer un mécénat culturel en faveur de projets de sauvegarde et de valorisation du patrimoine de proximité.
Au travers de ses missions, la Fondation du patrimoine participe activement aux politiques d'aménagement des territoires ainsi qu'à l'attractivité et à la revitalisation des centres-bourgs et des territoires ruraux. Politiques qui restent encore l'un des défis majeurs de notre pays pour parvenir à la réduction de la fracture économique, sociale et culturelle entre les territoires.
D'autant plus que le patrimoine culturel est un élément ancré dans l'histoire de France et de nos concitoyens, en témoigne chaque année le succès des Journées européennes du patrimoine. Mais le patrimoine français est plus vaste que les seuls monuments classés et protégés. Notre patrimoine culturel est aussi composé des « trésors des humbles » que sont les moulins, les fontaines, les lavoirs, les pigeonniers, les phares, les églises ou encore les chapelles de nos villages. Théâtres, maisons d'illustres, petits musées, anciennes fabriques, rouverts ou reconvertis, constituent autant de supports de transmission de notre culture et de notre histoire, à portée de tous dans les territoires.
Faciliter la transmission culturelle afin de transmettre aux générations futures comme un facteur de stabilité et d'identité, développer l'attractivité des territoires sur le plan économique par des chantiers de restauration créant des emplois directs et indirects, ou via l'impact touristique et culturel des sites patrimoniaux, favoriser l'insertion sociale grâce à la transmission des savoir-faire et des techniques traditionnelles du bâti ancien sont autant de politiques nécessaires qu'il faut développer pour revitaliser nos territoires.
La création du loto du patrimoine dans le cadre de la mission confiée à Stéphane BERN, dont la Fondation du patrimoine est le principal partenaire, est une initiative innovante qui a permis, dans un contexte économique et budgétaire particulièrement contraint, d'améliorer ces moyens financiers. Les gains ont permis et permettront pour au moins les deux prochaines années de financer des projets importants et ambitieux. La présente proposition de loi vient s'inscrire en complément et dans la continuité de la création du loto du patrimoine afin de moderniser, simplifier et rendre plus efficace la gouvernance et les outils de la fondation pour qu'elle puisse pleinement déployer ses interventions pendant et après le tirage du loto.
La Fondation du patrimoine étant soumise aux règles relatives aux fondations reconnues d'utilité publique sous réserve de dispositions dérogatoires prévues aux articles L. 143-1 à L. 143-15 du code du patrimoine, il apparaît nécessaire, pour ce faire, de modifier certaines de ces dispositions législatives.
L' article 1 er définit le champ d'application géographique du label de la fondation pour qu'il puisse couvrir l'ensemble des zones rurales et des zones ayant besoin de revitalisation que constituent les bourgs et villes moyennes de moins de 20 000 habitants.
Le label est l'un des trois leviers dont dispose la Fondation du patrimoine pour accomplir sa mission de sauvegarde. Il peut être attribué aux propriétaires privés d'immeubles visibles depuis la voie publique, après avis favorable de l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine (UDAP). Il ouvre à son bénéficiaire la possibilité de défiscaliser de l'impôt sur le revenu entre 50 et 100 % des travaux effectués. Sont exclus les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ayant fait l'objet d'un agrément ministériel.
Cependant, le champ d'application géographique du label a été restreint par une instruction fiscale, empêchant la fondation d'intervenir dans des communes de plus de 2 000 habitants, alors que nombre d'entre elles mènent des opérations de restauration et de réhabilitation de leurs logements anciens, et notamment dans les centres-bourgs.
En effet, l'instruction fiscale prévoit trois catégories d'immeubles pouvant bénéficier du label :
- les immeubles non habitables constituant le « petit patrimoine de proximité » tels que les pigeonniers, lavoirs, fours à pain, chapelles, moulins, etc. ;
- les immeubles habitables ou non habitables situés en site patrimonial remarquable (SPR) ;
- les immeubles habitables ou non habitables les plus caractéristiques du patrimoine rural (fermettes, granges, maisons de village, petits manoirs ruraux, etc.) situés principalement en zone rurale.
Or, selon la définition de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), une zone rurale est une zone de moins de 2 000 habitants.
La fondation ne peut donc intervenir hors SPR sur des immeubles habitables dans les communes de plus de 2 000 habitants.
Ainsi, dans toutes les régions de France, de nombreuses villes qui ne sont pas classées « site patrimonial remarquable » ne peuvent bénéficier du label de la Fondation du patrimoine telles que : Argentan, Flers, Vesoul, Nemours, Lisieux ou encore Lunel. Mais également toutes les communes rurales de plus de 2 000 habitants qui sont de plus en plus nombreuses du fait de la création des communes nouvelles.
Cette instruction est très restrictive par rapport à la loi constitutive de la Fondation du patrimoine qui prévoit que la fondation « peut attribuer un label au patrimoine non protégé et aux sites ». La loi du 27 mars 1996, les statuts de la fondation ou encore le code général des impôts ne font aucune mention d'un critère géographique pour l'attribution du label ou état d'une limitation aux zones rurales.
Au contraire, lors de la discussion générale au Sénat le 27 mars 1996, le ministre DOUSTE-BLAZY précise que la Fondation du patrimoine pourra intervenir dans les villes et les villages, prenant en exemple les communes de Paulhan et de Gignac. Communes qui avaient respectivement 2 580 et 3 652 habitants lors du recensement de 1990 et par conséquent en dehors de la zone rurale mentionnée par l'instruction fiscale.
Il s'agit donc de permettre à la Fondation du patrimoine de disposer d'un outil adapté géographiquement à la réalité des territoires ruraux et de participer à la revitalisation des centres-bourgs et petites villes de moins de 20 000 habitants.
L' article 2 élargit le champ de délivrance du label de la Fondation du patrimoine aux jardins remarquables, aux parcs ou encore au patrimoine industriel.
De nombreux jardins remarquables ou parcs dépérissent en zone rurale du fait des coûts très importants d'entretien ou de travaux pour les propriétaires privés. Les statuts de la Fondation du patrimoine n'autorisent actuellement la délivrance du label que pour les immeubles ruraux. Les immeubles ne sont pas les seuls biens patrimoniaux sur un territoire, il est nécessaire que les autres biens culturels soient protégés afin que les propriétaires puissent entamer des travaux de sauvegarde.
L' article 3 modifie l'organisation du conseil d'administration de la Fondation du patrimoine et réduit le nombre de ses membres de 25 à 16.
Il s'agit de permettre de faciliter l'atteinte du quorum lors des réunions du conseil d'administration, mais également de permettre à certains acteurs ou mécènes actifs d'être mieux représentés en son sein. Ces modifications permettraient de renforcer la gouvernance de la Fondation du patrimoine en y introduisant des personnes marquant un fort intérêt pour cette dernière.
L' article 4 accroît les possibilités financières de la Fondation du patrimoine en l'autorisant à bénéficier de dotations en actions ou parts sociales d'entreprise, dans le respect du caractère non lucratif et désintéressé de sa gestion.
Le fait de bénéficier de dotations en actions ou en parts sociales d'entreprise pour une dotation est aujourd'hui accepté. Cette évolution permet aux fondations d'utilité publique de trouver d'autres sources de financement que le modèle de dotation classique.
Cependant, comme l'a précisé le Conseil d'État dans son recueil de jurisprudence sur les statuts types des fondations reconnues d'utilité publique publié le 9 janvier 2019 bien que « Le mode de gestion des dotations des fondations est préciseì et assoupli en ce qui concerne les titres et actions : Les fondations qui sont des actionnaires de référence d'une entreprise, les statuts doivent préciser comment elles gèrent leurs participations et les décisions qu'elles peuvent prendre dans ce cadre tout en se conformant aÌ leur mission d'utilitéì publique. » De ce fait, il est nécessaire, en inscrivant dans les statuts de la Fondation du patrimoine cette nouvelle possibilité, de rappeler le caractère non lucratif et désintéressé de la gestion de cette dotation.
L' article 5 précise la réaffectation des dons lorsque le projet de restauration ayant fait l'objet d'une campagne de mécénat n'a finalement pas abouti.
La Fondation du patrimoine a près de 10 millions d'euros bloqués sur ses comptes du fait de projets qui sont à l'arrêt depuis plus de 5 ans. En l'état, cette somme importante au vu des moyens limités de la fondation, ne peut être réaffectée à d'autres projets de sauvegarde du patrimoine en cours. Ce blocage provient d'une maladresse dans la rédaction de la clause de réaffectation des dons avant 2015, qui ne prévoyait pas de délai à partir duquel la réaffectation des dons, si le projet était à l'arrêt, pouvait être opérée.
Depuis, la clause a été modifiée afin de prévoir une réaffectation dans un délai déterminé. L'objectif est donc de transposer aux situations antérieures à 2015 la nouvelle rédaction des conventions avec les collectivités et autres propriétaires : désormais, en cas d'abandon du projet, de non-conformité des travaux ou d'un excédent de collecte, les conventions précisent que la fondation pourrait décider unilatéralement de l'affectation des fonds collectés pour le cas où aucun accord n'aurait été trouvé entre les parties dans un délai de 6 mois.
L' article 6 supprime des dispositions obsolètes et inutilisées à ce jour par la Fondation du patrimoine.
Depuis sa création, la fondation n'a pas utilisé certaines dispositions inscrites dans ses statuts. Il s'agit de la possibilité de devenir gestionnaire de biens culturels via une procédure d'expropriation ou de préemption, rendant insaisissables les biens ainsi acquis. Ces outils ne sont pas dans la logique de fonctionnement de la Fondation du patrimoine et par conséquent il serait utile de les retirer des statuts de la fondation.
L' article 7 gage les mesures des articles 1 er et 2.